Préparation évangélique

LIVRE XIV

CHAPITRE XII
DE CEUX QUI SE TARGUENT D’ÊTRE PHYSIOLOGISTES. TIRÉ DE LA LETTRE DU MÊME À ESCHINE

« Tout le monde reconnaît que les essences divines sont au-dessus de nous, et nous devons les adorer du meilleur de notre cœur : quant à découvrir ce qu’elles sont, c’est une entreprise pleine de difficultés et qui ne nous est pas permise. En effet, il ne convient pas aux esclaves de vouloir connaître la nature et les actes de leurs maîtres : cette recherche est au-dessus de la condition servile. Plus on doit d’éloges à ceux qui se sont occupés des intérêts de l’humanité, plus doit être pesant le fardeau de ceux qui désirent acquérir de la gloire, par de nombreuses recherches aussi vides que déplacées. Quand avez-vous entendu Socrate, ô Eschine, disserter sur les corps célestes, et célébrer l’utilité des figures géométriques pour la correction des mœurs ? Nous savons qu’il regardait la musique comme un charme des oreilles ; mais l’occupation constante de sa vie était de nous entretenir de ce qui est honnête, de ce qui constitue le vrai courage, la justice et les autres vertus : voilà ce qu’il nommait les biens de l’homme. Quant aux autres choses, ou bien il disait qu’il était impossible aux hommes de les concevoir, ou il trouvait qu’elles rentraient dans le cercle des fables et des jongleries que les sophistes débitent avec suffisance : et il ne se bornait pas à dire ce qu’on devait faire, sans y conformer sa conduite.

« Vous écrire ce qu’il avait l’habitude de faire à cet égard, à vous qui le connaissiez, quoiqu’il pût ne pas vous être désagréable, cela n’est cependant point à sa place ; d’autant plus que je l’ai déjà écrit ailleurs. Que ceux donc auxquels Socrate n’a pas su plaire, se rendent à l’évidence, ou du moins, qu’ils ne le jugent qu’en raison de la vraisemblance ; puisque le Dieu (Apollon) a rendu hommage à sa sagesse lorsqu’il vivait, et que ceux qui l’ont fait périr n’ont pas trouvé d’expiation suffisante pour leur crime. Au lieu de cela, les beaux diseurs se sont pris de passion pour l’Égypte et pour la philosophie toute pleine de merveilles, enseignée par Pythagore. Ce sont ceux dont le caractère excentrique et infidèle à Socrate s’est fait juger par l’amour qu’ils ont pour les tyrans et la préférence donnée par eux, sur la vie frugale, aux somptuosités des festins de Sicile. »

Voici ce que Xénophon a écrit dans une intention cachée d’inculper Platon. Mais Platon lui-même, dans la République, attribue à Socrate ce que je vais citer concernant la gymnastique et la musique :

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