Précis de prédication chrétienne

3. LE CHOIX DU TEXTE

Depuis les origines de l'Église, l'habitude a prévalu de baser la prédication sur un texte biblique.

L’on peut se demander si cet usage est obligatoire.

Certes, notre message doit toujours se conformer à l'Écriture.

Celle-ci est notre seule source d'information en ce qui concerne la vérité divine. Si nous nous en écartons, nous sommes infidèles.

Cela signifie-t-il que nous devions invariablement nous appuyer sur un passage précis afin de l'expliquer et de l'appliquer ? Y a-t-il d'autres manières de faire possibles ?

Nous pensons que oui.

D'abord nous ne trouvons pas dans l'Ancien Testament, ni dans le Nouveau, de précepte qui nous enjoigne formellement de suivre cette méthode. Les discours relatés dans le livre des Actes sont suggestifs à cet égard. Quand ils s'adressent à des Juifs, les apôtres font un abondant usage de citations bibliques. Mais des auditeurs païens étaient mal préparés pour un message de ce genre. Paul, sommé d'exposer sa doctrine devant l'Aréopage d'Athènes, ne mentionne ni Moïse, ni les prophètes. Il parle du Dieu créateur qu'on ne saurait identifier avec une quelconque statue, envers qui chacun doit se tourner dans une attitude de repentance. Il cite le poète grec Aratus pour appuyer son témoignage. Ce qu'il dit est conforme à la révélation de l'Ancien Testament, sans qu'il s'y réfère d'une manière explicite.

Si nous nous adressons à des gens qui ignorent tout de l’Écriture Sainte, nous pouvons nous autoriser d'un pareil exemple pour les exhorter à croire en Jésus-Christ sans commencer par une citation.

Pourtant l'habitude de commenter un passage dans le cours d’un sermon est plus qu'une tradition vénérable. Elle se justifie par des raisons solides.

Elle était déjà observée dans les synagogues israélites. Après la lecture de la Loi et des prophètes, les rabbins ou d'autres assistants étaient appelés à commenter les textes qu'on venait de lire. Nous pouvons songer à l'intervention de Jésus dans la synagogue de Nazareth : Il se lève, lit le texte prévu pour ce sabbat, en l'occurrence Ésaïe 61.1-2, puis il s'assied, et l'on s'attend à ce qu'il prenne la parole pour sa lecture par des explications, ce qu'il ne manque pas de faire (Lévitique 4.16-20).

Le culte de l’Église primitive a été fortement influencé par le rituel de la synagogue. Paul recommande à Timothée de s'attacher à la lecture, à l'exhortation, à l'enseignement (1 Timothée 4.13). Il est vraisemblable que par là il entend la lecture publique de l'Écriture Sainte, suivie d'exhortations et d'enseignements en rapport avec le texte qui vient d'être lu.

À travers les âges, les communautés de toutes tendances, grecques-orthodoxes, catholiques romaines, protestantes, évangéliques se sont conformées et se conforment à cet usage. Les prédications ont été plus ou moins fidèles à la parole biblique sur laquelle elles étaient basées, mais on n'a jamais cru devoir renoncer à cette forme extérieure.

Celle-ci a d'indiscutables avantages:

Elle honore la Parole de Dieu. « Dieu parle bien de Dieu », disait Pascal. Le pasteur ne se présente pas comme un conférencier  qui fait part de ses réflexions, mais comme le messager de l'Éternel.

Elle donne de l'autorité à la prédication. Même l'auditeur encore réfractaire à l'Évangile respecte l'Écriture Sainte plus que les déclarations d'un individu, si doué soit-il.

La Parole de Dieu est efficace en elle-même. Comme la pluie et la neige, elle ne descend pas du ciel sur la terre sans produire son effet (Ésaïe 55.11).

La Bible est une source inépuisable d'encouragements et d'avertissements. Elle nous interpelle sans cesse à nouveau, si nous savons l'écouter.

Je suppose d'ailleurs qu'aucun des lecteurs du présent ouvrage n’a l’intention de rompre sur ce point avec ses devanciers. Il n'est donc guère nécessaire d'insister.

– Une question se pose pourtant : n'importe quel texte biblique se prête-t-il à servir de base pour une prédication ? Quelques précautions sont souhaitables.

Le Seigneur a fait en sorte que sa Parole soit très bien conservée sans toutefois empêcher l’apparition de quelques fautes de copiste dans le texte que nous avons aujourd’hui. La situation se présente dans des conditions légèrement différentes pour l’Ancien Testament et pour le Nouveau.

Le texte hébreu atteste lui-même qu'il n'est pas exempt d'erreur. En effet, à partir du premier siècle de notre ère, les copistes juifs avaient pour la qu’ils copiaient un tel respect que même en présence d'une faute manifeste ils ne permettaient pas d’introduire une correction. Ils reproduisaient humblement le texte fautif (appelé Ketiv) et indiquaient en marge la lecture correcte (Qeré). Ce sont d’ailleurs dans la grande majorité des cas de problèmes d’orthographe qui n’affectent pas le sens. Certains traducteurs modernes ont pris la liberté de remanier le texte hébreu à l’aide des versions anciennes, grecques, latines, syriaques et autres, ou même d'avancer des conjectures de leur pour donner un sens plausible. Une extrême prudence est à conseiller dans ce domaine. Le prédicateur est parfois tenté de suivre avec enthousiasme telle traduction qui parait suggestive, mais qui risque d'être fantaisiste. S'il subsiste quelque incertitude du texte, il vaut mieux s'attacher aux passages dont la teneur est indiscutable et qui forment bien plus de 99 % de l'Ancien Testament.

Pour le Nouveau Testament, le problème se pose autrement. Nous n’avons pas de texte officiellement reconnu par tous, bien que la plupart des spécialistes admettent que le Nouveau Testament grec publié par l'Alliance Biblique Universelle soit à très peu de chose près identique aux manuscrits originaux tels qu’ils sont sortis de la plume des auteurs sacrés. En comparant entre elles les centaines de copies dont nous disposons, nous arrivons à des conclusions solides. Il existe quand même dans nos versions un petit nombre de versets  sur l’authenticité desquels on hésite et qu'il vaut mieux ne pas choisir comme thème pour un sermon. Un ou deux exemples concrets dégageront la méthode qu'il convient d’adopter.

Plusieurs serviteurs de Dieu, y compris parmi les plus attachés à la doctrine de l'inerrance des Écritures, se feraient scrupule de prêcher sur la fin de l’Évangile de Marc (Marc 16.9-20), ou sur l’épisode de la femme adultère, parce que ces récits manquent dans certains manuscrits anciens et parce que leur style semble s’écarter de celui des deux Évangélistes. Je comprends un tel scrupule mais je ne le partage pas. Je ne pense pas que le Seigneur aurait permis que des passages aussi considérables soient introduits dans nos livres saints s'ils n'étaient pas inspirés. Ils portent par leur contenu la marque de l’authenticité. Il est quand même désirable que le prédicateur qui aborde ces versets soit au courant du problème, sans pour autant se sentir obligé de s'en expliquer dans son sermon.

Plusieurs variantes sont dues au fait que des copistes ont complété le texte d’un Évangile par des emprunts tirés de passages parallèles. Par exemple, dans Matthieu 5.44 les meilleurs manuscrits ont la formulation que voici : « aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Les manuscrits les plus récents ont des termes qui proviennent de Luc 6.27-28 : « aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous persécutent. » Dans ces conditions, le plu sûr, c’est de s’en tenir à la rédaction brève si l’on prêche sur le texte de Matthieu, et de se baser sur Luc, si l’on veut apporter un message sur la formulation longue.

De toute façon, si un même incident nous est relaté dans deux ou dans plusieurs présentations parallèles, il est indispensable de la comparer entre elles, pour ne pas avancer une interprétation qui serait peut-être plausible d'après une narration, mais se révèlerait inacceptable à la lumière d'une autre.

Dans l’histoire du paralytique de Bethesda, les manuscrits anciens omettent la fin du verset 3 et le verset 4 : « … de paralytiques qui attendaient le mouvement de l'eau. Car un ange descendait périodiquement dans la piscine et agitait l'eau ; et celui qui descendait le premier après que l'eau avait été agitée était guéri quelle qu'ait été sa maladie ». Cette adjonction pourrait constituer ce qu'on appelle une glose, c'est-à-dire une explication élaborée par un lecteur, inscrite d’abord en marge, puis incorporée au texte. La réponse du paralytique, qui figure dans tous les manuscrits, atteste bien l'existence d'une croyance populaire en rapport avec les remous de la piscine. Cela ne signifie pas que cette opinion un peu folklorique et sans analogie dans l'Écriture ait été justifiée.

Il y a en tout dans le Nouveau Testament une douzaine ou une quinzaine de versets dont l'authenticité est controversée. Alors pourquoi choisir l'un d'entre eux comme une base de sermon, alors que tout le reste nous et offert avec toutes les garanties de certitude que nous pouvons souhaiter ?

D'autres précautions seront opportunes. Pierre constate que dans les écrits de son collègue Paul il y a des passages difficiles à comprendre et dont les lecteurs mal avisés sont en danger de tordre le sens pour leur propre perdition (2Pierre 3.16). L'Écriture elle-même est certes parfaite, et rien ne doit y être changé ; mais nous sommes imparfaits, même les plus expérimentés d'entre nous. Nous croyons, comme jadis les Réformateurs, que dans son ensemble la Bible est claire. Pourtant qui de nous peut se vanter de tout comprendre dans les oracles divins ? Alors ne nous attaquons pas en chaire à des problèmes que nous n'avons pas pu résoudre dans le tête-à-tête avec le Seigneur. Que veut dire le passage : « Tandis que vous reposez au milieu des étables, les ailes de la colombe sont d'argent et son plumage est d'un jaune d'or ? » (Psaume 68:14) Est-ce une reprise du cantique de Déborah ? (Juges 5.15-126) Jusqu'à nouvel ordre, nous ne pouvons pas donner d'explication indiscutable de cette déclaration.

Dans sa seconde Épître aux Thessaloniciens, Paul parle de l’Antichrist. Il dit : « Ne vous souvenez-vous pas que je vous disais cela lorsque j'étais encore auprès de vous ? Et maintenant vous savez ce qui le retient, pour qu'il ne se révèle qu'en son temps. » (2 Thessaloniciens 2.5-6). Ces déclarations étaient claires pour les premiers lecteurs qui avaient gardé le souvenir de l’enseignement oral dispensé par Paul. Nous, qui n’avons pas assisté à ces entretiens, nous ne comprenons pas bien ce à quoi l’apôtre fait allusion. Nous essayons de deviner ce qu'il peut en être. Les uns pensent que c'est l'Esprit Saint, présent dans l’Église, qui entrave la manifestation de l'Antichrist, d'autres que c’était le pouvoir de l'Empire Romain qui faisait obstacle. Il serait imprudent d’être catégorique. Il vaut mieux prêcher sur les éléments de ce texte qui ne prêtent pas à discussion.

Il arrive que des personnes nous demandent de traiter un sujet sur lequel nous ne sommes pas bien fixés. Heureux le messager de l’Évangile à qui les fidèles de sa communauté manifestent ainsi leur intérêt spirituel ! Ce sera peut-être pour nous le déclic qui nous permettra de comprendre tel mystère que nous n'avions pas pénétré. Mais gardons-nous d'être affirmatifs là où des hésitations subsistent dans esprit. Et quand nous choisissons nous-mêmes les textes que nous allons méditer, donnons la préférence à ceux qui sont clairs et indiscutables. Nous ne risquons jamais d'être à court d'en découvrir.

Quand nous nous trouvons dans le cadre de notre communauté locale, nous n'avons pas à taire les doctrines sur lesquelles les diverses branches de la famille chrétienne sont en désaccord. Il n’en est pas de même lorsque, dans un effort d'évangélisation ou d’édification en commun, nous sommes appelés à collaborer sur une base inter ecclésiastique. Il convient dans ces circonstances-là de laisser dans l’ombre les points controversés, pour nous cantonner à ce qui peut être considéré comme un dénominateur commun. Veillons cependant à ce que celui-ci ne soit pas trop réduit. Il faut un accord substantiel pour que la coopération soit féconde. La bénédiction qui a reposé et qui repose encore sur bien des entreprises de ce genre prouve qu'elles sont légitimes. Nous pouvons sans appréhension mettre parfois le fanion de notre groupement particulier dans notre poche, pourvu que nous soyons unis sous la bannière de l'Évangile !

Ajoutons qu'il serait malséant d'aborder en chaire des textes bibliques où certains péchés sont décrits sous une lumière un peu crue. Ces passages sont aussi inspirés que les autres, et nous en avons besoin, mais ils se prêtent à la méditation personnelle plutôt qu'à l'exposé public. Des questions de culture interviennent dans ce domaine. Un revivaliste africain que je devais traduire me proposait un message sur Ézéchiel 16. Je lui ai dit que pour ne pas choquer l'auditoire, il conviendrait que je fasse quelques coupures dans la lecture de ce chapitre. Il a été plutôt surpris de cette remarque, car dans son milieu le texte pouvait être lu intégralement sans problème. Devant mon hésitation, il a préféré choisir un autre passage biblique, et je pense qu'il a eu raison. Dans notre génération, nous avons moins de réticences que nos devanciers bourgeois du XIXe siècle. Mais la décence nous impose quand même certaines limites.

Il est temps d'aborder le côté positif de la question. Comment choisir un bon texte ? En général, le prédicateur jouit d'une certaine liberté à cet égard. Cela peut être parfois embarrassant. Il arrive que le Saint-Esprit nous oriente d'une manière presque irrésistible. Ce n'est de loin pas toujours le cas. On peut à la limite choisir le texte du jour dans un programme de lectures bibliques.

Une bonne prédication repose sur une solide exégèse, si possible basée sur le texte original, hébreu, araméen ou grec. Encore faut-il bien connaître ces langues, autrement on risque de s'égarer dans des interprétations fausses ou même ridicules. Il n'est pas mauvais de signaler le sens précis d'un terme d'après l'original, quoiqu'il y ait de la pédanterie à le faire trop souvent. La comparaison entre plusieurs traductions est suggestive. Si toutes concordent, le prédicateur est rassuré. Il s'appuie sur la Parole de Dieu sans ambiguïté. S'il y a divergence, quelquefois un commentaire explique d'où elle provient et permet de se faire une opinion ferme. Si un doute subsiste, il vaut mieux s'abstenir. Il y a des textes très connus que la plupart des chrétiens savent par cœur. Un bon sermon soulignera telle application à laquelle ils n'ont jamais pensé. Le docteur de la loi, venu interroger Jésus, savait pertinemment qu'il fallait aimer Dieu et le prochain. La parabole du bon Samaritain va lui ouvrir les yeux sur une dimension imprévue du commandement (Luc 10.25-37).

Il vaut la peine de prêcher sur des passages peu connus, auxquels les auditeurs ne se sont jamais arrêtés, que peut-être ils n’ont pas même encore lus. Cela stimule leur curiosité et favorise leur attention. Toutefois prenons garde à ne pas céder au désir coupable de nous faire admirer pour notre sagacité !

Certaines déclarations solennelles de l'Ancien Testament introduites par la formule « Ainsi parle l’Éternel, » des affirmations massives du Christ et des Apôtres sont une source privilégiée d’enseignements utiles.

L'Écriture nous révèle aussi la réaction des hommes face à la parole divine, réaction tantôt positive, tantôt négative. Cela ne manque pas d'être instructif. Les infidélités des Israélites dans le désert ont été consignées pour nous servir d’exemple... à ne pas suivre ! (1 Corinthiens 10.6-11). Sont même reproduits les blasphèmes des mécréants et les insinuations du diable. Nous devons être informés à leur sujet. Il n’est pas interdit de puiser là le thème d'un sermon, à la condition de marquer comment il se présente. La question perfide du serpent : « Dieu a-t-il réellement dit ? » (Genèse 3.1) illustre la manière dont Satan cherche à semer le doute dans nos cœurs et peut être d'une brûlante actualité pour dénoncer le refus, hélas ! Si répandu aujourd’hui, d’accepter les préceptes divins comme une norme éthique perpétuellement valable. Je me souviens d'une prédication sur la question : « Un homme peut-il être utile à Dieu ? » (Job 22.2). Elle a été soulevée par l’ami de Job, Éliphaz, à qui le Seigneur a reproché de ne pas avoir parlé avec droiture (Job 42.7). Lui-même répondait par la négative, mais l’Écriture dans son ensemble -et en particulier le témoignage de Job lui-même montre que le Seigneur veut bien se servir de nous, en sorte que nous contribuions à Sa gloire.

Le texte choisi peut être plus ou moins long. L’avantage d'un texte court, c'est qu'on est amené à le répéter plusieurs fois dans une allocution et que de la sorte il a la chance de se graver dans la mémoire. Le danger, c'est que pour étoffer la pensée on cherche des idées à droite et à gauche, sans rapport avec l'épisode d'où il est tiré. J'ai entendu un sermon sur le mot « va ! » (Matthieu 19.21). Impossible de trouver plus court ! Pourtant, ce sermon ne m'a pas laissé un bon souvenir, car l’orateur a mentionné diverses circonstances où nous devons aller de l'avant et qui n'avaient aucune relation avec la situation du jeune homme riche à qui cet ordre était donné.
 
En revanche, j'ai eu connaissance d'une excellente prédication sur le mot : « sors ! », (Luc 14.23) adressé par le maître de maison à son serviteur pour l'engager à chercher les malheureux en les conviant au grand festin. Le professeur qui présidait à la consécration pastorale de mon cher père avait choisi ce texte en soulignant que le serviteur de Jésus-Christ était souvent obligé de rompre avec ses habitudes et son confort pour appeler les pécheurs à la repentance.

Si le texte est long, le prédicateur est moins tenté de s'en écarter. Il n'a qu'à puiser dans la richesse du contexte. L’auditeur ne se souviendra pas d'une phrase, mais en relisant le passage, il se rappellera les leçons qui s'en dégagent.

C'est là l'occasion de revenir à ce que nous disions dans l'introduction sur le genre spécial auquel on réserve le terme d'homélie et qui consiste à commenter verset par verset une exhortation ou un récit biblique. À la condition de ne pas se disperser dans des considérations sans lien les unes avec les autres, cette méthode n'est certes pas à dédaigner. Elle honore la Parole de Dieu, puisqu'on se laisse guider par elle sans schéma préconçu. Évidemment, une part d'analyse et d'exégèse sérieuse ne doit pas être négligée. Il est fâcheux que l'homélie tourne à une paraphrase où l'on dilue maladroitement ce que le texte dans sa concision a bien exprimé.

Dans certains cas privilégiés (mais pas toujours), un verset central résume bien tout un paragraphe. Soit l'épisode de la femme pécheresse, la déclaration de Jésus : « ta foi t’a sauvée, va en paix » (Luc 7.50) permet de reprendre à peu près tout ce qui est dit dans les quinze versets du récit évangélique. De même une méditation sur le chapitre 53 d’Ésaïe s'organise sans artifice autour de la phrase : « le châtiment qui donne la paix est tombé sur lui » (Ésaïe 53.5). Nous ne devons pas nous imaginer que chaque péricope biblique comporte une affirmation centrale. L’inspiration ne s'accommode pas d'un tel mécanisme uniforme. Mais lorsque le cas se présente, pourquoi ne pas en profiter ?

De toute façon, sauf rares exceptions, même lorsque nous prêchons sur un texte court, il est impératif de lire le paragraphe entier dont il fait partie.

Rien n'empêche de se baser sur deux ou trois textes qui se complètent, par exemple : « Je suis la lumière du monde » (Jean 8.12 ; Matthieu 5.14), et « Vous êtes la lumière du monde. » Ou la question qui résume tout l'Ancien Testament : « Où est l'agneau ? » (Genèse 22.7) et la réponse du Nouveau Testament : « voici l’Agneau. » (Jean 1.29)

Il peut y avoir grand intérêt à présenter dans un sermon un personnage biblique avec ses défauts et ses qualités, par exemple Rahab (Josué 2.1-22 ; 6.22-25 ; Matthieu 1.5 ; Hébreux 11.31 ; Jacques 2.25), Thomas (Jean 11.16 ; 14.5-6 ; 20.24-29) ou Barnabas (Actes 4.36-37 ; 9.26-27 ; 11.22-26 ; 13.1-5 ; 14.7-17. 15.2-3 ; 36-39 ; 1 Corinthiens 9.6 ; Colossiens 4.10-11).

L'on ne saurait trop recommander les séries de prédications. L’ancienne discipline des Églises Réformées de France exigeait que le pasteur ne choisisse pas ses textes à la volée, mais suive un livre de la Bible ou au moins quelques chapitres, sans rien omettre. Nous avons ainsi une série de sermons de Calvin sur Job, une autre sur les chapitres 10 et 11 de la première Épître aux Corinthiens. Dans les Églises luthériennes trois textes sont prévus pour chaque dimanche de l'année. Ces péricopes couvrent d'une manière remarquable toute la doctrine et toute la morale chrétiennes. Cela permet d'aborder des sujets auxquels on n'aurait pas songé ou qui pourraient être mal acceptés par tel ou tel auditeur qui, à tort ou à raison, se sentirait visé. Une suite de messages sur les dix commandements ou sur le sermon sur la montagne nous oblige à parler de l’adultère et du divorce sans qu'un paroissien divorcé puisse nous le reprocher, pourvu que nous le fassions avec tact.

Bien entendu, une série ne doit pas être trop longue. Toute monotonie est lassante.

L’Écriture est d’une variété infinie : thèmes doctrinaux ou pratiques, sentences isolées ou développements cohérents, définitions théoriques, ou récits concrets, encouragements ou menaces, exemples à suivre ou à rejeter, etc. Nous sommes inexcusables' si notre manière de prêcher est uniforme. Sachons profiter des immenses richesses que le Seigneur met devant nous pour en faire part à d'autres.

Toutefois, d'autres formes peuvent être imaginées. Un bon nombre de discours de Jésus, surtout dans l'Évangile de Jean, ont l'allure d'un dialogue, voire d’une discussion ; qu'on pense à l'entretien sur le pain de vie (Jean 6 ; 8) et celui sur le rôle libérateur du Fils (Jean 8.31).

On peut donc envisager des types de prédication variables où les assistants auraient un rôle plus actif comme c’est le cas dans beaucoup de nos études bibliques. Le réveil de la Drôme dans les années 1920-1930 s'est déclaré à la suite de l’intervention d'une humble paysanne, qui au cours d'un service officiel, s’est levée inopinément pour confesser que Dieu lui avait parlé pendant la semaine en lui montrant qu'il n'était pas content de ce qu'elle était.

Nous n’avons pas à nous cramponner à tel ou tel usage traditionnel, mais nous devons tenir compte de la liberté de l'Esprit qui souffla où il veut et qui peut bousculer nos liturgies, écrites ou-non-écrites ! On pourrait imaginer un culte où les auditeurs auraient la possibilité de poser des questions à l'orateur, de répondre à ses interpellations, d'appuyer son message par des témoignages personnels. Il y a là des pistes de réflexion qui mériteraient d'être explorées.

Au reste, je pense que les conseils consignés dans les pages qui suivent ne s’appliquent pas uniquement à des sermons classiques, mais peuvent être utilisés avec profit aussi par ceux qui préconiseraient une annonce de l'Évangile plus communautaire.

Exercices :

Chercher trois textes sur lesquels il est préférable de ne pas prêcher.
Chercher un texte court, un texte long et un ensemble de deux ou trois textes qui pourraient servir de base appropriée pour un sermon.

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