Théologie de l’Ancien Testament

II. Les païens sont reçus dans le royaume de Dieu.

§ 227. Extension nouvelle que prendra le royaume de Dieu dans le temps du salut.

Le monde païen s’opposait à Dieu ; Dieu l’a jugé et l’a détruit. Plus d’opposition possible.

Cependant, la destruction des païens n’est pas tellement radicale qu’il n’en reste quelque résidu, et ce résidu sera pur. « Je changerai les lèvres des peuples en des lèvres puresa, afin qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel pour le servir d’un même esprit. » (Sophonie 3.9, proprement : « d’un même dos, » c’est-à-dire : qu’ils portent le même joug.) « Tous ceux qui seront demeurés de reste de toutes les nations qui se seront élevées contre Jérusalem, monteront chaque année pour se prosterner devant le Roi, l’Éternel des armées, et pour célébrer la fête des tabernacles. » (Zacharie 14.16, כל–הותר, tous les restants.) Dans ce résidu se trouveront des représentants de toutes les nations païennes, même de celles qui se seront le plus mal montrées à l’égard d’Israël, et dont Moïse avait défendu de recevoir aucun membre dans l’assemblée de l’Éternel (Deutéronome 23.4), comme, par exemple, les Moabites et les Hammonites. Ainsi Jérémie annonce l’anéantissement de Moab comme peuple, et quelques versets plus bas il ajoute : « Dans les derniers temps, je mettrai en repos les captifs de Moab. » (Jérémie 48.42, 47) Le même prophète parle dans le même sens des Hammonites (Jérémie 49.6), et Zacharie, des Philistins (Zacharie 9.7). « Le Philistin, lui aussi, sera réservé pour l’Éternel notre Dieu. »

a – Jusqu’alors ils avaient souillé leurs lèvres en invoquant des faux dieux.

Les plus anciens prophètes se représentent cet agrandissement de la théocratie comme quelque chose de tout à fait semblable à ce qui eut lieu sous David et Salomon, alors que les peuples païens du voisinage avaient été obligés de reconnaître la suprématie d’Israël. « En ce temps-là je relèverai le tabernacle de David qui sera tombé ; je réparerai ses brèches et je redresserai ses ruines ; je le rebâtirai comme il était anciennement, afin qu’ils possèdent le reste de l’Idumée et de toutes les nations sur lesquelles mon nom sera invoqué, dit l’Éternel qui fera cela. » (Amos 9.11-12)

[Du temps de David, tous les peuples du voisinage, étaient tributaires des Israélites. Tel était particulièrement le cas pour les Edomites. Plus tard ils avaient recouvré leur indépendance. Mais maintenant, après que le jugement du ch. 1 aura passé sur les Edomites, leurs réchappés seront incorporés à la théocratie. Amos annonce le châtiment d’Edom au ch. 1 ; au 9 les restes en sont incorporés à la théocratie avec ceux de tous les peuples sur lesquels est invoqué le nom de Jéhovah. Quel est le sens de cette dernière expression ? Hitzig n’y voit qu’un rapport tout à fait extérieur entre l’Éternel et les nations, et il traduit : sur lesquels le nom de l’Éternel est prononcé comme le nom de leur vainqueur. Mais Deutéronome 28.9, montre que cette expression veut dire plus que cela (§ 56) ; ce sont les nations qui se réclament de l’Éternel Le parfait נקרא, niquerah, doit être pris comme un futur exact.]

Les prophètes postérieurs se placent à un point de vue plus élevé. Sion est la capitale spirituelle du monde. Toutes les nations y montent pour y recevoir la loi de l’Éternel, à laquelle elles désirent de conformer désormais leur vie. L’Éternel règne. La paix est générale et profonde. Nous venons de résumer Ésaïe 2.2-4 et Michée 4.1-4.

Mais c’est dans la seconde partie d’Esaïe surtout qu’Israël nous apparaît comme le serviteur de l’Éternel qui a mission d’amener l’humanité tout entière à la connaissance du Dieu qui s’est révélé à son peuple. En effet, on s’est souvent demandé ce que c’est donc que le serviteur de l’Éternel dont il est si souvent parlé dans ces 27 chapitres. Eh bien ! nous croyons que c’est le peuple de l’alliance. « Mais toi, Israël, tu es mon serviteur ! » (Ésaïe 41.8 et sq.) « Maintenant donc, ô Jacob, mon serviteur, écoute, et toi, Israël que j’ai élu. » (Ésaïe 44.1)b Mais qu’est-ce que le peuple de l’alliance ? Est-ce le peuple d’Israël tel qu’il a été, ou tel qu’il aurait dû être ? L’un et l’autre ! Le serviteur de l’Éternel est aveugle, il est sourd, il a beaucoup vu, mais il n’a rien remarqué ; il est infidèle, il mérite d’être abandonné, et Dieu le laissera effectivement tomber dans le plus misérable état (Ésaïe 42.18-25). Mais le serviteur de l’Éternel est aussi ce noyau fidèle qui répond à son idéal, ce Jacob qui cherche la face de Dieu (Psaumes 24.6), ce résidu d’où sortira la semence sainte qui sera à son tour la souche de l’Israël de l’avenir (Ésaïe 65.8 et sq.), cette souche dont l’un des rejetons ne sera plus même un peuple, mais la grande personnalité dont nous allons bientôt nous occuper, le vrai Serviteur de l’Éternel (§ 233).

b – Comp. Jérémie 30.10 : « Toi donc, mon serviteur Jacob, ne crains point…, » et Ésaïe 41.27.

Mais n’anticipons pas. Restons-en au serviteur de l’Éternel, peuple fidèle et Israël idéal. Il est appelé à établir la justice sur la terre. Les îles s attendent à sa loi (Ésaïe 42.4). Il est la lumière des Gentils (v. 6). Il portera le-salut de l’Éternel jusqu’aux bouts de la terre (Ésaïe 49.6 ; 51.5). Dans tous ces passages, comme du reste dans Ésaïe 2.2-4, c’est par la parole et non plus par les armes que le royaume de Dieu s’étendra sur la terre. Tandis que toutes les autres nations seront encore plongées dans les ténèbres les plus profondes, la gloire de l’Éternel brillera en Sion, et les rois et les peuples, attirés par cette vive lumière, voudront tous y marcher (ch. 60). Le nouveau temple de Jérusalem sera une maison de prière pour tous les peuples (Ésaïe 56.7).

[Ésaïe 56.3-7 est encore remarquable à un autre point de vue. La loi de Deutéronome 23.2, qui excluait les eunuques de l’assemblée de l’Éternel, y est formellement abrogée, comme l’a été dans Jérémie 48.42-47, la loi qui en excluait certains peuples particulièrement profanes, et comme le sera dans Zacharie 9.6, la défense de Deutéronome 23.2, relative au מ.ֻמזר.]

Dans le temps du salut, l’humanité tout entière soutiendra avec l’Éternel des relations analogues à celles qui étaient auparavant le privilège exclusif d’Israël. L’Éternel sera le roi de tous les peuples (Zacharie 14.9,16 ; Ésaïe 24.23 ; Psaumes 96.10 ; 97.1 ; Abdias 1.21 ; Psaumes 93 et 119). Tous les trésors du monde seront mis à sa disposition et serviront à orner la ville et le temple de Jérusalem. Ce que Ésaïe 23.18 dit de Tyr : « Son trafic sera consacré à l’Éternel », sera vrai de tous les autres, peuples de la terre. Voyez Ésaïe 10.9-11 ; Aggée 2.7.

[Le v. 8 montre qu’il ne faut traduire חמדת כל–הגוים, ni par : les désirés, ni par la consolation de toutes les nations (Luther), mais par : ce qu’il y a de plus précieux chez toutes les nations.]

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