42 Voici mon serviteur que je soutiens,
mon élu en qui mon âme se complaît.
J’ai mis sur lui mon esprit,g
il présentera aux nations le droit.
f Ceci est le premier des quatre « chants du Serviteur » (42.1-4 ; 49.1-6 ; 50.4-9 ; 52.13 — 53.12), sur lesquels voir l’Introduction. Certains font terminer ce premier chant au v. 7, d’autres même au v. 4. Dans ce poème, le serviteur est présenté comme un prophète, objet d’une mission et d’une prédestination divine, v. 6, cf. v. 4 ; Jr 1.5, animé par l’Esprit, v. 1, pour enseigner toute la terre, vv. 1 et 3, avec discrétion et fermeté, vv. 2-4, malgré les oppositions. Mais sa mission dépasse celle des autres prophètes, puisqu’il est lui-même alliance et lumière, v. 6, et qu’il accomplit une œuvre de libération et de salut, v. 7.
g L’élection du Serviteur est accompagnée d’une effusion de l’Esprit comme pour les chefs charismatiques de l’ancien temps, les Juges, cf. Jg 3.10, et les premiers rois, Saül, 1 S 9.17, cf. 10.9-10, et David, 1 S 16.12-13 ; comparer 11.1-2. — Le récit du baptême de Jésus, cf. Mt 3.16-17p, associe à la descente de l’Esprit une citation qui combine ce v. et Ps 2.7, et les vv. 1-4 sont appliqués à Jésus par Matthieu (Mt 12.17-21). — En précisant « Jacob, mon serviteur, ... Israël, mon élu », la version grecque témoigne, comme la glose de 49.3, d’une tradition juive qui reconnaissait dans le Serviteur la communauté d’Israël, ainsi désignée dans d’autres textes du Second Isaïe, cf. 41.8.
2 Il ne crie pas, il n’élève pas le ton,
il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ;
3 il ne brise pas le roseau froissé,
il n’éteint pas la mèche qui faiblit,
fidèlement, il présente le droit ;
4 il ne faiblira ni ne céderah
jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,
et les îles attendent son enseignement.
h « ne cédera » grec, Targ. ; « ne courra » hébr.
5 Ainsi parle Dieu, Yahvé,
qui a créé les cieux et les a déployés,
qui a affermi la terre et ce qu’elle produit,
qui a donné le souffle au peuple qui l’habite,
et l’esprit à ceux qui la parcourent.
6 « Moi, Yahvé, je t’ai appelé dans la justice,
je t’ai saisi par la main, et je t’ai modelé,i
j’ai fait de toi l’alliance du peuple,
la lumière des nations,
i Même terme que celui utilisé en Gn 2.7 pour décrire comment Yahvé « modèle » le corps du premier homme.
7 pour ouvrir les yeux des aveugles,
pour extraire du cachot le prisonnier,
et de la prison ceux qui habitent les ténèbres. »
8 Je suis Yahvé,j tel est mon nom !
Ma gloire, je ne la donnerai pas à un autre,
ni mon honneur aux idoles.
j C’est le nom révélé à Moïse, Ex 3.14, celui du seul Existant. Il n’est pas d’autre Dieu que lui, cf. 40.25 ; 43.10-12 ; 44.6-8 ; 45.3, 5-6, 14-15, 18, 20-22 ; 46.5-7, 9 ; 48.11 ; cf. 41.21-29. Il est le créateur universel, 40.12s, 21s, 28 ; 42.5 ; 43.1 ; 44.24 ; 45.9-12, 18 ; 48.13 ; 51.13 ; 54.5, éternel, 41.4 ; 44.6 ; 48.12. Il « ne cédera pas sa gloire à un autre », ici et 48.11. Ce monothéisme triomphant du « livre de la Consolation » reprend ainsi en l’amplifiant par l’affirmation explicite de la transcendance divine le thème antérieur de la « jalousie » de Yahvé, Dt 4.24 ; cf. Ex 20.3.
9 Les premières choses, voici qu’elles sont arrivées,
et je vous en annonce de nouvelles,
avant qu’elles ne paraissent,
je vais vous les faire connaître.
10 Chantez à Yahvé un chant nouveau,k
que chantent sa louange, des extrémités de la terre,
ceux qui vont sur la mer, et tout ce qui la peuple,
les îles et ceux qui les habitent.
k Ce « chant nouveau », v. 10, cf. Ps 96.1 ; 98.1 ; 149.1, est une célébration lyrique de la victoire de Yahvé, à laquelle toute la terre est invitée à prendre part.
11 Que se fassent entendre le désert et ses villes,
les campements où habite Qédar,
qu’ils crient de joie les habitants de la Roche,l
au sommet des montagnes, qu’ils poussent des clameurs.
l Qédar, tribu nomade, cf. 21.16-17 ; La Roche (hébr. Séla, grec Pétra), ville du désert au pays d’Édom, cf. 16.1 ; 2 R 14.7.
12 Qu’on rende gloire à Yahvé,
qu’on proclame sa louange dans les îles.
13 Yahvé, comme un héros, s’avance,
comme un guerrier, il éveille son ardeur,
il pousse le cri de guerre, il vocifère,
contre ses ennemis il agit en héros.
14 « Longtemps j’ai gardé le silence,
je me taisais, je me contenais.
Comme la femme qui enfante, je gémissais,
je soupirais tout en haletant.
15 Je vais ravager montagnes et collines,
en flétrir toute la verdure ;
je vais changer les torrents en terre fermem
et dessécher les marécages.
m Littéralement « en îles ». — Le v. 15 est en parallélisme antithétique avec 41.18, mais n’est pas une menace ; c’est l’expression de la souveraineté absolue de Yahvé sur la nature.
16 Je conduirai les aveugles par un chemin qu’ils ne connaissent pas,
par des sentiers qu’ils ne connaissent pas je les ferai cheminer,
devant eux je changerai l’obscurité en lumière
et les fondrières en surface unie.
Cela, je le ferai, je n’y manquerai pas.
17 Ils reculeront, ils rougiront de honte,
ceux qui se fient aux idoles,
qui disent à des statues : Vous êtes nos dieux. »
18 Sourds, entendez ! Aveugles, regardez et voyez !
n Ce n’est pas Dieu qui, sourd et aveugle au sort d’Israël, attire sur lui le malheur, c’est Israël qui est sourd et aveugle il ne comprend pas ce qui lui arrive ni pourquoi cela lui arrive. Cet oracle est parallèle aux directives données à Isaïe lors de sa vocation, cf. 6.10. — Les vv. 21 et 24 semblent être des additions.
19 Qui est aveugle si ce n’est mon serviteur ?
Qui est sourd comme le messager que j’envoie ?
(Qui est aveugle comme celui dont j’avais fait mon ami
et sourd comme le serviteur de Yahvé ?)o
o « ami » sens incertain ; le mot hébr. signifie ailleurs « rétribué », mais on peut l’entendre dans le sens de « reçu en amitié ». — « sourd » Sym. et 2 mss ; hébr. répète « aveugle ». — Toute cette répétition de 19a doit être une glose.
20 Tu as vu bien des choses, sans y faire attention.
Ouvrant les oreilles, tu n’entendais pas.p
p « tu n’entendais » conj. ; « il n’entendait » hébr.
21 Yahvé a voulu, à cause de sa justice,
rendre la Loi grande et magnifique,
22 et voici un peuple pillé et dépouillé,
on les a tous enfermés dans des basses-fosses,
emprisonnés dans des cachots.
On les a mis au pillage, et personne pour les secourir,
on les a dépouillés, et personne pour demander réparation.
23 Qui, parmi vous, prête l’oreille à cela ?
Qui fait attention et désormais écoute ?
24 Qui donc a livré Jacob au spoliateur
et Israël aux pillards ?
N’est-ce pas Yahvé contre qui nous avions péché,
dont on n’avait pas voulu suivre les voies,
ni écouter la Loi ?
25 Il a répandu sur lui l’ardeur de sa colère
et la fureur guerrière ;
tout autour elle porta l’incendie, et lui n’a pas compris,
elle l’a brûlé, et il n’y a pas pris garde.