M. S. Berger donne à la fin de son livre La Bible française au moyen âge la liste et la description de 189 manuscrits de Bibles françaises copiés du douzième au quinzième siècles, dont 80 Bibles et 36 psautiers. 107 de ces manuscrits sont en France, 90 à Paris, 17 en province[a].
[a] Ne présentant qu’un intérêt restreint pour la plupart des lecteurs, les détails de ce chapitre ont été abrégés afin de limiter le nombre de pages de notre réédition. Toutefois, pour ceux qui en auraient besoin, l’ouvrage complet est librement accessible en fac-similé, sur le site internet hathitrust.org (ThéoTEX).
C’est au quatorzième siècle que la Bible a été le plus souvent copiée. Pour ce siècle seulement on compte 87 manuscrits, dont 53 Bibles. Il ne s’agit ici que de manuscrits français, et ces chiffres ne comprennent pas les innombrables copies de l’Historia scholastica de Comestor, la Bible populaire du moyen âge.
On compte, aussi en manuscrits, 6 Bibles provençales ou vaudoises, et 3 Nouveaux Testaments de la même origine. On compte 258 manuscrits de la Vulgate, dont 51 Bibles entières. Sur ce nombre, 71, dont 24 Bibles, sont en France.
Décompte :
- Huit traductions protestantes originales de la Bible, celles d’Olivétan (1535), de Castalion (1555), de Diodati (1644), de Lecène (1741), de Lausanne (1839, 1861-1872), de Darby (1859, 1885), de Reuss (1874-1880), de Segond (1873-1880).
- Huit traductions protestantes du Nouveau Testament, celles de Leclerc (1703), Beausobre et Lenfant (1718), Munier(1835), Arnaud (1858), Rilliet (1858), Oltramare (1872), Bonnet (1846-1855). Stapfer (1889).
- Deux traductions protestantes de l’Ancien Testament, celles de Perret-Gentil (1847-1861) et de la Bible annotée (1878-1898).
- Quatorze traductions catholiques de la Bible, celles de Lefèvre (1530), Corbin (1643), Sacy (1696), Legros, originale pour une partie seulement (1739-1753), Desoer (1819), Genoude (1820-1824), Glaire (1861, 1889-1893), Bourassé et Janvier (1865), Drioux, (1872), Arnaud (1881), Trochon, etc (1881 et années suivantes), Fillion (1888), Crampon (1884, 1894-1904), Ledrain (1899).
- Douze traductions catholiques du Nouveau Testament sont celles de Marolles (1649), Amelote (1666), Godeau (1668), Bouhours (1697-1703), Barneville (1719), R. Simon (1702), Huré (1702), Valart (1760), Mésenguy (1729), Anonyme (Machais, 1842), Gaume (1863), Baillargeon (1865).
- Une traduction catholique de l’Ancien Testament, celle de Giguet, faite sur les Septante (1872).
Dans les cent six traductions originales du psautier en vers, indépendantes du psautier de Marot et de Bèze, qu’indique M. Félix Bovet, nous n’en avons reconnu que cinq protestantes, ce qui, avec le psautier original de Marot et de Bèze, fait six. Les trois cent neuf réimpressions protestantes du psautier se décomposent en deux cent quatre-vingt-dix-neuf rééditions du psautier de Marot et de Bèze, et dix rééditions des autres psautiers.
Les Écritures publiées par les Russes se décomposent en un Nouveau Testament et une Bible de Sacy, publiés par la Société biblique russe, en 1815 et 1817, et une traduction en français, en 1896, de la traduction originale des Évangiles en russe, par Tolstoï.
Langues et dialectes :
- La Bible, traduite en breton par M. le pasteur Lecoat.
- Quatre Nouveaux Testaments, un en breton, un en basque (qui n’existe plus), deux en flamand.
- Dix-neuf fragments, qui sont les Évangiles et Actes, les Évangiles séparés, les épîtres de Pierre, la Genèse, les psaumes, dans l’une ou l’autre ou plusieurs de ces quatre langues, et Ruth, le cantique des cantiques, Jonas, traduits en basque par les soins du prince L. Bonaparte (ces trois derniers épuisés).
- Six fragments en patois coloniaux, cinq (Évangiles, Actes) sont en patois de Saint-Maurice, et un (saint Marc) en patois de Saint-Domingue.
Éditions savantes, celles qui ont été faites dans un but avant tout documentaire et qui ont surtout un intérêt rétrospectif, ainsi :
- La Bible de Calvin, publiée par M. Ed. Reuss en 1897, au moyen des commentaires du réformateur, et de citations bibliques extraites de ses œuvres (manquent les livres historiques après Josué, les prophètes excepté Ésaïe et Osée, les livres dits de Salomon, l’Apocalypse) ;
- Les Évangiles de Bossuet, publiés par le même procédé par M. Vallon en 1855 ;
- Le Nouveau Testament cathare ;
- L’Évangile selon saint Jean, en provençal et en vaudois, d’après de vieux manuscrits ;
- Des fragments traduits en divers dialectes ou patois (bourguignon, normand, picard, toulousain, saintongeois, franc-comtois, languedocien, provençal, etc.), avant tout pour en conserver un spécimen.
Nous avons 359 éditions originales (230 traductions, 129 révisions), et 1257 réimpressions, ce qui donne 1616 éditions différentes des Écritures.
Ces chiffres sont loin d’être complets. La Bible de Louvain n’a pas eu moins de 200 éditions. Plusieurs éditions, soit de la Bible de Sacy, soit d’autres Bibles, nous ont forcément échappé. Si donc nous ajoutons le chiffre de 200 pour les éditions catholiques, nous ne sommes certainement pas au-dessus de la réalité. Quant aux éditions protestantes, sans parler de celles qui ont été omises, retrouver la trace de toutes les réimpressions est une impossibilité. Tous les trois, quatre ou cinq ans environ, la Société biblique britannique procède à un nouveau tirage de la Bible, du Nouveau Testament, des Évangiles et Actes, des Évangiles séparés et d’autres fragments. Si on fait le total des années d’existence des quatre Sociétés bibliques protestantes qui ont travaillé en France depuis 1804, on arrive au chiffre de 274 années, et ces Sociétés n’ont pas été seules à publier les Écritures. On peut donc sans hésiter augmenter de 200 le chiffre des rééditions protestantes.
Ainsi, nous arrivons à un chiffre approximatif de 2000 éditions ou réimpressions des Écritures saintes de 1474 à 1910, c’est-à-dire en quatre cent trente-cinq ans. Il y aurait donc eu, en moyenne, pendant quatre cent trente-cinq ans, plus de quatre éditions françaises des Livres saints chaque année (environ neuf tous les deux ans). Quant au nombre des volumes imprimés, il est incalculable. Ici, on entre positivement dans l’infini. Certaines éditions ont été colossales. L’édition (catholique) de luxe de 1834 de la Bible de Sacy a été tirée à 100 000 exemplaires. Les Évangiles de Lasserre se sont vendus à 100 000 exemplaires. On pourrait presque dire : ab uno disce omnes.
Si l’on tenait compte des Écritures imprimées en France en d’autres langues que le français, en latin, en grec, en hébreu, on arriverait, pour le nombre d’éditions, à des chiffres plus étonnants encore. Ainsi les Estienne, de 1528 à 1567, ont fait paraître, outre 3 Bibles françaises et 4 Nouveaux Testaments français, 11 Bibles latines, 1 latine (Ancien Testament) et grecque (Nouveau Testament), 4 Nouveaux Testaments latins, 17 Nouveaux Testaments grecs, et de nombreuses portions détachées, la Genèse, Ésaïe, Osée, Joël, Habacuc, Jonas, Malachie, Ruth, les Évangiles synoptiques, et trois harmonies. De 1507 à 1628 on compte 92 éditions des Écritures publiées par les Estienne (ils éditèrent en outre 2 concordances, et 135 ouvrages théologiques, dont 19 commentaires ou sermons). Et combien d’autres éditions des Écritures latines, hébraïques et grecques n’y a-t-il pas eu[b] ! En disant que la Bible a été réimprimée plus de 2500 fois en France pendant ces quatre cent trente-cinq ans, on serait sans doute au-dessous de la réalité.
[b] Le Catalogue des Elzévirs de 1774 mentionne 44 éditions de la Bible en latin, en hébreu et en grec, et 8 concordances. Ces chiffres concernant des Bibles non françaises publiées hors de France, nous n’en tenons pas compte dans les calculs ci-dessus.
Si on prend les 359 traductions ou révisions, on voit que pendant ce même laps de temps, il y a eu en France, ou en français, près d’une édition originale des Livres saints chaque année (cinq en six ans).
Nous relevons, outre les 42 éditions de la Bible de Louvain (30 Bibles, 12 Nouveaux Testaments) :
- 100 éditions de la Bible de Sacy (39 Bibles, 49 Nouveaux Testaments, 12 fragments) ;
- 1251 de la Bible de Genève, révision d’Olivétan (123 Bibles, 128 Nouveaux Testaments)[c] ;
- 46 de la Bible de Martin (26 Bibles, 20 Nouveaux Testaments) ;
- 116 de la Bible d’Ostervald (61 Bibles, 55 Nouveaux Testaments) ;
[b] La Bible de 1588, version d’Olivétan, par Bertram et Théod. De Bèze, publiée en trois formats, in-folio, in-4, in-8, porte au verso du titre l’intéressante note qui suit. Elle montre que la préoccupation de répandre la Parole de Dieu n’a jamais été absente de l’Église : « Les frais de cet ouvrage imprimé en trois diverses formes, en mesme temps pour la commodité et contentement de toutes sortes de personnes, ont été libéralement fournis par quelques gens de bien, qui n’ont cherché de gagner pour leur particulier, mais seulement à servir Dieu et à son Église. »
Tous ces chiffres doivent être considérés comme un minimum. En présence de cette statistique, le mot de Voltaire : « Dans cinquante ans, la Bible sera un livre oublié », fait un singulier effet.
Si la Bible n’apportait pas à l’homme plus que ce que l’homme peut se donner à lui-même, verrait-on la Bible se frayer ici-bas son chemin comme un fleuve qui déborde ? Les paroles que le prophète prononça jadis sur le roi d’Assyrie, envoyé par Dieu contre Israël, semblent s’appliquer d’elles-mêmes aux destinées du Livre qui apporte aux hommes le message de la Rédemption :
Il s’élèvera partout au-dessus de son lit,
Il se répandra sur toutes ses rives.
Le déploiement de ses ailes
Remplira l’étendue de ton pays, ô Emmanuel !
(Ésaïe 8.7).
Si telle est la gloire du Livre, que sera la gloire de Celui que Luther a appelé le Roi du Livre ?
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