Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 5 : Culte et discipline

1. Lieu du culte

1. Art roman. Beaucoup d’églises ayant été détruites pendant la période féodale, on éprouve le besoin d’en construire de nouvelles, plus belles que les anciennes. L’église romane a un plan légèrement plus compliqué que la basilique ancienne. A la nef centrale, aux nefs latérales, et à l’abside élargie pour former un cœur, viennent s’ajouter une nef transversale ou transept, et des chapelles secondaires tout autour du chœur. Aux toits de bois on substitue les voûtes de pierre en plein cintre ; quelquefois ces voûtes sont croisées. A l’intersection de la nef et du transept, il y a parfois une coupole. Pour soutenir ces voûtes, très lourdes, il faut des piliers massifs et des murs très solides, soutenus par des contreforts. Aussi les fenêtres en plein cintre sont-elles petites. Elle sont, de même que les portails, décorées par des colonnettes. L’intérieur, très obscur, laisse planer une impression de mystère. Les tours sont gracieuses, souvent assez nombreuses. L’ensemble, assez imposant, exprime l’emprise de Dieu sur l’âme croyante, mais reflète aussi l’esprit de domination qui animait l’Eglise de Grégoire VII.

Cathédrale d'Angoulême

L’art roman, né en Italie, a fleuri aux XIe et XIIe siècles, principalement sur les routes de pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle. Signalons en France les cathédrales d’Angoulême, d’Arles et du Puy, Notre-Dame de Poitiers, célèbre par sa riche façade et Saint-Sernin de Toulouse ; en Allemagne la cathédrale de Spire ; en Italie celle de Pise avec sa tour penchée.

2. Art gothique. Cet art a été injustement flétri de ce nom par les siècles postérieurs. On devrait l’appeler art ogival ou art français à cause de sa terre d’origine, l’Ile-de-France.

Le plan d’une église gothique est semblable à celui d’une église romane, mais plus élaboré. Ce qui le caractérise, c’est l’ogive, plus solide que l’arc en cintre, pour les voûtes et pour les baies, et c’est l’emploi abondant des arcs doubleaux, qui forment une véritable armature sur laquelle la voûte repose. Les piliers sont appuyés par des arcs-boutants extérieurs à l’édifice. Avec ce principe, les murs ne jouent plus aucun rôle dans la solidité de la construction. Aussi les fenêtres sont elles immenses, allant souvent d’un pilier au pilier voisin, garnies de vitraux somptueux. Les rosaces sont souvent particulièrement belles. Les portails sont décorés de sculptures représentant des saints ou des scènes bibliques. Avec leurs vitraux et leurs sculptures, les églises gothiques deviennent de véritables encyclopédies par l’image. Les coupoles sont rares, mais les tours sont immenses, terminées souvent par des flèches très élancées. La prépondérance de la ligne verticale fait des églises gothiques la manifestation visible de la foi vibrante de cette époque.

Cathédrale Notre-Dame de Paris

Le premier édifice gothique est la basilique de Saint-Denis qui date du XIIe siècle. C’est au XIIIe que cet art atteint la perfection. Mentionnons ici Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle construite par Saint-Louis pour abriter la couronne d’épine, les cathédrales de Reims, de Chartres et de Strasbourg ; celle de Cologne en Allemagne, celle de Burgos en Espagne, l’abbaye de Westminster à Londres. En Italie et dans le midi de la France, l’art gothique n’a pas atteint le même éclat. D’ailleurs bien des églises, construites ou remaniées au cours de plusieurs siècles, contiennent à la fois des éléments gothiques et des éléments romans ; p. ex. l’immense cathédrale de Tournai en Belgique.

2. Caractères généraux du culte

1. Progrès du ritualisme. A l’ombre de ces beaux édifices, le ritualisme continue à se développer. Le célibat obligatoire des prêtres, imposé par Grégoire VII, augmente la séparation entre le clergé et les laïques. La prédication est souvent délaissée, surtout avant la fondation des ordres mendiants. On prend l’habitude de prier en égrenant un rosaire ou un chapelet ; il y a là, sans doute, un emprunt à l’Islam.

2. Culte des saints. La mariolâtrie se développe. Fréquemment un portail des églises est dédié à la Vierge. Son intercession miséricordieuse fait contraste avec la sévérité du Christ juge. Même la doctrine de l’immaculée conception est avancée par quelques théologiens, et quoique combattue par Anselme, Bernard de Clairvaux, Thomas d’Aquin, elle est de plus en plus acceptée, principalement parmi les Franciscains.

La papauté, depuis Alexandre III, se réserve le droit de béatification et de canonisation. Par cette mesure, elle assure, plus que jamais, le contrôle de la piété populaire.

3. Les sacrements

Leur nombre, d’abord quelque peu flottants, est fixé définitivement à sept au cours de cette période : baptême, confirmation (administrée lorsque l’enfant atteint l’âge de raison), eucharistie, pénitence, extrême onction (considérée comme une préparation à la mort), mariage, ordination. Nous nous étendrons sur deux d’entre eux.

1. L’eucharistie. La doctrine de la transsubstantiation, lancée au IXe siècle par Pacase Radbert, gagne du terrain. Au XIe siècle, Bérenger de Tours qui la nia eut des difficultés avec les autorités ecclésiastiques, et dut se rétracter à trois reprises.

Le principal adversaire de Bérenger était Lanfranc, le maître d’Anselme. Un peu plus tard, au début du XIIe siècle, Hildebert de Laverdin, plus tard archevêque de Tours, est le premier à se servir du terme transsubstantiation.

Enfin, en 1215, le concile œcuménique de Latran mit fin à toute discussion sur la question et érigea la transsubstantiation en dogme.

Dès lors, l’hostie étant le vrai corps du Christ, devenait divine. Aussi l’adoration du sacrement se généralise-t-elle. De plus, pour éviter que quelques gouttes de sang du Christ ne se perdent, on retire la coupe aux fidèles. D’ailleurs, par la doctrine de la concomitance, on affirme que Christ tout entier est contenu dans chacune des deux espèces.

2. La pénitence. La confession au prêtre prend une importance toujours plus grande. C’est à cette époque que remonte l’usage de ne donner la cène qu’à ceux qui se sont préalablement confessés. Le concile de Latran en 1215 affirme que tout fidèle « est tenu de confesser fidèlement ses péchés au moins une fois l’an… et de recevoir avec respect, au moins à Pâques, le sacrement de la communion ».

La peine imposée au pénitent est fréquemment, dès cette époque, remplacée par une indulgence (payement d’une somme d’argent, pèlerinage, participation à une croisade). Cette indulgence n’est primitivement qu’un adoucissement de la peine canonique ; mais dans l’imagination populaire, elle ne tarde pas à avoir la vertu d’effacer les péchés, et même d’être valable pour les âmes du Purgatoire.

La construction des cathédrales.

Voici que des personnages de naissance noble, possédant de grands biens, riches de considération, mettant de côté tout faste et toute vanité mondaine, offrent leur cœurs et leurs corps au joug de la piété, attentifs à la voix de cette vérité qui dit : « Mon joug est aisé… » Insatisfaits de leur large contribution en argent, ils travaillent à l’œuvre de cet édifice d’une étonnante grandeur en chargeant en de lointaines carrières, non de minces moellons, mais les blocs mêmes extraits du sol sur des chariots qu’ils traînent à la force de leurs poitrines. Là des nobles des deux sexes se disputent pour prêter leurs épaules aux cordes qui tirent ces énormes masses.

Lorsque les chariots arrivent en ville, on voit des chevaliers, des dames de haut rang, des jeunes gens et des jeunes filles, des vieillards et des adultes, se porter tous ensemble, pieds nus, avec élan, d’un cœur joyeux, à leur rencontre par les rues et les places. Les uns s’attellent aux cordes, ou s’ils ne peuvent saisir les traits, employent leurs mains entrelacées. D’autres se précipitent pour remplacer ceux que la fatigue contraint à abandonner…

Extrait d’une lettre adressée par Guy de BAZOCHES, chanoine de la cathédrale de Châlons-sur-Marne, à sa sœur,
cité dans
L’Eglise aux quinze premiers siècles.

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