1 Vision d’Isaïe, fils d’Amoç, qu’il reçut au sujet de Juda et de Jérusalem, au temps d’Ozias, de Yotam, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda.
a Ce titre donne le cadre chronologique de toute l’activité du prophète, mais il est difficile de décider s’il introduit tout le livre dans sa forme finale, chap. 1-66, ou seulement les chap. 1-39, ou même seulement les chap. 1-12. En tout cas « Juda et Jérusalem » n’est pas à prendre au sens géographique ; c’est une désignation du peuple élu pour l’instruction duquel sont prononcés tous les oracles, même ceux qui concernent le royaume du Nord et les peuples étrangers.
2 Cieux écoutez, terre prête l’oreille, car Yahvé parle.b
J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir,
mais ils se sont révoltés contre moi.
b Le ciel et la terre sont pris à témoins dans le procès que Dieu a avec son peuple, cf. Dt 4.26 ; 30.19 ; 32.1 ; Ps 50.4. Le poème qui suit se rapporte à la dévastation du territoire et au siège de Jérusalem soit sous Sennachérib en 701, cf. 36.1s ; 2 R 18.13s, soit lors de la guerre syro-éphraïmite en 735, cf. 7.1-2 et 2 R 16.5-9.
3 Le bœuf connaît son possesseur,
et l’âne la crèche de son maître,
Israël ne connaît pas,
mon peuple ne comprend pas.
4 Malheur ! nation pécheresse ! peuple coupable !
race de malfaiteurs, fils pervertis !
Ils ont abandonné Yahvé, ils ont méprisé le Saint d’Israël,c
ils se sont détournés de lui.
c Expression favorite d’Isaïe pour désigner Yahvé, cf. 6.3 et la note.
5 Où frapper encore, si vous persévérez dans la trahison ?
Toute la tête est mal en point, tout le cœur est malade,
6 de la plante des pieds à la tête, il ne reste rien de sain.d
Ce n’est que blessures, contusions, plaies ouvertes,
qui ne sont pas pansées ni bandées, ni soignées avec de l’huile.
d Ces vers qui, selon le sens littéral, visent le peuple de Juda, pécheur et châtié, ont été appliqués à la passion du Christ, comme les textes analogues sur le Serviteur souffrant, 53.3s.
7 Votre pays est une désolation, vos villes sont la proie du feu,
votre sol, sous vos yeux des étrangers le ravagent,
c’est la désolation comme une dévastation d’étrangers.e
e Cette fin de phrase n’ajoute rien à ce qui précède, et le terme hébreu traduit par « dévastation » désigne toujours le châtiment de Sodome et Gomorrhe qui sera rappelé aux vv. 9 et 10 et à 3.9 c’est pourquoi on corrige généralement « étrangers », zarîm, en Sodome, sedom, mais cette correction n’est appuyée par aucune version.
8 Elle est restée, la fille de Sion,f comme une hutte dans une vigne,
comme un abri dans un champ de concombres,
comme une ville assiégée.
f Personnification de la ville de Jérusalem, 10.32 ; 16.1, etc. ; ou de sa population, 37.22 ; So 3.14 ; Lm 4.22. « Sion » était le nom de la citadelle des Jébuséens, devenue « Cité de David », cf. 2 S 5.9.
9 Si Yahvé Sabaot ne nous avait laissé quelques rares survivants,
nous serions comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe.
10 Écoutez la parole de Yahvé, chefs de Sodome,
prêtez l’oreille à l’enseignement de notre Dieu, peuple de Gomorrhe !
g L’oracle date probablement de la première période du ministère d’Isaïe, avant 735. Comme Am 5.21-27, le prophète s’en prend à un ritualisme auquel ne correspond pas un sentiment intérieur ; il y reviendra à 29.13-14 en des termes que Jésus appliquera aux Pharisiens, Mt 15.8-9.
11 Que m’importent vos innombrables sacrifices, dit Yahvé.
Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux ;
au sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je ne prends pas plaisir.
12 Quand vous venez vous présenter devant moi,
qui vous a demandé de fouler mes parvis ?
13 N’apportez plus d’oblation vaine :
c’est pour moi une fumée insupportable !
Néoménie, sabbat, assemblée,
je ne supporte pas fausseté et solennité.
14 Vos néoménies, vos réunions, mon âme les hait ;
elles me sont un fardeau que je suis las de porter.
15 Quand vous étendez les mains, je détourne les yeux ;
vous avez beau multiplier les prières, moi je n’écoute pas.
Vos mains sont pleines de sang :h
h Le sang des innocents mêlé à celui des victimes sacrifiées.
16 lavez-vous, purifiez-vous !
Ôtez de ma vue vos actions perverses !
Cessez de faire le mal,
17 apprenez à faire le bien !
Recherchez le droit, redressez le violent !
Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve !i
i L’orphelin et la veuve sont parmi les personnes économiquement faibles que la loi protège, Ex 22.21-22 ; Dt 10.18 ; 14.29 ; 27.19, etc., et pour qui les prophètes intercèdent, Jr 7.6 ; 22.3. Cf. par contraste 1.23 ; 9.16 ; Jr 49.10-11 ; Ez 22.7.
18 Allons ! Discutons ! dit Yahvé.
Quand vos péchés seraient comme l’écarlate,
comme neige ils blanchiront ;
quand ils seraient rouges comme la pourpre,
comme laine ils deviendront.j
j Comme le jugement, Ps 9.9, le pardon des péchés est œuvre divine, Ex 34.6 ; Os 11.8-9. Dans sa miséricorde, Dieu met fin au péché de l’homme qui est ainsi rétabli dans sa véritable relation avec lui. Il n’est pas de faute qui épuise le pardon divin, Ps 130. La condition que Dieu exige est l’aveu avec le repentir, 57.15 ; Ps 19.13 ; 25.11, 18 ; 32.5 ; 51.19-20, etc., et le retournement intérieur qu’il suppose, Jr 3.14 ; Ez 18.30-32 ; 33.1 ; cf. 31.18 ; Lm 5.21. Le pardon des fautes est aussi un des traits du royaume messianique, Jr 31.31, cf. Ez 36.25-26, et Jésus l’exercera, Mc 2.5-11 p.
19 Si vous voulez bien obéir, vous mangerez les produits du terroir.
20 Mais si vous refusez et vous rebellez,
c’est l’épée qui vous mangera !
Car la bouche de Yahvé a parlé.
21 Comment est-elle devenue une prostituée,
la cité fidèle ?
Sion, pleine de droiture, où la justice habitait,l
et maintenant des assassins !
k L’« épée », c’est-à-dire l’invasion avec tous ses maux, n’est encore qu’une menace qui peut être écartée par la soumission à Dieu, v. 19.
l Ce poème adopte au début le rythme dissymétrique de la qîna ou lamentation (3 + 2 ou 4 + 3 appuis rythmiques).
22 Ton argent est changé en scories, ta boisson est coupée d’eau.
23 Tes princes sont des rebelles, complices de brigands,
tous avides de présents, courant après les pots-de-vin.
Ils ne font pas droit à l’orphelin, la cause de la veuve ne leur parvient pas.
24 C’est pourquoi, oracle du Seigneur Yahvé Sabaot, le Puissant d’Israël :
Malheur ! j’aurai raison de mes adversaires,
je me vengerai de mes ennemis.
25 Je tournerai la main contre toi,
j’épurerai comme à la potasse tes scories,
j’ôterai tous tes déchets.
26 Je rendrai tes juges tels que jadis, tes conseillers tels qu’autrefois.
Après quoi on t’appellera Ville-de-Justice, Cité-fidèle.m
m « Sion » grec, vet lat ; omis par hébr. — Le thème de Jérusalem prostituée rappelle la prédication d’Osée et annonce les allégories de Jr 3.6-13 et Ez 16 et 23. Cette déchéance est en contraste avec la fidélité première de Jérusalem, qu’elle retrouvera après avoir été purifiée par le châtiment, v. 26.
27 Sion sera rachetée par la droiture,
et ceux qui reviendront, par la justice.
28 C’est la destruction des criminels et des pécheurs, tous ensemble !n
Ceux qui abandonnent Yahvé périront.
n Le nom propre définit l’être qui le porte et fixe sa destinée, cf. les noms de Jacob, Gn 25.26 ; 27.36, et de ses fils, Gn 29.31 — 30.24, etc. Un changement de nom signifie un changement de vocation, cf. Abraham, Gn 17.5 ; Israël, Gn 32.29, etc. Les noms que les prophètes donnent à des personnes sont des signes efficaces, chez Isaïe 7.3 (cf. 10.21) ; 7.14 ; 8.1-3 (cf. 8.18), et chez Osée Os 1.4, 6, 9 ; 2.1-3, 25. La Jérusalem future recevra d’autres noms prophétiques, 60.14 ; 62.4, 12 ; Ez 48.35. Ici les noms nouveaux de Jérusalem, reprenant le v. 21, sont « fidélité » et « justice ». Pour Isaïe, comme pour Amos, la justice est d’abord l’équité dans l’application du droit, mais, plus profondément, elle est une participation de la justice de Dieu, en quoi se révèle sa sainteté, cf. 5.16.
29 Oui, on aura honte des térébinthes qui font vos délices,
vous rougirez des jardins que vous avez choisis.
o Ces deux vv., qui sont un commentaire assez prosaïque de ce qui précède, pourraient avoir été ajoutés par un disciple d’Isaïe.
30 Car vous serez comme un térébinthe au feuillage flétri,
et comme un jardin qui n’a plus d’eau.
31 Le colosse deviendra comme de l’étoupe, et son œuvre sera l’étincelle :
ils flamberont tous deux ensemble, et personne pour éteindre.