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Bible de Jérusalem – Jean 5

2. DEUXIÈME FÊTE À JÉRUSALEM
  (PREMIÈRE OPPOSITION À LA RÉVÉLATION)

Guérison d’un infirme à la piscine de Bethzatha.

5 Après cela, il y eut une fête des Juifsx et Jésus monta à Jérusalem.

x Var. « la fête ». L’évangéliste ne dit pas de quelle fête il s’agit.

2 Or il existe à Jérusalem une piscine Probatique, qui se dit en hébreu Bethzathay et qui a cinq portiques.z

y Le texte suivi est donné par le Sinaïticus et Eusèbe de Césarée, soutenus par des manuscrits latins. Le grec « Probatikê » et l’araméen « Bethzatha » font tous deux référence aux « brebis ». Pour la construction de la phrase, voir 19.17 ; cf. 19.13. Le texte alexandrin donnerait « près de la (porte) Probatique, cf. Ne 3.1, 32 ; 12.39, une piscine qui est dite en hébreu Bethsaïde, cf. 1.44 ». « En hébreu » le mot qui suit n’est pas de l’hébreu, mais de l’araméen, la langue de la Palestine du temps de Jésus ; de même en 19.13, 17 ; 20.16.

z Cette description n’est qu’approximative. Un mur épais coupait bien le quadrilatère en deux bassins, mais les fouilles n’ont trouvé aucun vestige des colonnes qui constituaient un « portique » ancien. À l’est de ces deux bassins, profonds de 13 mètres, se trouvaient d’autres bassins plus petits attestant la présence d’un sanctuaire païen de guérison. Tandis que les dieux du paganisme ne guérissaient que le corps (la réalité de ces guérisons n’est pas mise en doute), Jésus peut guérir « l’homme tout entier », 7.23 ; cf. 5.14.

3 Sous ces portiques gisaient une multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents, qui attendaient le bouillonnement de l’eau. 4 Car l’ange du Seigneur se lavaita par moments dans la piscine et agitait l’eau ; le premier alors à y entrer, après que l’eau avait été agitée, recouvrait la santé, quel que fût son mal.

a Ou encore, selon la leçon probablement primitive « un ange se lavait ». — La fin du v. 3 et le v. 4 sont omis par la tradition alexandrine on a jugé trop étrange l’idée d’un ange « se lavant » dans une piscine. Mais le v. 4 est nécessaire à l’intelligence du récit (v. 7). La mention de « l’ange du Seigneur » pourrait avoir pour but de « judaïser » le sanctuaire païen.

5 Il y avait là un homme qui était infirme depuis trente-huit ans. 6 Jésus, le voyant étendu et apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : « Veux-tu recouvrer la santé ? »

7 L’infirme lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine, quand l’eau vient à être agitée ; et, le temps que j’y aille, un autre descend avant moi. » 8 Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche. »

9 Et aussitôt l’homme recouvra la santé ; il prit son grabat et il marchait.
Or c’était le sabbat, ce jour-là. 10 Les Juifs dirent donc à celui qui venait d’être guéri : « C’est le sabbat. Il ne t’est pas permis de porter ton grabat. » 11 Il leur répondit : « Celui qui m’a rendu la santé m’a dit : Prends ton grabat et marche. » 12 Ils lui demandèrent : « Quel est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat et marche ? » 13 Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; Jésus en effet avait disparu, car il y avait foule en ce lieu. 14 Après cela, Jésus le rencontre dans le Temple et lui dit : « Voilà tu as recouvré la santé ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive pire encore. » 15 L’homme s’en fut révéler aux Juifs que c’était Jésus qui lui avait rendu la santé. 16 C’est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus : parce qu’il faisait ces choses-là le jour du sabbat.b

b Le texte rejeté en 7.19-23 formait la conclusion primitive de cet épisode. Celle de 5.17-18 est donc de rédaction postérieure.

17 Mais il leur répondit : « Mon Père est à l’œuvre jusqu’à présent et j’œuvre moi aussi. »c

c La pensée juive peinait à concilier le repos de Dieu après la création, repos dont le sabbat est l’image, Gn 2.2s, avec son activité constante dans le gouvernement du monde. On distinguait l’activité du Créateur, qui a pris fin, et l’activité du Juge, qui ne cesse jamais. Jésus identifie sa propre activité à celle du souverain Juge. De là l’indignation des Juifs et le discours par lequel Jésus justifie sa prétention. Cf. Lc 6.5 ; et surtout Mt 12.1-8 ; etc.

18 Ainsi les Juifs n’en cherchaient que davantage à le tuer, puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu.

Discours sur l’œuvre du Fils.

19 Jésus reprit donc la parole et leur dit :

« En vérité, en vérité, je vous le dis,
le Fils ne peut rien faire de luimême,
qu’il ne le voie faire au Père ;
ce que fait celui-ci,
le Fils le fait pareillement.
20 Car le Père aime le Fils,
et lui montre tout ce qu’il fait ;
et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci,
à vous en stupéfier.
21 Comme le Père en effet ressuscite les morts
et leur redonne vie,
ainsi le Fils donne vie à qui il veut.
22 Car le Père ne juged personne ;
il a donné au Fils le jugement tout entier,e

d Le pouvoir sur la vie et la mort est aussi l’expression du suprême pouvoir judiciaire.

e Ce texte se concilie difficilement avec des passages tels que 3.17-18 ; 12.47-48 : ce n’est pas le Christ qui juge ; le jugement, ou séparation entre les hommes, est déjà effectué, 5.24, par le fait même qu’ils acceptent ou refusent le Christ-Lumière, 3.19-21. En fait, les textes sur le « jugement » appartiennent à des couches rédactionnelles différentes jugement eschatologique, au dernier jour, cf. 5.27-29, et jugement déjà réalisé.

23 afin que tous honorent le Fils
comme ils honorent le Père.
Qui n’honore pas le Fils
n’honore pas le Père qui l’a envoyé.
24 En vérité, en vérité, je vous le dis,
celui qui écoute ma parole
et croit à celui qui m’a envoyé
a la vie éternelle
et ne vient pas en jugement,
mais il est passé de la mort à la vie.
25 En vérité, en vérité, je vous le dis,
l’heure vient — et c’est maintenant —
où les mortsf entendront la voix du Fils de Dieu,
et ceux qui l’auront entendue vivront.

f Les morts spirituels.

26 Comme le Père en effet a la vie en lui-même,
de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même
27 et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement
parce qu’il est Fils d’homme.
28 N’en soyez pas étonnés,
car elle vient l’heure
où tous ceux qui sont dans les tombeaux
entendront sa voix
29 et sortiront :g
ceux qui auront fait le bien,
pour une résurrection de vie,
ceux qui auront fait le mal,
pour une résurrection de jugement.

g Les vv. 27-29, de l’ultime rédacteur, cf. introduction, réinterprètent les vv. 24-25 en fonction de Dn 12.2, lieu classique affirmant la résurrection des morts à la fin des temps.

30 Je ne puis rien faire de moi-même.
Je juge selon ce que j’entends :h
et mon jugement est juste,
parce que je ne cherche pas ma volonté,
mais la volonté de celui qui m’a envoyé.

h Jésus entend le Père.

31 Si je me rends témoignage à moi-même,
mon témoignage n’est pas valable.i

i Opposer 8.13-14, 18. Ces textes relèvent de traditions différentes. — Tout prophète devait pouvoir justifier l’authenticité de sa mission par Dieu, Ex 4.1-9 ; cf. 6.30. Jésus rassemble ici les divers « témoignages » en sa faveur, qui tous proviennent de Dieu (v. 32) celui du Baptiste (vv. 33-35), celui des miracles (v. 36), celui du Père (vv. 37-38) et celui des Écritures (v. 39). Malgré ces témoignages, les Juifs refusent de croire en lui (vv. 40-44) ; ils seront accusés par Moïse lui-même, en qui ils mettent leur espoir (vv. 45-47). Une fois que le Christ sera remonté vers son Père, ce sera l’Esprit qui témoignera, 15.26 ; cf. 16.7-11, et à son témoignage se joindra celui des disciples, 15.26 ; 21.24 ; Ac 5.32.

32 Un autrej témoigne de moi,
et je sais qu’il est valable
le témoignage qu’il me rend.

j Le verbe qui suit étant au présent, il s’agit du Père, cf. 8.18, et non du Baptiste comme le voudrait la variante « vous savez » au lieu de « je sais ».

33 Vous avez envoyé trouver Jean
et il a rendu témoignage à la vérité.
34 Quant à moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage ;
mais je dis cela pour que vous, vous soyez sauvés.
35 Celui-là était la lampe qui brûlek et qui luit,
et vous avez voulu vous réjouir une heure à sa lumière.

k Allusion à Si 48.1 le Baptiste joue le rôle d’Élie revenu sur terre pour manifester Jésus en tant que Christ, 1.31. Cf. Lc 1.17 qui cite Ml 3.1, 23.

36 Mais j’ai plus grand que le témoignage de Jean :
en effet, les œuvresl que le Père m’a donné
à mener à bonne fin,
les œuvres mêmes que je fais,
témoignent à mon sujet que le Père m’a envoyé.

l Lorsqu’il fait allusion à ses miracles, Jésus ne parle pas de « signes », 2.11, mais d’« œuvres », en référence à Nb 16.28. Comme Moïse, il ne les accomplit pas « de lui-même »; il ne fait qu’imiter le Père, 5.19, jusqu’à redonner vie aux morts, 5.20-21. Ces œuvres témoignent donc que c’est Dieu qui agit dans et par le Christ, 10.25, 37-38 ; cf. 9.3-4. Ne pas croire malgré les « œuvres » ou malgré les paroles du Christ constitue le péché par excellence, 15.22, 24.

37 Et le Père qui m’a envoyé,
lui, m’a rendu témoignage.m
Vous n’avez jamais entendu sa voix,
vous n’avez jamais vu sa face,

m Ici, le parfait du verbe s’oppose au présent du v. 32 ; allusion à un fait passé le Père a rendu témoignage au Christ lors de son baptême, Mt 3.17.

38 et sa parole, vous ne l’avez pas à demeure en vous,
puisque vous ne croyez pas
celui qu’il a envoyé.

39 Vous scrutez les Écritures
parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle,n
et ce sont elles qui me rendent témoignage,o

n Les « Écritures » sont source de vie parce qu’elles nous transmettent la Parole de Dieu, cf. Dt 4.1 ; 8.1, 3 ; 30.15-20 ; 32.46s ; Ba 4.1 ; Ps 119 ; etc.

o Jésus est le centre et la fin des Écritures, cf. 1.45 ; 2.22 ; 5.39, 46 ; 12.16, 41 ; 19.28, 36 ; 20.9.

40 et vous ne voulez pas venir à moi
pour avoir la vie !
41 De la gloire, je n’en reçois pas qui vienne des hommes ;
42 mais je vous connais :
vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu ;
43 je suis venu au nom de mon Père
et vous ne m’accueillez pas ;
qu’un autre vienne en son propre nom,
celui-là, vous l’accueillerez.
44 Comment pouvez-vous croire,
vous qui recevez votre gloire les uns des autres,
et ne cherchez pas
la gloire qui vient du Dieu unique.p

p Var. « de l’Unique ».

45 Ne pensez pas que je vous accuserai auprès du Père.
Votre accusateur, c’est Moïse,
en qui vous avez mis votre espoir.
46 Car si vous croyiez Moïse,
vous me croiriez aussi,
car c’est de moi qu’il a écrit.
47 Mais si vous ne croyez pas à ses écrits,
comment croirez-vous à mes paroles ? »

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