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Bible de Jérusalem – Luc 22

VI. La passionv

Complot contre Jésus et trahison de Judas.

22 La fête des Azymes, appelée la Pâque, approchait.

v Dans tout le récit de la Passion, dépend beaucoup moins que précédemment de Mc. En revanche il a de nombreux points de contact avec Jn ; sans doute disposent-ils d’une source commune.

2 Et les grands prêtres et les scribes cherchaient comment le tuer, car ils avaient peur du peuple.w

w Luc ne raconte pas l’onction de Béthanie ; en 7.36-50, il a déjà présenté un fait de même genre.

3 Or Satan entra dans Judas, appelé Iscariote, qui était du nombre des Douze.

4 Il s’en alla conférer avec les grands prêtres et les chefs des gardesx sur le moyen de le leur livrer.

x Officiers de la police du Temple. Ils se recrutaient parmi les Lévites. Cf. Ac 4.1.

5 Ils se réjouirent et convinrent de lui donner de l’argent. 6 Il acquiesça, et il cherchait une occasion favorable pour le leur livrer à l’insu de la foule.

Préparatifs du repas pascal.

7 Vint le jour des Azymes, où devait être immolée la pâque, 8 et il envoya Pierre et Jean en disant : « Allez nous préparer la pâque, que nous la mangions. »

9 Ils lui dirent : « Où veux-tu que nous préparions ? » 10 Il leur dit : « Voici qu’en entrant dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison où il pénétrera, 11 et vous direz au propriétaire de la maison : « Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la pâque avec mes disciples ? » 12 Et celui-ci vous montrera, à l’étage, une grande pièce garnie de coussins ; faites-y les préparatifs. » 13 S’en étant donc allés, ils trouvèrent comme il leur avait dit, et ils préparèrent la pâque.

Le repas pascal.

14 Lorsque l’heure fut venue, il se mit à table, et les apôtres avec lui. 15 Et il leur dit :y « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir ;

y Luc adopte la convention hellénistique d’un repas des adieux du Maître avec ses disciples. Les paroles prononcées par Jésus à la Cène tiennent chez une place plus importante que chez Mt et Mc ; les entretiens de Jn 13.31 seront encore plus développés. Luc semble avoir conçu ces discours à la lumière des assemblées eucharistiques primitives.

16 car je vous le dis, jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle s’accomplissez dans le Royaume de Dieu. »

z Elle s’accomplira d’une manière initiale par l’institution de l’Eucharistie, centre de la vie spirituelle du Royaume fondé par Jésus, d’une manière totale et sans voile à la fin des temps.

17 Puis, ayant reçu une coupe,a il rendit grâces et dit : « Prenez ceci et partagez entre vous ;

a Luc a distingué la pâque et la coupe des vv. 15-18 du Pain et de la Coupe des vv. 19-20, pour mettre en parallèle le rite ancien de la Pâque juive et le rite nouveau de l’Eucharistie chrétienne. Ne comprenant pas cette construction théologique et s’étonnant de trouver deux coupes, des témoins anciens ont omis le v. 20 ou même la fin du v. 19 (à partir de « qui va être donné pour vous »).

18 car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu. »

Institution de l’Eucharistie.b

19 Puis, prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous ; faites cela en mémoire de moi. »

b On remarquera la parenté du texte de Luc avec celui de Paul.

20 Il fit de même pour la coupe après le repas, disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous.c

c On peut comprendre « qui va être donné/versé » ou « qui doit être donné/versé ».

Annonce de la trahison de Judas.

21 « Cependant, voici que la main de celui qui me livre est avec moi sur la table.

22 Le Fils de l’homme, certes, va son chemin selon ce qui a été arrêté, mais malheur à cet homme-là par qui il est livré ! » 23 Et eux se mirent à se demander entre eux quel était donc parmi eux celui qui allait faire cela.

Qui est le plus grand ?d

24 Il s’éleva aussi entre eux une contestation : lequel d’entre eux pouvait être tenu pour le plus grand ?

d Luc transpose ici, sous une forme d’ailleurs assez différente, des paroles que Mt Mc placent après la demande des fils de Zébédée, Mt 20.25-28 ; Mc 10.42-45. Dans leur nouveau contexte, ces enseignements de Jésus éclairent les questions de préséance et de service des tables qui devaient se poser dans les assemblées liturgiques primitives, cf. Ac 6.1 ; 1 Co 11.17-19 ; Jc 2.2-4.

25 Il leur dit : « Les rois des nations dominent sur elles, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler Bienfaiteurs. 26 Mais pour vous, il n’en va pas ainsi. Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert.

27 Quel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert !

Récompense promise aux apôtres.

28 « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; 29 et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : 30 vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël.

Annonce du retour et du reniement de Pierre.

31 e « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment ;

e Add. « Et le Seigneur dit. »

32 mais moi j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »f

f Cette parole confère à Pierre, à l’égard des autres apôtres, un rôle de direction dans la foi. Sa primauté au sein même du collège apostolique y est plus clairement affirmée qu’en Mt 16.17-19, où il pouvait passer simplement pour le porte-parole et le représentant des Douze. Voir aussi Jn 21.15-17, où les « agneaux » ou « brebis » qu’il doit paître semblent bien inclure « ceux-ci », ses compagnons apostoliques qu’il dépasse en amour.

33 Celui-ci lui dit : « Seigneur, je suis prêt à aller avec toi et en prison et à la mort. » 34 Mais il dit : « Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui que tu n’aies, par trois fois, nié me connaître. »

L’heure du combat décisif.

35 Puis il leur dit : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » ­ « De rien », dirent-ils. 36 Et il leur dit : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive.g

g Une bourse pour acheter et une besace pour garder des vivres qui désormais ne seront plus donnés librement aux disciples ; un glaive pour se protéger dans un monde devenu hostile.

37 Car, je vous le dis, il faut que s’accomplisse en moi ceci qui est écrit : Il a été compté parmi les scélérats. Aussi bien, ce qui me concerne touche à sa fin. » ­ 38 « Seigneur, dirent-ils, il y a justement ici deux glaives. » Il leur répondit : « C’est bien assez ! »

Au mont des Oliviers.

39 Il sortit et se rendit, comme de coutume, au mont des Oliviers, et les disciples aussi le suivirent. 40 Parvenu en ce lieu, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. »

41 Puis il s’éloigna d’eux d’environ un jet de pierre et, fléchissant les genoux,h il priait en disant :

h La prière se faisait normalement debout, cf. 1 R 8.22 ; Mt 6.5 ; 18.11, mais aussi à genoux quand elle devenait plus intense ou plus humble, cf. Ps 95.6 ; Isa 45.23 ; Dn 6.11 ; Ac 7.60 ; 9.40 ; 20.36 ; 21.5.

42 « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse ! » 43 Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait. 44 Entré en agonie, il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre.i

i Bien qu’omis par quelques bons témoins, les vv. 43-44 sont à maintenir. Attestés dès le IIe siècle par de nombreux témoins, ils présentent le style et la manière de Luc. Leur omission s’explique par le souci d’éviter un abaissement de Jésus jugé trop humain.

45 Se relevant de sa prière, il vint vers les disciples qu’il trouva endormis de tristesse, 46 et il leur dit : « Qu’avez-vous à dormir ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. »

L’arrestation de Jésus.

47 Tandis qu’il parlait encore, voici une foule, et à sa tête marchait le nommé Judas, l’un des Douze, qui s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. 48 Mais Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! »

49 Voyant ce qui allait arriver, ses compagnons lui dirent : « Seigneur, faut-il frapper du glaive ? » 50 Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui enleva l’oreille droite. 51 Mais Jésus prit la parole et dit : « Restez-en là. » Et, lui touchant l’oreille, il le guérit.

52 Puis Jésus dit à ceux qui s’étaient portés contre lui, grands prêtres, chefs des gardes du Temple et anciens : « Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons ? 53 Alors que chaque jour j’étais avec vous dans le Temple, vous n’avez pas porté les mains sur moi. Mais c’est votre heure et le pouvoir des Ténèbres. »

Reniements de Pierre.

54 L’ayant donc saisi,j ils l’emmenèrent et l’introduisirent dans la maison du grand prêtre. Quant à Pierre, il suivait de loin.

j Dans Mt, la troupe met la main sur Jésus dès que Judas l’a embrassé ; suit l’épisode de l’oreille coupée ; le discours de Jésus vient en dernier lieu. De même dans Mc. L’ordre de Lc, où l’arrestation suit le discours de Jésus, souligne la maîtrise de Jésus sur l’événement. Cf. en ce sens Jn 10.18 ; 18.4-6.

55 Comme ils avaient allumé du feu au milieu de la cour et s’étaient assis autour, Pierre s’assit au milieu d’eux.

56 Une servante le vit assis près de la flambée et, fixant les yeux sur lui, elle dit : « Celui-là aussi était avec lui ! » 57 Mais lui nia en disant : « Femme, je ne le connais pas. » 58 Peu après, un autre, l’ayant vu, déclara : « Toi aussi, tu en es ! » Mais Pierre déclara : « Homme, je n’en suis pas. » 59 Environ une heure plus tard, un autre soutenait avec insistance : « Sûrement, celui-là aussi était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen ! » Mais Pierre dit : 60 « Homme, je ne sais ce que tu dis. » Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta, 61 et le Seigneur, se retournant, fixa son regard sur Pierre. Et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur, qui lui avait dit : « Avant que le coq ait chanté aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. » 62 Et, sortant dehors, il pleura amèrement.

Premiers outrages.k.

63 Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient ;

k Se plaçant durant l’attente de la nuit, avant la séance du Sanhédrin et non après elle comme chez Mt Mc, les outrages chez sont le fait, non des sanhédrites, mais de la valetaille. De plus, à la différence encore de Mt 26.68 ; Mc 14.65 (voir les notes), Jésus a le visage voilé, si bien que les outrages deviennent chez un jeu de devinette, bien connu dans le monde ancien et même en tous les temps. Sur ces points le récit de a sans doute plus de vraisemblance que ceux de Mt et Mc.

64 ils lui voilaient le visage et l’interrogeaient en disant : « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? » 65 Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres injures.

Jésus devant le Sanhédrin.l

66 Et quand il fit jour, le conseil des Anciens du peuplem s’assembla, grands prêtres et scribes. Ils l’amenèrent dans leur Sanhédrinn

l Au lieu des deux comparutions de Mt et Mc, n’en a qu’une, au matin et sans doute dans le bâtiment du « Tribunal », près du Temple. Cf. Mt 26.57.

m « Anciens » ne désigne pas ici l’un des trois éléments du Sanhédrin (les anciens), mais le Sanhédrin tout entier, dont indique les deux éléments les plus importants (grands prêtres et scribes).

n Plutôt que les personnes qui composaient le Sanhédrin, ce terme doit désigner ici le local officiel de leurs réunions. Ce local se trouvait, au moins en partie, sur l’esplanade du Temple, dans sa région sud-ouest. Il n’ouvrait ses portes qu’au petit matin, comme le suppose le v. 66.

67 et dirent : « Si tu es le Christ, dis-le-nous. » Il leur dit : « Si je vous le dis, vous ne croirez pas, 68 et si je vous interroge, vous ne répondrez pas. 69 Mais désormais le Fils de l’homme siégera à la droiteo de la Puissance de Dieu ! »

o évite le « vous verrez » de Mt et de Mc, ainsi que l’allusion à Dn. Peut-être a-t-il voulu éviter l’attente d’une Parousie prochaine, à laquelle pouvait prêter cette parole mal comprise.

70 Tous dirent alors : « Tu es donc le Fils de Dieu ! »p Il leur déclara : « Vous le dites : je le suis. » 71 Et ils dirent : « Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Car nous-mêmes l’avons entendu de sa bouche ! »q

p distingue mieux que Mt Mc les deux titres de « Christ », v. 67, et « Fils de Dieu », v. 70 ; comparer Jn 10.24-39.

q n’a ni faux témoignages (mais cf. Ac 6.11-14), ni sentence de mort explicite. Il semble bien dépendre d’une autre source que Mc Mt.

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