Nous avons sous la main un autre témoignage qui prouve que les Grecs, après nous avoir dérobé leurs dogmes les plus respectables, se les sont attribués comme une invention qui leur fut particulière ; c’est qu’ils ont pillé de même les autres nations barbares. À chacune de leurs sectes, ils ont enlevé leurs doctrines les plus excellentes, et ils s’en sont glorifiés comme d’un bien qui serait leur propriété. Ils ont surtout pillé les Égyptiens ; et parmi ces larcins, la métempsychose est un des plus importants. Les Égyptiens, en effet, ont un corps de doctrine qui est à eux. Je n’en veux d’autres preuves que leurs cérémonies sacrées.
Le chanteur y marche le premier, portant quelqu’un des symboles de la musique. Il doit savoir par cœur deux des livres d’Hermès ; le premier renferme les hymnes en l’honneur des dieux, le second la règle de conduite que doivent suivre les rois.
Après le chanteur, vient l’horoscope ; il tient à la main un klepsydre et une branche de palmier, symboles de l’astrologie. Il doit toujours avoir à la bouche les quatre livres d’Hermès, relatifs à l’astrologie. Le premier traite de l’ordre des étoiles fixes et visibles ; le second, des conjonctions, et de la lumière du soleil ainsi que de la lune ; les deux autres, du lever des astres. Au troisième rang marche le scribe sacré. Il a des ailes à la tête ; ses mains portent un livre et une règle dans laquelle sont le noir graphique et le roseau qui sert à écrire. Il est tenu de savoir le système des hiéroglyphes, la cosmographie, la géographie, l’ordre dans lequel se meuvent le soleil, la lune, et les cinq planètes ; de plus, la chorographie de l’Égypte, la description du Nil, celle des temples, des lieux et des instruments sacrés, les mesures enfin, et généralement tout ce qui figure dans les cérémonies religieuses. À la suite des prêtres que nous venons de nommer, vient le stoliste, c’est-à-dire celui qui prend soin des ornements du culte. Il porte l’équerre de la justice et le vase des libations. Il connaît tout ce qui appartient à l’enseignement et aux rites victimaires. Les livres où sont consignés les honneurs qu’il faut rendre aux dieux, et les mystères de la religion égyptienne, sont au nombre de dix, et rangés sous cette division : sacrifices, prémices, hymnes, prières, cérémonies, jours de fête, et autres choses semblables. Le dernier de tous vient le prophète qui porte l’amphore sacrée dans son sein et visible aux assistants : il est suivi par ceux qui portent les pains destinés à servir d’offrande. Le prophète, attendu sa qualité de chef des sacrifices, possède à fond les dix livres appelés sacerdotaux, parce qu’ils traitent des lois, des dieux, et de tout l’ensemble des prescriptions sacerdotales. Le prophète préside en outre, chez les Égyptiens, à la répartition de l’impôt. Les livres d’Hermès, d’une absolue nécessité, s’élèvent donc à quarante-deux. Sur ce nombre, trente-six renferment la philosophie des Égyptiens que doivent connaître dans toutes ses parties les prêtres dont il vient d’être question. Les six autres livres sont du domaine des Pastophores. Ils ont pour objet la médecine et se subdivisent ainsi : organisation humaine, maladies, instruments, remèdes, affections des yeux, maladies particulières aux femmes. Sans entrer ici dans de plus longs détails, tel est l’ensemble de la philosophie égyptienne.
Celle des Indiens fut également célèbre. C’est pourquoi Alexandre le Macédonien, s’étant fait amener dix Gymnosophistes indiens, réputés dans leur secte pour la profondeur de leur sagesse et le laconisme de leurs réponses, leur proposa diverses questions. La mort, ajouta le conquérant, attendait celui qui ne répondrait pas convenablement. Le plus âgé d’entre eux fut établi juge. On demanda au premier lesquels se trouvaient en plus grand nombre des vivants ou des morts ? — Les vivants, répondit-il ; car les morts n’existent pas. — Au second : Laquelle des deux, de la mer ou de la terre, nourrit les animaux de plus large dimension ? — La terre, parce que la mer en fait partie. — Au troisième : Quel est le plus rusé de tous les êtres vivants ? — L’homme, parce qu’on ne le connaît pas encore. — Au quatrième : Pourquoi avez-vous entraîné dans la défection votre roi Sabba ? — Nous voulions qu’il vécût avec gloire, ou qu’il mourût misérablement. — Au cinquième : Laquelle de la nuit ou de la lumière précéda l’autre ? — Elle a précédé d’un seul jour ; car à des questions équivoques il faut des réponses ambiguës. — Au sixième : Quel est le secret de se faire aimer le plus possible ? — Une grande puissance qui n’inspire aucune crainte. — Au septième : Comment un homme peut-il devenir dieu ? — En faisant tout ce qui est impossible à l’homme. — Au huitième : Laquelle des deux est la plus forte de la vie ou de la mort ? — La vie, puisqu’elle a tant de maux à supporter. — Au neuvième : Jusques à quand est-il honorable à l’homme de vivre ? — Aussi longtemps qu’il ne se dit pas à lui-même : Il vaut mieux mourir que de vivre. Arrivé au tour du dixième, Alexandre lui ordonna aussi de parler, puisqu’il était juge. — Ils ont tous répondu plus mal les uns que les autres, dit-il. — Eh bien ! répartit le Macédonien, tu mourras le premier, toi qui portes ce jugement. —Et comment tiendrais-tu ta promesse, ô roi, toi qui as déclaré que tu immolerais le premier celui qui aurait répondu le plus mal ?
Les Grecs ont été accusés à bon droit de plagiat dans tous les genres ; nous croyons l’avoir suffisamment démontré par de nombreux témoignages.