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Bible de Jérusalem – Ésaïe 5

Le chant de la vigne.j

5 Que je chante à mon bien-aimé
le chant de mon ami pour sa vigne.
Mon bien-aimé avait une vigne,
sur un coteau fertile.

j Poème composé par Isaïe au début de son ministère, peut-être à partir d’une chanson de vendanges. Le thème de la vigne Israël, choisie puis rejetée, déjà amorcé par Osée, Os 10.1, sera repris par Jérémie, Jr 2.21 ; 5.10 ; 6.9 ; 12.10, et par Ézéchiel, Ez 15.1-8 ; 17.3-10 ; 19.10-14. Cf. Ps 80.9-19 ; 27.2-5. Jésus le transposera dans la parabole des vignerons homicides, Mt 21.33-44p (cf. aussi le figuier stérile, Mt 21.18-19). En Jn 15.1-2, il révélera le mystère de la « vraie » vigne. — Autres aspects du thème de la vigne en Dt 32.32-33 et Si 24.17.

2 Il la bêcha, il l’épierra, il y planta du raisin vermeil.k
Au milieu il bâtit une tour, il y creusa même un pressoir.
Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages.

k En hébreu soreq, nom d’un plant de choix, 16.8 ; Jr 2.21, cf. Gn 49.11, désigné par la couleur de ses grappes.

3 Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda,
soyez juges entre moi et ma vigne.
4 Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait ?
Pourquoi espérais-je avoir de beaux raisins,
et a-t-elle donné des raisins sauvages ?
5 Et maintenant, que je vous apprenne ce que je vais faire à ma vigne !
en ôter la haie pour qu’on vienne la brouter,
en briser la clôture pour qu’on la piétine ;
6 j’en ferai un maquis : elle ne sera ni taillée ni sarclée,
ronces et épines y croîtront,
j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.
7 Eh bien ! la vigne de Yahvé Sabaot, c’est la maison d’Israël,
et l’homme de Juda, c’est son plant de choix.
Il attendait le droit et voici l’iniquité, la justice et voici les cris.

Malédictions.l

8 Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison,
qui joignent champ à champ jusqu’à ne plus laisser de place
et rester seuls habitants au milieu du pays.

l Ces malédictions datent aussi du début du ministère d’Isaïe, mais elles n’ont peut-être pas été toutes prononcées à la même occasion. Aux six malédictions de 5.2-24, on propose d’en ajouter une septième, 10.1-4, qui aurait été déplacée par accident. La malédiction est l’un des genres de la prédication prophétique, cf. les références marginales. Ici, Isaïe est assez proche d’Amos.

9 À mes oreilles, Yahvé Sabaot l’a juré :
Oui, nombre de maisons seront réduites en ruine,
grandes et belles, elles seront inhabitées.
10 Car dix arpents de vigne ne donneront qu’un tonnelet,
et un muid de semence ne produira qu’une mesure.m

m Dix arpents, semed, correspondent à peu près à deux hectares et demi, un tonnelet, bat, à une quarantaine de litres ; la mesure, épha, a la même contenance pour le grain, et le muid homer, vaut dix fois plus.

11 Malheur à ceux qui se lèvent tôt le matin pour courir à la boisson,
qui s’attardent le soir, ivres de vin.
12 Ce ne sont que harpes et cithares, tambourins et flûtes,
et du vin pour leurs beuveries.
Mais pour l’œuvre de Yahvé, pas un regard,
l’action de ses mains, ils ne la voient pas.
13 C’est pourquoi mon peuple est exilé, faute de connaissance ;
sa noblesse : des gens affamés ! ses foules séchant de soif !
14 n C’est pourquoi le shéol dilate sa gorge et bée d’une gueule démesurée.
Ils y descendent, ses nobles, ses foules
et ses criards, et ils y exultent.

n Les vv. 14-16 paraissent hors de contexte et peuvent être rattachés au poème de 2.6-22 dont le « refrain », vv. 9 et 11, se retrouve ici, v. 15.

15 Le mortel a été humilié, l’homme a été abaissé
et les yeux des orgueilleux sont baissés.
16 Yahvé Sabaot fut exalté dans son jugement
et le Dieu saint a révélé sa sainteté dans la justice.o

o La « sainteté » de Dieu, cf. 6.3, le « sépare » de toutes les créatures. Mais cette sainteté transcendante de Dieu s’exprime dans ses rapports avec les hommes par sa « justice » qui en souligne le caractère moral Dieu récompense le bien et punit le mal, lors de son « jugement ». À cette justice ne s’oppose pas la bonté miséricordieuse, car c’est encore sa « justice » qu’accomplit le Dieu fidèle à ses promesses en pardonnant à Israël ou au pécheur repentant, Mi 7.9 ; Ps 51.16. La justice sera par excellence la vertu du règne messianique, quand Dieu aura transmis à son peuple quelque chose de sa sainteté, 1.26 ; 4.3 ; cf. Mt 5.48.

17 Les agneaux paîtront comme dans leurs pâtures,
les pacages dévastés des bêtes grasses seront la nourriture des chevreaux.p

p « chevreaux » grec ; « étrangers » hébr.

18 Malheur à qui tire la faute avec les liens de la tromperie,
et le péché comme avec un trait de chariot ;
19 à ceux qui disent : « Qu’il fasse vite, qu’il hâte son œuvre,q
pour que nous la voyions ;
que s’approche et se réalise le projet du Saint d’Israël,
que nous le reconnaissions. »

q C’est le « jour de Yahvé », que le prophète a annoncé, 2.12, et que les sceptiques appellent sur eux par défi.

20 Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal,
qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres,
qui font de l’amer le doux et du doux l’amer.
21 Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux
et s’estiment intelligents.
22 Malheur à ceux qui sont des héros pour boire du vin
et des champions pour mélanger la boisson,
23 qui acquittent le coupable pour un pot-de-vin,
et refusent aux justes la justice.

24 Oui, comme la flamme dévore la paille,
comme le foin s’enflamme et disparaît,
leur racine ressemblera à de la pourriture,
leur bourgeon sera emporté comme la poussière.
Car ils ont rejeté la loi de Yahvé Sabaot,
ils ont méprisé la parole du Saint d’Israël.

La colère de Yahvé.r

25 C’est pourquoi la colère de Yahvé s’est enflammée contre son peuple ;
il a levé la main contre lui pour le
frapper,
les montagnes ont tremblé,
et les cadavres sont comme des ordures au milieu des rues.
Avec tout cela la colère de Yahvé ne s’est pas calmée,
sa main reste levée.

r On rattache 5.25-30 au poème de 9.7-20, dont on retrouve ici le refrain.

Appel aux envahisseurs.s

26 Il dresse un signal pour le peuplet lointain,
il le siffle des extrémités de la terre,
et voici qu’aussitôt il accourt, léger.

s On pourrait rattacher ce poème à l’une des grandes invasions assyriennes au temps d’Isaïe celle de Téglat-Phalasar III en 735 ou 732, celle de Salmanasar en 722, celle de Sargon en 711 ou celle de Sennachérib en 701. Mais l’envahisseur n’est pas nommé et ce peut être l’expression d’un thème général Dieu appelle une nation puissante comme instrument de sa vengeance, cf. Dt 28.49-52 et 10.6.

t « le peuple » conj. d’après le contexte ; hébr. a le pluriel.

27 Chez lui nul n’est fatigué, nul ne trébuche,
nul ne dort ni ne sommeille,
nul ne dénoue la ceinture de ses reins,
nul n’a la courroie de ses sandales rompue.
28 Ses flèches sont aiguisées et tous ses arcs tendus,
les sabots de ses chevaux, on dirait du rocher,
et ses roues, un tourbillon.
29 Son rugissement est celui d’une lionne,
il rugit comme les lionceaux,
il gronde et saisit sa proie,
il l’emporte et nul ne le fait lâcher ;
30 il gronde contre lui,u en ce jour-là, comme gronde la mer.
Il regarde le pays : et voici les ténèbres, l’angoisse,
et la lumière est obscurcie par les nuages.v

u Non l’envahisseur, mais le pays de Juda, cf. la suite du v.

v Les ténèbres du « jour de Yahvé », Am 5.18, 20.

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