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Bible de Jérusalem – Jean 12

L’onction de Béthanie.

12 Six jours avant la Pâque,v Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, que Jésus avait ressuscité d’entre les morts.

v Dernière semaine de la vie publique de Jésus, aussi soigneusement jalonnée, 12.12 ; 13.1 ; 18.28 ; 19.31, que la première, 2.1. L’une et l’autre s’achèvent par la manifestation de la gloire de Jésus. Mais on n’est plus comme à Cana au temps des « signes », 2.4, 11 ; « l’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié », 12.23 ; 13.31s ; 17.1, 5.

2 On lui fit là un repas. Marthe servait. Lazare était l’un des convives. 3 Alors Marie, prenant une livre d’un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s’emplit de la senteur du parfum. 4 Mais Judas l’Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit : 5 « Pourquoi ce parfum n’at-il pas été vendu trois cents deniers qu’on aurait donnés à des pauvres ? » 6 Mais il dit cela non par souci des pauvres, mais parce qu’il était voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait.

7 Jésus dit alors : « Laisse-la : c’est pour le jour de ma sépulture qu’elle devait garder ce parfum.w

w Jésus voit dans le geste de Marie un hommage anticipé rendu à son cadavre. À ce geste symbolique correspondra, 19.38s, l’ensevelissement effectif de Jésus.

8 Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »

9 La grande foule des Juifs apprit qu’il était là et ils vinrent, pas seulement pour Jésus, mais aussi pour voir Lazare, qu’il avait ressuscité d’entre les morts. 10 Les grands prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare, 11 parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient et croyaient en Jésus.

Entrée messianique de Jésus à Jérusalem.

12 Le lendemain, la foule nombreuse venue pour la fête apprit que Jésus venait à Jérusalem ; 13 ils prirent les rameaux des palmiers et sortirent à sa rencontre et ils criaient :

« Hosanna !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur

et le roi d’Israël ! »x

x Le roi messianique.

14 Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus selon qu’il est écrit :

15 Sois sans crainte, fille de Sion :
voici que ton roi vient,
monté sur un petit d’ânesse.

16 Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d’abord ; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de lui et que c’était ce qu’on lui avait fait. 17 La foule qui était avec lui, quand il avait appelé Lazare hors du tombeau et l’avait ressuscité d’entre les morts, rendait témoignage. 18 C’est aussi pourquoi la foule vint à sa rencontre : parce qu’ils avaient entendu dire qu’il avait fait ce signe. 19 Alors les Pharisiens se dirent entre eux : « Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voilà le monde parti après lui ! »

Jésus annonce sa glorification par sa mort.

20 Il y avait là quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête.y

y Des non-Juifs, gagnés au monothéisme d’Israël et, dans une certaine mesure, aux observances mosaïques les « craignant-Dieu » de Ac 10.2.

21 Ils s’avancèrent vers Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et ils lui firent cette demande : « Seigneur, nous voulons voir Jésus. » 22 Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus. 23 Jésus leur répond :

« Voici venue l’heure
où doit être glorifié le Fils de l’homme.
24 En vérité, en vérité, je vous le dis,
si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas,
il demeure seul ;
mais s’il meurt,
il porte beaucoup de fruit.
25 Qui aime sa vie la perd ;
et qui hait sa vie en ce monde
la conservera en vie éternelle.
26 Si quelqu’un me sert, qu’il me suive,
et où je suis,z là aussi sera mon serviteur.
Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

z Dans la gloire du Père, cf. 14.3 ; 17.24.

27 Maintenant mon âme est troublée.a
Et que dire ?
Père, sauve-moi de cette heure !
Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure.

a Scène qui par bien des traits évoque Gethsémani angoisse devant l’Heure qui approche, appel à la pitié du Père, acceptation du sacrifice, réconfort venu du Ciel (cf. Lc). Noter toutefois les différences le Christ demeure debout, son appel à la pitié reste à l’état de débat intérieur (Jn) ; il « fléchit les genoux » (Lc) ; il « tombe la face contre terre » (Mt, Mc). Cf. 18.4-6 ; 10.18.

28 Père, glorifie ton Nom ! »b

Du ciel vint alors une voix :

« Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai. »c

b « ton Nom » (var. « ton Fils ») désigne la personne même du Père. Jésus s’offre à mourir pour l’accomplissement de l’œuvre qui gorifiera le Père en manifestant son amour pour le monde, 17.6.

c Le Nom de Dieu a déjà été glorifié grâce aux « signes » accomplis par Jésus, 11.4 ; il sera glorifié par la montée du Christ en gloire, le « signe » par excellence, 2.11.

29 La foule qui se tenait là et qui avait entendu, disait qu’il y avait eu un coup
de tonnerre ; d’autres disaient : « Un ange lui a parlé. » 30 Jésus reprit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.d

d L’événement est comme un sceau divin mis par avance sur la mort de Jésus.

31 C’est maintenant le jugement de ce monde ;
maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ;e

e Comme en Lc 10.18 et Ap 12.9 ; sa chute fait contraste avec l’élévation du Christ, qui doit être comprise en deux sens complémentaires élévation sur la croix et élévation à la droite du Père. Le règne de Satan sur le monde, 14.30 ; 16.11 ; 1 5.19, va prendre fin pour céder la place au règne du Christ, Ap 12.9-10. Cette double royauté doit être comprise dans une perspective éthique. Le Diable est menteur par nature. Dès les origines, il a trompé les hommes au sujet des commandements divins, ce qui leur a valu la mort ; il est donc homicide, 8.44 ; Gn 3 ; Sg 2.24. Les autorités juives qui veulent tuer Jésus le font à l’instigation du Diable, 8.44a, comme Caïn jadis, 1 3.12. C’est le Prince de ce monde qui, par ses mensonges, est la cause de tous les désordres moraux, cf. Ep 2.1-3 ; 6.10-17 ; 2 Co 4.4. Son règne est celui du Mal et engendre la mort. Le Christ au contraire fut envoyé par Dieu pour nous dire la vérité, 8.45, opposé à 8.44, cette vérité qui doit nous rendre libres de l’esclavage du Diable, 8.34, parce qu’elle nous fait clairement savoir quelle est la volonté de Dieu sur nous, 8.32. Or, c’est par l’élévation du Christ que nous aurons le « signe » par excellence nous prouvant qu’il a bien été envoyé par Dieu, 2.11 ; 3.14, et qu’il nous transmet ses paroles. Le Christ alors attirera toute l’humanité à lui, 12.32, en ce sens que tous viendront à lui et recevront son enseignement, 6.35, 45 ; Isa 55.1-3 ; Sir 24.19-22, qui est, non de haine, mais d’amour mutuel, 13.34-35 ; 1 3.11-12. Le règne du Christ est celui de l’Amour et il engendre la vie, 12.49-50 ; 5.24 ; 8.51 ; 1 3.14-15. — Var. « jeté dehors ».

32 et moi, une fois élevé de terre,
je les attirerai tousf à moi. »

f Var. « tout homme » ou « tout ».

33 Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir.g

g Si les Juifs avaient eux-mêmes exécuté le Christ, ils l’auraient lapidé après l’avoir « jeté bas » du haut d’un lieu escarpé, Lc 4.29. Exécuté par les Romains, il fut « élevé » sur la croix, premier pas qui devait le mener à la droite du Père. La façon dont le Christ fut mis à mort avait donc valeur de symbole, 18.31-32.

34 La foule alors lui répondit : « Nous avons appris de la Loi que le Christ demeure à jamais. Comment peux-tu dire : « Il faut que soit élevé le Fils de l’homme » ? Qui est ce Fils de l’homme ? »h

h C’est en 3.14 que Jésus prononce cette parole. Certains proposent donc de replacer 12.34-36a après 3.14-15, ou 3.14-18.

35 Jésus leur dit :

« Pour peu de temps encore la lumière est parmi vous.
Marchezi tant que vous avez la lumière,
de peur que les ténèbres ne vous saisissent :
celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va.

i Jésus exhorte les Juifs à croire en lui avant qu’il soit trop tard, cf. 7.34.

36 Tant que vous avez la lumière,
croyez en la lumière,
afin de devenir des fils de lumière. »
Ainsi parla Jésus, et s’en allant il se cacha loin d’eux.j

j Les Juifs refusant de croire en Jésus, 12.37, celui-ci « se cache » afin qu’ils ne puissent plus le trouver, 1.39.

Conclusion : l’incrédulité des Juifs.

37 Bien qu’il eût fait tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui, 38 afin que s’accomplît la parole dite par Isaïe le prophète :

Seigneur, qui a cru à notre parole ?
Et le bras du Seigneur, à qui a-t-il été révélé ?

39 Aussi bien ne pouvaient-ils croire, car Isaïe a dit encore :

40 Il a aveuglé leurs yeux
et il a endurci leur cœur,
pour que leurs yeux ne voient pas,
que leur cœur ne comprenne pas,
qu’ils ne se convertissent pas
et que je ne les guérisse pas.

41 Isaïe a dit cela, parce qu’il eut la vision de sa gloirek et qu’il parla de lui.

k « parce qu’il eut »; var. « quand il eut ». — Allusion à la vision d’Isaïe dans le Temple, Isa 6.1-4, interprétée comme une vision prophétique de la gloire du Christ, cf. 8.56.

42 Toutefois, il est vrai, même parmi les notables, un bon nombre crurent en lui, mais à cause des Pharisiens ils ne se déclaraient pas, de peur d’être exclus de la synagogue, 43 car ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.

44 Jésus s’écria et dit :l

« Qui croit en moi,
ce n’est pas en moi qu’il croit,
mais en celui qui m’a envoyé,

l La section 12.44-50 est hors de contexte, après le jeu de scène de 12.36. Elle développe le même thème que 3.16-19, mais avec une christologie plus simple, centrée sur le thème de Jésus nouveau Moïse les vv. 47-50 dédoublent le texte de Dt 18.18-19 (avec inversion des thèmes), le v. 49a faisant aussi écho au texte de Nb 16.28, cf. 8.28-29.

45 et qui me voit
voit celui qui m’a envoyé.
46 Moi, lumière, je suis venu dans le monde,
pour que quiconque croit en moi
ne demeure pas dans les ténèbres.
47 Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas,
je ne le juge pas,
car je ne suis pas venu pour juger le monde,
mais pour sauver le monde.
48 Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles
a son juge :
la parole que j’ai fait entendre,
c’est elle qui le jugera au dernier jour ;m

m L’expression « au dernier jour » pourrait avoir été ajoutée par le dernier rédacteur, 6.39. Le verbe qui précède devrait alors se traduire au présent « qui le juge », cf. 3.18.

49 car ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé,
mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même commandé
que dire et de quoi parler ;
50 et je sais que son commandement est vie éternelle.
Ainsi donc ce dont je parle,
tel que le Père me l’a dit
j’en parle. »

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