Des troupes avaient été cantonnées dans le Béarn, en 1685, pour surveiller les mouvements de l’armée espagnole. Or, l’Espagne ayant demandé une trêve, Louvois se souvint de la méthode employée par Marillac dans le Poitou, et demanda au roi la permission de faire passer des régiments dans les endroits habités par les huguenots.
Le marquis de Boufflers, commandant des troupes, et l’intendant Foucault reçurent, au mois de juillet, l’ordre de mettre la main à la conversion des Béarnais. Ce dernier y apporta une cruauté réfléchie et systématique, et perfectionna plus d’un genre de torture. Ainsi recommencèrent les dragonnades, qui devaient bientôt s’étendre sur toute la France.
Foucault annonça que le roi ordonnait à tous les huguenots de revenir à l’unité catholique, et, pour commencer l’œuvre, il fit entrer de force quelques centaines de Béarnais dans une église où officiait l’évêque de Lescar. On ferma les portes, et l’on fit mettre ces malheureux à genoux à coup de bâton, pour recevoir de l’évêque l’absolution de l’hérésie : après quoi on les avertit que, s’ils retournaient au prêche, ils seraient punis comme relaps.
Les réformés s’enfuirent dans les champs, les forêts, les déserts, les cavernes des Pyrénées. Foucault ordonna de les poursuivre comme des bêtes fauves, et, après les avoir fait ramener dans leurs maisons, les accabla de logements militaires. Les horreurs commises dans le Poitou furent renouvelées et dépassées.
Les dragons ou autres (car on y employa des troupes de toutes armes) entraient dans les maisons des réformés le sabre nu, en criant : tue ! tue ! ou catholiques ! Ils dissipaient toutes les provisions, brisaient les meubles, dévastaient ou vendaient aux paysans du voisinage tout ce qui leur tombait sous la main. Ils s’attaquaient en même temps aux personnes. « Entre les autres secrets que Foucault leur apprit, » dit l’historien de l’édit de Nantes, « il leur commanda de faire veiller ceux qui ne voulaient pas se rendre à d’autres tourments. Les fidèles exécuteurs de ces ordres furieux se relayaient pour ne pas succomber aux tourments qu’ils faisaient subir aux autres. Le bruit des tambours, les blasphèmes, les cris, le fracas des meubles, qu’ils brisaient ou qu’ils jetaient d’un côté à l’autre, l’agitation où ils tenaient ces pauvres gens, pour les forcer à demeurer debout et à ouvrir les yeux, étaient les moyens dont ils se servaient pour les priver de repos. Les pincer, les piquer, les tirailler, les suspendre avec des cordes, leur souffler dans le nez la fumée du tabac, et cent autres cruautés étaient le jouet de ces bourreaux, qui réduisaient par là leurs hôtes à ne savoir ce qu’ils faisaient, et à promettre tout ce qu’on voulut pour se tirer de ces mains barbares. Ils faisaient aux femmes des indignités que la pudeur ne permet pas de décrire… Ils ne s’avisaient d’avoir pitié que quand ils voyaient quelqu’un prêt à mourir et tombant en défaillance. Alors, par une cruelle compassion, ils lui faisaient revenir les esprits, et lui laissaient reprendre quelques forces, pour renouveler après cela leurs premières violences. C’était là le plus fort de leur étude et de leur application, que de trouver des tourments qui fussent douloureux sans être mortels, et de faire éprouver à ces malheureux objets de leur fureur tout ce que le corps humain peut endurer sans mourir » (t. V, p. 832, 833).
On leur avait défendu le meurtre. Hélas ! combien de fois cette limite même fut dépassée ! Que d’infortunés qui ont péri sous ces affreux traitements, non pas égorgés, il est vrai, mais plus cruellement immolés que s’ils étaient tombés sous le fer d’un poignard !
Devant ces moyens de terreur, les Béarnais coururent en foule abjurer entre les mains des prêtres. De vingt-cinq mille réformés que l’on comptait encore dans cette province, il n’y avait guère que la trentième, partie qui eût résisté. Le clergé célébra son triomphe par une grand-messe où le parlement assista en corps, et par des processions générales où l’on traînait les nouveaux convertis.
Ce succès encouragea la cour à employer ailleurs les mêmes moyens de conversion ; et en moins de quatre mois on fit des dragonnades dans le Languedoc, la Guyenne, la Saintonge, l’Aunis, le Poitou, le Vivarais, le Dauphiné, les Cévennes, la Provence, le pays de Gex. Plus tard, on en vint au centre et au nord de la France, mais avec plus de ménagements, de peur que les cris des victimes n’allassent troubler Versailles, où il y eut, dans cette même année, comme le raconte Mme de Sévigné, de brillants carrousels, avec promotion de chevaliers du Saint-Esprit.
Les historiens les plus accrédités s’accordent sur les excès qui accompagnèrent les dragonnades. Ce furent presque partout les mêmes scènes que dans le Béarn. Ni sexe, ni âge, ni qualité ne furent épargnés. De vieux gentilshommes qui avaient versé leur sang pour le pays eurent à subir d’indignes outrages. Ceux même qui étaient d’une haute naissance, et qui croyaient trouver un refuge à Paris ou à la cour, furent maltraités ou mis en prison par lettres de cachet.
Si quelques huguenots résistaient à toutes les tortures, après les avoir dépouillés et ruinés, on les jetait dans des cachots, et l’on enfermait les femmes dans des couvents. Il y avait à la suite des soldats des missionnaires pour les uns, des dames de miséricorde pour les autres, qui ne laissaient de repos à leurs prisonniers ni jour ni nuit, jusqu’à ce qu’ils eussent promis d’abjurer.
Si, à force de persécutions, ils tombaient dans un état de torpeur, de stupidité ou de démence, on leur faisait signer machinalement un morceau de papier qui contenait une abjuration, ou prononcer des paroles dont ils ne pouvaient plus saisir le sens, et ils étaient réputés catholiques. Ou encore, on les attirait dans un guet-apens, comme l’éprouvèrent à Montauban les barons de Montbeton, de Meauzac et de Vicose, et des gens apostés les faisaient tomber à genoux pour recevoir l’absolution de l’évêque.
Ce n’était pas assez que le chef de maison eût abjuré ; on ne le déchargeait des logements militaires qu’autant qu’il s’était fait suivre de sa femme, de ses enfants, de ses domestiques ; et si quelques-uns avaient fui, le père de famille en était responsable jusqu’à ce qu’on les eût sous la main.
Avant l’approche des soldats, on convoquait les religionnaires en assemblée générale. Là, selon les lieux, l’intendant, le commandant des troupes, l’évêque ou tel autre annonçait que le roi ne voulait plus souffrir d’hérétiques dans ses Etats, et qu’il fallait, de gré ou de force, embrasser immédiatement le catholicisme. On avait eu soin de gagner d’avance quelques personnages qui, par leur position et leurs conseils, pouvaient servir à entraîner les autres.
Quand ces pauvres gens répondaient qu’ils étaient prêts à sacrifier pour leur roi leurs biens et leur vie, mais non leur conscience, les dragons arrivaient. Au bout de quelques jours, nouvelle convocation, nouvel appel, et d’ordinaire toute résistance était brisée. La terreur enfin devint si grande, qu’il suffisait d’annoncer l’invasion de la soldatesque pour que le peuple réformé, se sentant comme défaillir, vînt en hâte prononcer les formules d’abjuration. Plusieurs pensaient qu’il est permis de céder à la violence pourvu que l’on garde intérieurement la foi, ou ne voulaient que se réserver le temps et l’occasion de fuir.
Il importe de remarquer aussi que les formules étaient souvent rédigées de telle manière qu’elles n’engageaient pas étroitement les consciences. Officiers publics et prêtres tenaient surtout au nombre des prosélytes. Beaucoup de religionnaires disaient simplement : « Je me réunis. » D’autres furent même autorisés à rédiger leur acte d’abjuration en ces termes : « Je reconnais et confesse l’Église catholique, apostolique et romaine, comme elle était du temps des apôtres ; » ou bien : « conformément à la doctrine de notre Seigneur Jésus-Christ » ; ou encore : « en aimant Dieu et Jésus-Christ, et l’adorant uniquement du culte souverain qui lui appartient. »
Mais ce n’était, au moins de la part des prêtres, qu’une concession momentanée. « On revenait à eux quelques jours après, » dit le pasteur Claude dans ses Plaintes des protestants de France, « et ils n’en échappaient point qu’ils n’eussent signé un autre formulaire, où on les engageait à toute outrance ; et ce qu’il y avait de plus impudent, c’est qu’on leur faisait reconnaître qu’ils embrassaient la religion romaine de leur plein gré, et sans y avoir été ni induits ni violentés. Si, après cela, ils faisaient difficulté d’aller à la messe, s’ils ne communiaient pas, s’ils n’assistaient pas aux processions, s’ils ne se confessaient pas, s’ils ne disaient pas leur chapelet, si, par un soupir échappé, ils témoignaient de la contrainte, on les chargeait d’amendes pécuniaires, et les logements recommençaient » (p. 52).
Ce qui a surtout frappé les populations, c’est le fait matériel des dragonnades. Le fait spirituel des communions forcées doit frapper beaucoup plus le penseur et l’homme pieux. Ouvrir, pour ainsi parler, la bouche des hérétiques à la pointe des baïonnettes et y jeter l’hostie, cette hostie sainte dont l’Église catholique enseigne que celui qui la prend indignement est coupable au suprême degré ; ainsi, le crime ordonné par ceux-là même qui ont décidé que c’était le plus grand des crimes : y a-t-il aujourd’hui en France un évêque, un prêtre qui n’en tressaille d’horreur jusqu’au fond de son âme ? L’Inquisition d’Espagne avait du moins la pudeur d’empêcher ses prisonniers de recevoir la communion et d’assister à la messe. Il y eut quelques nobles et pieuses protestations au siècle de Louis XIV, en particulier celles du parti janséniste, sur lesquelles nous aurons à revenir ; mais la majorité du clergé, entraînée par les Jésuites, contraignit à prendre l’hostie des malheureux qui laissaient voir à leur pâleur et à leur tremblement, comme l’a écrit Basnage, que tout leur cœur en était révolté.
Le conseil du roi, qui ne tenait compte que des actes extérieurs, fut aussi étonné que réjoui de ces innombrables abjurations. Louvois écrivait au chancelier son père, dans les premiers jours de septembre 1685 : « Il s’est fait soixante mille conversions dans la généralité de Bordeaux, et vingt mille dans celle de Montauban. La rapidité dont cela va est telle qu’avant la fin du mois il ne restera pas dix mille religionnaires dans toute la généralité de Bordeaux, où il y en avait cent cinquante mille le 15 du mois passé. »
Le duc de Noailles annonçait à Louvois, dans le même temps, les conversions de Nîmes, d’Uzès, d’Alais, de Villeneuve, etc. « Les plus considérables de Nismes, disait-il, firent abjuration dans l’église, le lendemain de mon arrivée. Il y eut ensuite du refroidissement, et les choses se remirent en bon train par quelques logements que je fis faire chez les plus opiniâtres… Le nombre des religionnaires de cette province est d’environ deux cent quarante mille ; je crois qu’à la fin du mois cela sera expédié. »
On crut qu’il fallait rendre ces abjurations plus sûres par un acte légal ; et Louis XIV, circonvenu, assiégé par son confesseur, son chancelier, son ministre de la guerre ; Louis XIV, mal instruit peut-être de ce qui se passait dans son royaume, parce qu’il vivait entouré de flatteurs, comme un sultan d’Asie dans le fond de son palais ; Louis XIV, à qui Louvois et La Chaise avaient promis qu’il n’en coûterait pas une goutte de sang ; ayant aussi consulté, dit-on, l’archevêque Harlay et Bossuet ; Louis XIV signa la révocation de l’édit de Nantes, le 18 octobre 1685. Dieu le laissa encore trente ans sur le trône pour lui faire porter le poids du crime qu’il avait commis.
Le préambule de l’acte de révocation est un témoignage du grand mensonge dont on avait abusé le roi. « Nous voyons présentement, dit-il, avec la juste reconnaissance que nous devons à Dieu, que nos soins ont eu la fin que nous nous sommes proposée, puisque la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de la religion prétendue réformée ont embrassé la catholique, et l’exécution de l’édit de Nantes demeure donc inutile. »
Voici le résumé de l’édit révocatoire. Plus d’exercice légitime du culte réformé dans le royaume. Ordre aux pasteurs d’en sortir dans le délai de quinze jours, et de n’y plus faire aucune fonction, sous peine des galères. Promesse aux ministres qui se convertiraient d’une pension plus forte d’un tiers que celle dont ils jouissaient auparavant, avec la moitié réversible à leurs veuves. Dispense d’études académiques pour ceux d’entre eux qui voudraient entrer dans la carrière du barreau. Défense aux parents d’instruire leurs enfants dans la religion réformée, et injonction de les faire baptiser et de les envoyer aux églises catholiques, sous peine de cinq cents livres d’amende. Ordre à tous les réfugiés de rentrer en France avant quatre mois, sous peine de confiscation des biens. Défense à tous les religionnaires d’émigrer, sous peine de galères pour les hommes, et de réclusion à vie pour les femmes. Enfin, confirmation des lois contre les relaps.
Le dernier article donna lieu à une cruelle méprise. Il était conçu en ces termes : « Pourront au surplus lesdits de la religion prétendue réformée, en attendant qu’il plaise à Dieu de les éclairer comme les autres, demeurer dans les villes et lieux de notre royaume, … sans pouvoir être troublés ni empêchés, sous prétexte de ladite religion réformée, à condition, comme dit est, de ne point faire d’exercice. » La liberté de conscience dans le for intérieur et au foyer domestique semblait donc respectée. Les réformés s’en réjouirent, comme d’un adoucissement à leurs malheurs, et quelques-uns suspendirent même leurs préparatifs de départ ; mais jamais espérance ne fut plus douloureusement déçue.
L’événement montra que ces mots : en attendant qu’il plaise à Dieu de les éclairer comme les autres, signifiaient : en attendant qu’ils soient, comme leurs coreligionnaires, convertis par les dragons. Louvois écrivit dans les provinces : « Sa Majesté veut qu’on fasse sentir les dernières rigueurs à ceux qui ne voudront pas se faire de sa religion, et ceux qui auront la sotte gloire de vouloir demeurer les derniers doivent être poussés jusqu’à la dernière extrémité. »
Le 18 octobre 1685 doit être compté au nombre des jours les plus néfastes de la France. Il l’a troublée, appauvrie, abaissée pour de longues générations. La politique de Henri IV, de Richelieu, de Mazarin, de Louis XIV lui-même, en fut frappée au cœur. Il n’était plus possible de conserver les alliés naturels de la France dans l’Europe protestante, lorsque le monde retentissait du lamentable cri des réformés. Le protestantisme se leva tout entier contre Louis XIV ; il trouva son chef en Guillaume d’Orange, et la révolution parlementaire de 1688 répondit à l’attentat royal de 1685.
Moins appuyé au-dehors, le pays fut plus faible au-dedans. L’émigration dont nous parlerons dans le livre suivant prit des proportions immenses. Le sage Vauban écrivait, un an seulement après la révocation, que la France avait perdu cent mille habitants, soixante millions d’argent monnayé, neuf mille matelots, douze mille soldats aguerris, six cents officiers et ses manufactures les plus florissantes. Le duc de Saint-Simon dit dans ses mémoires que le commerce fut ruiné dans toutes ses branches, et le quart du royaume sensiblement dépeuplé.
De ce moment (tous les historiens en ont fait la remarque), la fortune de Louis XIV déclina ; et quelques années après, vaincu à Blenheim, à Ramillies, à Malplaquet, ce roi si heureux et si superbe dans la première moitié de son règne, demanda humblement la paix à l’Europe. Il ne l’obtint à Utrecht qu’aux plus dures conditions. Dans tout le dix-huitième siècle, le royaume porta la peine de cet abaissement ; et de nos jours encore le congrès de Vienne a refait la France des mauvaises années de Louis XIV.
Le prestige de la royauté fut profondément blessé du même coup. Si l’on garda les apparences de la soumission et du respect, les âmes commencèrent à se soulever contre l’omnipotence du monarque. On se demanda si les peuples doivent confier à un seul homme, qui peut se laisser dominer par une favorite, par un confesseur, par des superstitions sottes ou par une folle passion de gloire personnelle, tous les droits et tous les pouvoirs. En Angleterre, en Hollande, les libertés populaires eurent de véhéments apologistes. En France, le pieux Fénelon prit l’initiative, et après lui vinrent Massillon, Montesquieu, Rousseau, les abbés Mably et Raynal, le protestant Necker et Mirabeau. Ces hommes si divers d’origine, d’idées et de tendances, sont de la même famille.
Voilà pour le côté politique de la question. Au point de vue moral et social, les édits promulgués de 1660 à 1685, les dragonnades, la révocation et les actes qui en furent l’inévitable suite, attaquèrent jusque dans leurs derniers fondements, pour deux à trois millions de Français, les sacrés et inviolables principes de toute société humaine : la religion, la famille, la propriété. Jamais les modernes socialistes n’ont été plus loin dans leurs théories que n’allèrent contre les réformés Louis XIV, les Jésuites, le sacerdoce catholique et la magistrature. A chacun sa part de responsabilité.
Enfin, au point de vue religieux proprement dit, le mot de M. de Châteaubriand, que nous avons rapporté ailleurs sur les effets de la Saint-Barthélemy, trouve ici une nouvelle et frappante application. En considérant l’étroite et malfaisante bigoterie du roi, les méprisables intrigues de ses confesseurs, les odieuses profanations sanctionnées par le corps du clergé, les soldats transformés en missionnaires, le deuil et le sang mêlés à la religion, toutes les lois divines et humaines foulées aux pieds par ceux qui étaient spécialement chargés de les défendre, les hautes classes de la nation se jetèrent avec emportement dans le scepticisme. A la mort de Louis XIV, la cour était pleine d’incrédules, et Voltaire est sorti tout armé des entrailles de cette génération.
On a prétendu que la révocation de I’édit de Nantes fut populaire. Si cela était vrai, ce serait la plus accablante des accusations contre l’Église romaine qui avait ainsi élevé, ainsi façonné la France. Or, cela n’est vrai qu’à demi. La révocation fut populaire chez les prêtres, qui, par la bouche de Fléchier et de Bossuet, exhortaient leurs auditeurs à pousser jusqu’au ciel leurs actions de grâces et leurs acclamations. Elle fut populaire chez quelques courtisans, le marquis Dangeau, Mme de Sévigné, qui adoraient jusqu’aux vestiges des pas du monarque. Elle fut populaire parmi les dernières classes du pays, surtout dans les provinces méridionales, qui suivaient aveuglément les inspirations de leurs guides spirituels. Peut-être, pour aller jusqu’au bout, elle fut populaire chez quelques administrateurs qui croyaient ne pouvoir obtenir que par l’unité religieuse l’unité civile et politique. Mais parmi les officiers de l’armée et de la marine, dans la noblesse de province, dans la noblesse même de cour qui n’avait pas entièrement sacrifié son indépendance d’esprit, dans les classes moyennes enfin, qui devaient grandir au dix-huitième siècle et gouverner au dix-neuvième, la révocation de l’édit de Nantes, fut-elle populaire ? Ce que nous avons dit plus haut permet au moins d’en douter ; et s’il reste peu de traces de leur opposition, c’est qu’il était difficile de faire entendre une parole libre sous Louis XIV.
En résumé, toutes choses ont perdu à la révocation : la royauté, la force politique de la France, la richesse publique, l’industrie, la morale, l’esprit religieux, le clergé catholique même : le mal n’enfante que le malheur.