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Bible de Jérusalem – Amos 5

Lamentation sur Israël.

5 Écoutez cette parole que je profère contre vous,
une lamentation, maison d’Israël :
2 Elle est tombée, elle ne se relèvera plus,
la vierge d’Israël !b
Elle est étendue sur son sol,
personne pour la relever !

b La nation est comparée à une vierge, emportée par la mort en pleine jeunesse sans avoir pu réaliser sa vocation de femme le mariage et la maternité, cf. Jg 11.39.

3 Car ainsi parle le Seigneur Yahvé :
la ville qui mettait en campagne mille hommes
n’en aura plus que cent,
et celle qui en mettait cent
n’en aura plus que dix,c pour la maison d’Israël.

c Le désastre sera grand. Si un « reste » subsiste, il indique ici l’ampleur de la catastrophe, cf. 1.8 ; 3.12, plutôt que l’espérance d’un salut, cf. Isa 4.3, qui n’est pas envisagé ici, cf. 5.2.

Sans conversion, point de salut.

4 Car ainsi parle Yahvé à la maison d’Israël :
Cherchez-moi et vous vivrez !d

d Fréquenter les sanctuaires peut bien s’appeler « chercher Dieu » cf. 5.5 ; Dt 12.5 ; 2 Ch 1.5. Mais Amos proclame que la seule authentique recherche de Dieu est celle qui cherche le bien et fuit le mal, 5.14. C’est elle qui conduit à la vie, 5.3, 6. — Dans d’autres textes de l’AT on « cherche » Dieu, on le « consulte » (verbe darash) en l’interrogeant, cf. 1 S 14.41, par un homme de Dieu, Gn 25.22 ; Ex 18.15 ; 1 S 9.9 ; 1 R 22, 8, ou encore en « cherchant la parole », 1 R 22.5 soit dans un livre, Isa 34.16, soit par l’intermédiaire d’un prophète, 1 R 22.7. Une autre expression (habituellement verbe biqqesh) indique plutôt que l’on cherche « la face », c’est-à-dire la présence de Yahvé, Os 5.15 ; 2 S 21.1 ; 1 Ch 16.11 (= Ps 105.4) ; Ps 24.6 ; 27.8, et, probablement dans le même sens, So 1.6 ; Os 3.5 ; 5.6 ; Ex 33.7, etc. Mais les deux expressions sont voisines si l’on cherche « la face » de Yahvé, c’est pour connaître sa volonté, et sa présence se manifeste souvent par ses oracles. Cette « recherche de Yahvé » est une démarche religieuse essentielle dans l’AT. Dans le NT, il faut équivalemment « chercher le Royaume », Mt 6.33.

5 Mais ne cherchez pas Béthel,
n’allez pas à Gilgal,
ne passez pas à Bersabée ;e
car Gilgal ira en déportation
et Béthel deviendra néant.f

e Célèbre comme lieu de culte des Patriarches, Gn 21.31-33 ; 26.23-25.

f Il y a une allitération entre le nom de Gilgal et la définition du sort qui l’attend (« ira en exil » galoh yigeleh), et un jeu de mot sur le nom de Béthel, « maison de Dieu », devenue « maison du néant » (awen , cf. Os 4.15).

6 Cherchez Yahvé et vous vivrez,
de peur qu’il ne fonde comme le feu sur la maison de Joseph,
qu’il ne dévore, et personne à Béthel pour éteindre !
7 Ils changent le droit en absinthe
et jettent à terre la justice.g

g Il faut peut-être corriger le texte et lire au lieu de « Ils changent » « Malheur à ceux qui changent », cf. 5.18 ; 6.1. En tout cas la doxologie des vv. 8-9 (qui a été ajoutée plus tard, peut-être dans un but liturgique, et qui est un fragment d’hymne comme 4.13 ; 9.5-6) sépare malencontreusement les versets 7 et 10 qui se suivaient primitivement.

Doxologie.

8 C’est lui qui fait les Pléiades et Orion,
qui change en matin les ténèbres
épaisses
et obscurcit le jour comme la nuit ;
lui qui appelle les eaux de la mer
et les répand sur la face de la terre ;h
Yahvé est son nom.

h Soit pour inonder la terre, Jb 12.15, et la ramener à l’état primitif, Ps 104.5-9, soit pour lui distribuer la pluie fécondante, Jb 36.27-28.

9 Il déchaîne la dévastation sur celui qui est fort,
et la dévastation arrive sur la citadelle.i

i Le texte de ce v. est incertain, mais on y reconnaît le thème de l’abaissement des puissants, cf. 1 S 2.4, 7 ; Lc 1.51-52.

Menaces.

10 Ils haïssent quiconque réprimande à la Porte,
ils abhorrent celui qui parle avec intégrité.
11 Eh bien ! puisque vous piétinez le
faible
et que vous prélevez sur lui un tribut de froment,
ces maisons en pierres de taille que vous avez bâties,
vous n’y habiterez pas ;
ces vignes délicieuses que vous avez plantées,
vous n’en boirez pas le vin.
12 Car je sais combien nombreux sont vos crimes, énormes vos péchés,
oppresseurs du juste, extorqueurs de rançons,
vous qui, à la Porte, déboutez les pauvres.
13 Voilà pourquoi l’homme avisé se tait en ce temps-ci,j
car c’est un temps de malheur.

j Pour ne pas être persécuté par les dirigeants sans scrupules. Ce v. est peut-être une glose.

Exhortations.

14 Recherchez le bien et non le mal,
afin que vous viviez,
et qu’ainsi Yahvé, Dieu Sabaot, soit avec vous, comme vous le dites.k

k Israël croit que son élection lui assure la protection inconditionnée de Yahvé, 5.18 ; 9.10 ; Mi 3.11.

15 Haïssez le mal, aimez le bien,
et faites régner le droit à la Porte ;
peut-être Yahvé, Dieu Sabaot, prendra-t-il en pitié
le reste de Joseph !l

l C’est-à-dire le royaume du Nord amoindri par tous les châtiments dont Yahvé l’a frappé, 4.6-11, et va le frapper encore, 5.3. Premier emploi prophétique de la doctrine du reste sauvé. Cf. Isa 4.3. Mais alors que pour Isaïe ce salut est certain, ici il reste très hypothétique et Amos parle de ce salut avec scepticisme. Il sera plus affirmatif en 9.8-9.

Imminence du châtiment.

16 C’est pourquoi, ainsi parle Yahvé,
le Dieu Sabaot, le Seigneur :
Sur toutes les places il y aura des lamentations,
et dans toutes les rues, on dira « Hélas ! Hélas ! »
On convoquera le laboureur au deuil
et aux lamentations ceux qui savent gémir ;m

m On restitue l’ordre des mots troublé dans l’hébr. (litt. « les lamentations à ceux qui savent gémir »).

17 dans toutes les vignes il y aura des lamentations,
car je vais passer au milieu de toi,
dit Yahvé.

Le Jour de Yahvé.

18 Malheur à ceux qui soupirent après le jour de Yahvé !n
Que sera-t-il pour vous, le jour de Yahvé ?
Il sera ténèbres, et non lumière.

n Israël, confiant en sa prérogative de peuple choisi, Dt 7.6, attend une intervention de Dieu qui ne peut être que favorable. Le prophète oppose, à ce Jour de Yahvé attendu, la conception prophétique du Jour de Yahvé, jour de colère, So 1.15 ; Ez 22.24 ; Lm 2.22, contre Israël endurci dans son péché ténèbres, pleurs, massacres, épouvante, 5.18-20 ; 2.16 ; 8.9-10, 13 ; Isa 2.6-21 ; Jr 30.5-7 ; So 1.14-18, cf. Jl 1.15-20 ; 2.1-11. Tous ces textes font entendre la menace d’une invasion dévastatrice (Assyriens, Chaldéens). Pendant l’Exil, le Jour de Yahvé devient objet d’espérance ; la colère de Dieu se retourne contre tous les oppresseurs d’Israël, Ab 15 Babylone, Isa 13.6, 9 ; Jr 50.27 ; 51.2 ; Lm 1.21, l’Égypte, Isa 19.16 ; Jr 46.10, 21 ; Ez 30.2, la Philistie, Jr 47.4, Édom, Isa 34.8 ; 63.4 ; ce jour marque donc la restauration d’Israël, déjà 9.11, aussi Isa 11.11 ; 12.1 ; 30.26 ; cf. Jl 3.4 ; 4.1. Après l’Exil, le Jour de Yahvé tend à devenir un « jugement » assurant le triomphe des justes et la ruine des pécheurs, Ml 3.19-23 ; Jb 21.30 ; Pr 11.4, dans une perspective nettement universaliste, Isa 26.20—27.1 ; 33.10-16. Voir enfin Mt 24.1. — Sur les signes cosmiques qui accompagnent le Jour de Yahvé, cf. 8.9.

19 Tel l’homme qui fuit devant un lion
et tombe sur un ours !
Il entre à la maison, appuie sa main au mur,
et un serpent le mord !
20 N’est-il pas ténèbres, le jour de Yahvé, et non lumière ?
Il est obscur et sans clarté !

Contre le culte extérieur.o

21 Je hais, je méprise vos fêtes
et je ne puis sentir vos réunions solennelles.

o Les prophètes se sont souvent insurgés contre l’hypocrisie religieuse on se croit en règle avec Dieu parce qu’on a accompli certains rites cultuels (sacrifices, jeûnes) en méprisant les préceptes les plus élémentaires de justice sociale et d’amour du prochain, 1 S 15.22 ; Isa 1.10-16 ; 29.13-14 ; 58.1-8 ; Os 6.6 ; Mi 6.5-8 ; Jr 6.20 ; Jl 2.13 ; Za 7.4-6 ; cf. Ps 40.7-9 ; 50.5-15 ; Ps 51.18-19. Les Psalmistes, en mettant l’accent sur les sentiments intérieurs qui doivent inspirer le sacrifice, obéissance, action de grâces, contrition, et le Chroniste, en insistant sur le rôle du chant liturgique, expression des dispositions de l’âme, dans le culte sacrificiel, réagiront aussi contre le formalisme du culte. Le NT donnera les formules définitives Lc 11.41-42 ; Mt 7.21 ; Jn 4.21-24.

22 Quand vous m’offrez des holocaustes...p
vos oblations, je ne les agrée pas,
le sacrifice de vos bêtes grasses, je ne le regarde pas.

p Ou il manque un stique, ou le début du v. 22 est une glose inachevée.

23 Écarte de moi le bruit de tes cantiques,
que je n’entende pas la musique de tes harpes !q

q Les cérémonies religieuses comportaient chants et musique, 1 S 10.5 ; 2 S 6.5, 15.

24 Mais que le droit coule comme de l’eau,
et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas.
25 Des sacrifices et des oblations, m’en avez-vous présentés au désert,
pendant quarante ans, maison d’Israël ?r

r Amos, comme Osée, Os 2.16-17 ; 9.10, et Jérémie, Jr 2.2-3, voit donc dans les temps du désert l’époque idéale des relations de Yahvé et de son peuple, cf. Os 2.16. Les conditions de la vie nomade et la législation rudimentaire ne laissaient alors au culte qu’une faible importance, cf. Jr 7.22. On pouvait donc plaire à Yahvé avec un culte pauvre, mais sincère.

26 Vous emporterez Sikkut, votre roi,
et l’étoile de votre dieu, Kiyyûn,
ces images que vous vous êtes fabriquées ;s

s Sikkut, Kiyyûn ces noms de divinités babyloniennes sont vocalisés comme shiqquç « abomination, idole ». Il s’agit de Sakkut (sag-kud), le dieu Ninurta, associé à Saturne, et de Kayamanu « permanent », une des appellations de Saturne. Ces cultes astraux ont pu être introduits dans le royaume du Nord par les Araméens. L’hébr. décale « l’étoile de votre dieu » (glose possible) après « ces images ».

27 et je vous déporterai par-delà Damas,t
dit Yahvé — Dieu Sabaot est son nom.

t C’est-à-dire en Assyrie.

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