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Bible de Jérusalem

Job 28

4. ÉLOGE DE LA SAGESSE

La Sagesse inaccessible à l’homme.a

28 Il existe, pour l’argent, des mines,
pour l’or, un lieu où on l’épure.

a La place et la signification primitives de cet intermède dans le Dialogue restent obscures (cf. Introduction). Il présente des analogies avec Pr 8.22s, où, cependant, la Sagesse figurée comme l’inspiratrice des œuvres de Dieu aux origines devient l’inspiratrice de l’homme. Ici on célèbre une Sagesse inaccessible à l’homme. Ba 3.9 — 4.4 reprendra le même thème, mais parlera, lui, d’une Sagesse révélée par faveur à Israël dans la Loi. Il s’agit donc d’une Sagesse rigoureusement transcendante. En définitive, elle incarne le mystère des voies de Dieu, et se confond avec l’attribut divin de Sagesse ; mais celui-ci est personnifié d’une façon étrange. La représentation d’une Sagesse mystérieuse, habitant un domicile propre et finalement découverte par Dieu, peut être l’écho de vieilles croyances. Seule en subsiste une simple image la Sagesse, qui inspira le plan de Dieu, explique toutes ses œuvres et incarne sa Providence, échappe aux atteintes de l’homme ; celui-ci, en dépit de ses efforts et de ses découvertes, se heurte sans cesse au mystère d’une Sagesse qui le dépasse.

2 Le fer est tiré du sol,
la pierre fondue livre du cuivre.
3 On met fin aux ténèbres,
on fouille jusqu’à l’extrême limite
la pierre obscure et sombre.
4 Des étrangers percent les ravinsb
en des lieux non fréquentés,
et ils oscillent, suspendus, loin des humains.

b « Des étrangers (percent) les ravins » nehalim `am ger conj. ; hébr. nahal me`im gar n’a pas de sens. — Les travaux des mines étaient laissés aux esclaves étrangers et aux prisonniers de guerre. Ils étaient effectués le plus souvent dans des lieux déserts, en particulier dans le désert du Sinaï.

5 La terre d’où sort le pain
est ravagée en dessous par le feu.
6 Là, les pierres sont le gisement du saphir,
et aussi des parcelles d’or.
7 L’oiseau de proie en ignore le sentier,
l’œil du vautour ne l’aperçoit pas.
8 Il n’est point foulé par les fauves altiers,c
le lion ne l’a jamais frayé.

c Littéralement « les fils de l’orgueil », cf. 41.26.

9 L’homme s’attaque au silex,
il bouleverse les montagnes dans leurs racines.
10 Dans les roches il perce des canaux,d
l’œil ouvert sur tout objet précieux.

d Littéralement « des Nils ».

11 Il explore les sources des fleuves,e
amène au jour ce qui restait caché.

e Qui sortent de l’abîme souterrain. — « sources » mabbekê mss hébr., mibbekî hébr., corrompu.

12 Mais la Sagesse, d’où provient-elle ?f
Où se trouve-t-elle, l’Intelligence ?

f « d’où provient-elle » teçe’, avec un 1 ms hébr., cf. v. 20 ; « d’où se trouve-t-elle » timmaçé’ TM.

13 L’homme en ignore le chemin,g
on ne la découvre pas sur la terre des vivants.

g « chemin » darkah grec ; « prix » `erkah hébr.

14 L’Abîme déclare : « Je ne la contiens pas ! »
et la Mer : « Elle n’est point chez moi ! »
15 On ne peut l’acquérir avec l’or massif,
la payer au poids de l’argent,
16 l’évaluer avec l’or d’Ophir,
l’agate précieuse ou le saphir.
17 On ne lui compare pas l’or ou le verre,
on ne l’échange point contre un vase d’or fin.
18 Coraux et cristal ne méritent pas mention,
mieux vaudrait pêcher la Sagesse que les perles.
19 Auprès d’elle, la topaze de Kush est sans valeur
et l’or pur perd son poids d’échange.
20 Mais la Sagesse, d’où provient-elle ?
Où se trouve-t-elle, l’Intelligence ?

21 Elle se dérobe aux yeux de tout vivant,
elle se cache aux oiseaux du ciel.
22 La Perdition et la Mort déclarent :
« La rumeur de sa renommée est parvenue à nos oreilles »
23 Dieu seul en a discerné le chemin
et connu, lui, où elle se trouve.
24 (Car il voit jusqu’aux extrémités de la terre,
il aperçoit tout ce qui est sous les cieux.)
25 Lorsqu’il voulut donner du poids au vent,
jauger les eaux avec une mesure ;
26 quand il imposa une loi à la pluie,
une route aux roulements du tonnerre,
27 alors il la vit et l’évalua,
il la pénétrah et même la scruta.

h « la pénétra » hebînah avec 5 mss ; le TM porte hekînah, « l’établit », « la fonda ». Si l’on adopte cette traduction, il faut donner au deuxième verbe le sens de « en fit l’épreuve ».

28 Puis il dit à l’homme :
« La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ;
fuir le mal, voilà l’intelligence »

Job 38-39

IV. Les discours de Yahvé

PREMIER DISCOURS

La Sagesse créatrice confond Job.

38 Yahvé répondit à Job du sein de la tempêteo et dit :

o Selon le mode ancien des théophanies de Yahvé qui manifestait sa toute-puissance redoutable, cf. Ps 18.8-16 ; 50.3 ; Na 1.3 ; Ez 1.4 cf. Ex 13.22 ; 19.16.

2 Quel est celui-là qui obscurcit mes plans
par des propos dénués de sens ?
3 Ceins tes reins comme un brave :
je vais t’interroger et tu m’instruiras.p

p « comme un brave » 1 ms hébr., syr., Targ. ; « comme un homme » TM (simple différence de vocalisation). De même en 40.7. — Les rôles sont renversés Yahvé attaque et invite Job à se défendre.

4 Où étais-tu quand je fondai la terre ?
Parle, si ton savoir est éclairé.
5 Qui en fixa les mesures, le saurais-tu,
ou qui tendit sur elle le cordeau ?
6 Sur quel appui s’enfoncent ses socles ?
Qui posa sa pierre angulaire,
7 parmi le concert joyeux des étoiles du matin
et les acclamations unanimes des Fils de Dieu ?
8 Qui enfermaq la mer à deux battants,
quand elle sortit du sein, bondissante ;

q « Qui enferma » Vulg. ; « il a enfermé » hébr.

9 quand je mis sur elle une nuée pour vêtement
et fis des nuages sombres ses langes ;
10 quand je découpai pour elle sa limite
et plaçai portes et verrou ?
11 « Tu n’iras pas plus loin, lui dis-je,
ici se briserar l’orgueil de tes flots ! »

r « se brisera » yishtabber, d’après grec ; « il mettra à (l’orgueil) » yashît bi hébr.

12 As-tu, une fois dans ta vie, commandé au matin ?
Assigné l’aurore à son poste,
13 pour qu’elle saisisse la terre par les bords
et en secoue les méchants ?
14 Alors elle la change en argile de sceaus
et la teint comme un vêtement ;

s De couleur rouge. — « la teint », litt. « est teinte », tiççaba` conj. ; « ils se tiennent debout » yiteyaççebû hébr.

15 elle ôte aux méchants leur lumière,t
brise le bras qui se levait.

t Qui n’est pas la lumière du jour, cf. 24.13s.

16 As-tu pénétré jusqu’aux sources marines,u
circulé au fond de l’Abîme ?

u Celles qui étaient censées alimenter la mer.

17 Les portes de la Mort te furent-elles montrées,
as-tu vu les portes du pays de l’ombre de mort ?v

v Au lieu de répéter « portes » le grec a « portiers ». — Ce pays est le shéol, Nb 16.33. Sur « les portes de la Mort », cf. Isa 38.10 ; Ps 9.14 ; 107.18 ; Sg 16.13.

18 As-tu quelque idée des étendues terrestres ?
Raconte, si tu sais tout cela.
19 De quel côté habite la lumière,w
et les ténèbres, où résident-elles,

w La lumière est personnifiée comme une entité distincte du soleil. Elle regagne chaque soir son domicile tandis que sortent les ténèbres.

20 pour que tu puisses les conduire dans leur domaine,
et distinguer les accès de leur maison ?
21 Si tu le sais, c’est qu’alors tu étais né,
et tu comptes des jours bien nombreux !

22 Es-tu parvenu jusqu’aux dépôts de neige ?
As-tu vu les réserves de grêle,
23 que je ménage pour les temps de détresse,
pour les jours de bataille et de guerre ?
24 De quel côté se divise l’éclair,
où se répand sur terre le vent d’est ?
25 Qui perce un canal pour l’averse,
fraie la route aux roulements du tonnerre,
26 pour faire pleuvoir sur une terre sans hommes,
sur un désert que nul n’habite,
27 pour abreuver les solitudes désolées,
faire germer l’herbe sur la steppe ?x

x « sur la steppe » miççiyyah conj. ; « lieu d’origine » moça’ hébr. — Les vv. 26-27 soulignent la gratuité des œuvres divines, ou bien la sollicitude de Dieu pour d’autres êtres que les hommes.

28 La pluie a-t-elle un père,
ou qui engendre les gouttes de rosée ?
29 De quel ventre sort la glace,
et le givre des cieux, qui l’enfante,
30 quand les eaux disparaissent en se pétrifiant
et que devient compacte la surface de l’abîme ?

31 Peux-tu nouer les liens des Pléiades,
desserrer les cordes d’Orion,
32 amener la Couronne en son temps,
conduire l’Ourse avec ses petits ?y

y « la Couronne », c’est-à-dire la Couronne boréale, d’après l’une des étymologies possibles du mot. Selon d’autres « l’étoile du berger » (cf. Vulg. « Lucifer »), ou « les Hyades » parce qu’Aldébaran marquait le temps de la pluie et des labours. — Les « petits » de l’Ourse désignent peut-être la constellation de la petite Ourse.

33 Connais-tu les lois des Cieux,
appliques-tu leur charte sur terre ?
34 Ta voix s’élève-t-elle jusqu’aux nuées
et la masse des eaux t’obéit-elle ?z

z « t’obéit-elle » ta`aneka grec ; « te couvre-t-elle » tekasseka hébr.

35 Sur ton ordre, les éclairs partent-ils,
en te disant : « Nous voici ? »
36 Qui a mis dans l’ibis la sagesse,
donné au coq l’intelligence ?a

a « ibis » et « coq » traduction incertaine. Le mot sekwi (« coq ») n’apparaît qu’ici, mais on s’appuie sur un targum et sur la Vulg. Tuhôt (« ibis ») semble être une transcription de Thot, le dieu-ibis égyptien. Ce mot se retrouve une fois, Ps 51.8, mais dans un sens tout différent. — On attribuait à ces animaux des facultés de prévision l’ibis annonçait les crues du Nil, le coq annonce le jour et, selon certaines croyances populaires, la pluie.

37 Qui dénombre les nuages avec compétence
et incline les outres des cieux,
38 tandis que la poussière s’agglomère
et que collent ensemble les glèbes ?
39 Chasses-tu pour la lionneb une proie,
apaises-tu l’appétit des lionceaux,

b On passe de la nature inanimée au règne animal. Sont choisis les types les plus farouches et indépendants, ou les plus étranges. Or Dieu veille à leur subsistance.

40 quand ils sont tapis dans leurs tanières,
aux aguets dans le fourré ?
41 Qui prépare au corbeau sa provende,
lorsque ses petits crient vers Dieu
et se dressent sans nourriture ?

39 Sais-tu quand les bouquetinsc font leurs petits ?
As-tu observé des biches en travail ?

c Les bouquetins et les biches sont choisis parce que leur reproduction échappe à toute observation, de même que celle des autruches ne respecte aucune prudence, v. 14 cependant Dieu veille à la conservation de l’espèce.

2 Combien de mois dure leur gestation,
quelle est l’époque de leur délivrance ?
3 Alors elles s’accroupissent pour mettre bas,
elles se débarrassent de leurs portées.
4 Et quand leurs petits ont pris des forces et grandi,
ils partent dans le désert et ne reviennent plus près d’elles.
5 Qui a lâché l’onagre en liberté,
délié la corde de l’âne sauvage ?
6 À lui, j’ai donné la steppe pour demeure,
la plaine salée pour habitat.
7 Il se rit du tumulte des villes
et n’entend pas l’ânier vociférer.
8 Il explore les montagnes, son pâturage,
à la recherche de toute verdure.

9 Le bœuf sauvage voudra-t-il te servir,
passer la nuit chez toi devant la crèche ?
10 Attacheras-tu un bœuf par une corde au sillon,
hersera-t-il les vallons derrière toi ?d

d C’est-à-dire « Pourras-tu l’obliger à labourer ? »

11 Peux-tu compter sur sa force très grande
et lui laisser la peine de tes travaux ?
12 Seras-tu assuré de son retour,
pour amasser ton grain sur ton aire ?

13 e L’aile de l’autruche bat allègrement,
et que n’a-t-elle le pennage de la cigogne et du faucon ?f

e Toute la section sur l’autruche, vv. 13-18, manque dans le grec et est parfois considérée comme une addition.

f « faucon », neç conj. ; « plumage », noçah, hébr.

14 Elle abandonne à terre ses œufs,
les confie à la chaleur du sol.
15 Elle oublie qu’un pied peut les fouler,
une bête sauvage les écraser.
16 Dure pour ses petits comme pour des étrangers,
d’une peine inutile elle ne s’inquiète pas.
17 C’est que Dieu l’a privée de sagesse,
ne lui a point départi l’intelligence.
18 Mais sitôt qu’elle se dresse et se soulève,
elle défie le cheval et son cavalier.

19 Donnes-tu au cheval la bravoure,g
revêts-tu son cou d’une crinière ?

g Le cheval est ici la monture du guerrier.

20 Le fais-tu bondir comme la sauterelle ?
Son hennissement altier répand la terreur.
21 Il piaffe de joie dans le vallon,
avec vigueur il s’élance au-devant des armes.
22 Il se moque de la peur et ne craint rien,
il ne recule pas devant l’épée.
23 Sur lui résonnent le carquois,
la lance étincelante et le javelot.
24 Frémissant d’impatience, il dévore l’espace ;
il ne se tient plus quand sonne la trompette ;
25 à chaque coup de trompette, il crie : Héah !
Il flaire de loin la bataille,
la voix tonnante des chefs et le cri de guerre.

26 Est-ce avec ton discernement que le faucon prend son vol,
qu’il déploie ses ailes vers le sud ?h

h Les migrations saisonnières des oiseaux, manifestation de la sagesse instinctive qui leur est communiquée par le Créateur.

27 Sur ton ordre que l’aigle s’élève
et place son nid dans les hauteurs ?
28 Il fait du rocher son habitat nocturne,
d’un pic rocheux sa forteresse.
29 Il guette de là sa proie
et ses yeux de loin l’aperçoivent.
30 Ses petits lapent le sang,
où il y a des tués, il est là.