12 Yahvé dit à Moïse et à Aaron au pays d’Égypte :
p Ce long passage, 12.1—13.16, réunit pour la première fois narration, 12.28-42, 50-51, et législation-instruction. Le récit, noyau du développement, contient surtout des éléments de tradition yahviste, 12.29-30, 32-34, 37-39, mais aussi certains de tradition élohiste, 12.31, sacerdotale, 12.28, 40-42, 50-51, ou particulière, 12.35-36. Dans leur ensemble, les lois rituelles sont plus récentes si 12.21-23 pourrait appartenir à la tradition yahviste, 12.1-10, 43-49 et, peut-être, 13.1-2 font partie de la tradition sacerdotale ou de ses compléments et les vv. 28 et 50-51 Sont un cadre pour la législation sur la Pâque et les Azymes. C’est la mention de la pâte non levée, 12.34, 39, et de la mort des premiers-nés des Égyptiens, 12.29, ainsi que la liaison ultérieure de la Pâque avec la sortie d’Égypte qui ont donné leur point d’attache aux lois et instructions sur la Pâque, 12.1-14, 21-27a, 43-49, sur les Azymes, 12.15-20 ; 13.3-10, et sur les premiers-nés, 13.1-2, 11-16. 12.24-27 et 13.3-16 ont un langage qui rappelle la tradition deutéronomique ou deutéronomiste. Ces lois rituelles sont à comparer à Lv 23.5-8 ; Nb 28.16-25 et Dt 16.1-8. Si le texte semble dire que les célébrations de la Pâque et des Azymes sont nées avec la sortie d’Égypte, en réalité il s’agit de deux fêtes originairement distinctes, les Azymes étant une fête agricole qui n’a commencé à être célébrée qu’en Canaan, et qui n’a été unie à la fête de Pâque qu’après la réforme de Josias. La Pâque, d’origine préisraélite, est une fête annuelle de pasteurs nomades, pour le bien des troupeaux. Le début du récit ancien, v. 21, qui la mentionne sans explication, suppose qu’elle était déjà connue, et c’est vraisemblablement la « fête de Yahvé » que Moïse demandait au Pharaon la permission de célébrer, cf. 5.1. Ainsi la liaison entre la Pâque, la dixième plaie et la sortie d’Égypte serait seulement occasionnelle cette sortie a pu avoir lieu au moment de la fête. Mais cette coïncidence temporelle justifie que les additions deutéronomisantes d’12.24-27 ; 13.3-10 expliquent la fête de Pâque (et des Azymes) comme le mémorial de la sortie d’Égypte, cf. le Dt lui-même, 16.1-3. La tradition sacerdotale rapporte tout le rituel de la Pâque à la dixième plaie et à la sortie d’Égypte, 12.11-14, 42. La liaison est d’ailleurs plus ancienne, car le récit yahviste, 12.34, 39, met le vieux rite pascal des pains sans levain en rapport avec la sortie d’Égypte. Mis en relation historique avec cet événement décisif de la vocation d’Israël, ces rites acquirent une signification religieuse entièrement nouvelle ils exprimèrent le salut apporté au peuple par Dieu, comme l’expliquait l’instruction qui accompagnait la fête, 12.26-27 ; 13.8. La Pâque juive préparait ainsi la Pâque chrétienne le Christ, agneau de Dieu, est immolé (la Croix) et mangé (la Cène), dans le cadre de la Pâque juive (la Semaine Sainte). Il apporte ainsi le salut au monde, et le renouvellement mystique de cet acte de rédemption devient le centre de la liturgie chrétienne qui s’organise autour de la Messe, sacrifice et repas.
q Le premier mois du printemps, correspondant à notre mars-avril, qui s’appelait Abib dans l’ancien calendrier, Dt 16.1, et s’appellera Nisân dans le calendrier postexilique d’origine babylonienne.
r Littéralement « entre les deux soirs », c’est-à-dire soit entre le coucher du soleil et la nuit complète (samaritains), soit entre le déclin et le coucher du soleil (pharisiens et Talmud).
s C’est-à-dire les pains sans levain, cf. v. 1.
t Pour éviter la profanation. Le grec ajoute « On n’en brisera pas un os », cf. v. 46.
43 Yahvé dit à Moïse et à Aaron : « Voici le rituel de la pâque :d aucun étranger n’en mangera.
d La victime, non la fête. Les vv. 43-50 précisent dans quelles conditions ceux qui n’appartiennent pas à Israël pourront prendre part à la manducation de la pâque et comment celle-ci doit être apprêtée. Ces dispositions complètent le rituel sacerdotal des vv. 3-11. L’Israélite y est considéré comme le « citoyen du pays », v. 48, le véritable autochtone en Canaan.
47 Toute la communauté d’Israël la fera.
e L’étranger fixé en Israël, le ger , a un statut spécial, comme le métèque à Athènes, l’incola à Rome. Les Patriarches ont été ainsi des étrangers en résidence en Canaan, Gn 23.4 ; les Israélites le furent en Égypte, Gn 15.13 ; 2.22. Après la conquête de la Terre Sainte, les rôles sont renversés les Israélites sont les citoyens du pays et accueillent les étrangers en résidence, Dt 10.19. Ces étrangers domiciliés sont soumis aux lois, Lv 17.15 ; 24.16-22, astreints au sabbat, 20.10 ; Dt 5.14. Ils sont admis à faire des offrandes à Yahvé, Nb 15.15-16, et à célébrer la Pâque, Nb 9.14, mais ils doivent alors être circoncis, ici 12.48. Ainsi se prépare le statut des prosélytes de l’époque grecque, cf. déjà Isa 14.1. Ce sont des « économiquement faibles » que la loi protège, Lv 23.22 ; 25.35 ; Dt 24 passim ; 26.12. Ce dernier texte et Dt 12.12 les assimilent aux lévites qui, eux non plus, n’ont pas de part en Israël ; déjà Jg 17.7 appelle le lévite de Bethléem un « résident étranger » en Juda ; comp. Jg 19.1. Dans la version grecque, le ger deviendra le « prosélyte », Mt 23.15.