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Bible de Jérusalem – 1 Samuel 8

II. Samuel et Saül

1. INSTITUTION DE LA ROYAUTÉn

Le peuple demande un roi.o

8 Lorsque Samuel fut devenu vieux, il établit ses fils comme juges pour Israël.

n C’est un tournant important dans l’histoire politique et religieuse d’Israël. Le sanctuaire de l’arche à Silo a été détruit et l’unité est menacée, en face du péril philistin qui grandit. Renouvelant l’offre faite à Gédéon, Jg 8.22s, et la tentative d’Abimélek, Jg 9.1s, une partie du peuple demande un roi, « comme les autres nations », mais un autre courant d’opinion s’y oppose, laissant à Yahvé, seul maître d’Israël, le soin de susciter les chefs que les circonstances exigent, comme il faisait au temps des Juges. Ces deux courants trouvent leur expression dans les récits juxtaposés de l’institution monarchique. Mais il est abusif de parler d’une « version antimonarchiste », 8 ; 10.17-24 ; 12, et d’une « version monarchiste », 9.1—10.16 ; 11. Ces traditions diverses, provenant de différents sanctuaires, s’accordent sur le rôle historique et religieux de Samuel. Son importance est d’avoir fait prévaloir une royauté qui respectait les droits de Dieu sur le peuple. Après l’échec du règne de Saül, cela se réalisera sous David. Sa grande personnalité conciliera l’aspect religieux et l’aspect profane de la monarchie en Israël et, en lui, le chef politique ne manquera pas aux devoirs de l’Oint de Yahvé. Mais cet idéal ne sera plus atteint par ses successeurs, et David restera la figure du Roi de l’avenir, par qui Dieu opérera le salut de son peuple, l’Oint du Seigneur, le Messie.

o Ce récit est originaire du sanctuaire de Rama. Samuel s’oppose au mouvement du peuple qui veut un roi « comme les autres nations », cf. v. 5, mais il n’est pas contre une monarchie qui reconnaîtrait les prérogatives de Yahvé.

2 Son fils aîné s’appelait Yoël et son cadet Abiyya ; ils étaient juges à Bersabée. 3 Mais ses fils ne marchèrent pas sur ses traces : ils furent attirés par le gain, acceptèrent des cadeaux et firent dévier le droit. 4 Tous les anciens d’Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. 5 Ils lui dirent : « Tu es devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis-nous un roi pour qu’il nous juge, comme toutes les nations. »p

p Israël oublie qu’il n’est pas un peuple comme les autres, il se profane en suivant leur exemple, et en rejetant son véritable roi, Yahvé, cf. v. 7 et 12.12.

6 Cela déplut à Samuel qu’ils aient dit : « Donne-nous un roi, pour qu’il nous juge », et il pria Yahvé. 7 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront, car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, mais c’est moi qu’ils rejettent, ne voulant plus que je règne sur eux. 8 Conformément à tout ce qu’ils ont fait depuis le jour où je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à maintenant — ils m’ont abandonné et ont servi d’autres dieux, ainsi ils agissent également envers toi. 9 Et maintenant, écoute leur voix, mais tu les avertiras solennellement et tu leur apprendras le droit du roi qui va régner sur eux. »

Les inconvénients de la royauté.

10 Samuel répéta toutes les paroles de Yahvé au peuple qui lui demandait un roi. 11 Il dit : « Tel sera le droit du roi qui va régner sur vous.q Il prendra vos fils et les affectera à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char.

q Ce « droit du roi » a longtemps été considéré comme reflétant les abus du pouvoir royal sous Salomon et ses successeurs. Mais les textes récemment découverts indiquent qu’il représente la pratique des royaumes cananéens antérieurs à Israël.

12 Il les établira chefs de mille et chefs de cinquante ; il leur fera labourer son labour, moissonner sa moisson, fabriquer ses armes de guerre et les harnais de ses chars. 13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. 14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs et les donnera à ses serviteurs.r

r En hébreu le mot « serviteur » désigne quelqu’un qui est soumis à un autre. Ici le terme désigne, comme au v. 15, les fonctionnaires royaux, mais suggère un autre statut au v. 16 à cause du parallélisme avec le mot « servantes » ; au v. 17 il désigne les sujets d’un roi.

15 Sur vos semences et vos vignes, il prélèvera la dîme et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. 16 Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. 17 Il prélèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes deviendrez ses serviteurs. 18 Ce jour-là, vous crierez à cause du roi que vous vous serez choisi, mais Yahvé ne vous répondra pas, ce jour-là ! »

19 Le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel et dit : « Non ! Nous aurons un roi 20 et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations : notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats. » 21 Samuel entendit toutes les paroles du peuple et les redit à l’oreille de Yahvé. 22 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute leur voix et fais régner sur eux un roi. » Alors Samuel dit aux hommes d’Israël : « Partez chacun dans sa ville. »s

s La fin du v., rédactionnelle, permet d’insérer 9.1—10.16, le récit de l’onction de Saül.

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