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Bible de Jérusalem

1 Samuel 9.1-10.16

Saül et les ânesses de son père.t

9 Il y avait un homme de Benjamin qui s’appelait Qish, fils d’Abiel, fils de Çeror, fils de Bekorat, fils d’Aphiah, fils d’un Benjaminite, un homme vaillant.

t Le récit 9.1—10.16 est sans lien avec ce qui précède. Il provient de Rama, et suppose que Saül a été oint encore jeune et que cette onction est restée secrète, comme pour David, 16. Mais l’onction est associée à la prise de pouvoir. Il est sûr que Saül a été oint, 24.7, 11 ; 26.9, 11, 16, 23 ; 2 S 1.14-15, il est vraisemblable qu’il l’a été par Samuel, mais nous ne savons pas dans quelles circonstances. L’histoire est centrée sur Saül, et Samuel est présenté non comme un juge mais comme un prophète que Saül rencontre par hasard. La royauté est voulue par Yahvé, le premier roi est son élu.

2 Il avait un fils nommé Saül,u homme jeune et beau. Nul parmi les Israélites n’était plus beau que lui : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple.

u Nom qui signifie « demandé » (à Dieu). La précision sur la haute taille de Saül en fin de v. vient de 10.23.

3 Les ânesses appartenant à Qish, père de Saül, s’étant égarées, Qish dit à son fils Saül : « Prends avec toi l’un des jeunes gens. Lève-toi, pars à la recherche des ânesses. » 4 Il traversa la montagne d’Éphraïm, il traversa le pays de Shalisha sans rien trouver ; il traversa le pays de Shaalim et elles n’y étaient pas ; il traversa le pays de Benjamin sans rien trouver. 5 Lorsqu’ils furent arrivés au pays de Çuph, Saül dit au jeune homme qui était avec lui : « Allons ! Retournons, de peur que mon père cesse de penser aux ânesses et qu’il ne s’inquiète pour nous. » 6 Mais celui-ci lui répondit : « Voici qu’un homme de Dieu se trouve dans cette ville.v C’est un homme réputé : tout ce qu’il dit arrive sûrement. Allons-y donc, peut-être nous renseignera-t-il sur le voyage que nous avons entrepris. »

v Sans doute Rama, la ville de Samuel, 7.17.

7 Saül dit au jeune homme : « Si nous y allons, qu’apporterons-nous à l’homme de Dieu ? Le pain a disparu de nos sacs et nous n’avons pas de présent à apporter à l’homme de Dieu. Qu’avons-nous ? »w

w On ne consultait pas un prophète sans lui faire un présent, Nb 22.7 ; 1 R 14.3 ; 2 R 4.42 ; 5.15 ; 8.8. Cf. Am 7.12 ; Mi 3.11 ; Ez 13.19.

8 Le jeune homme répondit à Saül et lui dit : « Voici j’ai en ma possession un quart de sicle d’argent, je le donnerai à l’homme de Dieux et il nous renseignera sur notre voyage. »

x Terme rare pour désigner un prophète. Le v. 9, glose mal insérée dans le texte, explique l’équivalence entre « voyant » et « prophète » afin de préparer le v. 11.

9 Autrefois en Israël, on parlait ainsi lorsqu’on allait consulter Dieu : « Allons donc chez le voyant », car le prophète d’aujourd’hui on l’appelait autrefois « le voyant ». 10 Saül dit au jeune homme : « Tu as bien parlé, allons donc ! » Et ils allèrent à la ville où se trouvait l’homme de Dieu.

Saül rencontre Samuel.

11 Comme ils gravissaient la montée de la ville, ils rencontrèrent des jeunes filles qui sortaient pour puiser l’eau et ils leur demandèrent : « Le voyant est-il ici ? » 12 Elles leur répondirent en disant : « Il y est ; le voici devant toi. Hâte-toi maintenant : il est venu aujourd’hui en ville, car il y a aujourd’hui un sacrifice pour le peuple sur le haut lieu.y

y Les hauts lieux étaient des sanctuaires établis sur une hauteur au voisinage des villes. Ils existaient dans la tradition cananéenne, Yahvé y remplaça Baal, Jg 6.25s, et le culte légitime les toléra longtemps, 1 R 3.4s, jusqu’à ce qu’ils soient interdits par la loi sur l’unité du sanctuaire, Dt 12.2.

13 Dès que vous entrerez en ville, vous le trouverez avant qu’il ne monte au haut lieu pour le repas. Le peuple ne mangera pas avant son arrivée, car c’est lui qui doit bénir le sacrifice ; après quoi, les invités mangeront.z

Maintenant, montez, car lui, vous le trouverez sur-le-champ. »

z Le repas est un élément essentiel du sacrifice de communion, cf. Lv 3.1.

14 Ils montèrent donc à la ville. Comme ils entraient dans la ville, Samuel sortait à leur rencontre pour monter au haut lieu. 15 Or, un jour avant que Saül ne vînt, Yahvé avait avertia Samuel :

a Littéralement « avait découvert l’oreille ». Image assez fréquente qui traduit l’idée d’un message ou avertissement d’une personne à une autre, cf. 20.2 12-13 ; 22.8 17.

16 « Demain à pareille heure, avait-il dit, je t’enverrai un homme du pays de Benjamin, tu lui donneras l’onction comme chef de mon peuple Israël, et il sauvera mon peuple de la main des Philistins, car j’ai vu mon peupleb et son cri est venu jusqu’à moi. »

b La fin du v. s’inspire d’Ex 3.7, 9, ce que le grec a bien vu en parlant de « la misère de mon peuple ».

17 Et quand Samuel aperçut Saül, Yahvé lui confirma : « Voilà l’homme dont je t’ai dit : C’est lui qui tiendra mon peuple en main. » 18 Saül aborda Samuel au milieu de la porte et dit : « Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant. » 19 Samuel répondit à Saül : « C’est moi le voyant. Monte devant moi au haut lieu. Vous mangerez aujourd’hui avec moi. Je te laisserai partir au matin et je t’indiquerai tout ce qui te préoccupe. 20 Quant à tes ânesses égarées il y a aujourd’hui trois jours, ne t’en inquiète pas, car elles sont retrouvées. Et à qui appartient tout ce qui est précieux en Israël ? N’est-ce pas à toi et à toute la maison de ton père ? »c

c Première annonce de l’élévation de Saül.

21 Saül répondit et dit : « Ne suis-je pas un Benjaminite, une des plus petites tribus d’Israël, et ma famille n’est-elle pas la moindre de toutes celles de la tribu de Benjamin ? Pourquoi me dire une telle parole ? »

22 Samuel prit Saül et le jeune homme. Il les introduisit dans la salle et leur donna une place en tête des invités, qui étaient une trentaine. 23 Puis Samuel dit au cuisinier : « Donne la part que je t’ai donnée, celle dont je t’ai dit : Mets-la de côté. » 24 Le cuisinier préleva le gigot et ce qui est au-dessus, il les plaça devant Saül et lui dit : « Voici le reste placé devant toi. Mange, car c’est pour cette réunion que cela a été gardé pour toi en disant : « J’ai invité le peuple. » » Ce jour-là, Saül mangea avec Samuel.d

d Texte difficile. Il semble qu’une part de choix a été prélevée pour faire de Saül le président du repas, lui attribuant ainsi le droit de se dire le convocateur des invités. L’action et la parole mettent en relief le futur rôle de Saül et anticipent sur ce que fera et dira Samuel le lendemain.

25 Ils descendirent du haut lieu à la ville. Il parla avec Saül sur la terrasse.e

e La terrasse est à la fois le lieu de l’entretien entre Samuel et Saül et celui où Saül a dormi et où il est interpellé par Samuel. La narration est ici très habile.

26 Ils se levèrent tôt.

Le sacre de Saül.f

Or, dès que monta l’aurore, Samuel appela Saül sur la terrasse en lui disant : « Lève-toi, je vais te laisser partir. » Saül se leva, et tous les deux, lui et Samuel sortirent au-dehors.

f Les rois d’Israël étaient oints par un homme de Dieu (prêtre ou prophète), cf. 16.13 ; 1 R 1.39 ; 2 R 9.6 ; 11.12. Ce rite donnait au roi un caractère sacré et faisait de lui le vassal de Yahvé : il était « l’oint de Yahvé », cf. 2.35 ; 24.7, 11 ; 26.9, 16, et voir Ex 30.22.

27 Ils étaient descendus à la limite de la ville quand Samuel dit à Saül : « Ordonne au jeune homme de passer devant nous. » Celui-ci passa devant. « Quant à toi tiens-toi là maintenant, que je te fasse entendre la parole de Dieu. »

10 Samuel prit la fiole d’huile, la versa sur la tête de Saül, puis il l’embrassa et dit : « N’est-ce pas Yahvé qui t’a oint comme chef sur son héritage ? C’est toi qui jugeras le peuple de Yahvé et le délivreras de la main de ses ennemis d’alentour. Et voici pour toi le signe que Yahvé t’a oint comme chef sur son héritage. 2 Quand tu m’auras quitté aujourd’hui, tu rencontreras deux hommes près du tombeau de Rachel, sur la frontière de Benjamin, à Çelçahg et ils te diront : « Les ânesses que tu étais parti chercher sont retrouvées. Voici que ton père a oublié l’affaire des ânesses et s’inquiète de vous, se disant : Que puis-je faire pour mon fils ? »

g Nom de lieu de localisation incertaine.

3 De là, passant outre, tu arriveras au Chêne de Tabor et tu y rencontreras trois hommes montant vers Dieu à Béthel, l’un portant trois chevreaux, l’autre portant trois miches de pain, le dernier portant une outre de vin. 4 Ils te salueront et te donneront deux offrandesh de pains, que tu prendras de leur main.

h « deux pains » hébr. ; le grec précise « deux offrandes de pain ». Le mot « offrandes » a été supprimé parce qu’à une époque tardive il désignait ce qui était destiné aux prêtres alors que Saül était laïc, cf. Lv 23.17 20.

5 Après cela, tu arriveras à Gibéa de Dieui où se trouvent des préfetsj des Philistins et, à l’entrée de la ville, tu te heurteras à une troupe de prophètes descendant du haut lieu, précédés de la harpe, du tambourin, de la flûte et de la cithare, et ils seront en état de transe prophétique.k

i Autre nom de Gibéa, la patrie de Saül, vv. 10s ; 11.4 ; 15.34.

j Ce pluriel est curieux et les versions ont lu le sing. Cette précision prépare 13.3.

k Ces « prophètes », vivant en groupes, demandaient à la musique et à la gesticulation une extase qui devenait contagieuse, 19.20-24 ; 1 R 22.10s. On leur a comparé les confréries de derviches modernes. Les voisins d’Israël connaissaient (ainsi les prophètes de Baal, 1 R 18.25-29) cette forme inférieure de vie religieuse que le culte de Yahvé toléra longtemps, 1 R 18.4. On les retrouve, assagis, dans l’entourage d’Élisée, 2 R 2.3. Les grands prophètes d’Israël seront d’une autre classe, voir l’Introduction aux Prophètes.

6 Alors l’esprit de Yahvé fondra sur toi, tu entreras en transe avec eux et tu seras changé en un autre homme. 7 Lorsque ces signes se produiront pour toi, agis comme l’occasion se présentera, car Dieu est avec toi. 8 Tu descendras avant moi à Gilgall et je t’y rejoindrai pour offrir des holocaustes et des sacrifices de communion. Tu attendras sept jours jusqu’à ce que je vienne vers toi et je te ferai savoir ce que tu dois faire. »

l Près de Jéricho, cf. Jos 4.19. Le v. 8 est une insertion préparant 13.8-15, qui vient d’une source différente.

Retour de Saül.

9 Dès qu’il eut tourné le dos pour quitter Samuel, Dieu lui changea le cœur et tous ces signes s’accomplirent le jour même. 10 Quandm ils arrivèrent là, à Gibéa, voici qu’une troupe de prophètes venait à sa rencontre ; l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra en transe avec eux.

m Le récit ne s’attarde pas sur l’accomplissement des deux premiers signes. Le troisième est d’ailleurs de nature différente et s’appuie sur un proverbe que l’on retrouve en 19.18-24.

11 Tous ceux qui le connaissaient de longue date le virent : il faisait le prophète avec des prophètes. Les gens se dirent l’un à l’autre : « Qu’est-il arrivé au fils de Qish ? Saül est-il aussi parmi les prophètes ? » 12 Un homme originaire de l’endroit reprit : « Qui donc est leur père ? »n C’est pourquoi il est passé en proverbe de dire : « Saül est-il aussi parmi les prophètes ? »

n La question laisse entendre que ce groupe ne peut se réclamer d’un fondateur ou d’un ancêtre prestigieux. Ce jugement négatif rejaillit sur Saül dont la présence étonne.

13 Lorsqu’il fut sorti de transe, Saül arriva en haut lieu. 14 L’oncle de Saül leur dit, à lui et au jeune homme : « Où êtes-vous allés ? » « À la recherche des ânesses, répondit-il. Nous n’avons rien vu et nous sommes allés chez Samuel. »

15 L’oncle de Saül lui dit : « Raconte-moi donc ce que Samuel vous a dit. »

16 Saül dit à son oncle : « Il nous a bien raconté que les ânesses étaient retrouvées », mais il ne lui raconta pas l’affaire de la royauté, que Samuel avait dite.

1 Samuel 11

Victoire contre les Ammonites.s

11 Nahash l’Ammonite monta assiéger Yabesh de Galaad. Tous les gens de Yabesh dirent à Nahash : « Conclus avec nous un traité et nous te servirons. »

s Tradition de Gilgal indépendante des précédentes rien n’indique que Saül ait déjà été oint, ni acclamé roi par le peuple. Le récit rappelle ceux des « grands » Juges. Mais la différence est qu’après la victoire, Saül n’est pas reconnu comme juge, il est proclamé roi ; et la différence est considérable.

2 Mais Nahash l’Ammonite leur dit : « Je le conclurai avec vous de cette manière : en vous crevant à chacun l’œil droit, et j’infligerai cette honte sur tout Israël. » 3 Les anciens de Yabesh lui dirent : « Laisse-nous un répit de sept jours. Nous enverrons des messagers dans tout le territoire d’Israël et, si personne ne vient nous sauver, nous nous rendrons à toi. » 4 Les messagers arrivèrent à Gibéa de Saül et exposèrent les choses aux oreilles du peuple. Tout le peuple éleva la voix et pleura.

5 Or, voici que Saül revenait des champs derrière ses bœufs. Saül dit : « Qu’a donc le peuple à pleurer ainsi ? » On lui raconta les propos des hommes de Yabesh, 6 et quand Saül entendit ces paroles, l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra dans une grande colère. 7 Il prit une paire de bœufs et la dépeça en morceaux qu’il envoya par messagers dans tout le territoire d’Israël en disant : « Celui qui ne sortira pas pour le combat derrière Saül et Samuel,t ainsi sera-t-il fait de ses bœufs. » Une terreur de Yahvé s’abattit sur le peuple et ils marchèrent comme un seul homme.

t L’action de Saül est ici placée sous l’autorité de Samuel le juge, cf. 7.2.

8 Il les passa en revue à Bézeq : les Israélites étaient trois cent mille et les hommes de Juda trente mille.u

u L’énormité des chiffres et la distinction entre Israël et Juda trahissent une main tardive.

9 On dit aux messagers qui étaient venus : « Vous parlerez ainsi aux hommes de Yabesh de Galaad : Demain, quand le soleil sera ardent, un salut vous arrivera. » Les messagers vinrent en informer les hommes de Yabesh, et ceux-ci se réjouirent. 10 Les hommes de Yabesh dirent :v « Demain, nous sortirons vers vousw et vous nous traiterez comme il vous semblera bon. »

v On ne sait à quoi s’adresse la réponse. À Nahash ? C’est ce que l’on peut comprendre à la suite du v. 3. Elle peut aussi s’adresser aux envoyés de Saül.

w Les gens de Yabesh jouent sur le mot qui peut signifier « attaquer » ou « se rendre » (comme au v. 3).

11 Le lendemain, Saül disposa le peuple en trois corps. Ils pénétrèrent au milieu du camp à la veille du matin, et ils battirent les Ammonites jusqu’au plus chaud du jour. Les survivants se dispersèrent, il n’en resta pas deux ensemble.

Saül est proclamé roi.x

12 Le peuple dit à Samuel : « Qui donc disait : « Saül régnera-t-il sur nous ? » Livrez ces gens, que nous les mettions à mort. »

x La suite originelle du v. 11 est au v. 15 ; au lendemain de la victoire, le peuple acclame Saül comme roi. Mais, d’après le récit parallèle, Saül a déjà été proclamé roi à Miçpa, 10.24. Les vv. 12-14 accordent les deux récits Saül n’a pas été reconnu par tous, cf. 10.27, il faut « renouveler » son intronisation.

13 Mais Saül dit : « Personne ne sera mis à mort en ce jour, car aujourd’hui Yahvé a opéré un salut en Israël. »

14 Puis Samuel dit au peuple : « Venez et allons à Gilgal et nous y renouvellerons la royauté. »

15 Tout le peuple alla à Gilgal et là on fit Saül roi devant Yahvé. Là on offrit des sacrifices de communion devant Yahvé. Là Saül et tous les hommes d’Israël se livrèrent à de grandes réjouissances.