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Bible de Jérusalem

Genèse 1

LA GENÈSE

I. Les origines du monde et de l’humanité

Introduction au Pentateuque

1. DE LA CRÉATION AU DÉLUGE

L’œuvre des six jours.a

1 Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.b

a Ce récit, qui entend raconter les « origines du ciel et de la terre » est une vraie « cosmogonie », à la différence de 2.4b-25, que l’on peut qualifier d’« anthropogonie » alors que le second récit parle essentiellement de la formation de l’homme et de la femme, celui-ci entend offrir un aperçu complet de l’origine des êtres selon un plan réfléchi. Tout vient à l’existence sur l’ordre de Dieu et tout est créé selon un ordre croissant de dignité. Dieu est antérieur à la création et tous les êtres ont reçu de lui le don de l’existence ou de la vie. L’homme et la femme, créés à l’image de Dieu, se trouvent au centre des œuvres créées ; de par la volonté de Dieu ils ont reçu le pouvoir de dominer sur les autres vivants. Cet enseignement est théologique, mais l’aspect le plus immédiatement évident, l’origine de toute chose en Dieu, est doublé par un deuxième, le repos du septième jour, du sabbat. C’est pour mieux transmettre ce deuxième enseignement que le schéma de la semaine a été utilisé. Comme il y a huit œuvres, elles sont réparties de manière symétrique il y en a deux le troisième et le sixième jour. Ainsi le « repos » de Dieu au septième jour devient le modèle que l’homme doit imiter. Derrière le texte actuel, de l’école sacerdotale, il y a sans doute une longue tradition ; il y a aussi les connaissances de l’époque en matière scientifique. Si l’enseignement théologique fait partie de la révélation divine, il n’en va pas de même des données liées à l’état embryonnaire des connaissances de l’époque sur le monde.

b On traduit aussi « Au commencement quand Dieu créa (ou quand Dieu commença à créer) le ciel et la terre, la terre était... » Les deux traductions sont grammaticalement possibles celle qu’on retient, avec toutes les anciennes versions, respecte mieux la cohérence du texte. Le récit ne commence qu’au v. 2 ; le v. 1 est une sorte de titre (une « suscription »), à la manière de 22.1a ou 2 R 2.1a, auquel correspond la conclusion de 2.4a. Dans le langage biblique, « le ciel et la terre » désignent la totalité de l’univers ordonné, le résultat de l’acte créateur. Celui-ci est exprimé par le verbe bara’ qui est réservé à l’action créatrice de Dieu ou à ses interventions éclatantes dans l’histoire. Le texte affirme donc qu’il y eut un commencement la création n’est pas un mythe atemporel, elle est intégrée à l’histoire dont elle est le début absolu.

2 Or la terre était vide et vague,c les ténèbres couvraient l’abîme et un souffled de Dieu agitait la surface des eaux.

c En hébreu tohû et bohû, « le désert et le vide », expression devenue proverbiale pour tout manque d’ordre, surtout lorsqu’il est considérable. Ces termes, de même que celui d’« eaux », forment un tableau négatif par rapport auquel apparaîtra la nouveauté de l’intervention du Dieu personnel créant tout par sa parole. Ce verset décrit la situation de chaos qui précède la création (2.5). La notion métaphysique de création ex nihilo (« à partir de rien ») ne sera pas formulée, comme nous y avons été habitués par la philosophie occidentale, avant 2 M 7.28.

d Le mot hébreu ruah peut désigner l’Esprit (mais il est employé ici sans article) ou simplement le vent, et dans ce contexte de forces naturelles (eau, ténèbres, abîme), on peut penser que l’auteur veut évoquer un vent formidable qui balayait la surface des eaux (cf. 8.1), sans exclure formellement qu’il ait voulu en même temps suggérer la présence de l’esprit de Dieu. Toutefois, il ne s’agirait pas encore de l’Esprit personnel, de la révélation du NT. D’ailleurs le rôle créateur de l’Esprit de Dieu n’apparaît guère dans l’AT (Ps 104.30 est une exception). La création est l’œuvre de la parole de Dieu, v. 3s, ou de son action, v. 7, 16, 25, 26.

3 Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. 4 Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres.e

e La lumière est une création de Dieu, les ténèbres ne le sont pas : elles sont négation. La création de la lumière est rapportée la première parce que la succession des jours et des nuits va être le cadre où se déroulera l’œuvre créatrice.

5 Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit. » Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour.

6 Dieu dit : « Qu’il y ait un firmamentf au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux » et il en fut ainsi.

f La « voûte » apparente du ciel était pour les anciens Sémites une coupole solide, mais aussi une tente déployée, retenant les eaux supérieures par ses ouvertures ; par elles Dieu fait venir sur la terre la pluie et la neige et fait aussi ruisseler le déluge, 7.11.

7 Dieu fitg le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament,

g À la création par la parole, « Dieu dit », s’ajoute la création par l’acte, « Dieu fait » le firmament, les astres, v. 16, les animaux terrestres, v. 25, l’homme, v. 26. L’auteur sacerdotal intègre ainsi probablement à une conception plus spirituelle de la création une tradition ancienne, parallèle à celle du second récit, 2.4-25, où Dieu « fait » le ciel et la terre, l’homme et les animaux.

8 et Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir et il y eut un matin : deuxième jour.

9 Dieu dit : « Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en un seul endroith et qu’apparaisse le continent » et il en fut ainsi.

h Au lieu de « endroit », le grec lit « masse ». Le texte hébreu a bien un sens les eaux n’occuperont plus toute la surface, elles auront leur lieu propre et délimité. Que la terre ait déjà été là et n’ait qu’à être libérée fait partie de la description du chaos et donc de la tradition reçue.

10 Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon.

11 Dieu dit : « Que la terre verdisse de verdure : des herbes portant semence et des arbres fruitiers donnant sur la terre selon leur espèce des fruits contenant leur semence » et il en fut ainsi. 12 La terre produisit de la verdure : des herbes portant semence selon leur espèce, des arbres donnant selon leur espèce des fruits contenant leur semence, et Dieu vit que cela était bon. 13 Il y eut un soir et il y eut un matin : troisième jour.

14 Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années ; 15 qu’ils soient des luminaires au firmament du ciel pour éclairer la terre » et il en fut ainsi. 16 Dieu fit les deux luminaires majeursi  : le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit, et les étoiles.

i Leurs noms sont omis à dessein le Soleil et la Lune, divinisés par tous les peuples voisins, sont ici de simples luminaires qui éclairent la terre et fixent le calendrier. La divinisation des astres était d’autant plus tentante que l’auteur doit encore leur reconnaître un rôle de « puissances », v. 16, pouvant « commander », v. 17, ce qui fait partie aussi des représentations traditionnelles.

17 Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre,

18 pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres, et Dieu vit que cela était bon. 19 Il y eut un soir et il y eut un matin : quatrième jour.

20 Dieu dit : « Que les eaux grouillent d’un grouillement d’êtres vivants et que des oiseaux volent au-dessus de la terre contre le firmament du ciel » et il en fut ainsi. 21 Dieu créa les grands monstres marins et tous les êtres vivants qui glissent : les eaux les firent grouiller selon leur espèce, et toute la gent ailée selon son espèce, et Dieu vit que cela était bon. 22 Dieu les bénit et dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez l’eau des mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre. » 23 Il y eut un soir et il y eut un matin : cinquième jour.

24 Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, bestioles,j bêtes sauvages selon leur espèce » et il en fut ainsi.

j Littéralement « ce qui rampe » (ou « glisse », v. 21) serpents, lézards, mais aussi insectes et petits animaux.

25 Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les bestioles du sol selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon.

26 Dieu dit : « Faisonsk l’hommel à notre image, comme notre ressemblance,m et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvagesn et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. »

k Ce ne semble pas être un pluriel de majesté et il ne s’explique pas davantage par le simple fait que le nom Élohim est un pluriel quant à la forme, car il est utilisé presque toujours comme nom propre du vrai Dieu et s’accompagne normalement d’un verbe au singulier. Bien que cela soit rare en hébreu, il semble que nous ayons ici un « pluriel délibératif » lorsque Dieu, comme en 11.7, ou n’importe quelle autre personne, parle avec soi-même, la grammaire hébraïque semble conseiller l’emploi du pluriel. Le grec (suivi par Vulg.) du Ps. 8.6, repris dans He 2.7, a compris ce texte comme une délibération de Dieu avec sa cour céleste (cf. Isa 6), avec les anges. Et ce pluriel était une porte ouverte à l’interprétation des Pères de l’Église, qui ont vu déjà suggéré ici le mystère de la Trinité.

l Nom collectif, d’où le pluriel « qu’ils dominent ».

m « Ressemblance » paraît atténuer le sens d’« image » en excluant la parité. Le terme concret « image » implique une similitude physique, comme entre Adam et son fils, 5.3. Ce rapport à Dieu sépare l’homme des animaux. Il suppose de plus une similitude générale de nature, mais le texte ne dit pas en quoi précisément consistent cette « image » et cette « ressemblance ». Être à l’image et à la ressemblance de Dieu souligne le fait que, doué d’intelligence et de volonté, l’homme peut entrer activement en relation avec Dieu. Mais pour d’autres l’homme serait à l’image de Dieu parce qu’il reçoit de lui un pouvoir sur les autres êtres vivants.

n « toutes les bêtes sauvages » syr. ; « toute la terre » hébr.

27 Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.

28 Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. » 29 Dieu dit : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. 30 À toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des plantes »o et il en fut ainsi.

o Image d’un âge d’or, où hommes et animaux vivent en paix, se nourrissant des plantes. 9.3 marque le début d’un nouvel âge.

31 Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : sixième jour.