Histoire de la Bible en France

XVII
Les éditions de la Bible en chiffres

M. S. Berger donne à la fin de son livre La Bible française au moyen âge la liste et la description de 189 manuscrits de Bibles françaises copiés du douzième au quinzième siècles, dont 80 Bibles et 36 psautiers. 107 de ces manuscrits sont en France, 90 à Paris, 17 en province[a].

[a] Ne présentant qu’un intérêt restreint pour la plupart des lecteurs, les détails de ce chapitre ont été abrégés afin de limiter le nombre de pages de notre réédition. Toutefois, pour ceux qui en auraient besoin, l’ouvrage complet est librement accessible en fac-similé, sur le site internet hathitrust.org (ThéoTEX).

C’est au quatorzième siècle que la Bible a été le plus souvent copiée. Pour ce siècle seulement on compte 87 manuscrits, dont 53 Bibles. Il ne s’agit ici que de manuscrits français, et ces chiffres ne comprennent pas les innombrables copies de l’Historia scholastica de Comestor, la Bible populaire du moyen âge.

On compte, aussi en manuscrits, 6 Bibles provençales ou vaudoises, et 3 Nouveaux Testaments de la même origine. On compte 258 manuscrits de la Vulgate, dont 51 Bibles entières. Sur ce nombre, 71, dont 24 Bibles, sont en France.

Décompte :

Dans les cent six traductions originales du psautier en vers, indépendantes du psautier de Marot et de Bèze, qu’indique M. Félix Bovet, nous n’en avons reconnu que cinq protestantes, ce qui, avec le psautier original de Marot et de Bèze, fait six. Les trois cent neuf réimpressions protestantes du psautier se décomposent en deux cent quatre-vingt-dix-neuf rééditions du psautier de Marot et de Bèze, et dix rééditions des autres psautiers.

Les Écritures publiées par les Russes se décomposent en un Nouveau Testament et une Bible de Sacy, publiés par la Société biblique russe, en 1815 et 1817, et une traduction en français, en 1896, de la traduction originale des Évangiles en russe, par Tolstoï.

Langues et dialectes :

Éditions savantes, celles qui ont été faites dans un but avant tout documentaire et qui ont surtout un intérêt rétrospectif, ainsi :

Nous avons 359 éditions originales (230 traductions, 129 révisions), et 1257 réimpressions, ce qui donne 1616 éditions différentes des Écritures.

Ces chiffres sont loin d’être complets. La Bible de Louvain n’a pas eu moins de 200 éditions. Plusieurs éditions, soit de la Bible de Sacy, soit d’autres Bibles, nous ont forcément échappé. Si donc nous ajoutons le chiffre de 200 pour les éditions catholiques, nous ne sommes certainement pas au-dessus de la réalité. Quant aux éditions protestantes, sans parler de celles qui ont été omises, retrouver la trace de toutes les réimpressions est une impossibilité. Tous les trois, quatre ou cinq ans environ, la Société biblique britannique procède à un nouveau tirage de la Bible, du Nouveau Testament, des Évangiles et Actes, des Évangiles séparés et d’autres fragments. Si on fait le total des années d’existence des quatre Sociétés bibliques protestantes qui ont travaillé en France depuis 1804, on arrive au chiffre de 274 années, et ces Sociétés n’ont pas été seules à publier les Écritures. On peut donc sans hésiter augmenter de 200 le chiffre des rééditions protestantes.

Ainsi, nous arrivons à un chiffre approximatif de 2000 éditions ou réimpressions des Écritures saintes de 1474 à 1910, c’est-à-dire en quatre cent trente-cinq ans. Il y aurait donc eu, en moyenne, pendant quatre cent trente-cinq ans, plus de quatre éditions françaises des Livres saints chaque année (environ neuf tous les deux ans). Quant au nombre des volumes imprimés, il est incalculable. Ici, on entre positivement dans l’infini. Certaines éditions ont été colossales. L’édition (catholique) de luxe de 1834 de la Bible de Sacy a été tirée à 100 000 exemplaires. Les Évangiles de Lasserre se sont vendus à 100 000 exemplaires. On pourrait presque dire : ab uno disce omnes.

Si l’on tenait compte des Écritures imprimées en France en d’autres langues que le français, en latin, en grec, en hébreu, on arriverait, pour le nombre d’éditions, à des chiffres plus étonnants encore. Ainsi les Estienne, de 1528 à 1567, ont fait paraître, outre 3 Bibles françaises et 4 Nouveaux Testaments français, 11 Bibles latines, 1 latine (Ancien Testament) et grecque (Nouveau Testament), 4 Nouveaux Testaments latins, 17 Nouveaux Testaments grecs, et de nombreuses portions détachées, la Genèse, Ésaïe, Osée, Joël, Habacuc, Jonas, Malachie, Ruth, les Évangiles synoptiques, et trois harmonies. De 1507 à 1628 on compte 92 éditions des Écritures publiées par les Estienne (ils éditèrent en outre 2 concordances, et 135 ouvrages théologiques, dont 19 commentaires ou sermons). Et combien d’autres éditions des Écritures latines, hébraïques et grecques n’y a-t-il pas eu[b] ! En disant que la Bible a été réimprimée plus de 2500 fois en France pendant ces quatre cent trente-cinq ans, on serait sans doute au-dessous de la réalité.

[b] Le Catalogue des Elzévirs de 1774 mentionne 44 éditions de la Bible en latin, en hébreu et en grec, et 8 concordances. Ces chiffres concernant des Bibles non françaises publiées hors de France, nous n’en tenons pas compte dans les calculs ci-dessus.

Si on prend les 359 traductions ou révisions, on voit que pendant ce même laps de temps, il y a eu en France, ou en français, près d’une édition originale des Livres saints chaque année (cinq en six ans).

Nous relevons, outre les 42 éditions de la Bible de Louvain (30 Bibles, 12 Nouveaux Testaments) :

[b] La Bible de 1588, version d’Olivétan, par Bertram et Théod. De Bèze, publiée en trois formats, in-folio, in-4, in-8, porte au verso du titre l’intéressante note qui suit. Elle montre que la préoccupation de répandre la Parole de Dieu n’a jamais été absente de l’Église : « Les frais de cet ouvrage imprimé en trois diverses formes, en mesme temps pour la commodité et contentement de toutes sortes de personnes, ont été libéralement fournis par quelques gens de bien, qui n’ont cherché de gagner pour leur particulier, mais seulement à servir Dieu et à son Église. »

Tous ces chiffres doivent être considérés comme un minimum. En présence de cette statistique, le mot de Voltaire : « Dans cinquante ans, la Bible sera un livre oublié », fait un singulier effet.

Si la Bible n’apportait pas à l’homme plus que ce que l’homme peut se donner à lui-même, verrait-on la Bible se frayer ici-bas son chemin comme un fleuve qui déborde ? Les paroles que le prophète prononça jadis sur le roi d’Assyrie, envoyé par Dieu contre Israël, semblent s’appliquer d’elles-mêmes aux destinées du Livre qui apporte aux hommes le message de la Rédemption :

Il s’élèvera partout au-dessus de son lit,
Il se répandra sur toutes ses rives.
Le déploiement de ses ailes
Remplira l’étendue de ton pays, ô Emmanuel !
      (Ésaïe 8.7).

Si telle est la gloire du Livre, que sera la gloire de Celui que Luther a appelé le Roi du Livre ?

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