32 Cieux, prêtez l’oreille, et je parlerai ; terre, écoute ce que je vais dire !
z Ce cantique est un morceau de haute poésie qui exalte la puissance du Dieu d’Israël, seul vrai Dieu. Après une introduction de style sapientiel, vv. 1-2, il proclame la perfection des œuvres de Dieu, vv. 3-7, sa providence pour Israël, vv. 8-14, à quoi il oppose la rébellion du peuple, vv. 15-19, suivie du jugement, vv. 19-25 ; mais Dieu n’abandonne pas Israël à ses ennemis, vv. 26-35, et il interviendra en faveur de son peuple, vv. 36-42 ; le v. 43 est une doxologie. Ce cantique a existé indépendamment, avant d’être intégré dans le Dt. Il est très difficile à dater quelques traits de style archaïque ont parfois poussé à lui attribuer une date haute ; les oppresseurs d’Israël auxquels il est fait allusion seraient alors les Philistins (XIe s.). Mais les rapports avec les Psaumes et les Prophètes, spécialement le Deutéro-Isaïe et Jérémie, suggèrent plutôt une date basse ; les oppresseurs seraient en ce cas les Babyloniens (VIe s. av. J.-C.).
2 Que ma doctrine ruisselle comme la pluie, que ma parole tombe comme la rosée,
comme les ondées sur l’herbe verdoyante, comme les averses sur le gazon !
3 Car je vais invoquer le nom de Yahvé ;
vous, magnifiez notre Dieu.a
a L’invitation s’adresse à la nature entière.
4 Il est le Rocher, son œuvre est parfaite,
car toutes ses voies sont le Droit.
C’est un Dieu fidèle et sans iniquité,
il est Justice et Rectitude.
5 Ils se sont corrompus, eux qu’il avait engendrés sans tare,b
génération fourbe et tortueuse.
b Littéralement « non fils de tare ». Né de Yahvé, Israël était de bonne race, c’est par sa faute qu’il a dégénéré. — On suit ici grec et sam. ; l’hébr. est corrompu.
6 Est-ce là ce que vous rendez à Yahvé ?
Peuple insensé, dénué de sagesse !
N’est-ce pas lui ton père, qui t’a procréé,c
lui qui t’a fait et par qui tu subsistes ?
c Ici commence un raccourci d’histoire sainte. Comparer, outre les discours d’introduction, les Ps 78 ; 105, etc.
7 Rappelle-toi les jours d’autrefois,
considère les années, d’âge en âge.
Interroge ton père, qu’il te l’apprenne ;
tes anciens, qu’ils te le disent.
8 Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage,
quand il répartit les fils d’homme,
il fixa les limites des peuples suivant le nombre des fils de Dieu ;d
d Les « fils de Dieu » (ou « de dieux ») sont les anges, Jb 1.6, membres de la cour céleste, v. 43 et Ps 29.1 ; 82.1 ; 89.7, cf. Tb 5.4 ; ici, les anges gardiens des nations, cf. Dn 10.13. Mais Yahvé s’est réservé personnellement Israël, son peuple élu, cf. 7.6. — On suit ici le grec l’hébr. a « les fils d’Israël ».
9 mais le lot de Yahvé, ce fut son peuple,
Jacob fut sa part d’héritage.
10 Au pays du désert, il le trouve,
dans la solitude lugubre de la steppe.
Il l’entoure, il l’élève, il le garde
comme la prunelle de son œil.
11 Tel un aigle qui veille sur son nid,
plane au-dessus de ses petits,
il déploie ses ailes et le prend,
il le soutient sur son pennage.
12 Yahvé est seul pour le conduire ;
point de dieu étranger avec lui.
13 Il lui fait chevaucher les hauteurs de la terre,
il le nourrit des produits des montagnes,
il lui fait goûter le miel du rocher
et l’huile de la pierre dure,
14 le lait caillé des vaches et le lait des brebis
avec la graisse des pâturages,
les béliers, race du Bashân, et les boucs
avec la graisse des grains du froment,
et pour boisson le sang de la grappe qui fermente.
15 Jacob a mangé, il s’est rassasié,e
Yeshurûn s’est engraissé et il a regimbé.f
(Tu as engraissé, épaissi, élargi.)
Il a repoussé le Dieu qui l’avait fait
et déshonoré le Rocher, son salut.
e Grec, sam. ; stique omis par hébr.
f Comme un taureau, shôr, auquel fait allusion le nom de Yeshurûn, d’étymologie incertaine, donné à Israël ici et en 33.5, 26.
16 Ils l’ont rendu jaloux avec des étrangers,
ils l’ont irrité par des abominations.
17 Ils sacrifiaient à des démons qui ne sont pas Dieu,
à des dieux qu’ils ne connaissaient pas,
à des nouveaux venus d’hier
que leurs pères n’avaient pas redoutés.
18 (Tu oublies le Rocher qui t’a mis au monde,
tu ne te souviens plus du Dieu qui t’a engendré !)
19 Yahvé l’a vu, et dans sa colère
il a rejeté ses fils et ses filles.
20 Il a dit : Je vais leur cacher ma face
et je verrai ce qu’il adviendra d’eux.
Car c’est une génération pervertie,
des fils sans fidélité.
21 Ils m’ont rendu jaloux avec un néant de dieu,
ils m’ont irrité par leurs êtres de rien ;
eh bien ! moi, je les rendrai jaloux avec un néant de peuple,
je les irriterai au moyen d’une nation stupide !g
g Yahvé ne choisit pas un autre peuple, mais il utilise pour châtier Israël une nation qui n’a pas reçu sa sagesse. On voit ici une allusion, soit aux Philistins, soit aux Babyloniens.
22 Oui, un feu a jailli de ma colère,
il brûlera jusqu’aux profondeurs du shéol ;
il dévorera la terre et ce qu’elle produit,
il embrasera la base des montagnes.
23 Je lancerai sur eux les calamités,
j’épuiserai contre eux mes flèches.
24 Ils seront affaiblis par la faim,
dévorés par la peste et par un amer fléau.
J’enverrai contre eux la dent des bêtes
avec le venin des reptiles.
25 Au-dehors l’épée emportera les fils,
au-dedans régnera l’épouvante.
Périront ensemble jeune homme et jeune fille,
enfant à la mamelle et vieillard chenu.
26 J’ai dit : Je les réduirais bien en poussière,
j’abolirais leur souvenir parmi les hommes,
27 si je ne craignais l’arrogance de l’ennemi.
Que leurs adversaires ne s’y trompent pas !
Qu’ils ne disent pas : « Notre main l’emporte,
et Yahvé n’y est pour rien. »
28 Car c’est une nation aux vues courtes,
privée de discernement.
29 S’ils étaient sages, certes ils aboutiraient,
ils sauraient discerner leur avenir.h
h Le grec a « ils recevront cela dans l’avenir ».
30 Comment donc un seul homme en met-il mille en fuite,
et comment deux en poursuivent-ils dix mille,
sinon parce que leur Rocher les a vendus
et que Yahvé les a livrés ?
31 Mais leur rocher n’est pas comme notre Rocher ;
ce n’est pas à nos ennemis d’intercéder pour nous.
32 Car leur vigne vient de la vigne de Sodome
et des plantations de Gomorrhe :
leurs raisins sont raisins vénéneux,
leurs grappes sont amères ;
33 leur vin est un venin de serpent,
un violent poison de vipère.
34 Mais lui,i n’est-il pas à l’abri près de moi,
scellé dans mes trésors ?
i « lui », Israël que Dieu se garde en réserve. Le poème chante maintenant la délivrance et la punition des adversaires ; cf. Isa 14 ; 47 ; 51 et les prophéties de Jr et Ez contre les nations.
35 À moi la vengeance et la rétribution,j
pour le temps où leur pied trébuchera.
Car il est proche, le jour de leur ruine ;
leur destink se précipite !
j On retrouve dans ces vv. des apostrophes que les prophètes adressaient à Israël, et qui sont retournées ici contre ses ennemis, cf. Jr 18.17 ; Isa 10.3, etc.
k Littéralement « ce qui est préparé pour eux ».
36 (Car Yahvé va faire droit à son peuple,
il va prendre en pitié ses serviteurs.)
Car il va voir que leur vigueur s’épuise,
qu’il ne reste plus ni libre, ni serf.
37 Alors il dira : Où sont leurs dieux,
rocher où ils cherchaient refuge,
38 ceux qui mangeaient la graisse de leurs sacrifices,
buvaient le vin de leurs libations ?
Qu’ils se lèvent et vous secourent,
qu’ils soient au-dessus de vous votre abri !
39 Voyez maintenant que moi, moi je Le suis
et que nul autre avec moi n’est Dieu !
C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre ;
quand j’ai frappé, c’est moi qui guéris
(et personne ne délivre de ma main).
40 Oui, je lève ma main vers le ciel
et je dis : Aussi vrai que je vis pour toujours,
41 quand j’aurai aiguisé mon épée fulgurante.
Ma main saisira le Droit.
Je rendrai la pareille à mes adversaires,
je paierai de retour ceux qui me haïssent.
42 J’enivrerai de sang mes flèches
et mon épée se repaîtra de chair :
sang des blessés et des captifs,
têtes échevelées de l’ennemi.
43 l Cieux, exultez avec lui,
et que les fils de Dieu l’adorent !
Nations, exultez avec son peuple,
et que tous les envoyés de Dieu affirment sa force !
Car il vengera le sang de ses serviteurs,
il rendra la pareille à ses adversaires,
il paiera de retour ceux qui le haïssent
et purifieram la terre de son peuple.
l On suit le grec ; hébr. « Nations, acclamez son peuple, car il venge le sang de ses serviteurs ; il fait retomber la vengeance sur ses ennemis, et son peuple purifiera sa terre. » Sur les « fils de Dieu », cf. v. 8.
m Littéralement « fera le rite d’expiation sur », expression fréquente dans les textes rituels, Ex 25.17.
44 n Moïse vint avec Josué fils de Nûn, et prononça aux oreilles du peuple toutes les paroles de ce cantique.
n Le grec insère ici 31.22, et au lieu de « cantique » a « Loi ».
45 Quand Moïse eut achevé de prononcer ces paroles à l’adresse de tout Israël,
o Suite de 31.27. Il s’agit ici des paroles de la Loi, v. 46 in fine, et non du cantique. Le v. 48 fait suite au v. 44.
48 Yahvé parla à Moïse, ce même jour, et lui dit :
p Ce paragraphe qui, par-dessus l’insertion des bénédictions de Moïse, se continue à 34.1, est l’œuvre du rédacteur sacerdotal qui a donné au Pentateuque sa forme finale, en y rattachant le Dt. Il répète ici ce que la même source sacerdotale avait dit à Nb 27.12-14.