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Bible de Jérusalem

Matthieu 4.1-10

Tentation au désert.n

4 Alors Jésus fut emmené au désert par l’Esprit,o pour être tenté par le diable.p

n Jésus est conduit au désert pour y être tenté durant quarante jours, comme jadis Israël durant quarante ans, Dt 8.2, 4 ; cf. Nb 14.34. Il y connaît trois tentations, soulignées par trois citations reprises de Dt 6-8, chapitres dominés (comme l’éthique de Mt) par le commandement d’aimer Dieu Dt 6.5. Les trois tentations, à première vue énigmatiques, peuvent se comprendre, à la lumière de la tradition juive interprétant Dt 6.5 comme des tentations contre l’amour de Dieu, valeur suprême. a) Ne pas aimer Dieu « de tout ton cœur », c’est-à-dire ne pas soumettre ses désirs intérieurs à Dieu, se rebeller contre la nourriture divine, la manne. b) Ne pas aimer Dieu « de toute ton âme », c’est-à-dire, avec sa vie, son corps physique, jusqu’au martyre si nécessaire. c)‡Ne pas aimer Dieu « de tout ton pouvoir », c’est-à-dire, avec ses richesses, ce que l’on possède, ses biens extérieurs. À la fin, Jésus apparaît comme celui qui aime Dieu parfaitement.

o L’Esprit-Saint. « Souffle » et énergie créatrice de Dieu, qui dirigeait les prophètes, Isa 11.2 ; Jg 3.10, il va diriger Jésus lui-même dans l’accomplissement de sa mission, cf. 3.16 ; Lc 4.1, comme plus tard il dirigea les débuts de l’Église, Ac 1.8.

p Ce nom, qui veut dire Accusateur, Calomniateur, a parfois traduit l’hébreu Satan (Adversaire), Jb 1.6 ; cf. Sg 2.24. Le personnage qui le porte, parce qu’il s’applique à mettre les hommes en faute, est tenu pour responsable de tout ce qui contrecarre l’œuvre de Dieu et du Christ : 13.39 ; Jn 8.44 ; 13.2 ; Ac 10.38 ; Ep 6.11 ; 1 Jn 3.8 ; etc. Sa défaite signalera la victoire ultime de Dieu, 25.41 ; He 2.14 ; Ap 12.9, 12 ; 20.2, 10.

2 Il jeûna durant quarante jours et quarante nuits, après quoi il eut faim. 3 Et, s’approchant, le tentateur lui dit : « Si tu es Fils de Dieu,q dis que ces pierres deviennent des pains. »

q Le titre biblique de « Fils de Dieu » n’exprime pas nécessairement une filiation de nature, mais peut comporter simplement une filiation adoptive, résultant d’un choix divin qui établit entre Dieu et sa créature des relations de protection particulière. C’est ainsi que ce titre est attribué aux anges, Jb 1.6, au Peuple élu, Ex 4.22 ; Sg 18.13 ; aux Israélites, Dt 14.1 ; Os 2.1 ; cf. 5.9, 45, etc. ; à leurs chefs, Ps 82.6. Quand donc il est dit du Roi-Messie, 1 Ch 17.13 ; Ps 2.7 ; 89.27, il n’exige pas que celui-ci soit plus qu’humain ; et il n’est pas requis de supposer davantage dans la pensée de Satan, 4.3, 6, des démoniaques, Mc 3.11 ; 5.7 ; Lc 4.41, a fortiori du centurion, Mc 15.39, cf. Lc 23.47. Même la parole du Baptême, 3.17, et de la Transfiguration, 17.5, n’impliquerait pas de soi plus que la faveur spéciale accordée au Messie Serviteur ; et la question du grand prêtre, 26.63, ne dépassait sans doute guère cette signification messianique. Mais le titre de « Fils de Dieu » reste ailleurs ouvert à la valeur plus haute d’une filiation proprement dite, et Jésus l’a clairement suggérée en se désignant comme « le Fils », 21.37, supérieur aux anges, 24.36, ayant Dieu pour « Père » à un titre tout spécial, Jn 20.17 et cf. « mon Père », 7.21, etc., parce qu’il entretient avec lui des relations uniques de connaissance et d’amour, 11.27. Ces déclarations, appuyées par d’autres sur le rang divin du Messie, 22.42-46, et sur l’origine céleste du « Fils de l’homme », 8.20, confirmées enfin par le triomphe de la Résurrection, ont donné à l’expression « Fils de Dieu » le sens proprement divin qui se retrouvera, par exemple, chez saint Jean, Jn 1.18. Si les disciples n’en ont pas pris clairement conscience dès le vivant de Jésus (14.33 ; 16.16, en ajoutant cette expression au texte plus primitif de Mc, reflètent sans doute une foi plus évoluée), la foi qu’ils ont définitivement acquise après Pâques, avec l’aide du Saint-Esprit, ne s’en appuie pas moins réllement sur les paroles historiques du Maître, qui a exprimé autant que pouvaient le porter ses contemporains sa conscience d’être le propre Fils du Père.

4 Mais il répondit : « Il est écrit :

Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »;

5 Alors le diable le prend avec lui dans la Ville sainte, et il le plaça sur le pinacle du Temple 6 et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit :

Il donnera pour toi des ordres à ses anges,
et sur leurs mains ils te porteront,
de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre. »

7 Jésus lui dit : « Il est encore écrit :
Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu. »

8 De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire 9 et lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage. » 10 Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit :

C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras,
et à Lui seul tu rendras un culte. »