1 Il y avait un homme de Ramatayim-Çophim,b de la montagne d’Éphraïm, qui s’appelait Elqana, fils de Yeroham, fils d’Élihu, fils de Tohu, fils de Çuph, un Éphratéen.
a Les chap. 1-3 sont une composition littéraire unifiée ; on peut y découvrir une tradition silonite qui gravite autour de trois éléments : 1° naissance de Samuel et son entrée au sanctuaire de Silo ; 2° les fils d’Éli ; 3° la révélation de Yahvé à Samuel. Seuls le premier et le troisième concernent la personne de Samuel. La faute des fils d’Éli domine le deuxième élément, fait contraste avec la fidélité de Samuel et appelle le châtiment divin. Ce récit est ancien et conserve de bons souvenirs historiques.
b Appelée plus loin Rama (1.19 ; 2.11), cette ville était habitée par un groupe qui se réclamait d’un ancêtre Çuph. On ne doit pas la confondre avec Rama de Benjamin (Jos 18.25 ; 1 R 15.17, 21-22).
c L’interprétation « Yahvé des armées » (qu’il s’agisse des armées d’Israël ou des armées célestes, astres, anges, ou de toutes les forces cosmiques) n’est pas assurée. Le titre apparaît pour la première fois ici et il est lié au culte de Silo ; l’expression « Yahvé Sabaot qui siège sur les chérubins » se rencontrera pour la première fois en 4.4, à propos de l’arche amenée de Silo. Ce titre est resté attaché au rituel de l’arche et est entré avec celle-ci à Jérusalem, 2 S 6.2, 18 ; 7.8, 27. Il a été repris par les grands prophètes (sauf Ézéchiel), par les prophètes post-exiliques (surtout Zacharie) et dans les Psaumes.
d Aujourd’hui Seilûn, env. 20 km au sud de Naplouse. L’arche y fut installée au temps des Juges, peut-être déjà sous Josué, cf. Jos 18.1, dans un sanctuaire qui fut détruit, cf. Jr 7.12 ; 26.6, 9 ; Ps 78.60, probablement par les Philistins après la défaite racontée à 4. Le pèlerinage annuel est celui de la fête des Tentes.
4 Le jour où Elqana sacrifiait, il donnait des parts à sa femme Peninna et à tous ses fils et filles,
e Le sanctuaire de Silo est considéré comme un bâtiment qui se présente sur le modèle de celui de Jérusalem, cf. 1.9 ; 3.3.
9 Anne se leva après qu’on eut mangé et après qu’on eut bu. Le prêtre Éli était assis sur son siège, contre le montant de la porte du sanctuaire de Yahvé.
f Samuel sera le fils accordé par Dieu à une mère stérile, comme Isaac, Samson, Jean-Baptiste. L’enfant à naître est voué par sa mère à Yahvé, comme serviteur du sanctuaire. Les cheveux longs seront le signe de cette consécration, comme pour Samson. Mais il n’est pas dit expressément de Samuel qu’il sera nazîr, cf. Nb 6.1, comme il est dit de Samson, Jg 13.5.
12 Comme elle prolongeait sa prière devant Yahvé, Éli observait sa bouche.
13 Anne parlait tout bas : ses lèvres remuaient mais on n’entendait pas sa voix, et Éli pensa qu’elle était ivre.g
g On priait normalement à haute voix ; et les fêtes donnaient lieu parfois à des excès de boisson, Isa 22.13 ; Am 2.8. D’où la méprise d’Éli.
h Littéralement « dure d’esprit ». L’expression peut traduire l’obstination, mais aussi l’affliction.
19 Ils se levèrent de bon matin et, après s’être prosternés devant Yahvé, ils s’en retournèrent et arrivèrent chez eux, à Rama. Elqana connut Anne sa femme, et Yahvé se souvint d’elle.
i Cette explication par la racine sha ’al, « demander », devrait conduire au nom de sha ’ul, « Saül ». L’étymologie biblique se contente ici d’une vague assonance. « Samuel » s’explique plutôt par Shem-El, « le Nom de Dieu » ou « le Nom (de Dieu) est El ».
21 Le mari Elqana monta, avec toute sa famille, pour offrir à Yahvé le sacrifice annuel et accomplir son vœu.
j Les enfants étaient sevrés tard.
k Les versions et Qumrân ont « ta parole », mais le souhait d’Elqana ne fait que prolonger celui d’Éli (v. 17).
24 Lorsqu’elle l’eut sevré, elle le fit monter avec elle, en même temps qu’un taureau de trois ans,l une mesure de farine et une outre de vin, et elle le fit entrer dans le temple de Yahvé à Silo ; l’enfant était tout jeune.
l « un taureau de trois ans » grec, syr. ; « trois taureaux » hébr. ; mais cf. v. 25.
m Le verbe est au masc. sing. sans sujet exprimé. Celui-ci peut-être soit Éli à qui Anne vient de s’adresser (v 26-28a), soit Samuel.
2 Anne pria et dit :
« Mon cœur exulte en Yahvé,
ma corne s’élève en Yahvé,
ma bouche est large ouverte contre mes ennemis,
car je me réjouis en ton secours.
n Ce cantique a été appelé « le prototype du Magnificat », mais l’accent du Magnificat est beaucoup plus personnel. C’est un psaume de l’époque monarchique qui traduit l’espérance des « pauvres », cf. So 2.3, et se termine par l’évocation du Roi-Messie. Il a été mis dans la bouche d’Anne à cause de l’allusion du v. 5 à la « femme stérile ». — Texte corrigé aux vv. 1, 3, 5, 10.
2 Point de Saint comme Yahvé
(car il n’y a personne excepté toi),
point de Rocher comme notre Dieu.
3 Ne multipliez pas les paroles hautaines,
que l’arrogance ne sorte pas de votre bouche.
car Yahvé est un Dieu plein de savoir
et par lui les actions sont pesées.
4 L’arc des puissants est brisé,
mais les défaillants se ceignent de force.
5 Les rassasiés s’embauchent pour du pain,
mais les affamés cessent de travailler.o
La femme stérile enfante sept fois,
mais celle qui a de nombreux fils se flétrit.
o « De travailler » (`abod) conj. ; « jusqu’à » (`ad) hébr.
6 C’est Yahvé qui fait mourir et vivre,
qui fait descendre au shéol et en remonter.
7 C’est Yahvé qui appauvrit et qui enrichit,
qui abaisse et aussi qui élève.
8 Il retire de la poussière le faible,
du fumier il relève le pauvre,
pour les faire asseoir avec les nobles
et leur assigner un siège d’honneur ;
car à Yahvé sont les piliers de la terre,
sur eux il a posé le monde.
9 Il garde les pas de ses fidèles,
mais les méchants disparaissent dans les ténèbres
(car ce n’est pas par la force que l’homme triomphe).
10 Yahvé, ses ennemis sont brisés,
le Très-Hautp tonne dans les cieux.
Yahvé juge les confins de la terre,
il donne la force à son Roi,
il élève la corne de son Oint. »
p « Le Très Haut » (`elyôn) conj. ; « contre lui » (’alaw) hébr.
11 Elqana partit pour Rama, dans sa maison, mais l’enfant était au service de Yahvé, en présence du prêtre Éli.
12 Or les fils d’Éli étaient des vauriens ; ils ne connaissaient pas Yahvé.
q Les fils d’Éli ne tiennent pas compte des règles qui fixaient la part des prêtres, cf. Lv 7.28s ; Nb 18.8s ; Dt 18.35.
r Le blâme s’étend à l’ensemble des Israélites qui acceptent la situation créée par les fils d’Éli.
18 Samuel était au service de la face de Dieu,s servant revêtu de l’éphod de lin.
s La formule est proche de celle de 2.11, mais souligne déjà le lien entre Yahvé et Samuel. L’éphod de lin est normalement un vêtement sacerdotal, cf. 22.18 ; 2 S 6.14. Le texte voudrait-il laisser entendre que Samuel était prêtre ? La suite du texte ne le dit pas. C’est sans doute une autre manière de dire que Samuel l’emporte sur Éli et ses fils.
19 Sa mère lui faisait un petit manteau qu’elle lui apportait chaque année, lorsqu’elle montait avec son mari pour offrir le sacrifice annuel.
t Littéralement « à la place de la demande ». Le vieux prêtre ratifie au nom de Dieu la demande d’Anne.
22 Éli était très âgé, mais il entendait parler de tout ce que ses fils faisaient envers Israëlu et qu’ils couchaient avec les femmes qui se tenaient à l’entrée de la tente de la rencontre.
u Le second reproche accable un peu plus le sacerdoce de Silo en reprenant une expression d’Ex 38.8, mais il est absent du grec.
« Pourquoi faites-vous de pareilles choses, de mauvaises chosesv dont j’entends parler par tout le peuple ?
v La précision « de mauvaises choses » est propre à l’hébr. qui porte ainsi un jugement sur la conduite des fils d’Éli et se présente comme une glose.
w Comme ailleurs dans la Bible, Ex 4.21 ; Jos 11.20 ; Isa 6.9-10, etc., l’endurcissement du pécheur est rapporté à Yahvé comme à la cause première. Mais cette manière de parler ne prétend nullement nier la liberté humaine.
26 Quant au jeune Samuel, il progressait en taille et en beauté tant auprès de Yahvé qu’auprès des hommes.
27 Un homme de Dieu vint chez Éli et lui dit : « Ainsi parle Yahvé. Me suis-je vraiment révélé à la maison de ton père quand ils étaient en Égypte, appartenant à la maison de Pharaon ?
x Cet épisode est une insertion tardive, il fait double emploi avec 3.11-14. La mort d’Hophni et de Pinhas, 4.11, ne sera que le « présage », v. 34, des malheurs futurs annoncés au v. 33 massacre des prêtres de Nob, descendants d’Éli, 22.18-19, sauf Ébyatar, 22.22-23, qui sera destitué par Salomon, 1 R 2.27 ; au v. 35, substitution de la famille de Sadoq qui, à partir de Salomon, gardera la faveur du roi, « l’oint du Seigneur »; mais le v. 36 ne correspond pas à la situation décrite en 2 R 23.9 et la composition pourrait être antérieure au règne de Josias.
y Ce n’est pas un vêtement qu’on ceint, comme l’éphod du v. 18, c’est un objet qu’on « porte » ou qu’on « apporte », 14.3 ; 23.6 ; 30.7, et qui contient les sorts sacrés par lesquels on consulte Yahvé, 14.18s ; 23.9s ; 30.8, voir 14.41. Il apparaît à l’époque des Juges, Jg 17.5 ; 18.14s (l’éphod de Gédéon, Jg 8.26s, sera condamné comme un symbole idolâtrique) et il n’est plus mentionné dans les récits postérieurs à David (une allusion en Os 3.4).
z Terme dépourvu de préposition qui semble être une désignation poétique du sanctuaire de Jérusalem, cf. Ps 26.8 ; 68.6.
a La promesse de Dieu est ici mise en question par le péché des prêtres de Silo.
b Littéralement « ta vie te consumera ».
34 Tel sera pour toi le signe : ce qui arrivera à tes deux fils, Hophni et Pinhas ; le même jour, ils mourront tous deux.