7 Au temps d’Achaz, fils de Yotam, fils d’Ozias, roi de Juda, Raçôn,j roi d’Aram, monta avec Péqah, fils de Remalyahu, roi d’Israël, vers Jérusalem pour porter l’attaque contre elle, mais il ne put l’attaquer.k
j « Raçôn » d’après le grec et les documents assyriens ; « Reçîn » hébr., ici et dans la suite du passage.
k C’est la guerre syro-éphraïmite le roi d’Aram et le roi d’Israël voulaient entraîner Juda dans une coalition contre l’Assyrie. Malgré les avertissements d’Isaïe, Achaz demanda le secours de Téglat-Phalasar, qui attaqua Damas et Samarie mais réduisit Juda en vassalité. Achaz avait ouvert à l’Assyrie la porte de son pays, cf. 2 R 16.5-16.
3 Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d’Achaz, toi et Shéar-Yashubl ton fils, vers l’extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon.
l Ce nom prophétique, cf. 1.26, signifie « un reste reviendra », c’est-à-dire se convertira à Yahvé et échappera ainsi au châtiment, cf. 4.3 ; 10.20-23.
m Probablement un Araméen de la cour de Damas. Le nom signifie « Dieu est bon » mais l’hébreu massorétique l’a vocalisé Tabal, « bon à rien ».
7 Ainsi parle le Seigneur Yahvé :
Cela ne tiendra pas, cela ne sera pas ;
8 car la tête d’Aram c’est Damas, et la tête de Damas c’est Raçôn ;
encore soixante-cinq ans, et Éphraïm cessera d’être un peuple.
9 La tête d’Éphraïm c’est Samarie, et la tête de Samarie c’est le fils de Remalyahu.
Si vous ne croyez pas, vous ne vous maintiendrez pas.n
n Texte difficile. Certains proposent de transposer 8 après 9a et d’y corriger « 65 ans » en « 5 ou 6 ans » (en fait, Samarie tombera en 722). Tel qu’il se présente, le texte suppose une comparaison tacite entre Juda, dont la capitale est Jérusalem et dont le vrai « chef » est Yahvé, et ses ennemis qui n’ont pas les mêmes privilèges. En outre, le prophète annonce la disparition du royaume du Nord, mais il met comme condition un acte de foi en Dieu. La foi, chez les prophètes, est moins la croyance abstraite que Dieu existe et qu’il est unique, que la confiance en lui, fondée sur l’élection Dieu a choisi Israël, il est son Dieu, Dt 7.6, et peut seul le sauver. Cette confiance absolue, gage du salut, 28.16, exclut le recours à tout autre appui, des hommes ou à plus forte raison des faux dieux, cf. 30.15 ; Jr 17.5 ; Ps 52.9.
10 Yahvé parla encore à Achaz en disant :
11 Demande un signe à Yahvé ton Dieu,
au fond, dans le shéol, ou vers les hauteurs, au-dessus.
12 Et Achaz dit : Je ne demanderai rien, je ne tenterai pas Yahvé.
13 Il dit alors :
Écoutez donc, maison de David !
est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes,
que vous lassiez aussi mon Dieu ?
14 C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe :o
Voici, la jeune femmep est enceinte,
elle va enfanter un fils
et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.
o Le signe que le roi Achaz a refusé de demander lui est cependant donné par Dieu. C’est la naissance d’un enfant dont le nom, Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous », cf. 8.8, 10, est prophétique, cf. 1.26, et annonce que Dieu va protéger et bénir Juda. En d’autres textes, 9.1-6 ; 11.1-9, Isaïe dévoilera avec plus de précision certains aspects du salut apporté par cet enfant. Ces prophéties sont une expression du messianisme royal, déjà esquissé par le prophète Natân, 2 S 7, et qui sera repris plus tard par Mi 4.14 ; Ez 34.23 ; Ag 2.23 ; cf. Ps 2 ; 45 ; 72 ; 110. C’est par un roi, successeur de David, que Dieu donnera le salut à son peuple ; c’est sur la permanence de la lignée davidique que repose l’espérance des fidèles de Yahvé. Même si Isaïe a en vue immédiatement la naissance d’un fils d’Achaz, par exemple Ézéchias (ce qui paraît probable en dépit des incertitudes de la chronologie, et ce que semble avoir compris le grec en lisant, v. 14, « tu lui donneras le nom... »), on pressent, par la solennité donnée à l’oracle et par le sens fort du nom symbolique donné à l’enfant, qu’Isaïe entrevoit dans cette naissance royale, au-delà des circonstances présentes, une intervention de Dieu en vue du règne messianique définitif. La prophétie de l’Emmanuel dépasse ainsi sa réalisation immédiate, et c’est légitimement que les évangélistes (Mt 1.23 citant 7.14 ; Mt 4.15-16 citant 8.23 — 9.1), puis toute la tradition chrétienne, y ont reconnu l’annonce de la naissance du Christ.
p La traduction grecque porte « la vierge », précisant ainsi le terme hébreu `almah qui désigne soit une jeune fille, soit une jeune femme récemment mariée, sans expliciter davantage. Mais le texte des LXX est un témoin précieux de l’interprétation juive ancienne, qui sera consacrée par l’Évangile Mt 1.23 trouve ici l’annonce de la conception virginale du Christ.
15 Il mangera du lait caillé et du miel
jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.
16 Car avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien,
elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te jettent dans l’épouvante.q
q C’est, comme dans l’oracle précédent (7.7-9), l’annonce des revers qui vont s’abattre sur les royaumes de Samarie et de Damas, revanche promise par Dieu au royaume de Juda actuellement menacé.
17 Yahvé fera venir sur toi, sur ton peuple et sur la maison de ton père
des jours tels qu’il n’en est pas venu
depuis la séparation d’Éphraïm et de Judar (le roi d’Assur).
r C’est-à-dire une époque de prospérité et de gloire comme Israël en a connu sous les règnes de David et de Salomon. C’est sur cette vision d’espoir que se termine le second épisode de l’oracle de l’Emmanuel. — « le roi d’Assur » est une glose fondée sur une interprétation erronée.
18 Il arrivera, en ce jour-là,
que Yahvé sifflera les mouches qui sont à l’extrémité des fleuves d’Égypte
et les abeilles qui sont au pays d’Assur.
s Dans le développement qui suit, il n’est plus question de la guerre syro-éphraïmite, mais de l’Égypte et d’Assur. Ce n’est plus un oracle de bénédiction, mais l’annonce d’une dévastation du pays par l’Assyrie. Nous avons là vraisemblablement un oracle postérieur, datant des dernières années de l’activité d’Isaïe, avant l’intervention de Sennachérib. Il aurait été inséré ici à cause de la mention du lait et du miel, v. 22, rapprochée du v. 15. Mais alors qu’au v. 15 c’était une nourriture de grâce, cf. Ex 3.8, 17, etc. ; Dt 6.3 ; 11.9, etc., c’est au v. 22 la seule nourriture d’un pays dévasté qui est revenu à une vie pastorale élémentaire.
19 Elles viendront et se poseront toutes
dans les torrents des ravins et dans les fentes des rochers,
sur tous les buissons et à tous les points d’eau.
20 En ce jour-là,
le Seigneur rasera avec un rasoir loué au-delà du fleuve,
(avec le roi d’Assur)
la tête et le poil des jambes,
et même la barbe, il l’enlèvera.
21 Il arrivera, en ce jour-là,
que chacun élèvera une génisse et deux têtes de petit bétail.
22 Et il arrivera qu’en raison de l’abondante production du lait,
(il mangera du lait caillé)
tout survivant au milieu du pays mangera du lait caillé et du miel.
23 Il arrivera, en ce jour-là,
que tout lieu où il y a mille pieds de vigne valant mille pièces d’argent
deviendra ronces et épines.
24 Avec flèches et arc on y pénétrera,
car tout le pays sera ronces et épines.
25 Sur toutes les montagnes qui sont cultivées à la houe, tu n’iras plus
par crainte des ronces et des épines,
et ce sera pacage de bœufs et terre piétinée par les moutons.