Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 25

LE LOGOS DE DIEU

Au commencement était la Parole

La parole est à l'origine de tout ce qui existe. La structure de la matière, le principe du rayonnement, le code génétique : tout dérive de cette sagesse infinie et éternelle que Dieu appelle son logos, sa Parole. « Les cieux ont été faits par la Parole de l'Éternel... car il dit, et la chose arrive » Psaumes 33.6-9. Dans le premier chapitre de la Bible nous lisons dix fois l'expression : Dieu dit... Par ces « dix paroles », notre terre fut constituée et remplie des multiples formes de vie qui aujourd'hui nous émerveillent et dont l'homme est l'apogée.

C'est par la Parole que Dieu communiqua à Abraham, à Moïse, à David et aux autres prophètes, les vérités incorporées dans les écrits de l'Ancien Testament. Par les « dix paroles » du Décalogue, Exode 34.28 Dieu se révéla à Israël et le constitua son peuple.

C'est cette même Parole qui se fit chair en la personne de l'homme Jésus-Christ, en révélant ainsi à l'humanité la grâce ineffable de l'Évangile Jean 1.14.

C'est aussi la Parole que Christ confia à ses apôtres en leur commandant de la transmettre à toutes les nations de la terre Jean 17.14 ; Matthieu 28.19-20 ; 1 Timothée 2.5-7.

C'est par la Parole que Dieu nous a engendrés : nous sommes en effet régénérés par la Parole vivante et permanente de Dieu Jacques 1.18 ; 1 Pierre 1.23.

Et c'est la Parole que les hommes verront revenir en majesté, dans la gloire du Père et avec les saints anges, pour détruire la bête apocalyptique et pour lier le dragon afin qu'il ne séduise plus les nations Apocalypse 19.11-20.

C'est d'ailleurs par la même Parole que les cieux et la terre d'à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies 2 Pierre 3.7.

C'est pourquoi, avec le poête inconnu, nous crions :

« À toujours, Ô Eternel ! Ta Parole subsiste dans les cieux !...
le fondement de ta Parole est la vérité
et toutes les lois de ta justice sont éternelles. » Psaumes 119.89,160

Le logos est logique

Le mot grec logos signifie à la fois la pensée (ou : la raison) et aussi la parole (ou : l'expression de cette pensée). Le logos de Dieu est sa raison, sa pensée éternelle, sa sagesse infinie Job 28.20-28 ; Proverbes 3.19 ; 8.1-36 ; 1 Corinthiens 1.23-25, 30 ; 2.4-16 ; Éphésiens 1.4-12 ; Jean 1.1-3 ; Colossiens 1.15-17 ; 2.3 ; Hébreux 1.1-3 ; 1 Pierre 1.23-25 ; Jérémie 10.12 ; Ésaïe 40.28, par laquelle il a créé la terre et la vie, et qui s'est incarnée en la personne de Jésus-Christ. Jésus est l'expression de la pensée de Dieu, le logos même en forme humaine, comme la Bible est le logos de Dieu défini en forme écrite. L'apôtre Jean va jusqu'à dire que le logos est Dieu.

Dans la personne de Jésus-Christ, comme dans ses enseignements, nous possédons l'expression exacte de la pensée de Dieu Hébreux 1.3. Il n'y a rien de brouillé dans cette expression : elle est aussi claire, aussi parfaite que le reflet d'un miroir. En Jésus nous voyons Dieu tel qu'il est. « Celui qui m'a vu, dit Jésus, a vu le Père » Jean 14.9. Il n’y a rien d'irrationnel dans le caractère et la vie de Jésus.

De même, la Bible est l’expression-exacte de la pensée de Dieu sous la forme d’un langage humain. Sans la Bible, nous serions totalement ignorants de Jésus-Christ, comme nous serions ignorants du vrai Dieu si nous n'avions pas devant nos yeux son portrait, celui que Paul appelle son image : Jésus. La Bible est le logos de Dieu ; elle est l'expression de sa pensée, de sa sagesse, de sa raison. Or, ce logos divin n'est pas illogique.

La sagesse de Dieu ne crie-t-elle pas ?

« Toutes les paroles de ma bouche sont justes, elles n'ont rien de faux ni de détourné : toutes sont claires pour celui qui est intelligent et droites pour ceux qui ont trouvé la science. » Proverbes 8.1,8-9.
« La révélation de tes paroles éclaire, elle donne de l'intelligence aux simples. » Psaumes 119.130.

Christ est donc la Parole, la sagesse, la raison de Dieu ; il est « l'idée » éternelle exprimée par l'Esprit, le Souffle de Dieu, qui a tant travaillé pour nous la transmettre en un langage précis et lucide. Il l'a même fait mettre par écrit. Dans toute cette révélation de la pensée de Dieu qu'est la Parole, il n’y a rien d'obscur, ni d'équivoque, ni d'irrationnel, ni d'inintelligible. Elle est à la fois profonde comme le fond de l'univers et simple comme la foi d'un enfant. Dieu est lumière 1 Jean 1.5 et les ténèbres n'ont aucune place dans sa pensée, ni dans l'expression de sa pensée. Sa parole est aussi claire, aussi lumineuse, aussi droite et juste que lui-même. Dieu va jusqu'à s'identifier à sa Parole, car il est écrit :

« La Parole était Dieu. » Jean 1.1.

Comment donc cette Parole serait-elle irrationnelle ?

Il n'y a point en lui de ténèbres

Pour le Seigneur Jésus, chaque trait de lettre de la loi de Moïse comptait Matthieu 5.18 et il tenait ses propres paroles pour plus permanentes que l'univers Matthieu 2.35. Il faut le répéter : il n'y a rien dans toute la révélation de Dieu qui soit ambigu ou irrationnel. Sa Parole est lumière parce que lui-même est lumière et que sa Parole est lui-même.

D'où vient donc cette aberration moderne qui veut que l'expression suprême de l'Esprit et de la pensée de Dieu soit inintelligible ?

Puisque Dieu nous a confié sa Parole, son logos même dans toute sa clarté, pourquoi chercherions-nous une autre parole qui n'est pas une parole et qui n'est même pas vérifiable ? Cette notion ne vient pas et ne peut pas venir de la Bible. La recherche d'une expérience irrationnelle ne trouve pas ses racines dans le logos de Dieu. Elle est contraire à la conception du Dieu de la Bible. Cela doit être évident à celui qui examine les Écritures avec un esprit honnête : car nulle part la Parole de Dieu ne se présente comme étant inintelligible ou non rationnelle.

On me répondra peut-être que la foi dépasse la raison, que ce n'est pas avec la raison que l'on trouve Dieu. Je suis entièrement d'accord. Pourtant, la Parole et l'Esprit de Dieu, bien qu'ils dépassent infiniment l'intelligence humaine, n'en font tout de même pas un non-sens ou une absurdité. Dieu, qui a créé l'homme à son image en lui donnant la faculté de raisonner, n'outrage pas la raison de sa créature. Au contraire, il l'éclaire, il la transforme et la met à son service.

Le culte de l'inintelligible

Après tout ce que nous avons dit, il est étonnant de constater la forte insistance contemporaine sur la nécessité, pour que le chrétien soit « complet », de faire une expérience « non rationnelle » : de parler « en langues incompréhensibles ».

J'ai entendu dire par certains, dont le but était de justifier leur obscurantisme dans ce domaine, que le croyant devait renoncer à sa raison, ou au moins la laisser « en veilleuse » parce que la foi n'avait rien à voir avec la raison. Cela est absolument faux. Dieu nous demande de croire, certes, mais non de croire n'importe quoi. Il nous demande précisément de croire à sa Parole, cette Parole qui est la clarté même : c'est cela, la foi. Il ne s'agit pas de suivre une trompette dont le son est confus.

Le marxisme, le nouvel islam et les autres grandes idéologies mondiales font tout leur possible pour gagner l'humanité à leur point de vue en employant les moyens les plus recherchés et par une rationalisation difficile à contrer. Pourquoi, face à ces forces écrasantes, tant de chrétiens cherchent-ils à se réfugier dans un monde irréel ?

Ce n'est certainement pas avec quelques paroles inintelligibles que nous allons réfuter la propagande anti-Dieu du.Kremlin, ni réformer le Vatican, ni convaincre l'islam. Comment espérer l'emporter sur les écrits de Marx et de Lénine, sur les Védas hindous, sur les ouvrages de Mahomet, de Hegel et de Nietzsche, si nous ne leur opposons une parole plus concluante ? L'apôtre Paul ne s'est pas contenté de répondre aux maîtres de l'Aréopage à Athènes de façon irrationnelle ; son argument reprend les écrits de leur propre pensée grecque en y apportant la lumière fulgurante de Christ. À la foule de juifs pieux et moqueurs, l'apôtre Pierre, le jour de la Pentecôte, a présenté un argument puissamment développé à partir des prophéties de l'Ancien Testament. Il est vrai que sa prédication fut précédée par les langues miraculeuses, mais celles-ci ne furent pas inintelligibles : elles communiquaient aux divers groupes linguistiques présents la connaissance des merveilles de Dieu ; elles servirent à attirer l'attention des inconvertis sur la prédication de Pierre en langue connue de tous.

Je répète : Satan s'exerce à présent à démolir le témoignage de Christ dans le monde en le faisant passer aux yeux des hommes pour une absurdité ; il veut détruire la foi et la connaissance des croyants en détournant leur regard de toute intelligence : la Bible. Il accapare les meilleurs cerveaux philosophiques et politiques, ainsi que les ressources économiques et militaires des nations dans le but de créer un système mondial qui exclue les moyens de connaître la vérité de Christ. Et l'église de Christ répondrait à ce gigantesque engin cérébral d'origine satanique que sera l'ordinateur de l'antichrist avec un message dont personne ne comprendrait le sens ?

Contrer le mensonge avec un point d'interrogation ?

Non ! Dieu veut que nous mettions à son service notre être tout entier : notre cerveau, nos mains, tous nos moyens , afin de contrer l'action du diable, d'éclairer les nations en leur apportant la connaissance de Jésus-Christ. Les hommes qui, dans le passé, ont remué les nations par une action véritable du Saint-Esprit ont apporté au monde des arguments irréfutables. Je pense à Augustin, à Calvin, à Luther, à Pascal et à d'autres qui, par leurs écrits comme par leurs actes, ont changé la face du monde et le cours de l’histoire. Pensez à l'influence qu'ont exercée sur le monde, pour le bien ou le mal, les écrits de Platon, de Thomas d'Aquin, de Jean-Jacques Rousseau, de Darwin, d'Hitler et de Bultmann ! Nous avons besoin que Dieu suscite aujourd'hui des hommes « de taille » qui interprètent tout à nouveau pour nos contemporains l'essence même de l'Évangile. Notre génération a besoin de connaître le logos de Dieu, le vrai Jésus.

Nous devons utiliser toutes les ressources que Dieu nous donne : spirituelles, intellectuelles et matérielles. Si la vraie Église veut consacrer au service de Christ tous les moyens dont elle dispose, y compris l'intelligence, je suis persuadé qu'elle pourra encore aujourd'hui ébranler le monde par son message de vérité, comme elle l'a fait au temps des apôtres et plus d'une fois après. Mais si elle persiste à s'esquiver devant les réalités effarantes de notre siècle, je ne vois aucun avenir pour elle — sauf le retour de son Maître pour la retirer de ses prisons, de ses persécutions et de sa misère.

Invasion : la philosophie du siècle

L'attitude qui recherche à tout prix une expérience inintelligible, ne pouvant venir de la Bible, provient inévitablement d'une autre source. Il me semble de plus en plus évident qu'elle provient de la philosophie du siècle.

Cela n'étonnera guère celui qui connaît bien l'histoire de la chrétienté car, depuis les temps apostoliques, l'Église est constamment envahie par les philosophies et les religions qui sont à la mode et c'est encore le cas aujourd'hui. Déjà dans le livre de l'Apocalypse, nous voyons que chacune des sept églises d'Asie auxquelles écrivait Jean était imprégnée de l'esprit et du caractère de la ville où elle était située. Cela a été démontré de façon magistrale par E.M. Blaiklock, professeur à la faculté d'Auckland, en Nouvelle Zélande, dans son livre : The Seven Churches. ( Ed. The Institute Printing and Publishing Society Ltd., Probert Chambers, Queen Street, Auckland, N.Z.)

C'est un fait que l'Église, de façon plus ou moins consciente, se laisse imprégner, génération après génération, par l'esprit du siècle ; elle absorbe, malgré elle, les germes de la philosophie de son époque et celle-ci se traduit de différentes manières dans sa doctrine et dans son action, selon le pays et l'arrière-plan de l'église.

Dans tous les siècles, les vrais croyants ont dû lutter pour sauvegarder la foi, en insistant sur la nécessité de rester fidèles en premier lieu à la Parole de Dieu, sans l'accommoder aux exigences de la pensée philosophique ou religieuse à la mode.

Il serait très utile d'examiner brièvement les origines de certaines tendances philosophiques qui influent sur la théologie et la pratique chrétiennes de nos jours.

La faillite du rationalisme

Depuis la Renaissance jusqu'à notre XXème siècle, le monde occidental, sous l'emprise de ses philosophies humanistes, croyait pouvoir déchiffrer le sens de l'univers et de la vie par la seule raison humaine. On croyait également que, par la science rationaliste, l'homme résoudrait les problèmes qui le tracassent depuis le début de son histoire. Or, cela s'est avéré être une illusion.

À partir du XIXème siècle, la doctrine transformiste de la nature de l'homme a amené les philosophes à ajouter à cet humanisme fondamental une seconde illusion tout aussi tragique : c'était la conviction que l'humanité progressait, selon les normes d'une évolution inévitable, vers une amélioration de son état sur tous les plans, y compris le plan moral ; l'homme, en somme, « allait de mieux en mieux ».

Les événements du XXème siècle ont fait exploser ces deux thèses. Nous, qui avons connu les guerres modernes, les camps de concentration, le terrorisme, la dégradation du mariage avec, comme résultat logique, la dégradation morale et psychique de l'enfance et de la société, parmi les mille autres tromperies de notre génération, sans parler des ravages inexplicables du cancer et la crainte perpétuelle d'un conflit nucléaire : nous ne pouvons plus entretenir des idées aussi naïves. Ce qui est peut-être pire, c'est que la vraie science a dégénéré en technologie qui met entre les mains des puissants de la terre une arme invincible pour manipuler les masses. L'optimisme facile de nos grands-parents semble invraisemblable devant les faits actuels.

Il est enfin évident à tous ceux qui ont des yeux pour voir que la raison de l'homme ne lui a pas permis de trouver le sens de sa propre vie. L'univers demeure pour lui une énigme presque monstrueuse qui l'effraie de plus en plus. Ni les philosophes ni les scientifiques de nos jours ne nous offrent l'espoir de découvrir une rationalité ultime, une réalité au fond des choses qui nous rassurerait. La raison fait faillite.

Certes, la raison a mis à la portée de l'homme des connaissances apparemment illimitées de la structure de la matière, bien que le fond de l'univers lui semble de plus en plus mystérieux. Plus l'homme en découvre les lois, les principes, les faits, les vérités, moins il sait les coordonner de manière à en faire une entité logique et satisfaisante. Plusieurs de nos philosophes occidentaux ont abouti à la conclusion que la vie est absurde, ils ne trouvent aucune signification essentielle au cosmos. L'homme ne sait pas pourquoi il existe, il ne sait même pas ce qu'il est. La philosophie, qui lui promettait tant il y a cent ans, s'est enfoncée dans une impasse.

L'humanisme de la Renaissance nous a amenés à la bombe atomique. Du rationalisme du XVIIIème siècle est issu du matérialisme du XIXème siècle et celui-ci a enfanté le chaos de notre XXème siècle.

La difficulté de l'homme moderne, c'est qu'il lui manque la clé qui expliquerait son existence et son destin. L'homme du XIXème siècle croyait encore avoir cette clé qu'il identifiait à la raison. Mais la raison n'a pas empêché que notre génération actuelle vive, face à la catastrophe. Quelle solution lui reste-t-il ?

« Le monde avec sa sagesse, dit Paul, n'a point connu Dieu. » 1 Corinthiens 1.21.

Deux humanismes impossibles

En dépit des faits, la pensée humaniste n'a pas reconnu son insuffisance, sa faillite ; elle a refusé de prendre au sérieux les paroles de plus grand de tous les penseurs : Jésus-Christ. Elle n'a pas eu l'intelligence, ou plutôt l'honnêteté de rechercher, non plus une solution matérielle, mais la source même de la matière, c'est-à-dire, le Créateur : elle s'est détournée dans deux impasses philosophiques :

1

Le matérialisme à outrance

L'une de ces impasses est le marxisme qui nie tout simplement l'existence d'une raison ultime à l'univers, à la vie, à l'homme . L'homme est ce qu'il est et il faut qu'il se débrouille pour arracher coûte que coûte le maximum de bien-être matériel ici, maintenant. C'est le matérialisme le plus désespéré, poussé jusqu'à l'extrême logique.

Mais le problème du marxisme, c'est qu'il est incapable de changer la nature de l'homme. Le bouleversement des structures en sociales et économiques laisse le cœur humain aussi vide, aussi méchant, aussi cruel qu'auparavant. Un humanisme qui rejette la notion d'un Créateur infiniment bon ne peut jamais transformer l'homme à l'image de cette bonté. Les polices secrètes, les prisons, les camps de d'esclavage, les maisons de redressement « psychiatriques », la suppression des libertés, le génocide et la torture, ne peuvent jamais créer dans le cœur de l'homme l'amour absolument altruiste de Jésus de Nazareth. Le communisme, sans Jésus, est un humanisme idéaliste qui ne tient pas compte de la sensibilité de l'homme ; il veut faire le bien mais il cherche à y parvenir en faisant le mal. C'est un postulat impossible.

Le marxisme est lui-même une réaction contre une autre forme de matérialisme tout aussi destructeur de l'esprit humain : je veux dire le capitalisme abusif. Celui-ci se manifeste sous deux formes, toutes les deux fondées sur le pouvoir de l'argent : il est souvent allié à une intolérance religieuse ; à d'autres occasions, il se dit libéral, mais n'existe que par une exploitation commerciale et morale des masses.

2

La philosophie de l'irrationnel

L'autre impasse philosophique dans laquelle s'est engagé l'humanisme de notre XXème siècle, c'est l’existentialisme sous ses multiples formes. Même s'il est aujourd'hui un peu dépassé par la pensée d'avant-garde, il demeure une influence dominante sur le monde occidental contemporain. Cela est vrai pour les milieux populaires qui n'en comprennent pas les raisons, comme aussi pour beaucoup d'intellectuels.

Le rationalisme du XVIIIème siècle suivi, comme nous l'avons dit, du matérialisme superficiellement optimiste du XIXème et du début du XXème siècles, a donné lieu au pessimisme noir de notre époque actuelle. L'homme est dépassé par les événements : la science l’effraie, la politique le déçoit, la culture semble être bloquée dans un cul-de-sac... L'homme est arrivé au point de se dire : impossible de croire en un créateur rationnel ou bon, le monde est trop absurde, la vie n'a aucun sens... à moins qu'il n'existe une voie d'issue autre que la raison.

L'existentialisme, tout en niant la révélation biblique d'un Créateur personnel (ne serait-il pas plus exact de dire : « plus que personnel » ?), reconnaît le besoin qu'éprouve l'homme d’avoir un point de référence en dehors de lui-même, un objectif « supra-matériel ». Il a besoin d'une explication rationnelle de son existence et de son angoisse face au problème du mal. Seulement, puisqu'il ne connaît aucun « dieu » auquel il puisse s'adresser, il doit trouver en lui-même ce point de référence afin de justifier sa propre existence.

Cet humanisme existentialiste, au moins sous certaines de ses formes, a abouti à la conclusion que, si en fait il y a une explication de l'énigme de l'univers et de la présence de l'homme sur cette planète, si après tout la vie a un sens véritable, ce n'est pas avec la raison que l’homme doit chercher la réponse. L'existentialisme est en partie une réaction contre les méthodes « rationnelles » de la science matérialiste qui ont provoqué la crise terrifiante et apparemment sans solution de notre époque actuelle. Ce refus d'une réponse rationnelle laisse à l'homme une seule possibilité : chercher les vraies valeurs dans le domaine de la non-raison, par des moyens irrationnels. La raison serait encore valable, dit-on, pour les recherches scientifiques, dans le domaine du matériel ; mais elle est dépassée quand il s'agit des choses ultimes, réelles. L'homme a en lui un « besoin » d'autre chose que le purement matériel. Le rationalisme n'a pu satisfaire à ce besoin... et c'est de là que vient le culte actuel de l'irrationnel.

C'est le philosophe danois Kierkegaard qui est le « père » de l'existentialisme. Conscient déjà au XIXème siècle de la faillite de la raison, il ne voyait qu'une seule solution ; faire un « acte de foi » indépendamment de la raison : faire un saut dans l'inconnu, dans l'espoir d'y rencontrer Dieu ou au moins « quelque chose ». Kierkegaard, avec son arrière-plan chrétien (mais était-il né de nouveau ?) concevait peut-être ce « saut » comme un véritable acte de foi en Christ ; mais ses arguments ont été repris et utilisés par d'autres philosophes qui les ont interprétés en des termes franchement humanistes.

Les philosophes Heidegger et Jaspers formulèrent la conception d'une expérience « existentielle » qui permettrait à l'individu de « toucher » le monde « réel » qui existe peut-être au delà de la raison. La seule manière de faire cette expérience serait par le « saut dans le vide » que Kierkegaard avait identifié avec la foi. Une expérience semblable étant, selon Karl Jaspers, « décisive » ou « définitive », l'individu peut ensuite se dire : « je l'ai faite »... même s'il demeure incapable d'expliquer ce qu'il a ressenti. Elle lui permet d'affirmer l'existence d'un « quelque chose » de réel, au-dessus et au delà de la vie matérielle, mais que la raison ne peut ni saisir ni communiquer à autrui. C'est une expérience sans doute incompréhensible mais qui lui a donné le sentiment d'être « arrivé », d'avoir « touché le fond ». Il « sait » enfin qu'il a une existence à lui, qu'il n'est pas un fantasme ni une simple machine chimique. Il s'est trouvé face à un élément qui « existe ».

Tout cela se passe dans le domaine de la « non-raison ». Il s'agit d'une expérience subjective, mais qui paraît aboutir à une « objectivité » rassurante.

Pour des millions de personnes, ces dernières années, la recherche d'une expérience « existentielle » a été désastreuse. La faillite du matérialisme et la terreur de la technocratie expliquent le revirement extraordinaire de la génération d'après-guerre vers toutes sortes de solutions qui auraient paru impensables à la génération précédente. Le phénomène hippie, la drogue, l'occultisme, y compris la magie noire et le satanisme, la mystique d'Orient, le pèlerinage vers les anciennes religions d'Asie, la réussite étonnante des sectes bizarres en Occident : tout cela s'explique en une seule parole : le culte de l'irrationnel.

C'est la révolte d'une génération désillusionnée par le matérialisme aveugle de ses parents, par une religiosité et une moralité sans conviction. Parce que les églises ne prêchaient plus une foi inébranlable en un Dieu réel qui s'est incarné véritablement dans notre chair humaine en Jésus, parce que le péché, le ciel, l'enfer, l'éternité n'étaient plus des réalités pour les occidentaux, parce qu'ils ne croyaient plus à la parole, au logos de Dieu, leurs enfants se sont tournés vers le monde invisible sans posséder les armes nécessaires pour se protéger des puissances des ténèbres. Et celles-ci ont envahi l'Europe et l'Amérique comme un tourbillon.

Crédulité ou foi consciente ?

Évidemment, il y a un élément de vérité dans le point de vue existentialiste : c'est ce qui a séduit tant de théologiens et d'hommes d'église. Il est certain que l'homme ne trouve pas Dieu par la raison. Il est vrai qu'il doit faire un acte de foi pour entrer dans le royaume de Dieu. L'expérience « décisive » de Jaspers ressemble étrangement à la notion évangélique de la conversion et de la nouvelle naissance.

Et pourtant ! cette ressemblance n'est que superficielle ; la différence entre la vraie foi chrétienne et l'existentialisme humaniste consiste dans le fait que l'acte de foi exigé par le Dieu de la Bible n'est pas un « saut dans le vide », ce n'est pas un engagement vis-à-vis de l'inconnu. La foi biblique est fondée ; elle a des bases solides. Elle n'est pas un simple effort de la volonté humaine ni même la résignation de cette volonté. Il n'est pas simplement question de « foi », mais de foi en Christ. Cette foi est consciente, elle a un objectif précis qui est défini sans équivoque dans le Nouveau Testament.

Croire en Christ n'est pas un acte irrationnel. Il est vrai que Dieu est au delà de la raison de l'homme déchu, mais il n'est pas au delà de la raison, puisqu'il est la raison même. Répétons-le, son logos est lui-même : « la Parole était Dieu », comme le dit l'apôtre Jean, Jean 1.1 et ce logos n'est pas illogique. L'homme qui croit en Christ sait ce qu'il fait ; il est pleinement conscient de son action et de son objectif ; alors que le hippie, le drogué, le mystique se livrent à des puissances occultes qu'ils ignorent et qui, étant trop souvent démoniaques, les possèdent par la suite et les gardent sous leur emprise. La différence entre les deux conceptions est aussi grande que celle qu'il existe entre le jour et la nuit.

LA PÉNÉTRATION DE L'EXISTENTIALISME
DANS LA PENSÉE CHRÉTIENNE

Le marxisme incarne la négation absolue de toute réalité spirituelle, divine ou « surnaturelle » ; c'est le matérialisme pur. Le christianisme, dans sa première réaction contre le marxisme, à ouvert ses portes de plus en plus à l'influence de l'existentialisme qui a pénétré dans la pensée chrétienne à deux niveaux, en deux phases, de deux façons différentes.

1

Une théologie incrédule

La philosophie existentialiste a trouvé un sol fertile là où la critique rationaliste ou humaniste, d'abord en Allemagne et ensuite partout, avait déjà sapé les fondements de l'enseignement biblique dans les écoles de théologie. Le libéralisme du début de ce siècle qui n'acceptait plus la véritable autorité divine des Écritures, a trouvé dans l'existentialisme une forme philosophique qui lui permettait de maintenir une structure d'apparence chrétienne, en utilisant un vocabulaire chrétien pour exprimer des conceptions qui étaient souvent à l'opposé du sens de l'Évangile !

De cette attitude dite « moderniste », « libérale » ou « progressiste » — mais que l’on ferait mieux d'appeler plutôt « incrédule » — est née, au cours de la génération actuelle et dans le sein même de notre christianisme occidental, la théologie dite de la « mort de Dieu » — ce qui est, non seulement un non-sens linguistique mais, en fait, le blasphème ultime. Des théologiens, des pasteurs, des prêtres continuent à occuper leurs postes salariés dans les églises, bien qu'ils ne soient plus chrétiens dans le sens biblique du mot et que, dans de nombreux cas, ils ne croient même pas en Dieu : pour eux, son nom est devenu un symbole, c'est tout, comme « x » ou « pi »... Ce sont des conducteurs aveugles, comme disait Jésus, de faux prophètes, des loups revêtus de peaux de brebis. Or, à la base de cette philosophie pseudo-chrétienne se trouve, la plupart du temps, un existentialisme plus ou moins avoué, qui a réussi à remplacer la foi et à vider les églises.

La théologie existentialiste

Tout cela n'a absolument rien de commun avec la foi et les réalités spirituelles dont nous parle la Bible ; pourtant, de grands théologiens de ce siècle, dont le plus connu a sans doute été Bultmann, sont parvenus à accommoder les croyances qu'ils appelaient encore « chrétiennes » à ce nouveau mode de pensée existentialiste. Pour les églises, le résultat a été aussi désastreux que pour le monde.

Les théologiens libéraux du XIXème siècle avaient tenté, au nom de la science, de dépouiller la Bible et la foi en Christ de tout élément « surnaturel ». Les nouveaux théologiens existentialistes, pour la plupart, sont allés plus loin. Non seulement ils rejettent, eux aussi, l’authenticité historique de la Bible, mais ils affirment que celle-ci n'a aucune importance, puisque la vérité ne dépend de toute manière pas de la raison, elle doit être « expérimentée » de façon existentielle. Que la Bible soit inerrante ou remplie d'erreurs, que Jésus soit Dieu ou un mythe, pour eux, cela n'a aucune importance, puisque l'expérience à rechercher est subjective et ne dépend pas de l'historicité du Nouveau Testament. Le postulat horrible de la « mort de Dieu » ne les effraie pas. Ils trouvent cependant utile de toujours employer une terminologie biblique comme expression symbolique de leurs idées non chrétiennes.

Or, dès qu'un théologien (mais pourquoi l'appeler « théologien » si pour lui Dieu n'existe pas ?) ne croit plus à l'inspiration plénière de la Bible, dès qu'il ne voit en Jésus qu'un symbole, un mythe ou une figure humaine idyllique et légendaire, que peut-il mettre à leur place ? Il continue à parler de l'incarnation, de la croix, de la résurrection, du Saint-Esprit et de... que sais-je encore ! Mais la connotation qu'il attribue à ces termes appartient au domaine de la mystique existentialiste. Pour lui, l'incarnation de Christ signifie peut-être l'ouverture de l'esprit humain à l'esprit du cosmos et ainsi de suite. Sa prédication de « l'évangile » invite une chrétienté ébranlée et dépérissante à croire malgré tout en « quelque chose » que l'on appellerait encore « dieu », faute d'un autre nom, mais qui ne serait en fait qu'une formule psychologique, un point d'interrogation ou même un zéro.

Suis-je un peu brutal dans mon analyse ? Pourtant une fois le masque déchiré, c'est effectivement ce qui a remplacé la foi solide et robuste de nos ancêtres. Les chrétiens qui adhèrent encore à l'inspiration verbale de la Bible sont considérés souvent comme des spécimens « préhistoriques » nuisibles à l'évolution du christianisme. Heureusement, ces chrétiens « bibliques » sont encore nombreux et ils trouvent que le message pur du Nouveau Testament répond au plus profond besoin de l'homme moderne... à condition de le vivre.

Le relativisme

La dialectique hégélienne (Hegel : 1770-1831) a privé l'homme moderne de tout espoir de connaître la vérité ; pour lui, tout est devenu relatif, alors qu'il a plus que jamais besoin de valeurs absolues qui lui servent de points de référence. Puis, greffé sur cette incertitude fondamentale, l’existentialisme vient ajouter à la confusion, en proposant à l'homme une expérience non vérifiable autrement que par les sentiments les plus subjectifs. Voilà le remède que l'on veut nous apporter à la place du vrai Évangile de Jésus-Christ.

L'homme moderne ne sait plus « vivre avec » son matérialisme. Il reconnaît en fait qu'il ne peut espérer, par sa raison, justifier les croyances religieuses qu'il considère comme démodées par les tendances scientifiques de l'époque. Malgré cela, cependant, il cherche une réponse à son angoisse, car il ne peut se passer d'un objectif ultérieur, d'une raison d'être « spirituelle », d'une preuve de son « existence » : il a besoin de « croire ».

Mais comment « croire » s'il n'existe en fait rien de « vrai », de « réel » à l'origine de l'univers et au delà de la matière ? Comment vivre un idéal illusoire ? L'existentialisme   chrétien » lui propose en fait de chercher par la « foi » cet idéal, cet élément spirituel dont il ressent le besoin ; mais il est tenu de rejeter l'autorité de la Bible qui n'est, à ses yeux, qu'un livre faillible comme les autres ; il ne peut admettre non plus la divinité de l'homme Jésus. Il ne lui reste aucun fondement spirituel pour une foi véritable. Puisque l'homme ne peut plus espérer savoir, de façon rationnelle, ce qu'il cherche, la seule possibilité qui lui reste consiste à le sentir ; il doit faire une « expérience » qui le convainque de l'existence d'autre chose que la matière, d'un monde « réel ».

Dans son désespoir, il cherche donc par tous les moyens possibles, aussi illogiques, aussi impossibles soient-ils. Il est pourtant assuré qu'il ne peut toucher l'invisible que par la voie du non-rationnel : la seule possibilité qu'il lui reste consiste à faire un « saut » dans l'inconnu, dans le vide, peut-être dans le noir, afin de pouvoir se dire enfin — et dire aux autres — qu'il sait... qu'il y a après tout « quelque chose ».

En Angleterre, un conseil de théologiens et de pasteurs anglicans a publié, en 1978, un livre intitulé : The Myth of the Incarnation (Le mythe de l'incarnation). Le but de ce livre est de détruire toute foi en la divinité de Jésus-Christ. Heureusement qu'il y a de nombreux autres pasteurs anglicans qui y croient fermement ! Mais que faire lorsque des « leaders » religieux détruisent la foi et se détruisent ainsi eux-mêmes ? Comment le jugement de Dieu peut-il tarder à tomber sur un « christianisme » aussi — oui, j'emploie ce mot délibérément — satanique, ... et fou ? Pourquoi ces hommes ne changent-ils pas de métier ? Il leur serait plus honnête d'aller travailler dans une usine à faire une paire de souliers...

Le disciple du vrai Jésus voit ce genre d'incrédulité comme une trahison ; à ses yeux, c'est pire que le péché de Caïphe qui n'a jamais prétendu être l'ami de Jésus ; c'est le baiser de Judas.

2

Jusqu'à un existentialisme évangélique ?

Mais la pensée existentialiste n'a pas seulement envahi l'Église par « la porte de la rue », à travers les grandes écoles de théologie ; elle est aussi entrée par « la porte du jardin ». L'ennemi a su la faire pénétrer, sous d'autres formes, dans le sein même du monde évangélique. Nous sommes un peu partout témoins d'une recherche assidue d'une expérience que le philosophe Jaspers appellerait sans doute « décisive », mais qui est en fait non rationnelle et même inintelligible. Pour de très nombreux chrétiens de nos jours, l'irrationnel est exalté au-dessus de tout. Comment expliquer une attitude aussi peu conciliable avec l'enseignement des Écritures ?

Ces dernières années, las de la sclérose et de la torpeur qui a caractérisé la plupart des milieux chrétiens, un grand nombre de croyants ont aspiré à un renouveau spirituel. Ce désir les a amenés à rechercher, avec raison, une expérience authentique du Saint-Esprit.

Dieu, dans sa compassion, a répondu à cette aspiration, car des multitudes de chrétiens de nom ont trouvé enfin la réalité du Christ qu'ils ignoraient, alors qu'en même temps des chrétiens authentiques ont découvert une nouvelle dimension de la foi en une communion véritable avec Dieu et avec leurs frères. Pour tout cela, nous louons Dieu.

Pourtant, le diable n'a pas manqué de mettre son bâton dans les roues... Quand il ne peut arrêter une action divine par une opposition flagrante ou par une persécution totale, il cherche à introduire dans le courant du mouvement une faille qui passe d'abord presque inaperçue mais qui finit par étouffer l'action de l'Esprit de Dieu. Il crée ainsi une déviation qui, non seulement aboutit à une impasse spirituelle, mais provoque à son tour un conflit doctrinal qui finit par diviser les chrétiens. C'est là son but essentiel, car il sait qu'un peuple divisé contre lui-même ne peut subsister.

Au cours du « renouveau » de ces dernières années, on a mis, avec raison, un fort accent sur les dons de l'Esprit, sujet étrangement négligé par la majorité des églises. Mais pourquoi n'a-t-on pas concentré l'attention des croyants sur les dons que Dieu appelle supérieurs ? Pourquoi n'a-t-on pas demandé à Dieu surtout des apôtres, des prophètes (des vrais, ceux qui insistent sur la connaissance approfondie de la Parole de Dieu), des évangélistes, des docteurs et des bergers ? Car c'est de ceux-là que l'Église a tant besoin, aujourd'hui plus que jamais. Pourquoi, au contraire, cette obsession des dons que Paul considère comme inférieurs et en particulier du don des langues, qu'il met au bout de sa liste de dons ?

Que l'on reconnaisse l'existence de ce don, qu'on l'apprécie à sa juste valeur, c'est une chose ; mais en faire une obligation comme on le fait si souvent, le mettre presque sur un trône, le « diviniser » pour ainsi dire, le rechercher systématiquement, l'appeler le signe indispensable ou pratiquement indispensable de la réception du Saint-Esprit, cela nous fait poser la question : d'où vient ce déséquilibre ? Quelle est l'origine de cette doctrine exagérée ?

Ce qui surprend — et qui trouble —, c'est cette insistance sur une expérience non rationnelle, sur un langage inintelligible. Pourquoi ? À part les quelques demi-versets de 1 Corinthiens 14 pris en dehors de leur contexte et que nous avons examinés, il n'y a rien, absolument rien dans toute la Bible qui nous inciterait à rechercher une expérience semblable. Partout dans les Écritures, Dieu parle directement à l'homme en langue connue ; il n'y a rien d'ambigu dans son expression. Les expériences spirituelles des hommes de Dieu les bouleversaient, les mettaient face contre terre ou les enlevaient au ciel ; mais ces hommes étaient conscients au plus haut degré de ce qu'ils faisaient, de ce qu'ils entendaient et de ce qu'ils disaient. Ils nous ont transcrit les détails de leurs expériences en termes lucides et précis. Nulle part dans la Bible, nous ne voyons des hommes de Dieu chercher à passer par une crise irrationnelle, ou s'exprimer de façon inintelligible. L'expérience et l'expression des apôtres dans Actes 2 furent hautement rationnelles et intelligibles. La seule exception serait les croyants de Corinthe dont la plupart n'étaient certainement pas des hommes de Dieu puisque Paul les traite de charnels et d'infantiles (1 Corinthiens 3.1) !

On a beaucoup insisté — et avec raison — sur la nécessité d'une foi vécue, d'une expérience du Saint-Esprit, au lieu de se contenter d’une simple rectitude doctrinale. Mais, en insistant sur l'expérience, on a négligé d'insister sur ses fondements bibliques : on s'est contenté d'un empirisme où l'expérience seule compte, sans que l'on en vérifie l'origine et le but. De cette négligence proviennent les cas très nombreux de faillite spirituelle dans ce domaine. On néglige, on évite même d'éprouver les esprits, ce qui constitue une désobéissance au commandement de Dieu.

Aucun homme ne peut « toucher » le royaume de Dieu, le domaine de l'Esprit, autrement que par la foi, c'est-à-dire : par l'Esprit. Ni la raison ni les sens physiques n'y peuvent rien, puisque la nouvelle naissance est un acte de Dieu. L'homme ne fait que recevoir. Pourtant, lorsque l'Esprit de Dieu amène un homme à la foi en Christ que ce soit pour obtenir la nouvelle naissance ou pour recevoir d'autres bénédictions, il agit sur l’homme tout entier. La foi en Christ engage tout l'être humain : l'affectivité, l'intuition, la volonté et aussi la raison.

Dieu dépasse notre raison, mais il ne la détruit pas, il ne la caricature pas. La foi en Christ va au delà de la raison, mais ne la scandalise pas. La foi et la raison marchent ensemble d'un seul pas ; la foi devance toujours la raison, mais ne l'abandonne pas. La raison est finalement satisfaite de l'aboutissement de la vraie foi. Non seulement « les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes », mais le message des prophètes doit être également soumis au jugement (grec : discernement) des autres croyants, 1 Corinthiens 14.29,32 c'est-à-dire, à leur raison éclairée par l'Esprit et la Parole de Dieu. Dieu est certainement au delà de tout ce qui est rationnel, mais il n'est pas « infra-rationnel » il est rationnel ; on pourrait même dire « supra-rationnel ». En créant l'homme selon sa ressemblance, il n'efface pas sa propre image.

La foi fondée sur l'Écriture Sainte éclaire la raison mais ne s'en moque pas ; ainsi, l'Esprit de Dieu dépasse la raison de l'homme mais il n'en fait pas un non-sens ; alors que le culte existentialiste du non-rationnel oblige l'homme à mettre son intelligence « en veilleuse » ou même complètement de côté. Prétendre, comme on le fait, que l'apôtre Paul nous enseigne à faire précisément cela quand il dit : « Mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile » (1 Corinthiens 14.14), c'est aller à l'encontre de tout son argument ; car il ajoute (comme nous l'avons vu) : « Que faire donc ? Je prierai par l'esprit (ou : par l'Esprit), mais je prierai aussi avec l'intelligence » (Ce passage est analysé dans le chapitre 17). Pour Paul, l'Esprit de Dieu, comme l'esprit humain régénéré, n'est pas contraire à l'intelligence ou à la raison ; les deux doivent agir ensemble. C'est une grosse erreur que de vouloir les dissocier l’un de l’autre.

Je serais le dernier à nier la valeur et la nécessité d'une profonde expérience dans le domaine de la foi. Une doctrine qui n'est pas vécue n'a aucun sens. Et pourtant ! Si l'on néglige la doctrine, c'est-à-dire, la définition de la vérité que l'on poursuit et que l'on veut expérimenter, celui qui fait l'expérience risque fort de se tromper, de faire une expérience tout court. Je sais que cela est vrai. Il existe trop de cas qui le prouvent.

Dieu ne veut pas faire de nous des schizophrènes ! Il nous veut tout entiers à son service. Il exige notre sanctification complète : esprit, âme et corps 1 Thessaloniciens 5.23. Il nous demande de l'aimer, comme le disent Moïse et Christ lui-même, de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force. C'est le premier et le plus grand commandement Marc 12.28-30, Matthieu 22.37-38. Comment donc prétendre que Dieu soit honoré par-dessus tout lorsque nous l'adorons ou le servons sans notre pensée, sans intelligence ? N'est-ce pas là une impasse très subtile dans laquelle l'ennemi cherche à nous introduire ? L'Esprit de Dieu ne cherche pas à créer un schisme dans notre personnalité, il veut faire de nous de vrais êtres humains, des hommes complets... à l'image de Jésus-Christ.

L'Esprit de Dieu est intelligent et lucide dans toutes ses voies.

Personnellement, je souffre de voir certains de mes frères chrétiens, que j'aime tant, attribuer à l’action de l'Esprit de Dieu une expérience rationnelle associée à un langage inintelligible. C'est, à mes yeux, un retour à Babel. Le caractère de Dieu, le caractère de son Esprit ne se prêtent pas à ce genre d'activités. Tout ce que fait Dieu est lumière ; ses actions, Sa Parole, sa pensée, son logos sont toujours clairs, sans équivoque ; ils n'ont rien de ténébreux. Si le Saint-Esprit veut parler « en langue inconnue » par un enfant de Dieu, cette langue ne sera pas inconnue de celui à qui elle est adressée. L'église aura besoin, certes, qu'elle soit traduite pour le bien des autres, afin que tous comprennent le sens du message et soient édifiés en voyant les conséquences d'une intervention divine ; mais celui ou ceux pour qui le message est conçu sauront que c'est Dieu qui leur parle et ils comprendront. Tout sera expliqué et vérifié, afin que Dieu soit honoré de tous.

L'Esprit de Dieu agit d'une manière digne de Dieu

Je conçois difficilement que l'Esprit de Dieu accorde ou emploie le don des langues ou quelque autre don sans justification, Sans aucune raison valable. S'il parle « en langues » dans l'assemblée, ce sera certainement dans un but absolument compréhensible, afin de convaincre un non-croyant comme dans Actes 2. Une telle action serait tout à fait digne de sa sagesse et de sa divinité ; le miracle correspondrait à la définition donnée par Paul dans 1 Corinthiens 14.22.

J'estime que le Saint-Esprit est trop intelligent pour agir d'une manière indigne de son propre logos, indigne de la sagesse de Dieu. La Bible, de la Genèse à l'Apocalypse, représente son œuvre comme étant totalement lucide, sans la moindre équivoque.

Pour cette raison, je ne crois pas que l'Esprit de Dieu s'exprimerait par un « non-sens linguistique ». Puisque son but dans l'assemblée consiste à l'édifier, à la bâtir, à la construire, il va sans dire qu'il emploiera les moyens les plus efficaces pour le faire.

Et pourquoi l'Esprit de Dieu dirait-il quelque chose à l'assemblée en chinois ou en esquimau ou même en langue « angélique » (si cela existe) pour le faire ensuite interpréter en langue connue, alors qu'il peut le dire directement à l'assemblée en langue compréhensible ? Une procédure aussi tortueuse ne correspond pas au caractère du Dieu de Jésus-Christ.

L'Esprit de Dieu n'est pas absurde

Je sais que l'Esprit de Dieu est maître de lui-même et je ne conteste pas son droit absolu de faire ce qu'il veut, ce qu'il juge bon. Il nous a révélé cependant son vrai caractère par les Écritures et il serait inconcevable qu'il se contredise en opposant son action à sa parole. La révélation de Dieu dans la Bible est droite, directe, transparente ; elle exprime la nature de Dieu qui est la lumière même. Vu notre état désespéré de perdition et d'ignorance sans Christ, il a pourvu à notre besoin de certitude. Je suis sûr qu'il ne se laisse pas aller à des manifestations ambiguës et qui, au fond, n'ont pas de sens.

Jésus, pendant son ministère, a fait beaucoup de choses surnaturelles ; mais chaque miracle correspondait à une situation précise, à un besoin particulier. Jésus ne mystifiait pas ceux qui le suivaient. Toutes ses actions étaient intelligentes et intelligibles au plus haut degré, ayant l'objectif de sauver et de soulager les hommes qui se tournaient vers Dieu. Il n'a fait aucun miracle qui ne soit en même temps un signe, c'est-à-dire une œuvre qui signifiait quelque chose, et cette signification était chaque fois absolument claire. Ses miracles avaient une raison qui sautait aux yeux, un sens tellement évident que nous nous en servons dans notre évangélisation pour illustrer les multiples aspects de son œuvre de salut en faveur des hommes.

Au moment où nous comparons les miracles de Christ avec ceux des religions humaines et des milieux occultes, nous sommes frappés par la différence. Ceux-ci sont souvent « inutiles » et parfois même ridicules. Or, le Saint-Esprit est l'Esprit de Jésus-Christ et toute son œuvre ressemble à celle de Jésus : ses actes sont compréhensibles à l'esprit régénéré ; ils sont logiques, imprégnés d'une signification indiscutable. Ils sont surtout nécessaires ; ils ne sont jamais inutiles.

Croire que l'action de l'Esprit de Dieu soit en fait déraisonnable, lui attribuer un caractère absurde ou « existentialiste », cela outrage son intelligence et sa dignité. C'est faire un non-sens de son logos,c'est réduire au néant la Parole de Dieu. Je ne veux pas juger mes frères qui pensent le contraire, car je les aime trop ; mais je leur demande, au nom de notre Maître Jésus-Christ, de prendre en considération ce que je dis et de réexaminer la Parole de Dieu, d'écouter ce que l'Esprit de Dieu nous dit sur lui-même.

Si la trompette rend un son confus...

Qui peut espérer connaître un Dieu qui ne se révèle pas de façon absolument claire, sans équivoque, avec la plus grande exactitude ? Quelle valeur attacher à un énoncé dont le sens serait incertain, ou même incompréhensible ? L'homme a besoin d'une parole divine qui lui explique son origine, son état présent et son destin, une parole qui indique avec clarté le chemin de la vie et de la mort, qui définisse l'attitude de son Créateur, un vocabulaire transparent, précis et logique qui permette un dialogue sans ambiguïté entre lui et Dieu.

Dieu, dans sa compassion, à justement pourvu au besoin de l'homme par la Bible. Puisqu'il nous parle dans la lumière, voudrait-il que nous lui répondions dans les ténèbres ? S'il a choisi de nous parler dans notre propre langue humaine et de la manière la plus précise, n'est-ce pas la preuve qu'il désire nous entendre de la même façon ? Pourquoi Dieu chercherait-il à susciter de notre cœur un langage que nous-mêmes ne comprendrions pas ? Dieu désire surtout une expression de notre amour qui provienne de notre être entier : corps, âme et esprit. Dieu cherche une réponse comme celle de l'apôtre Paul qui priait en même temps avec l'Esprit et avec l'intelligence, et qui préférait dire cinq paroles avec son intelligence que dix mille « en langue ».

De même, je suis convaincu que Dieu aime mieux entendre nos cinq paroles « intelligentes », aussi faibles soient-elles, mais qui proviennent du fond de notre être, qui engagent toute notre personnalité, que dix mille paroles dont nous ne connaissons pas là signification.

Conclusion

Voici la conclusion à laquelle je suis amené par la Parole de Dieu et par les faits : la recherche d'une expérience spirituelle non rationnelle n'est pas fondée sur la Parole de Dieu mais sur des influences provenant de la philosophie du siècle. Autrement dit, je suis persuadé que la doctrine et la pratique des « langues incompréhensibles » telles que des multitudes de chrétiens de nos jours les conçoivent, ne proviennent pas de la Bible, mais de la pénétration de l'existentialisme dans notre pensée évangélique.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant