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Bible de Jérusalem

Ézéchiel 14.12-20

Responsabilité personnelle.p

12 La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes :

p Ce texte, avec 18 et 33.10-20, marque un progrès décisif dans le développement de la doctrine morale de l’AT. Les anciens textes considéraient surtout l’individu comme intégré dans la famille, la tribu, plus tard la nation. Noé, Gn 6.18, est sauvé avec les siens. Abraham, appelé par Dieu, Gn 12, entraîne avec lui en Canaan tout son clan. Cette conception s’appliquait aussi à la responsabilité et à la rétribution. Si Abraham, Gn 18.22-23, intercède pour Sodome, ce n’est pas pour que les justes soient séparés et épargnés, c’est pour que, la solidarité jouant en sens contraire, ils évitent même aux méchants le châtiment mérité. Il paraissait normal qu’une ville ou une nation fût châtiée en bloc, les justes avec les pécheurs, et que le sort des enfants répondît à la conduite de leurs pères, Ex 20.5 ; Dt 5.9 ; 7.10, cf. Jr 31.29 = 18.2. Mais la prédication des prophètes devait mettre l’accent sur l’individuel et apporter ainsi un correctif aux anciens principes. Si Jérémie n’entrevoit que dans l’avenir le dépassement de la solidarité des générations dans la faute et dans la sanction, Jr 31.29-30, déjà le Deutéronome proteste contre le châtiment des fils pour les pères, Dt 24.16, cf. 2 R 14.6. Enfin Ézéchiel (ayant reçu, dans la vision des chap. 8-10, la certitude que le châtiment imminent de Jérusalem répond à ses péchés présents) se fait le champion et comme le théoricien de la responsabilité personnelle. Le salut d’un homme ou sa perte ne dépendent ni de ses ancêtres ni de ses proches, ni même de son propre passé. Les dispositions actuelles du cœur entrent seules en ligne de compte devant Yahvé. Ces affirmations radicalement individualistes seront à leur tour corrigées par le principe de solidarité qu’exprime le quatrième chant du Serviteur, Isa 52.13—53.12, cf. Isa 42.1. D’autre part, appliquées avec rigueur dans une perspective purement temporelle, elles devaient être contredites par l’expérience quotidienne (cf. Job), et cette contradiction appelle un progrès nouveau qu’apportera la révélation d’une rétribution outre-tombe (cf. l’Introduction aux livres sapientiaux). Enfin, le NT (en particulier saint Paul), en fondant l’espérance du chrétien sur la solidarité par la foi avec le Christ ressuscité, satisfera à la fois la revendication individualiste d’Ézéchiel et la loi de la solidarité, dans le péché et dans la rédemption, de l’humanité créée et sauvée par Dieu.

13 Fils d’homme, si un pays péchait contre moi en m’étant infidèle et que j’étende la main contre lui, détruisant sa réserve de pain et lui envoyant la famine pour en retrancher bêtes et gens, 14 et qu’il y ait dans ce pays ces trois hommes, Noé, Danel et Job,q ces hommes sauveraient leur vie grâce à leur justice, oracle du Seigneur Yahvé.

q Trois héros populaires que la tradition israélite connaissait bien Noé, dont le souvenir est conservé par les récits de Gn 6-9 ; Job, dont la légende devait inspirer un des plus beaux poèmes bibliques ; enfin Danel, inconnu de la Bible (sauf 28.3), mais dont la sagesse et la justice étaient célébrées par les poèmes de Ras-Shamra.

15 Si je lâchais les bêtes féroces dans ce pays pour le priver de ses enfants et en faire une solitude que nul ne peut franchir à cause des bêtes, 16 et qu’il y ait ces trois hommes dans ce pays : par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé, ils ne pourraient sauver ni fils ni filles, eux seuls seraient sauvés et le pays deviendrait une solitude. 17 Si je faisais venir l’épée contre ce pays, si je disais : « Que l’épée passe dans ce pays et j’en frapperai bêtes et gens », 18 et que ces trois hommes soient dans ce pays : par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé, ils ne pourraient sauver ni fils ni filles, eux seuls seraient sauvés. 19 Si j’envoyais la peste dans ce pays et que je déverse dans le sang ma colère contre eux, en retranchant bêtes et gens, 20 et que Noé, Danel et Job soient dans ce pays : par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé, ils ne sauveraient ni fils ni fille, mais ils sauveraient leur vie grâce à leur justice.

Ézéchiel 18.10-20

10 Mais s’il engendre un fils violent et sanguinaire qui commet une de ces fautes,w

w « une de ces (fautes) » syr., Vulg. ; « un frère d’une de ces (fautes) » hébr.

11 alors que lui n’en a commis aucune, un fils qui va jusqu’à manger sur les montagnes et souiller la femme de son prochain, 12 qui opprime le pauvre et le malheureux, commet des rapines, ne rend pas le gage, lève les yeux vers les ordures, commet l’abomination, 13 prête avec usure et prend des intérêts, celui-ci ne vivra pasx après avoir commis tous ces crimes abominables, il mourra et son sang sera sur lui.

x « ne vivra pas », litt. « pour vivre, il ne vivra pas » (tournure fréquente) grec ; « et vivant, il ne vivra pas » hébr.

14 Mais si celui-ci engendre un fils qui voit tous les péchés qu’a commis son père, qui les voit sans les imiter, 15 qui ne mange pas sur les montagnes, ne lève pas les yeux vers les ordures de la maison d’Israël, ne souille pas la femme de son prochain, 16 n’opprime personne, ne prend pas de gages, ne commet pas de rapines, donne son pain à qui a faim, couvre d’un vêtement celui qui est nu, 17 détourne sa main de l’injustice,y ne pratique pas l’usure et ne prend pas d’intérêts, pratique mes coutumes et se conduit selon mes lois, celui-ci ne mourra pas à cause des fautes de son père, il vivra.

y « de l’injustice » grec, cf. v. 8 ; « du malheureux » hébr.

18 Mais son père, puisqu’il a été violent, a commis des rapinesz et n’a pas bien agi au milieu de son peuple, voici qu’il mourra à cause de sa faute.

z « des rapines » conj., cf. vv. 7, 12, 16 ; « les rapines de son frère » (?) hébr.

19 Et vous dites : « Pourquoi le fils ne porte-t-il pas la faute de son père ? » Mais le fils a pratiqué le droit et la justice, a observé mes lois et les a pratiquées, il doit vivre. 20 Celui qui a péché, c’est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père ni un père la faute de son fils : au juste sera imputée sa justice et au méchant sa méchanceté.