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Bible de Jérusalem

Ésaïe 47-48

Lamentation sur Babylone.a

47 Descends, assieds-toi dans la poussière,
Vierge, fille de Babylone,b
assieds-toi à terre, sans trône,
fille des Chaldéens,
car jamais plus on ne t’appellera
douce et exquise.

a Ce poème est une qîna, c’est-à-dire une lamentation au rythme dissymétrique. C’est le seul exemple chez le Second Isaïe d’un de ces oracles contre les nations qu’on trouve chez les autres prophètes ; son style rappelle les oracles de châtiment contre Jérusalem.

b Littéralement « Vierge de la fille de Babylone », expression fréquente pour désigner une ville ou un pays personnifiés, cf. 37.22 ; 2 R 19.21 ; Lm 2.13 (Sion) ; 23.12 (Sidon) ; Jr 46.11 (l’Égypte) ; Lm 1.15 (Juda) ; Jr 14.17 (« mon peuple »).

2 Prends la meule et broie la farine ;
dénoue ton voile,
relève ta robe, découvre tes jambes,
traverse les rivières.
3 Que paraisse ta nudité
et que ta honte soit visible ;
j’exécute ma vengeance
et personne ne s’y opposera.c

c « ne s’opposera » conj. ; l’hébr. a la première personne.

4 Notre rédempteur, Yahvé Sabaot est son nom,
le Saint d’Israël, a dit :d

d Ce v., sans verbe dans l’hébr., peut être une glose ; mais le grec, qu’on suit ici, ajoute « a dit ».

5 Assieds-toi en silence, enfonce-toi dans l’ombre,
fille des Chaldéens,
car jamais plus on ne t’appellera
souveraine des royaumes.
6 J’étais irrité contre mon peuple,
j’avais rejeté mon héritage,
je l’avais livré entre tes mains.
Tu les as traités sans pitié,
sur le vieillard tu as fait durement peser ton joug.
7 Tu as dit : « À jamais je serai souveraine éternelle »,
tu n’as pas réfléchi à cela dans ton cœur,
tu n’as pas songé à l’avenir.

8 Maintenant écoute ceci, voluptueuse !
toi qui es assise en sécurité et qui dis dans ton cœur :
« Moi, sans égale,e
je ne resterai pas veuve,
je ne connaîtrai pas la privation d’enfants ! »

e Babylone semble vouloir s’égaler à Yahvé, cf. 42.8 ; 45.14 ; 46.9. Elle sera châtiée de son orgueil.

9 Eh bien, ces deux malheurs fondront sur toi,
soudainement, en un jour,
privation d’enfants et veuvage,
tout à coup ils fondront sur toi,
en dépit de tous tes sortilèges,
de la puissance de tes incantations.
10 Tu as eu confiance dans ta méchanceté,
tu as dit : « Personne ne me voit. »
C’est ta sagesse et ta science qui t’ont pervertie,
et tu as dit dans ton cœur : « Moi, sans égale. »
11 Un malheur fondra sur toi,
tu ne sauras comment le conjurer ;
un désastre fondra sur toi,
tu ne pourras t’en préserver ;
soudain fondra sur toi
une calamité que tu ne connaîtras pas.
12 Reste donc avec tes incantations et tous tes sortilèges
dans lesquels tu t’es fatiguée depuis ta jeunesse.
Peut-être pourras-tu en tirer profit,
peut-être sauras-tu faire trembler.
13 Tu t’es épuisée à force de consultations,
qu’ils se présentent donc et te sauvent
ceux qui détaillent le ciel,
qui observent les étoiles,
qui annoncent chaque mois ce qui va fondre sur toi.
14 Voici qu’ils sont comme fétus de paille,
le feu les brûlera,
ils ne sauveront pas leur vie de l’étreinte de la flamme ;
et ce ne sera pas une braise pour se chauffer,
un foyer pour s’y asseoir !
15 Ainsi auront été pour toi tes devins,f
pour lesquels tu t’es fatiguée depuis ta jeunesse :
ils ont erré, chacun devant soi,
et pas un ne t’a sauvée.

f Le terme signifie habituellement « marchands » (étymologiquement « ceux qui vont et viennent »?) ; mais en le rapprochant d’un mot identique en akkadien, on peut le comprendre au sens de « devin », « enchanteur », cf. vv. 9, 12-13.

Yahvé avait tout prédit.g

48 Écoutez ceci, maison de Jacob,
vous que l’on appelle du nom d’Israël,
vous qui êtes issus des eaux de Juda,h
qui jurez par le nom de Yahvé
et qui invoquez le Dieu d’Israël,
sans loyauté ni justice.

g Dieu avait prédit longtemps à l’avance à son peuple incrédule et révolté les « choses anciennes », v. 3, c’est-à-dire les événements passés de l’histoire du salut ; il lui annonce maintenant les « choses nouvelles », v. 6, c’est-à-dire la délivrance qu’il est en train d’accomplir pour l’honneur de son nom. Le ton sévère de cet oracle est étonnant chez le prophète de la Consolation.

h Image obscure. Le Targum comprend « de la semence de Juda ». Le grec a simplement « issus de Juda ».

2 Car ils tirent leur nom de la ville sainte,
ils s’appuient sur le Dieu d’Israël,
Yahvé Sabaot est son nom.

3 Les choses anciennes, depuis longtemps je les avais annoncées,
elles étaient sorties de ma bouche, je les avais proclamées ;
et soudain j’ai agi, elles sont arrivées.
4 Car je savais que tu es obstiné,i
de fer est le muscle de ton cou,
et ton front est d’airain.

i Le thème de l’endurcissement d’Israël est fréquent chez les prophètes et dans les livres historiques. Israël a « raidi sa nuque » Ex 32.9 ; Dt 9.13 ; 2 R 17.14 ; Jr 7.26, etc., il s’est rendu aveugle et sourd, 6.9-10 ; 42.19-20 ; 43.8, en refusant de servir Dieu, en brisant le joug de sa Loi, Jr 2.20 ; 5.5. Il est châtié et doit courber sa nuque sous le joug d’un peuple étranger, Dt 28.48 ; cf. Jr 27.8, 11, 28 ; 30.8 ; 9.3 ; 10.27. Mais Yahvé n’a pas rejeté son peuple, vv. 9-11, et la révélation de son salut triomphera de l’aveuglement des rebelles, 42.7, 16, 18 ; 43.8-12.

5 Aussi te l’ai-je annoncé depuis longtemps,
avant que cela n’arrive je l’avais proclamé,
de peur que tu ne dises : « Mon image a tout fait,
mon idole et ma statue ont tout ordonné. »
6 Tu as entendu et vu tout cela,
et vous, ne l’annoncerez-vous pas ?
Je t’ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles,
secrètes et inconnues de toi.
7 C’est maintenant qu’elles sont créées, et non depuis longtemps,
et jusqu’à ce jour tu n’en avais pas entendu parler,
de peur que tu ne dises : « Oui, je les connaissais. »
8 Eh bien non, tu n’entendais rien, tu ne savais rien,
depuis longtemps ton oreille n’était pas attentive,
car je savais combien tu es perfide,
et que dès le berceau on t’appelle révolté.
9 À cause de mon nom, je vais différer ma colère,
pour mon honneur, je vais patienter avec toi,
pour ne pas t’exterminer.
10 Voici que je t’ai achetéj mais non pour de l’argent,
je t’ai choisi au creuset du malheur.

j « acheté » grec ; « épuré » hébr. — Il serait tentant de lire « je t’ai épuré... je t’ai éprouvé au creuset... » (avec 1QIsa), mais il faudrait alors corriger « non pour de l’argent » en « comme de l’argent », ce qui n’est appuyé par aucun témoin.

11 C’est à cause de moi, de moi seul que je vais agir,
comment mon nomk serait-il profané ?
Je ne donnerai pas ma gloire à un autre.

k « mon nom » ajouté avec grec et latin ; hébr. a seulement « comment serait-il profané ? », peut-être glose d’un lecteur.

Yahvé a choisi Cyrus.

12 Écoute-moi, Jacob, Israël que j’ai appelé,
c’est moi, moi qui suis le premier
et c’est moi aussi le dernier.
13 Ma main a fondé la terre,
ma droite a tendu les cieux,
moi, je les appelle
et tous ensemble ils se présentent.
14 Assemblez-vous, vous tous, et écoutez,
qui parmi eux a annoncé cela ?
Yahvé l’aime ; il accomplira son bon plaisir
sur Babylone et la race des Chaldéens :l

l « la race des Chaldéens » grec ; « son bras (ce sont) les Chaldéens » hébr. — L’aimé de Yahvé est ou bien Israël, ou bien Cyrus dont il est certainement question au v. suivant. Mais le texte est peut-être corrompu.

15 c’est moi, c’est moi qui ai parlé et qui l’ai appelé,
je l’ai fait venir et son entreprise réussira.

Le destin d’Israël.

16 Approchez-vous de moi et écoutez ceci :m
dès le début je n’ai pas parlé en cachette,
lorsque c’est arrivé, j’étais là,
et maintenant le Seigneur Yahvé m’a envoyé avec son esprit.

m Apparemment, c’est le prophète qui reprend la parole pour annoncer un nouvel oracle, vv. 17-19, méditation sur ce qu’aurait été le destin d’Israël s’il avait été fidèle. Les promesses sont celles que fit Yahvé à Abraham, Gn 13.16 ; 15.5 ; 17.6s ; 22.17, reprises tout au long de la Bible, en particulier dans le Dt et les oracles des prophètes, cf. 1 R 4.20 ; Os 2.1.

17 Ainsi parle Yahvé ton rédempteur, le Saint d’Israël :
Je suis Yahvé ton Dieu, je t’instruis pour ton bien,
je te conduis par le chemin où tu marches.
18 Si seulement tu avais été attentif à mes commandements !
Ton bonheur serait comme un fleuve
et ta justice comme les flots de la mer.
19 Ta race serait comme le sable,
et comme le grain, ceux qui sont issus de toi !
Ton nom ne serait pas retranché ni effacé devant moi.

La fin de l’Exil.n

20 Sortez de Babylone, fuyez de chez les Chaldéens,
avec des cris de joie, annoncez, proclamez ceci,
répandez-le jusqu’aux extrémités de la terre,
dites : Yahvé a racheté son serviteur Jacob.

n Le jour de la délivrance est arrivé. Ce chant de triomphe est la conclusion de tout l’ensemble 47-48.

21 Ils n’ont pas eu soif quand il les menait dans les déserts,
il a fait couler pour eux l’eau du rocher,
il a fendu le rocher et l’eau a jailli.
22 Point de bonheur, dit Yahvé, pour les méchants.