33 Voici la bénédiction que Moïse, homme de Dieu, prononça sur les Israélites avant de mourir.
q Ce poème, attribué à Moïse, a été ajouté à la fin du Dt, entre l’annonce de la mort de Moïse et le récit de sa mort. C’est son testament, comme sont les « bénédictions » de Jacob, Gn 49. Encadré par un hymne, vv. 2-5 ; 26-29, il donne sur les tribus une collection de dictons qui ont dû avoir une existence individuelle. Il reflète des conditions historiques qu’il est difficile d’apprécier, et qui peuvent ne pas se rapporter toutes à la même époque. Ces dictons supposent que les tribus sont installées dans leur territoire définitif, et que certaines ont déjà eu une assez longue histoire (Ruben, Dan ; Siméon est omis, peut-être parce qu’il a déjà été absorbé par Juda). La collection comme telle donne l’impression d’être plus récente que celle de Gn 49. D’un autre côté, le v. 7 indiquerait une date antérieure au règne de David, à moins qu’il ne fasse allusion au schisme. En tout cas, le contraste entre le court dicton sur Juda et la longue bénédiction de Joseph assure que l’auteur appartient aux tribus du Centre (au royaume d’Israël en cas de rédaction tardive). L’aspect de « bénédiction » est beaucoup plus accentué qu’en Gn 49 et Moïse fait ici figure de prophète, cf. 34.10.
2 Il dit :
Yahvé est venu du Sinaï.r
Pour eux, depuis Séïr, il s’est levé à l’horizon,
il a resplendi depuis le mont Parân.
Pour eux, il est venu depuis les rassemblementss de Cadès,
depuis son midi jusqu’aux Pentes.
r Verset difficile et de vocabulaire archaïque. Le Dieu du Sinaï s’est levé comme un astre et a accompagné son peuple.
s Littéralement « les myriades », c’est-à-dire les clans réunis.
3 Toi qui aimes les ancêtres,
tous les saints sont dans ta main.t
Ils étaient prostrés à tes pieds,
et ils ont couru sous ta conduite.
t Les « ancêtres » sont les Patriarches (même terme archaïque que dans l’expression « être réuni à sa parenté », Gn 25.8, etc.). Les « saints » représentent Israël. La fin du v. est incertaine.
4 (Moïse nous a prescrit une loi.)u
L’assemblée de Jacob entre dans son héritage ;
u Sans doute glose.
5 il y eut un roi en Yeshurûn,
quand se rassemblèrent les chefs du peuple,
quand se réunirent les tribus d’Israël.
6 Que vive Ruben et qu’il ne meure pas,
et que vive le petit nombre de ses hommes !v
v Le titre de la bénédiction de Ruben a disparu. Cette tribu tomba vite en décadence. — « et que vive » est une correction. L’hébr. porte « et que soit petit le nombre de ses hommes », qu’il faut peut-être comprendre « malgré le petit nombre... » ; grec « que soit grand le nombre... ».
7 Voici ce qu’il dit sur Juda :
Écoute, Yahvé, la voix de Juda
et ramène-le vers son peuple.
Que ses mains défendent son droit,
viens-lui en aide contre ses ennemis.
8 Il dit sur Lévi :
Donne à Léviw tes Urim
et tes Tummim à l’homme à qui tu fis grâce,
après l’avoir mis à l’épreuve à Massa,
t’en être pris à lui aux eaux de Meriba.
w « Donne à Lévi » grec ; omis par hébr. En contraste avec les « bénédictions » de Jacob, Gn 49.5-7, qui concernent le sort de la tribu profane de Lévi, dispersée en même temps que celle de Siméon, les bénédictions de Moïse concernent la tribu sacerdotale de Lévi, son origine comme groupe séparé et sa triple fonction relative à l’oracle divin, à l’enseignement et au service de l’autel.
9 Il dit de son père et de sa mère :
« Je ne l’ai pas vu. »
Ses frères, il ne les connaît plus,
ses fils, il les ignore.
Oui, ils ont gardé ta parole
et ils retiennent ton alliance.
10 Ils enseignent tes coutumes à Jacob
et ta Loi à Israël.
Ils font monter l’encens à tes narines
et mettent l’holocauste sur ton autel.
11 Bénis, Yahvé, sa valeur
et agrée l’œuvre de ses mains.
Brise les reins de ses adversaires
et de ceux qui le haïssent pour qu’ils ne tiennent pas !
12 Il dit sur Benjamin :
Bien-aimé de Yahvé, il repose en sécurité près de lui.
Le Très-Haut le protège tous les jours
et demeure entre ses coteaux.x
x « le Très-Haut » conj. ; hébr. répète « près de lui ». — « coteaux », litt. « épaules » (comme on dit l’« épaulement » d’une montagne) ; la description du territoire de Benjamin en Jos 18 en signale cinq.
13 Il dit sur Joseph :
Son pays est béni de Yahvé.
À lui le meilleur de la rosée des cieux
et de l’abîme souterrain,
14 le meilleur de ce que fait croître le soleil,
de ce qui pousse à chaque lunaison,
15 les prémices des montagnes antiques,
le meilleur des collines d’autrefois,
16 le meilleur de la terre et de ce qu’elle produit,
la faveur de celui qui habite le Buisson.
Que la chevelure abonde sur la tête de Joseph,
sur le crâne de celui qui est consacré parmi ses frères !y
y Cf. Gn 49.26. « Consacré » traduit nazîr, cf. Nb 6.1.
17 Premier-néz du taureau, à lui la gloire.
Ses cornes sont cornes de buffle
dont il frappe les peuples
jusqu’aux extrémités de la terre.
Telles sont les myriades d’Éphraïm,
tels sont les milliers de Manassé.
z D’autres textes semblent aussi donner à Joseph la position d’un premier-né, 1 Ch 5.1-2, comparer Gn 46.4 ; 47.29-31. La priorité que cette bénédiction donne à Joseph était attribuée à Juda par Gn 49. La mention d’Éphraïm et de Manassé est peut-être une addition.
18 Il dit sur Zabulon :a
Sois heureux, Zabulon, en tes expéditions.
Et toi, Issachar, dans tes tentes !
a Un même dicton est consacré aux deux tribus d’Issachar et de Zabulon, qui étaient voisines et avaient une origine commune. Elles fréquentaient le même sanctuaire (le Thabor) et elles étaient toutes deux engagées dans les entreprises commerciales, v. 19.
19 Sur la montagne où les peuples viennent invoquer
ils offrent des sacrifices de succès,
car ils aspirent à eux l’abondance des mers
et les trésors cachés dans les sables.
20 Il dit sur Gad :b
Béni soit celui qui met Gad au large !
Il repose comme une lionne ;
il a déchiré bras, visage et tête.
b Gad, installé en premier, avec Ruben, en Transjordanie, cf. Nb 32, s’est étendu aux dépens de celui-ci ; cf. le dicton sur Ruben.
21 Puis il s’est attribué les prémices,
là, il a vu qu’une part de chef lui était réservée.
Il est venu comme chef du peuple,
ayant accompli la justice de Yahvé
et ses sentences sur Israël.
22 Il dit sur Dan :
Dan est un jeune lion
qui s’élance du Bashân.c
c Dan, après avoir émigré de son territoire situé à l’ouest de Benjamin, cf. Jos 18.40 s’était installé au nord d’Israël, à Laïsh (qui signifie « lion »), au pied de l’Hermon et aux confins de Bashân, cf. 34.1.
23 Il dit sur Nephtali :
Nephtali, rassasié de faveurs,
comblé des bénédictions de Yahvé :
Il prend possession de l’ouest et du midi.d
d Ce v. semble faire allusion à une extension du territoire de Nephtali, qu’on ne peut pas préciser historiquement.
24 Il dit sur Asher :
Béni soit Asher entre tous les fils !
Qu’il soit privilégié parmi ses frères
et qu’il baigne son pied dans l’huile !
25 Que tes verrous soient de fer et d’airain
et que ta sécurité dure autant que tes jours !e
e Asher habitait près de la mer dans une région favorable à l’olivier. La traduction est incertaine.
26 Nul n’est pareil au Dieu de Yeshurûn :
il chevauche les cieux pour te secourir,
et les nuées, dans sa majesté !
27 Le Dieu d’autrefois, c’est ton refuge.
Ici-bas, c’est lui le bras antique
qui chasse devant toi l’ennemi ;
c’est lui qui dit : Détruis !
28 Israël demeure en sécurité.
La source de Jacob est mise à part
pour un pays de froment et de vin ;
le ciel même y distille la rosée.
29 Heureux es-tu, ô Israël !
Qui est comme toi, peuple vainqueur ?
En Yahvé est le bouclier qui te secourt,
l’épée qui te mène au triomphe.f
Tes ennemis voudront te corrompre,
mais toi, tu fouleras leurs dos.
f Littéralement « l’épée de ta grandeur » grec ; « dont l’épée (?) est ta grandeur » hébr.