Théologie de l’Ancien Testament

§ 54. Dieu et le mal.

Le péché ni le mal n’ont point toujours existé ici-bas. Ce n’est que lorsque l’homme eut fait un mauvais usage de sa liberté, que le péché pénétra dans le monde, et à sa suite, le mal sous toutes ses formes (Genèse 3.17 et sq.). Mais à partir de ce moment, le péché et le mal constituent, chose étonnante, deux des moyens les plus efficaces dont Dieu se sert pour gouverner le monde. Disons d’abord quelques mots du mal.

La Bible en parle toujours au point de vue moral ; elle le présente comme le salaire du péché, comme un jugement de Dieug. Mais en même temps le mal est un moyen que Dieu emploie pour éprouver l’homme, pourvoir jusqu’où vont son obéissance et sa confiance en Lui ; pour le purifier, de telle sorte que les souffrances mêmes qu’il s’est attirées par son péché, peuvent contribuer à son salut. Voyez les dispensations de Dieu à l’égard de Jacob et de Joseph ; rappelez-vous par quelles épreuves Il fait passer ces deux patriarches ; rappelez-vous surtout les quarante années du désert (Deutéronome 8.2 et sq.). « L’Éternel ton Dieu t’a fait marcher quarante ans dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour connaître ce qui était en ton cœur et si tu garderais ses commandements ou non. Il t’a donc humilié et t’a laissé avoir faim et t’a nourri de manne…, afin de te faire connaître que l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais que l’homme vivra de tout ce qui sort de la bouche de Dieuh. » Lisez encore le v. 16 du même chapitre et Juges 2.22.

g – Nous développerons davantage ce point particulier quand nous parlerons de la mort et de la vie à venir.

h – Nous avons ici en germe les pensées que développera plus tard le livre de Job.

Mais il y a plus, Dieu se sert du péché lui-même, et non plus seulement du mal, pour procurer la réalisation de son plan. L’homme a beau mal faire ; il ne peut pas empêcher les vues du Seigneur de se réaliser ; bon gré, mal gré, il travaille à leur accomplissement. On peut appliquer à tous les péchés la parole de Joseph à ses frères : « Vous aviez dessein de me faire. du mal, mais Dieu l’a pensé en bien, pour me faire ce que vous voyez maintenant et conserver par mon moyen la vie à ce grand peuple. » « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais c’est Dieu » (Genèse 50.20 ; 45.8). Le péché des uns sert, entre les mains de Dieu, à la purification des autres, afin que chacun puisse constater l’incapacité de l’homme à s’opposer efficacement à Dieu. L’Éternel permet qu’il s’élève au milieu du peuple des faux prophètes ; Il permet qu’ils réussissent à faire des miracles, qui ne manqueront pas d’être exploités comme autant d’arguments en faveur de l’idolâtrie, car, lisons-nous dans Deutéronome 13.3, « Jéhovah votre Dieu vous éprouve pour savoir si vous aimez Jéhovah votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme. » Dieu peut même faire tourner au bien d’un David les injures d’un Scimhi. « Laissez-le et qu’il me maudisse ! C’est l’Éternel qui le lui a dit ! » (2 Samuel 16.14.)

Et non seulement cela, mais Dieu se proposant de tirer le bien du mal en faveur du pécheur lui-même, n’est parfois pas sans faciliter le péché. Ici, c’est un homme, marchant dans les voies de la piété, que Dieu laisse tomber dans le péché pour l’éprouver, pour lui montrer clairement un interdit jusque-là bien caché au fond de son cœur, et pour manifester la justice divine (2 Samuel 24.1-25, l’histoire du dénombrement ; Psaumes 51.6 ; 2 Chroniques 32.31). Là, c’est un méchant qui, sciemment et de propos délibéré, fait le mal et le poursuit ; en sorte que désormais il faut qu’il pèche et qu’il glorifie Dieu par le jugement terrible dont il va être l’objet. Il y a dans le Pentateuque plusieurs exemples de pareils endurcissements (Exode 4.21 ; 7.3, Pharaon, les peuplades cananéennes). « L’Éternel, dit Salomon, a fait toutes choses pour leur fin ; ainsi l’impie pour le jour du malheur » (Proverbes 16.4). D’après Exode 9.15, Dieu aurait pu dès le principe détruire Pharaon et son peuple, « mais, dit l’Éternel, je t’ai fait subsister afin que tu fasses voir ma puissance et afin que mon nom soit célébré par toute la terre. » Comparez avec ces paroles Psaumes 2.4 ; Ésaïe 18.4.

La condition de tout endurcissement est, de la part de Dieu, cette longanimité, cette lenteur à se mettre en colère, qui sait attendre la maturité du mal (Genèse 15.16). Mais il y a autre chose encore en Dieu que cette simple attente passive en face du pécheur. Dieu est actif dans l’endurcissement du méchant. On ne peut pas expliquer à moins les expressions bibliques. Cependant, cette action décisive n’abolit point la responsabilité humaine. Si, d’une part, l’homme ne peut absolument rien faire qui ne soit sous un certain rapport une œuvre de Dieui, puisque Jérémie s’écrie dans les Lamentations : « Qui est-ce qui dit que cela a été fait et que le Seigneur ne l’a point commandé ? (Lamentations 3.37 et sq.) — d’autre part, la culpabilité humaine subsiste : « Pourquoi, — lisons-nous deux versets plus loin, — pourquoi l’homme vivant murmurerait-il, l’homme, dis-je, qui souffre pour ses péchés ? »

i – Rien, d’après l’A. T., n’échappe a Dieu, cause suprême et absolue de tout. C’est ce que montre ce passage d’Ésaïe 45.7, qui pourrait bien avoir été dirigé contre le dualisme des Perses ; « Je suis Jéhovah…, qui forme la lumière et qui crée les ténèbres, qui fais la paix et qui crée le mal. »

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