François Coillard T.2 Missionnaire au Lesotho

XV
retour au lesotho
1878-1879

Départ de Léchoma. — La poste. — Mort de Bushman. — Retour à Mangouato. — Séparation d’avec Serpa Pinto. — Ses lettres. — Que faire ? — En route pour Valdézia. — La maladie et le deuil à Valdézia. — Chez la reine Mochaché. — Séparation d’avec les évangélistes. — Les wagons-ambulances. — Retour au Lesotho. — A Léribé. — Conférence de Morija. — Synode de Thaba-Bossiou. — Départ pour l’Europe !

L’expédition quitta Léchoma le 13 novembre, augmentée du major Serpa Pinto.

La dernière chose que nous fîmes à Léchoma, ce fut de graver l’épitaphe de Khosana sur le bel arbre qui ombrage son tombeau ; le major Serpa Pinto en fut l’artiste. Le mercredi, à 10 heures du soir, après une prière, par une nuit sombre et un temps menaçant, nous quittâmes ce Léchoma où, pendant près de quatre mois, nous avons tant souffert. Nos cœurs étaient gros d’émotion.

16 novembre 1878. — La poste ! Comme nos cœurs palpitaient d’émotion à la vue de ce paquet et de ces enveloppes ! Quelles nouvelles nous apportaient-elles ? Nous l’ouvrîmes en tremblant, ce paquet ! Nous les décachetâmes avec émotion, ces enveloppes ! Et bientôt nous étions absorbés et étrangers à tout ce qui se passait autour de nous. Pour la politique, c’est la paix. Dieu soit béni ! Pour ce qui nous concerne immédiatement, c’est l’énorme déficit de notre Société, qui ne descend pas au-dessous de 70 000 francs. Enfin, pour ce qui concerne notre expédition, désapprobation générale ! Le Comité écrit contre : « Il espère que je n’aurai pas donné suite à mon projet d’aller au Zambèze. » Pour lui, c’est la question des dépenses. La Conférence m’écrit très au long, bien qu’elle sût qu’avant que sa lettre m’arrivât, j’aurai été forcé de prendre une décision quelconque. Voilà donc qu’il m’est arrivé ce que je redoutais le plus : la désapprobation de mes frères. Et ce n’est, sans doute, que le prélude de tous mes troubles. Il s’agit maintenant de me ceindre de courage. Me voilà revenant d’une expédition qu’on désapprouve, avec de fortes dépenses, des résultats peu satisfaisants, et laissant deux tombeaux derrière moi. « Quoi qu’il en soit, je le répète, mon âme se repose en Dieu ! »

Tout cela m’attriste mais ne me fait nullement regretter le voyage. J’ai l’intime conviction que j’ai suivi le chemin du devoir et la certitude que ce n’est pas en vain.

Il peut y avoir une question d’amour-propre à abandonner, pour les Barotsis, ces Banyaïs dont on avait tant parlé, dont on avait fait tant de bruit ! Mission des Banyaïs ! C’était les Banyaïs partout ! On s’était engoué des Banyaïs, sans les connaître ; comment y substituer les Barotsis ? On parle de la distance, et on ne réfléchit pas qu’elle n’est pas plus grande que celle des soi-disant Banyaïs. On parle de la fièvre ! Oui, le climat du Borotsi est meurtrier, et presque aussi meurtrier que celui du pays des Banyaïs, où aucun blanc ne peut vivre. Mais le poste du péril est le poste d’honneur. Si Christ est mort pour les Barotsis, refuserons-nous d’aller le leur annoncer, parce qu’il peut y aller de notre vie ? Donc, pour nous, le renoncement, l’obéissance ne sont plus que des fleurs de rhétorique dont nous ornons nos discours ? Hélas ! hélas ! Quel contraste entre notre position et le discours de M. Taylor, du Sénégal, un noir qu’on vient de consacrer à Paris ! Quelle profondeur de sentiments ! Quelle noblesse de cœur ! Je ne m’étonne pas, qu’après l’avoir entendu, M. Bersier se soit senti inspiré. Mais quels sont les résultats pratiques d’un appel si chaleureux ! … On dit : « Que c’est beau ! que c’est beau ! » et on s’en va, laissant l’œuvre du Seigneur sans ressources !

Le voyage de retour continue, avec les incidents habituels de tout voyage africain : mauvais chemins, manque d’eau, lions, et puis la fatigue, la maladie, le mal du pays qui s’empare des noirs. Coillard lui-même est dans l’angoisse, Serpa Pinto a une rechute. Tout, sur la route, rappelle aux voyageurs ceux qui manquent. Eléazar entre autres.

1er décembre 1878. — Nous n’avons rien appris des Barotsis. J’ai le cœur bien gros et l’esprit écrasé d’inquiétudes. Notre expédition va-t-elle donc s’évanouir et s’évaporer comme une bulle de savon ? Une chose certaine : je suis déjà devenu une cible contre laquelle tout le monde trouvera de bon ton de décocher ses traits. Cela, après tout, est peu de chose ; mais la plus douloureuse de toutes mes épreuves c’est qu’on m’attribue des motifs de vaine gloire ou d’amour-propre qui me sont odieux. Le Seigneur, lui, connaît l’histoire des cœurs et celle du mien. Je puis m’être trompé, mais j’ai été au Zambèze dans la conviction que je suivais le chemin du devoir. Cette conviction m’a puissamment soutenu quand Khosana est mort, et que, moi-même, j’ai dû clore les paupières de mon cher Éléazar. Mais que d’orages depuis ! Et penser à ce qui m’attend encore ! Certainement nous n’étions pas mûrs pour une telle entreprise, elle était au-dessus des forces de notre pauvre Société et de nos églises du Lesotho. On ne voulait que de la poésie, beaucoup d’aventures, un brillant dénouement, un coup de théâtre enfin, et, comme tout n’est que prose, prose, aboutissant à une fin des plus prosaïques, on s’offusque et on se décourage, et on vous désapprouve de fort mauvaise humeur ! Je me demande souvent avec étonnement et tristesse pourquoi le Seigneur n’a pas accepté le sacrifice que je lui avais fait de ma vie, et m’a laissé, pour prendre à lui Khosana et Éléazar ! J’étais tout prêt et je serais parti joyeux.

Tsa Foupa, 8 décembre 1878. — Il ne s’agit guère maintenant que de planter des jalons sur la route, la route du retour ! Notre expédition est comme un vaisseau en pleine mer, battu des vents et des tempêtes et ayant perdu sa boussole. Où va-t-elle ? Quelle est désormais sa destination ? La tristesse, sombre comme un cauchemar, cruelle comme un vampire, s’est abattue sur nous et ne nous quitte plus ni jour ni nuit.

Nous pouvons, ensemble et dans la société des étrangers, faire des efforts pour ne pas mettre dans nos rapports une teinte de mélancolie ; mais quand nous sommes seuls, oh ! comme alors la tristesse revient au pas de course ! De fait, elle ne nous quitte jamais. Chaque jour, à mon réveil, la première pensée qui vient m’oppresser c’est celle de la mort d’Éléazar, de notre échec et de la désapprobation de mes frères et du Comité. Je m’éveille tous les matins avec un soupir et, sur l’esprit, un poids qui m’accable. Nos gens, eux, en ont évidemment pris leur parti. Ils ne sont plus possédés que d’une seule idée, celle d’arriver à Mangouato auprès de leurs familles ; ils ont la nostalgie. Du reste, en route, ils ne sont pas mélancoliques. Je voudrais avoir un peu de leur nature cuirassée ; je dis un peu. L’Afrique n’est pas le pays du sentiment. Malheur aux âmes trop sensibles !

Nous sommes arrivés ici vendredi soir, comme il y a cinq mois, et décidâmes d’y passer le dimanche encore une fois. A l’ombre de ces deux arbres gigantesques, près de deux étangs dont l’un ne tarit jamais, nous avions passé, en allant, un samedi et un dimanche riches en doux souvenirs. Éléazar était avec nous alors, aux petits soins comme toujours. Nous parlions avec lui du Zambèze, de Livingstone, je lui montrais les gravures que contient son dernier ouvrage. Nous parlions de Séchéké, des Barotsis… Ah ! si nous avions pu lire dans l’avenir !

Et maintenant, si nous pouvions lire dans l’avenir, que découvririons-nous ? « Il fait bien toutes choses », sans aucun doute. Nous verrons encore que notre expédition n’est pas un naufrage complet. Le Seigneur se glorifiera, quoique notre amour-propre ait à souffrir. Il faut qu’il croisse et que je diminue. J’aurai donc à le bénir même de nos échecs apparents, j’en suis sûr.

Noël. — Quelle agitation en Europe ! Quelles solennelles assemblées ! Quelles douces réunions de famille ! Et nous, tout seuls dans ce désert, qu’allons-nous faire ? Nous arrêter pour rêver dans le désert à des réunions de famille délicieuses ? Non, non, notre solitude en deviendrait trop solitaire et affreuse ! En route donc, au point du jour, chassant de nos esprits toute association d’idées avec ce jour-là, et nous égayant de notre mieux en plongeant nos regards dans l’avenir, rebâtissant nos châteaux en Espagne, cent et cent fois démolis !

Ce même jour André, un des évangélistes laissés à Chochong, arriva à la rencontre de l’expédition avec des bœufs ; il apportait la nouvelle de la mort de Bushman.

Ce fut un coup de foudre. Je ne pus retenir une larme. Donc, des quatre hommes de Léribé que j’avais pris avec moi, trois sont morts !

Dimanche 29 décembre. — Nous passâmes un dimanche assez calme. Nous aurions pu dormir tout le jour, tant nous étions fatigués. Comme la fatigue dessèche l’âme !

Le mardi 31 décembre 1878, l’expédition arrivait à Mangouato (Chochong). Ce retour fut émouvant :

Nous montâmes à pied à la station où nous fûmes reçus par les femmes en pleurs. Nous nous y attendions. Le souvenir d’Éléazar, de Khosana et de Bushman va nous poursuivre longtemps et bien loin. Khama s’empressa de venir nous souhaiter la bienvenue. Ainsi donc se termina, pour nous, cette année si riche en expériences de tous genres.

M. et Mme Coillard s’installèrent dans la maison de M. Mackenzie dont ils avaient fait la connaissance à Motito ; malheureusement cette maison était infestée de parasites. Le 13 janvier 1879, le major Serpa Pinto se séparait avec émotion de M. et Mme Coillard, pour prendre la route de Prétoria.

Son amabilité, ses connaissances vastes qui donnent à sa conversation tant de charme et de piquant, son habitude de la haute société, en faisaient un compagnon des plus agréables. Son départ laisse un vide. C’est un privilège pour Christina comme pour moi, tout autant que pour notre Société, d’avoir pu offrir à cet illustre voyageur l’hospitalité de notre vie nomade. Je ne crois pas trop dire en affirmant que, par notre moyen, Dieu lui a sauvé la vie ; dans tous les cas, sa rencontre avec nous l’a tiré du plus grand embarras. Sur le terrain religieux, hélas ! nous ne nous rencontrions pas. Élevé dans l’Église catholique romaine et initié de bonne heure à la corruption du clergé de son pays, il en a conçu, pour les prêtres, un profond mépris et il s’est habitué à considérer la religion comme une innocente comédie. Il semblait avoir pour nous, nos croyances et nos rites, un grand respect avec nous, il lisait la Bible avec attention, recueillement et intelligence. Qui sait quelle graine de la bonne semence l’Esprit du Seigneur aura fait tomber et pousser dans son cœur ? Quelle belle et vaste intelligence que la sienne ! Ce serait une étoile de première grandeur si elle possédait le foyer d’un christianisme personnel et vivant ! Mes pensées, mon affection, mes ardentes prières te suivront longtemps, noble ami, que je voudrais appeler mon frère.

De son côté, Serpa Pinto, deux jours après son départ, écrit à Coillard qui lui renvoyait un fusil oublié : « Comme je me souviens à présent de notre route depuis le Zambèze et comme je regrette que les circonstances m’aient forcé à couper la continuation de si agréables journées. Les soins de Mme Coillard se font encore sentir dans mon wagon et, à chaque instant, je trouve la preuve de ses soins bienveillants ; mais cela ne remplace pas les personnes et je ne cesse de me trouver bien seul. Encore une fois, je vous remercie tous de tant de bontés et je vous assure de ma part une gratitude éternelle. ».

Et il ajoute pour Mme Coillard : « Je profite du porteur de mon fusil oublié pour vous écrire deux mots de suprême reconnaissance. Je suis en route bien seul et bien triste. Ce n’est pas quand on a vécu avec des personnes comme vous pendant trois mois, qu’on peut se séparer sans regrets. Vos soins m’accompagnent encore et se font bien sentir autour de moi ; mais cela ne fait qu’augmenter ma tristesse, me donnant sans cesse le souvenir des personnes qui m’ont tant obligé. »

Plus tard, le 6 février 1879, il écrit encore à Mme Coillard : « J’ai l’honneur de vous écrire de Saul’s Poort où je ne devrais jamais être venu et où je suis arrivé avec un cheval blanc et un wagon bleu, quand j’étais parti de Chochong avec un cheval rouge et un wagon vert. Ça veut dire quelque chose. C’est que toutes sortes d’aventures m’étaient réservées dans ce petit voyage. »

Et, le même jour, il envoie à Coillard des nouvelles et des recommandations : « Les affaires de la guerrea vont mal pour les Anglais. Prenez garde, M. Coillard ; on suppose que très prochainement un soulèvement des natifs se fera du côté du Zoutpansberg ; c’est partout la guerre des Cafres contre les blancs. Prenez garde, les missionnaires ne seront pas épargnés et surtout n’allez pas exposer les dames à des dangers qu’elles ne peuvent pas braver. Vous êtes français, c’est-à-dire vous êtes brave de naissance, et j’ai déjà vu que vous méprisez un peu trop les dangers. Eh bien, soyez brave parce que vous êtes homme, français et missionnaire, mais le rôle des dames, c’est tout différent. » Serpa Pinto se montre partisan de l’écrasement absolu de la race noire par la race blanche, ce qui est un des points sur lesquels Coillard et lui ne purent assurément pas s’entendre.

a – Il s’agissait de la guerre entre les Anglais et les Zoulous.

Enfin, au commencement de mars, le major portugais est arrivé à Prétoria, où il a été très fêté : « Pourtant je ne suis pas content, écrit-il encore à Mme Coillard ; d’abord on a écrit des bêtises dans les journaux sur mon compte. Les journalistes sont partout la même chose. Ils écrivent sans savoir que dire et ils mentent presque toujours. Savez-vous, Madame, je me suis rappelé ; souvent déjà, ma vie dans les forêts ? Il y a des serpents, des bêtes féroces, la faim, la soif, la fièvre enfin, mais les mauvais propos de la société ne vous y inquiètent pas et les maladies de l’esprit sont bien pires que celles du corps. Je vais partir, je comptais rester encore dix jours ici, mais il faut que je m’en aille. J’en ai trop de la vie civilisée de cet endroit-ci… Je dis, je répète mille fois par jour que je vous dois la vie, que c’est vous qui m’avez sauvé, que c’est vous qui m’avez fait sortir de l’embarras dans lequel je me trouvais au Zambèze, et ils ont parlé de je ne sais quelles choses et n’ont pas dit la vérité ! Ça m’embête ! »

Mais revenons à Chochong où Coillard a commencé l’année et où il ne sait quel parti prendre.

Chochong, 18 janvier 1879. — Voilà bien des jours passés dans l’angoisse. Que faire maintenant ? Rester ici ou aller à Valdézia ? Je suis dans d’épaisses ténèbres et dans un abîme de tristesse. Si seulement j’avais un frère de qui je pusse prendre conseil ! Je ne suis pas à la hauteur de ma tâche, je le sens, mais qu’y puis-je maintenant ?

Mon voyage au Zambèze a été désapprouvé et par mes frères du Lesotho et par le Comité de Paris. Toutes leurs lettres ne me parlent que de retourner aux Spelonken, à Valdézia, et de chercher, dans une tribu, un champ de travail. On passe l’éponge sur ce que nous avons fait et souffert. La dernière poste m’a apporté une lettre de Mabille, il a changé d’avis. Maintenant il est tout plein de la mission des Barotsis et serait même disposé à donner sa démission à la Société de Paris pour pouvoir la commencer.

Coillard écrivit à Mabille et aux missionnaires de la Société de Londres réunis à Kourouman, et décida d’attendre leurs réponses à Mangouato. Ira-t-il fonder une station au nord du Limpopo, près de Mangouato, donc dans le champ de la mission de Londres, au Transvaal, chez Sélékab ? Ira-t-il à Valdézia ?

b – Petit chef, sur la frontière du Transvaal et du Béchuanaland, directement à l’est de Chochong.

Si j’étais tout seul, il n’y aurait ni doute ni hésitation. Je porte les Barotsis dans mon cœur.

Sur ces entrefaites, les catéchistes décident d’aller à Valdézia.

Nous partirons donc pour Valdézia ; force nous est cependant de laisser passer un peu les pluies. C’est la saison maintenant. J’espère encore qu’avant notre départ de Chochong, je recevrai l’avis de mes frères sur ce que je dois faire. Cette décision d’aller au Transvaal m’a jeté dans une perplexité extrême. Je souffre dans mon âme. Mais le Seigneur, je le sais, n’oubliera pas les Barotsis et, de toutes ces circonstances, il saura tirer sa gloire. Je dois me soumettre ; qu’il me donne une humble soumission !

Chochong, samedi 1er février 1879. — Voici une nouvelle semaine écoulée. Que de misères à déplorer et surtout quelle indifférence, quelle apathie ! La fatigue de mon pauvre corps a pénétré jusqu’à mon âme. Nous avons donc fait nos préparatifs de départ, nos voitures sont chargées. Nous sommes, l’un et l’autre, véritablement épuisés. Et nous allons décidément partir lundi ! Mon cœur se fond à cette pensée. Oh ! que de luttes dans ma pauvre âme ! Pour moi, quitter Mangouato c’est renoncer à la mission des Barotsis. Et renoncer à la mission des Barotsis, le puis-je moi ? le pourrai-je jamais ? J’ai renouvelé mes vœux au Seigneur. Une profonde tristesse s’est emparée de moi, des larmes m’eussent soulagé. Mais le Seigneur me soutiendra, sûrement il ne peut pas m’oublier. Il sait que j’ai au cœur l’avancement du règne de mon Sauveur.

Chochong, lundi soir, 3 février 1879. — Quelle journée ! Journée de fatigues et d’émotions. Malgré une violente migraine, nous étions sur pied au point du jour, achevant d’empaqueter, d’emballer et de charger les wagons. J’étais si profondément triste que je ne pus parler ni à Khama ni aux autres chrétiens qui vinrent nous voir. J’attendais la poste avec des pressentiments qui ajoutaient à mon angoisse. Nous avions tout fini et, pour atteler, on n’attendait plus que la poste. Elle arrive enfin.

Mabille écrivait qu’il fallait attendre, à Chochong, une lettre de la Conférence qui allait se réunir bientôt ; on attendit.

Pour moi quel soulagement d’esprit ! Dieu a eu pitié de moi, il a exaucé ma prière, je respire.

Jeudi soir, 6 février. — Quels jours orageux que ceux qui viennent de s’écouler ! N’aurait-on pas dit que le sanctuaire de nos cœurs était ouvert à tous les vents et qu’ils y tourbillonnaient à qui mieux mieux. Jamais je n’ai eu de plus vives angoisses.

Les catéchistes étaient mécontents : dans une lettre, la commission exécutive de la mission du Lesotho émettait le vœu que les évangélistes fussent laissés à Chochong jusqu’à ce qu’on eût fait des plans en Conférence. Enfin, après bien des émotions et des pourparlers, Coillard écrit dans son journal :

Mercredi 19 février. — Les catéchistes étaient déterminés à retourner au Lesotho ; ils ne veulent pas rester ici et, plutôt que de les ramener au Lesotho, nous allons les mener à Valdézia. Nous partirons lundi.

Et c’est en effet ce qui arriva, à la grande douleur de Coillard :

Quitté Mangouato mardi dernier, le 25 février ! Oui, quitté enfin, et en route pour Valdézia ! J’avais, jusqu’au dernier moment, espéré que quelque chose d’extraordinaire, un miracle surviendrait pour ramener nos gens à la raison et les décider à suivre les directions des missionnaires. Mais non, la dernière lueur d’espoir s’évanouit. Mon émotion fut grande quand je fermai la porte de la maison sur toutes mes espérances et mes rêves de mission chez les Barotsis.

27 et 28 février 1879. — Christina très malade, pas de sommeil. La fatigue est trop grande pour elle décidément. Elle n’est plus la même. Hélas ! Est-ce tout ce que nous allons recueillir de notre voyage ?

Dimanche 2 mars. — Nous avons eu une rude semaine : d’abord un temps orageux, avec une chaleur suffocante, la difficulté de la route et surtout l’état de ma pauvre malade, trop faible pour se lever, et sentant tous les cahotements de la voiture dans son pauvre corps roulé, ballotté, secoué sans merci.

Quand nous quittions le monde civilisé, que nous cherchions les Banyaïs, que nous allions au-devant de la colère ombrageuse de Lobengoula, que nous traversions le désert nous rendant chez les Barotsis, nous avions l’avenir devant nous et l’espoir dans le cœur. Nous allions de l’avant ! Maintenant nous retournons en arrière, hélas ! Derrière nous, les ruines de nos espérances jonchent nos traces ; devant nous, d’épaisses ténèbres jettent le défi à notre foi déjà si éprouvée.

4-9 mars. — Aucune parole ne peut exprimer notre fatigue.

L’expédition passe chez Séléka, un petit chef tributaire de Khama ; là, les indigènes demandaient un missionnaire ; quoiqu’il ne fût pas possible, à ce moment, d’accéder à leur désir, cette demande remua profondément les catéchistes.

Samedi 15 mars. — Quelle semaine ! Quel voyage ! Depuis deux ans que nous sommes en route, jamais nous n’avons eu d’étapes pareilles !

Entre le Blauberg et le Zoutpansberg, dimanche 23 mars. — Devant nous s’élève le bout de la chaîne du Zoutpansberg dont nous pouvons distinguer les sinuosités. Nous voici donc revenus aux remparts que nous franchissions il y a deux ans avec des pensées bien diverses, mais aussi ceints de courage et de foi. Nous avons fait une sortie, nous rentrons. Avons-nous essuyé une défaite ? Non. Les Barotsis seront certainement évangélisés. Dieu nous garde d’être les espions que Moïse avait envoyés en Canaan et qui découragèrent le peuple.

Goedgedacht, mercredi 26 mars. — C’est hier que nous sommes arrivés à notre Péniel d’il y a deux ans. Nous dételâmes pour notre halte du milieu du jour. Nous trouvâmes une admirable salle à manger sur le bord de la route, sous un arbre à l’épais feuillage. Nous venions de prendre notre déjeuner lorsque bientôt apparurent deux wagons. C’était M. Hofmeyer qui venait à notre rencontre. Il ne put contenir son émotion, ni nous la nôtre, et nous ne pûmes parler qu’après avoir, ensemble, épanché nos cœurs devant Dieu. Il n’avait rien su de nos deuils ni de notre retour.

Le samedi 29 mars, l’expédition arrivait à Valdézia pour y trouver M. et Mme Berthoud alités. Mme Creux relevait à peine de maladie ; plusieurs enfants étaient malades aussi. Mme Coillard, très souffrante elle-même, s’installa au chevet de Mme Berthoud, qui s’éteignait le 3 avril au soir. Le surlendemain de son arrivée à Valdézia, Coillard en repartait ; il se remit en route avec deux évangélistes pour aller voir s’il n’y aurait pas, dans le voisinage, dans le petit pays de la reine Mochaché, un champ de travail pour eux.

Lundi soir, 7 avril 1879. — Des messagers de Valdézia apportent la nouvelle de la mort de Mme Berthoud. Je fus comme atterré. Je communiquai la nouvelle à nos gens, puis nous nous agenouillâmes ensemble pour prier pour ce pauvre Berthoud et ses petits orphelins. Je m’éloignai pour être seul. Quel appel sérieux du Seigneur !

Christina m’écrit aussi que M. Schwellnuss, un missionnaire allemand qui s’était rendu aux funérailles de Mme Berthoud, dit que j’ai été très imprudent de venir ici chez Mochaché dans ce temps de fièvres. Imprudent ! Les poids de la balance humaine sont multiples, leur unité c’est toujours le moi. Nos lunettes sont de diverses couleurs, jamais nous ne pourrons voir les choses sous le même jour. Qu’il est imprudent, en effet, ce soldat, cette sentinelle de nuit, s’exposant ainsi au froid, à la pluie, à la rosée, à la maladie ! Le Sauveur l’a dit : « Celui qui aime sa vie la perdra. » In His Majesty’s service ! Il garde les âmes de ses bien-aimés. Et quand il n’aura plus besoin de moi, il me mettra de côté, mais ne me rejettera pas. Il me recevra dans la gloire ; que craindre donc ?

La reine Mochaché, après avoir fait attendre Gaillard deux jours, refusa de le voir et lui intima l’ordre de partir.

Mardi 8 avril. — Ainsi donc une autre porte fermée. Que les voies de Dieu sont mystérieuses ! que ses pensées sont insondables et ses jugements incompréhensibles !

A son retour à Valdézia, Coillard trouvait une lettre d’un inspecteur de la mission allemande de la Société de Berlin, fermant la porte du Transvaal, et une autre de M. Hepburn l’invitant à aller occuper le poste de Séléka. Il fut décidé qu’Asser et Aaron s’y rendraient immédiatement et qu’Azaël et André les y rejoindraient, après avoir passé quelque temps à Valdézia. Mme Coillard tomba malade ; elle était dévorée par une fièvre ardente. Il fallait partir de Valdézia ; le départ eut lieu le mardi 22 avril. La famille Creux et M. Berthoud, encore très faible, partirent avec M. et Mme Coillard, se rendant à Prétoria.

En route pour Prétoria, dans le désert, mercredi 23 avril. — C’est donc hier que nous nous sommes définitivement séparés d’Asser, d’Aaron et de leurs familles. Voici donc la fin de notre expédition. Je ne sais pas ce que le public en pensera ; dans les balances de la critique, hélas ! qui n’est léger ? Mais, pour ma part, je ne trouve que des accents de reconnaissance, de louange. Ce n’est peut-être pas tout ce que j’attendais ; non, en effet, je le reconnais.

« Le moment de notre séparation d’avec nos évangélistes fut solennel. Nous avions, pendant deux années, vécu ensemble dans un contact de chaque instant, nous avions partagé les mêmes fatigues, les mêmes épreuves, les mêmes bénédictions, nous avions couru les mêmes dangers, nous avions eu les mêmes délivrances. Nous n’étions qu’une famille. Nous avons appris à nous connaître, pas toujours très avantageusement peut-être, mais nous n’avons jamais cessé de nous aimer. Dire que nous avons pu voyager si longtemps ensemble sans avoir eu de malentendus, c’est, je crois, la plus grande louange que je puisse donner à nos évangélistes et à leurs excellentes compagnes. Et ils la méritent. Dans leur dernière prière avec nous, tout en se rejetant sur le Seigneur, ils demandaient « qu’il nous fût donné, à nous qui les quittions, des yeux qui regardassent en arrière, et que la fenêtre de notre cabinet secret fût toujours ouverte vers les régions où ils allaient, eux, retourner. » Pourrait-il en être autrement ? Que Celui qui les envoie, à qui toute puissance est donnée dans les cieux et sur la terre, accomplisse pour eux aussi sa promesse : « Et voici, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. »

23 avril 1879. — Sans doute, Séléka n’est pas un champ de travail, mais c’est un jalon planté, un jalon pour l’intérieur. Les Barotsis seront évangélisés ! Oh ! que Dieu soit loué ! Il ne faut plus qu’une chose maintenant, c’est une lettre de Westbeech avec le message de Robosi ; cela viendra, j’en suis sûr. Il me paraît évident que le Seigneur a voulu, ou a permis plutôt, que la porte des Barotsis ne fût qu’entr’ouverte, afin que nous épuisassions toutes les autres alternatives imaginables, que nous allassions frapper à toutes les portes pour les trouver toutes fermées et pour nous convaincre que les Barotsis nous étaient échus. Je ne puis me défaire de cette pensée. Les églises du Lesotho hésiteront-elles ?

Jeudi 24 avril. — Nos wagons sont des ambulances. Ma pauvre Christina, après m’avoir causé beaucoup d’inquiétude, est en pleine convalescence. Quelles nuits nous avons eues ! Je me demandais si le Seigneur allait m’appeler au plus grand sacrifice qu’il puisse me demander et j’étudiais mon cœur et ma conscience… Il me l’a rendue comme Isaac à Abraham. Que son nom soit béni !

Durant la suite du trajet, d’autres tombèrent malades, Mlle Elise Coillard, Mme Creux, des enfants.

« C’est tout ce qu’il y a de plus triste de voyager en wagon, avec des malades. Mais c’est un cours bien instructif et bien édifiant que nous font nos amis Creux sur le dévouement et Berthoud sur la résignation chrétienne ! Puissions-nous apprendre et mettre à profit. »

Les voyageurs passèrent par Marabastad, Prétoria où M. et Mme Coillard se séparèrent de M. Berthoud et de M. et Mme Creux. Puis Potschefstroom, Klerksdorp, d’où, le 2 juin, Coillard écrit à M. Casalis. Après avoir justifié son itinéraire, il ajoute :

« Qu’on se le dise et qu’on se le répète bien, c’est le moment d’agir ou jamais. Annoncez-nous bientôt que vous avez biffé de vos rapports cet odieux déficit chronique et qu’au lieu de jeter de l’eau froide sur notre étincelle de zèle, vous nous donnerez une impulsion toute nouvelle résultant d’un vrai réveil pour la Mission ! Il y a une phrase dans votre lettre qui m’a intrigué : vous dites « qu’on obtiendra tout des églises de France pourvu qu’on ne leur demande pas trop ». Je ne comprends pas ce français-là. Il est vrai que j’ai quitté la France depuis vingt-deux ans. Quel est donc le principe vital d’une église ? N’est-ce pas de donner et de se donner, comme le Sauveur lui-même l’a fait ? »

Puis Coillard passe à Kimberley, où il s’arrête quelques jours, à Bloemfontein, où un pasteur wesleyen organise une réunion.

La réunion fut nombreuse et on la déclara un succès. C’est un succès, si elle a glorifié le Maître et contribué à étendre son royaume.

Samedi 12 juillet. — A 2 heures, nous étions sur pied. Le soleil levant déroula devant nous la chaîne des Maloutis, dont il dorait de ses feux les plus hautes sommités. Le reste était couvert d’un voile blafard et plus bas d’un voile plus sombre. Que le Lesotho nous paraissait grandiose et beau, après deux années d’absence ! Nous cherchions à reconnaître les montagnes. Derrière nous, nous laissions Thaba-Ntchou. Devant nous voici Kolo ! Plus près encore, c’est la montagne d’Hermon ; plus loin, la masse imposante des Likhoélé. C’était ravissant !

Ce même jour, rencontre avec M. Hermann Dieterlen et passage du Calédon. Dimanche à Hermon ; de là à Liphiring.

15 juillet 1879. — Est-ce une réalité ou simplement une vision de la nuit dernière ! Il était 11 heures du soir, et j’étais plongé dans un profond sommeil. Tout à coup, j’entends crier et frapper rudement à la porte. A demi réveillé, je réponds en sessouto, en anglais, en français, dans toutes les langues enfin que j’ai à mon commandement. « Qui est là ? Que voulez-vous ? » et que sais-je ? — « Je suis Mabille ! » — « Mabille ? » — « Eh oui, Mabille ! » Je fus bientôt habillé, et serrai dans mes bras mon cher, mon fidèle ami ! Mais un tremblement, causé plus par l’émotion que par le froid, me saisit, et pendant longtemps je ne pus articuler que très difficilement des phrases décousues. Ma femme aussi se leva. Nous restâmes ensemble à causer jusqu’à 3 heures, puis nous allâmes nous coucher, non pas pour dormir. A 4 heures, Mabille repartait pour Morija. Quand je me levai de nouveau à 5 heures, je me demandai si la visite de Mabille n’était pas une vision. J’aurais douté de sa réalité, n’eût été le bien et la joie qu’elle m’avait laissés dans le cœur.

Puis Coillard va à Siloé, à Thabana-Morèna. Enfin, le samedi 19, Coillard devait arriver à Morija.

Il neigeait, pleuvait, ventait. Bientôt une cavalcade s’annonça. C’étaient nos amis de Morija — Mabille, Casalis, Dyke et des Bassoutos — qui venaient nous souhaiter la bienvenue avec des jeunes gens de l’école et des bœufs pour notre voiture. Leurs plans de réception échouèrent à cause du temps, et je ne le regrettai pas, car je n’aime pas les grandes démonstrations. Je n’aurais su quelle figure faire. Cependant, quand nous arrivâmes près de Morija, les drapeaux se mirent en mouvement, et bientôt les écoles venaient à notre rencontre et nous recevaient avec de bruyantes acclamations. Inutile d’essayer de décrire les émotions de cette arrivée.

A la fin de juillet, la commission exécutive de la Conférence et celle du synode des églises du Lesotho se réunirent à Morija.

Je fus triste et désappointé de ne pas y voir arriver Nathanaël. Je fis donc mon rapport et on discuta ce qu’il y avait à faire. Quant à la question d’une mission chez les Barotsis, tous les missionnaires, sauf Mabille, battent froid. On y voit une impossibilité, à cause de la fièvre surtout. J’ai pressé les frères de me laisser retourner au Zambèze ; ils ont énergiquement refusé ; ils veulent que je revienne en Europe pour m’entendre avec le Comité et pour intéresser les églises, si je puis, à une œuvre qui n’a pas de sympathie ici. De fait, ils rejettent toute la responsabilité sur moi.

Il est évident qu’il y a malentendu entre nous et le Comité. Ces messieurs ont l’idée que la mission du Zambèze doit être une mission indigène ; ils croient qu’au Lesotho nous avons les fonds et les hommes. C’est une erreur. Et la France, qui ne peut combler son déficit, nous fournira-t-elle les ressources d’hommes et d’argent dont nous avons besoin ? J’ai certainement aimé l’esprit dans lequel on a discuté la question, mais je suis triste des conclusions auxquelles on est arrivé.

Après Morija, Coillard visita encore Thaba-Bossiou, Bérée ; enfin, le vendredi 8 août, il arrivait à Léribé ; on vint de la station à sa rencontre.

Je restai avec les hommes pour voir le wagon traverser la rivière Hlotsé. Puis j’acceptai la monture de Nathanaël, et nous partîmes. L’herbe ne crût pas sous les pieds de nos chevaux. Nous franchîmes, au grand galop, plaines, vallons et coteaux, et bientôt la station parut à nos yeux. Oh ! quelle émotion traversa mon âme ! Enfin, après deux ans et quatre mois moins huit jours, nous revenions à notre foyer domestique. Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, une louange à notre Dieu. (Psaumes 40.4)

Et, peu après, Mme Coillard écrit à son tour (31 août 1879) : « Nous avons reçu un accueil cordial et chaud de tous les amis, blancs ou noirs, du Lesotho ; du haut en bas de l’échelle sociale, tous se sont réjouis de notre retour. Quant à notre chère maison, elle est pour nous plus jolie et attrayante que jamais, spécialement au printemps, lorsque le jardin est tout couvert de pêchers et d’amandiers en fleurs. Chacun admire cette station, l’église, la maison, le jardin. »

La Conférence de Morija, dans une lettre au Comité de Paris1, faisait ressortir, avec beaucoup de justesse, qu’il existait, entre le projet primitif d’évangéliser les Banyaïs et celui de fonder une œuvre chez les Barotsis, de notables différences. Étant donné la distance qui sépare le pays des Barotsis du Lesotho et les dangers de cette œuvre qui exigerait de grands sacrifices en hommes et en argent, il fallait que cette mission dépendît non plus du synode du Lesotho, mais bien du Comité de Paris qui en aurait la responsabilité et la direction ; en un mot, la mission du Zambèze était une œuvre nouvelle dont la fondation devait être confiée non pas à des évangélistes indigènes seuls, mais à des missionnaires européens, ayant des évangélistes indigènes pour auxiliaires.

La Conférence exprimait le désir que Coillard prît enfin ce congé qui lui avait été accordé depuis plusieurs années, qu’il vînt en Europe pour parler au Comité de cette nouvelle mission, et, au cas où le Comité se déciderait à l’entreprendre, pour éveiller en sa faveur l’intérêt des églises. Le 26 août 1879, Coillard écrivait au major Malan :

« Nous avons eu à Morija une réunion préliminaire ; notre synode doit être tenu à Thaba-Bossiou en octobre. Je pressai mes frères d’entreprendre la mission des Barotsis, de me laisser retourner au Zambèze. Mais ils sentaient qu’à moins que le Comité de Paris ne fût prêt à porter la responsabilité de cette nouvelle mission, nos jeunes églises du Lesotho ne pouvaient en porter seules le poids. La question est en vérité très, très sérieuse, et le moment est venu de calculer la dépense.

Le pays des Barotsis est isolé, les communications par Mangouato sont rares et difficiles, le climat est meurtrier ; c’est pourquoi la mission sera coûteuse et exigera des sacrifices constants en hommes. Ainsi rien d’étonnant que les plus prudents de nos frères, et que nous tous, nous pesions cela sérieusement et nous nous demandions si le Seigneur nous appelle vraiment à entreprendre une œuvre grande et coûteuse.

Ma propre opinion est qu’il nous appelle à cela, et, s’il en est ainsi, sans aucun doute, la lumière sera répandue sur notre chemin, de telle sorte que nous pourrons clairement discerner la volonté de notre Seigneur et la faire sans hésitation. Tous nos plans doivent être discutés au prochain synode, qui fait pour nous le sujet de nos plus sérieuses prières.

Pour nous personnellement, nous sommes prêts à faire la volonté du Maître et à aller où qu’il veuille nous envoyer. Mon désir est de retourner chez les Barotsis et de compléter les observations qui nous sont nécessaires pour commencer l’œuvre. »

Coillard écrit encore au Comité, le 28 août :

« Quand je songe à la jeunesse et à l’inexpérience de nos églises du Lesotho, à l’état de notre Société, au peu d’ouvriers qu’elle a à sa disposition, à ce déficit qui nous entrave si sérieusement dans la marche de notre œuvre actuelle, je comprends que mes chers collègues se recueillent et se demandent sérieusement si c’est bien nous, pauvres et faibles comme nous sommes, que le Maître appelle à entreprendre une telle œuvre. Ils n’ont pas pu, ils ne pouvaient pas prendre sur eux de résoudre la question, et c’est à vous, c’est-à-dire à qui de droit, qu’ils l’ont soumise. Ils auraient aimé que je partisse pour l’Europe pour m’entendre avec vous. Quoi que nous fassions, je crois que vous avez maintenant les données suffisantes pour vous éclairer et pour traiter cette importante question en connaissance de cause.

J’ai adressé aux églises du Lesotho un rapport aussi complet que possible sur le sujet. Je me ferai un devoir de vous en envoyer copie par le prochain courrier. Le synode qui se réunira à Thaba-Bossiou, en octobre, nous permettra de sonder les dispositions des églises. Si j’accentue un peu les difficultés de l’entreprise, c’est que je suis profondément pénétré de sa beauté et de sa grandeur.

En posant des bases vraies et solides, je voudrais communiquer à nos églises non pas un enthousiasme éphémère pour une entreprise nouvelle, mais la conviction bien sentie qu’il y a là un devoir sacré. Je voudrais que nous ne comptassions pas trop sur les succès, que nous puissions accepter, sans découragement, les désappointements et les revers. Je voudrais enfin, pour dire toute ma pensée, qu’une fois la main à la charrue nous ne regardassions pas en arrière.

Le Seigneur honore ceux qui l’honorent. Si nous cherchons humblement, sincèrement, sa gloire dans cette entreprise — pour nous aujourd’hui si formidable — j’ai l’intime conviction que, nous aussi, nous occuperons bientôt un des avant-postes de cette glorieuse armée qui s’avance à la conquête de l’Afrique centrale. Nous attendrons donc votre réponse avec anxiété. »

A plusieurs reprises, Coillard avait affirmé qu’il était prêt à repartir pour le Zambèze, sans revenir en Europe.

« Avais-je besoin de protester que c’était là l’expression d’une consécration solennelle de nous-mêmes au service de notre Maître ? Il sait, lui, tout ce que cela comporte et entraîne ; mais c’est lui que nous servons et c’est à lui que nous désirons, avant tout, obéir. Et quand il signera notre feuille de route, que ce soit pour l’Europe ou pour le Zambèze, il nous donnera aussi les forces de faire sa volonté et la grâce de le glorifier soit par notre mort, soit par notre vie. »

Le 1er novembre 1879, Coillard rend compte au major Malan du synode de Thaba-Bossiou :

« Des devoirs toujours plus nombreux et des obligations de la vie sédentaire il est résulté pour moi une réaction de fatigue ; ma vue est mauvaise et m’entrave pour lire et pour écrire et ma santé générale n’a pas été bonne. Les réunions de Thaba-Bossiou ont été excellentes, toutes les discussions ont été pénétrées d’un bon esprit et pour moi-même je peux dire que ce fut vraiment un temps béni.

Le sujet de la mission du Zambèze a été traité avec beaucoup de franchise et d’élévation d’esprit. Évidemment chacun sentait la solennité du moment et semblait entrevoir les conséquences d’une décision quelle qu’elle fût. Tous unanimement poussèrent à aller de l’avant, aucun ne pensa proposer le complet abandon de cette mission. Les moyens et le moment furent les points sur lesquels les opinions différèrent. Le climat meurtrier du pays n’effraya pas comme je m’y attendais. Je ne sais pas ce qu’il en sera dans la pratique ; mais on passa légèrement sur la question de la fièvre, quoique, à plusieurs reprises, la gravité en fût rappelée. L’objection la plus sérieuse fut peut-être celle des dépenses de la mission prévue. Trois hommes se sont offerts pour aller avec moi et pour s’établir chez les Barotsis, si la porte nous est ouverte.

Après beaucoup de discussions et de prières, on pensa que nous ne devions pas abandonner ce projet, mais que, d’autre part, nous n’étions pas prêts à nous lancer immédiatement dans une aussi grande entreprise. Il a paru urgent à mes frères que j’aille en Europe conférer avec le Comité et visiter les églises.

Mabille et moi avons vu clairement la volonté de Dieu dans tout cela, et nous ne pouvons nous empêcher de le bénir pour le résultat auquel on est arrivé. Pour moi et ma chère femme, le désir de nos cœurs se portait vers le Zambèze. Nous pensions qu’en tardant, nous manquerions le moment propice, mais peut-être étions-nous très pressés et risquions-nous de partir avant d’être envoyés par le Maître. Maintenant le sentier du devoir est si clair que nous ne pouvons hésiter à y entrer courageusement.

Demandez pour moi les prières du peuple de Dieu. Pour moi, visiter l’Europe dans les circonstances présentes est un pas très solennel et j’en tremble. Mais j’ai confiance dans le Seigneur, sa grâce me suffira sûrement. »

Le synode de Thaba-Bossiou écrivait, de son côté, à propos de la nouvelle œuvre parmi les Barotsis : « Nous aimons cette œuvre ; c’est notre œuvre ; néanmoins, nous devons dire que nous la trouvons bien grande et que notre force est petite. En conséquence, nous avons décidé de vous la remettre, afin que vous marchiez devant nous et que nous ne soyons que vos aides. » Des trois signataires de cette lettre, le premier était Nathanaël Makotoko. De nouveau, Coillard faisait des préparatifs de départ ; sa santé était chancelante ; il ne tient plus son journal, il écrit rarement, puisque ses messages ne le précéderont que de peu. Le 12 novembre 1879, il écrit cependant encore, de Léribé même, au Comité et aux amis des Missions :

« Que n’ai-je pu sténographier mes pensées et vous communiquer les transports de ma joie, quand j’ai appris que le déficit était enfin comblé ? Quel soulagement ! Quel repos d’esprit ! Dieu soit loué ! Puissions-nous ne jamais voir la tête hideuse de cette hydre reparaître dans nos rapports financiers.

Sachez-le, chers amis, les efforts que vous avez faits, les sacrifices que vous vous êtes imposés pour remettre à flot la barque de la Mission française, nous ont fait du bien et ont relevé notre courage. C’est avec un intérêt tout particulier que nous parcourions la liste des dons qui paraît mensuellement sur la couverture du Journal. Oui, croyons-le, le Seigneur a encore en réserve des bénédictions pour nos chères églises, et du travail pour nous. Se pourrait-il que ce bel élan se ralentît ? Se pourrait-il que ce ne fût qu’une étincelle, et une étincelle qui n’a lui dans l’obscurité de notre découragement et de notre manque de foi que pour nous confondre en nous montrant ce que nous pourrions faire si nous avions plus de vie ! Non, mille fois non ! Il faut que, nourris de l’esprit même de notre divin Maître, cette flamme nous embrase, consume en nous tout ce qu’il y a encore de mondanité, d’égoïsme et d’idolâtrie, et nous pousse à faire plus, beaucoup plus, toujours plus, toujours et beaucoup mieux.

L’esprit de conquête c’est le principe vital de l’œuvre des Missions. L’Église de nos jours l’a bien compris et aucune partie du monde n’offre un spectacle plus saisissant d’émulation, d’initiative et de zèle que notre ténébreux continent. Sans doute, la science, par l’intrépidité de ses explorateurs, a donné une forte impulsion à ce mouvement, comme la découverte des mines d’or et de diamants. Mais, disons-le à la gloire de Dieu, les chrétiens, en Angleterre et en Amérique surtout, ne se sont montrés ni moins intrépides, ni moins généreux que les géographes et les commerçants. Les grandes entreprises de mission dans la région des Lacs et au Congo en sont des preuves éclatantes. Nos amis de la mission américaine de Natal se préparent, eux aussi, à commencer, quelque part dans l’intérieur, une mission comme la nôtre, c’est-à-dire avec une forte proportion de l’élément indigène. Et pour cette entreprise, m’écrivent-ils, ils ont à leur disposition un legs de près d’un million de dollars ! Près de 5 millions de francs ! Et nous, serions-nous des contemplateurs oisifs de tout ce qui se fait de grand et de noble de nos jours ? N’aurons-nous pas une part, quelque humble qu’elle soit, dans l’évangélisation de l’Afrique centrale ? Ne pourrions-nous pas dès maintenant créer un fonds spécial pour cette mission nouvelle ? Commençons par là. Ne demandons pas à de jeunes serviteurs de Dieu de se dévouer à une œuvre pour laquelle nous n’avons à offrir que de bonnes intentions et un enthousiasme stérile. S’ils donnent leur vie, qu’ils trouvent que vous les avez déjà devancés en donnant de votre aisance ou de votre pauvreté, non par acquit de conscience ou par des motifs purement humains, mais par un amour profond pour le Sauveur qui, étant riche, s’est fait pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions rendus riches. »

M. et Mme Coillard quittaient Léribé le mardi 18 novembre 1879 et, ce jour même, M. et Mme P.-A. Dormoy s’y installaient, pour continuer l’œuvre en leur absence. Le 7 décembre, Coillard écrit aux amis des Missions :

En route pour la France ! Oui, il faut bien le croire, quoique nous ne le puissions pas encore. Il nous semble que ce n’est que la reprise et la continuation de notre expédition, et notre prière, c’est que nos voyages en Europe soient encore plus bénis que ne l’ont été nos pérégrinations dans l’Afrique tropicale. Et c’est beaucoup dire ; mais ce n’est pas trop. Dussions-nous vivre jusqu’à un âge très avancé, ces deux années et demie de notre carrière seront toujours pour nous comme des sommités inondées des rayons du soleil, dans un panorama où abondent des ombres épaisses.

Un grand sujet de tristesse pour moi, c’est de n’avoir pu, avant mon départ, visiter nos annexes et le district. Mais, dans l’état de santé où je me trouve, faire des courses à cheval était hors de question. J’ai donc convoqué, à Léribé, le consistoire et les annexes. Nous avons eu des réunions sérieuses et bénies. Mon jeune frère Dormoy, mon filleul et mon successeur, y a pris une part active. Par des discours pleins de fraîcheur, d’à-propos et de modestie, et par ses manières affables, il a touché nos cœurs et inspiré de la confiance à mon troupeau. De mon côté, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour aplanir son chemin et lui alléger la tâche. Naturellement des difficultés et de l’imprévu, il y en a toujours, surtout dans la vie du missionnaire ; autrement ce ne serait pas une vie de foi et de renoncement. Notre ami le sait bien. Puisse-t-il être béni et heureux ! Béni et heureux on l’est toujours, quand on est fidèle au Maître et obéissant.

L’esprit de l’église de Léribé est excellent. Un petit mouvement, qui s’était dernièrement manifesté, a ajouté quelques noms à nos catéchumènes, et ce qui me réjouit, c’est que ce sont des conquêtes sur le paganisme. Une autre preuve, ce sont nos collectes. Nous en avons eu trois en trois mois. La première a produit un peu plus de 125 francs, la seconde près de 225 et la troisième près de 250 francs. La collecte chez nous est une partie du service. Chacun apporte son offrande sur la table, et le tout est ensuite consacré au Seigneur par la prière. Rien ne me touche comme de voir avec quel empressement, avec quels radieux visages les petits enfants apportent leurs pites. Les bébés même ont leurs trois pence (30 centimes) que leurs petites mains déposent dans le trésor du Seigneur. On m’a parlé d’enfants qui pleuraient parce qu’ils n’avaient rien pour la collecte, ou parce qu’ils n’avaient rien qu’un trois pence, le sou de ce pays où l’on ne connaît pas encore le cuivre d’Europe. Il est impossible que cette éducation ne produise pas des fruits dans la vie future de ces petits êtres.

Nos réunions, comme toutes nos réunions d’adieux, ont été solennelles, surtout la dernière, celle du lundi matin (17 novembre), où plusieurs prirent la parole. Un frisson me saisit quand je vis mon vieil ami, — car un ami pas plus âge que moi, mais dont l’amitié date de plus de vingt ans et ne s’est jamais démentie, est un vieil ami — un frisson me saisit, dis-je, quand je vis mon vieil ami Nathanaël Makotoko se lever. D’abord, il réussit à peine à se contenir ; mais, s’adressant à M. Dormoy, il ne put se faire violence plus longtemps. « Jeune serviteur de Dieu, lui disait-il, nous te recevons avec amour parmi nous ; mais il faut que tu saches ce que nous éprouvons aujourd’hui. Tu nous vois réunis ici et en bon nombre, nous saluons notre père spirituel ; nous le connaissons, lui, et il nous connaît. Sais-tu où nous étions et ce que nous étions quand, jeune comme toi, il vint ici il y a vingt ans ? Où nous étions ? perdus dans le monde. Ce que nous étions ? des bêtes sauvages, oui, des bêtes des champs… » Et il éclata en sanglots. Je savais, moi, tout ce qui se passait dans son esprit ; il y a des merveilles dans le monde de la grâce, Nathanaël, comme tout chrétien sincère, se croit être la plus grande de toutes. Il n’y avait rien qui concernât ma personne dans cette scène touchante.

L’occasion de notre séparation avait évoqué des souvenirs. Nathanaël n’est plus le jeune homme d’autrefois, vaillant et vigoureux. De ce passé, il ne lui reste plus que les cicatrices qui rappellent la valeur intrépide qu’il a déployée en se battant pour son pays et en défendant la forteresse de Moshesh. Aujourd’hui, il grisonne, il est brisé, les persécutions dont il a été l’objet, de la part d’un autre chef à qui il s’était dévoué, ont, tout en nourrissant sa piété, laissé une teinte de mélancolie sur son esprit. Il est chef lui aussi, et pourtant il travaille sur les routes pour que sa maison puisse soutenir sa position, et, comme il ne fait rien à demi, il travaille comme un forçat. Aucun évangéliste n’a fait plus que lui. Il ne parle que de son prochain départ pour le ciel et du peu d’espoir que nous pouvons avoir de nous revoir ici-bas. Quoi qu’il en soit, le rendez-vous est certain, et il n’est pas éloigné.

Après les adieux officiels et privés, après une dernière entrevue avec Molapo, à qui il me fut donné de dire encore quelques paroles sérieuses, nous quittâmes enfin Léribé, notre cher Ébénézer. La première nuit, nous la passâmes à Hlotsé-Heights, chez le magistrat du district, le major Bell, qui nous avait spécialement invités. Le bruit s’était répandu que je devais, le soir, donner une conférence sur nos voyages, dans la cour de justice qu’on avait disposée pour cela. Des blancs avaient, à cheval et en voiture, franchi de grandes distances, malgré l’heure indue. La salle était comble. Des Bassoutos aussi, mus par la curiosité, s’étaient attroupés dehors et se faisaient répéter par des interprètes improvisés ce qui se disait au dedans. Le lendemain nous passâmes à Cana ; le surlendemain à Bérée, où mon frère Jousse vint nous serrer encore une fois la main. Le samedi, nous étions à Morija, où nous passâmes le dimanche. Le soir, nos amis, dans une réunion tenue chez M. Casalis et présidée par lui, nous donnèrent leurs derniers messages, nous firent leurs derniers adieux et nous recommandèrent au Seigneur, nous et notre œuvre, par de ferventes prières. Là aussi, comme à Léribé, quelques chrétiens nous apportèrent l’un son schelling (1,25 fr.), l’autre un peu de farine pour la route. Le lundi, nous prenions congé de ces membres de notre famille missionnaire à qui m’unissent de longue date des liens intimes. Nous étions bien déterminés à ne pas regarder en arrière, mais en avant.

Notre bon vieux frère Dyke trouva encore le moyen de me faire parvenir en route une lettre des plus émouvantes, accompagnée d’un gage non moins touchant de son affection. Nous avions le cœur gros ; cela nous fit du bien.

Ce ne fut pas sans émotion que nous franchîmes la limite du Lesotho et que nous vîmes ses belles montagnes disparaître à l’horizon. »

Enfin, le 13 janvier 1880, Coillard s’embarquait sur le Conway Castle et c’est à bord qu’il écrit, le 20 janvier 1880, à M. Casalis.

« Vous le voyez par la date de ma lettre, nous avons quitté la terre d’Afrique, nous sommes sur les grandes eaux et en route pour la France ! Nous avions déjà quitté Léribé et le Lesotho quand la lettre du Comité nous est parvenue, nous invitant à visiter la France.

Notre voyage à travers la Colonie a été fatigant sous tous les rapports. Je ne pouvais surmonter un sentiment de lassitude qui m’accablait, à tel point que toutes les sources de la vie et de la pensée semblaient taries en moi.

Nous sommes restés quinze jours au Cap et dans les environs. Je ne me sentais pas capable de continuer. Et puis, nous désirions laisser ma nièce à l’école huguenote de Stellenbosch jusqu’à notre retour. Inutile de dire l’intérêt que notre mission a excité dans les églises, surtout parmi les pasteurs de l’église hollandaise.

Ce que vous me communiquez des dispositions du Comité m’encourage. Je veux espérer que le Comité n’est que l’interprète des églises de France. Ce qu’il nous faut, une fois la question mûrie, sérieusement discutée dans un esprit de prière, ce sont des fonds et des hommes. Ferai-je l’injustice aux églises de ma chère patrie de supposer qu’elles seront au-dessous de cette tâche ? Ce n’est pas avec d’édifiantes réunions seulement qu’on fonde une mission, vous le savez, vous, cher Monsieur. Ce n’est pas avec de bonnes et chaleureuses paroles seules qu’on envoie le soldat à la guerre et le pionnier de l’Évangile dans des contrées inconnues. Dieu veuille répandre son Esprit sur notre Comité, sur nos pasteurs, sur nos étudiants, afin que chacun sente la part de responsabilité qui lui revient, et comprenne la vocation spéciale dont le Seigneur l’a honoré par rapport à l’évangélisation du monde ! »

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