11 Elle fit prospérer leurs entreprises par la main d’un saint prophète.j
j Moïse, cf. Nb 12.7 ; Dt 18.15.
2 Ils traversèrent un désert inhabité
et plantèrent leurs tentes en des lieux inaccessibles.
3 Ils tinrent tête à leurs ennemis et repoussèrent leurs adversaires.k
k La longue marche au désert est résumée en quelques phrases pour préparer un développement distinct. La sagesse n’est plus mentionnée, sauf 14.2, 5 et l’auteur s’adresse à Dieu dans une sorte de méditation sur les événements de l’Exode. Par ses libertés à l’égard des sources bibliques antérieures, tout ce développement s’apparente au midrash ou commentaire rabbinique de l’Écriture.
4 Dans leur soif, ils t’invoquèrent :
de l’eau leur fut donnée d’un rocher escarpé
et, d’une pierre dure, un remède à leur soif.
l Désormais l’auteur va opposer constamment le traitement des Israélites considérés comme un peuple de justes, cf. 10.15, et celui des Égyptiens, devenus symbole de l’endurcissement des impies. Cette comparaison, très grecque, se fonde sur deux principes, 11.5, 16. Sept antithèses vont ainsi se succéder. Cependant la deuxième et la troisième, cf. 16.1-14, céderont tout d’abord la place à deux digressions, 11.15, 12.27, 13:-15.
5 Ainsi ce par quoi avaient été châtiés leurs ennemis
devint un bienfait pour eux dans leurs difficultés.
6 Tandis que les premiers n’avaient que le cours intarissable
d’un fleuve que troublait un sang mêlé de boue,
7 en punition d’un décret infanticide,m
tu donnas aux tiens, contre tout espoir, une eau abondante,
m Selon Ex 7.14-25, c’est pour contraindre Pharaon à laisser partir les Israélites que Yahvé changea les eaux du Nil en sang. L’auteur fait ici de ce miracle le châtiment du décret de Ex 1.15s. Cf. aussi 18.5.
8 montrant par la soif qu’alors ils ressentirent
comment tu avais châtié leurs adversaires.
9 Par leurs épreuves, qui n’étaient pourtant qu’une correction de miséricorde,
ils comprirent comment un jugement de colère torturait les impies ;n
n La soif et peut-être aussi les autres souffrances que les Israélites endurèrent au désert devaient leur faire comprendre le châtiment des Égyptiens.
10 car eux, tu les avais éprouvés en père qui avertit,
mais ceux-là, tu les avais punis en roi inexorable qui condamne,
11 et de loin comme de près, ils se consumaient pareillement.
12 Car une double tristesse les saisit,
et un gémissement, au souvenir du passé ;o
o « au souvenir du passé » corr. d’après certains mss ; « des souvenirs passés » texte reçu.
13 lorsqu’ils apprirent, en effet, que cela même qui les châtiait
était un bienfait pour les autres,p ils reconnurent le Seigneur,q
p L’eau retirée aux Égyptiens, miraculeusement donnée aux Israélites, 11.4.
q De nombreux mss latins ajoutent ici « pleins d’admiration à l’issue des événements », addition qui provient de 14.
14 car celui que jadis, en l’exposant, ils avaient rejeté,r
ils l’admirèrent au terme des événements,
ayant souffert d’une soif bien différente de celle des justes.
r Moïse exposé sur les eaux, Ex 1.22 ; 2.3, rebuté par Pharaon, Ex 5.2-5 ; 7.13, 22, etc.
15 Pour leurs sottes et coupables pensées,
qui les égaraient en leur faisant rendre un culte à des reptiles sans raison et à de misérables bestioles,
tu leur envoyas en punition une multitude d’animaux sans raisont
s En guise d’introduction à sa relecture des différentes plaies provoquées par des animaux, 16.1-14, l’auteur, les présentant ensemble, 11.15-16 ; 12.23-27 ; cf. 15.18-19, ouvre une première digression, 11.4 le culte des animaux « reptiles » (crocodile, serpent, lézard, grenouille), « misérables bestioles » (scarabée), étaient très en honneur dans l’Égypte des Ptolémées ; pourtant cette aberration cultuelle fut châtiée avec modération la pédagogie divine vise en fait à la conversion du pécheur, 11, 23 ; 12.2, 10.
t Grenouilles, Ex 8.1-2 ; moustiques, 8.13-14 ; taons, 8.20 ; sauterelles, 10.12-15.
16 afin qu’ils sachent qu’on est châtié par où l’on pèche.u
u Que l’instrument de la faute devienne celui du châtiment, cf. 12.23, 27 ; 16.1 ; 18.4, est un principe distinct du talion, Ex 21.23-25, et de ceux qu’impliquent des textes comme Gn 9.6 ; Jg 1.6-7 ; 1 S 15.23 ; 2 M 4.26 ; 13.8 ; Pr 5.22, etc.
17 Ta main toute-puissante, certes, n’était pas embarrassée,
— elle qui a créé le monde d’une matière informev —
pour envoyer contre eux une multitude d’ours ou de lions intrépides,
v Expression philosophique inspirée partiellement de Platon (Timée 51 A) et devenue courante à l’époque pour désigner l’état indifférencié de la matière, supposée éternelle. L’auteur n’a aucune raison de soustraire la matière à l’activité créatrice et songe sans doute à l’organisation du monde à partir de la masse chaotique, Gn 1.1.
18 ou bien des bêtes féroces inconnues, nouvellement créées, pleines de fureur,
exhalant un souffle enflammé,
émettant une fumée infecte,w
ou faisant jaillir de leurs yeux de terribles étincelles,
w « une fumée infecte », litt. « une puanteur de fumée »; « puanteur » mss, versions ; « grondement » texte reçu. Dans ces descriptions, l’auteur s’inspire des monstres fabuleux de la Grèce, chimères, gorgones, etc.
19 des bêtes capables, non seulement de les anéantir par leur malfaisance,
mais encore de les faire périr par leur aspect terrifiant.
20 Sans cela même, d’un seul souffle ils pouvaient tomber,
poursuivis par la Justice,
balayés par le souffle de ta puissance.
Mais tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids.
21 Car ta grande puissance est toujours à ton service,
et qui peut résister à la force de ton bras ?
22 Le monde entier est devant toi comme ce rien qui fait pencher la balance,x
comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre.
x On peut encore comprendre « qui ne fait pas pencher la balance ».
23 Mais tu as pitié de tous,y parce que tu peux tout,
tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu’ils se repentent.
y La pensée des vv. 23s n’est pas nouvelle en Israël, mais jamais on n’avait exprimé avec autant de force et sous forme de raisonnement, l’universalité de la pitié de Dieu pour les pécheurs (cf. Jon 3-4), le rôle déterminant de l’amour dans la création et la conservation des êtres.
24 Tu aimes en effet tout ce qui existe,
et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ;
car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé.
25 Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ?
Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ?
26 En réalité, tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie !