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Bible de Jérusalem

Luc 9.51-18.14

IV. La montée vers Jérusalemq

Mauvais accueil d’un bourg de Samarie.

51 Or il advint, comme s’accomplissait le temps où il devait être enlevé,r qu’il prit résolument le chemin de Jérusalem

q De 9.51 à 18.14 s’écarte de Mc et rassemble, dans le cadre littéraire, fourni par Mc 10.1, d’une montée vers Jérusalem, 9.53, 57 ; 10.1 ; 13.22, 33 ; 17.11 ; cf. 2.38, des matériaux qu’il a puisés dans un Recueil également utilisé par Mt et dans d’autres traditions qui lui sont propres. Tandis que Mt a dépecé ce Recueil pour en répartir les fragments dans tout son évangile, a préféré le reproduire en bloc, précisément dans cette section 9.51—18.14, dont il fournit l’apport principal.

r L’« enlèvement » ou « assomption » de Jésus, cf. 2 R 2.9-11 ; Mc 16.19 ; Ac 1.2, 10-11 ; 1 Tm 3.16, comprend les derniers jours de sa destinée souffrante et les premiers de sa destinée glorieuse (passion, mort, résurrection et ascension). Pour le même ensemble, Jn emploiera le terme plus théologique « glorifier », Jn 7.39 ; 12.16, 23 ; 13.31s ; la crucifixion sera pour lui une « élévation », Jn 12.32.

52 et envoya des messagers en avant de lui. S’étant mis en route, ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. 53 Mais on ne le reçut pas, parce qu’il faisait route vers Jérusalem.s

s Les Samaritains, toujours très mal disposés pour les Juifs, Jn 4.9, devaient se montrer particulièrement hostiles vis-à-vis des pèlerins de Jérusalem. Aussi évitait-on généralement leur territoire, cf. Mt 10.5. Luc et Jean (Jn 4.1-42) sont seuls à mentionner le passage de Jésus en terre schismatique, cf. 17.11, 16. De très bonne heure, la primitive Église imitera le Maître, Ac 8.5-25.

54 Ce que voyant, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ? »t

t Add. « comme fit Élie ». ­ Allusion à 2 R 1.10-12. Jacques et Jean se montrent de vrais « fils du tonnerre », Mc 3.17.

55 Mais, se retournant, il les réprimanda.u

u Add. « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Car le Fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes des hommes, mais les sauver. » Leçon suspecte d’origine marcionite.

56 Et ils se mirent en route pour un autre village.

Exigences de la vocation apostolique.

57 Et tandis qu’ils faisaient route, quelqu’un lui dit en chemin : « Je te suivrai où que tu ailles. » 58 Jésus lui dit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête. »

59 Il dit à un autre : « Suis-moi. » Celui-ci dit :v « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père. »

v Add. « Seigneur », cf. Mt 8.21.

60 Mais il lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts ;w pour toi, va-t’en annoncer le Royaume de Dieu. »

w Le logion joue sur le double sens, physique et spirituel, du mot « mort ».

61 Un autre encore dit : « Je te suivrai, Seigneur, mais d’abord permets-moi de prendre congé des miens. » 62 Mais Jésus lui dit : « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu. »

Mission des soixante-douze disciples.x

10 Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres et les envoya deux par deux en avant de luiy dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller.

x Le recueil de logia utilisé par Mt et contenait un discours de mission parallèle à celui de Mc 6.8-11. Tandis que Mt a combiné ces deux versions en un seul discours, 10.7-16, les a maintenues distinctes en deux discours adressés, l’un aux Douze, chiffre d’Israël, l’autre à soixante-douze (ou soixante-dix) disciples, chiffre traditionnel des nations païennes. Comparer le cas des deux multiplications des pains, cf. Mt 14.13.

y Non pas, comme 9.52, pour préparer logis et nourriture, mais pour lui servir de précurseurs spirituels.

2 Et il leur disait :

« La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. 3 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu de loups. 4 N’emportez pas de bourse, pas de besace, pas de sandales, et ne saluez personne en chemin. 5 En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : « Paix à cette maison ! » 6 Et s’il y a là un fils de paix,z votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle vous reviendra.

z Hébraïsme quelqu’un qui est digne de la « paix », c’est-à-dire de l’ensemble des biens temporels et spirituels souhaités par ce salut. Cf. Jn 14.27.

7 Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu’il y aura chez eux ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. 8 Et en toute ville où vous entrez et où l’on vous accueille, mangez ce qu’on vous sert ; 9 guérissez ses malades et dites aux gens : « Le Royaume de Dieu est tout proche de vous. » 10 Mais en quelque ville que vous entriez, si l’on ne vous accueille pas, sortez sur ses places et dites : 11 « Même la poussière de votre ville qui s’est collée à nos pieds, nous l’essuyons pour vous la laisser. Pourtant, sachez-le, le Royaume de Dieu est tout proche. » 12 Je vous dis que pour Sodome, en ce Jour-là, il y aura moins de rigueur que pour cette ville-là.

13 « Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car, si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et assises dans la cendre, elles se seraient repenties. 14 Aussi bien, pour Tyr et Sidon il y aura moins de rigueur, lors du Jugement, que pour vous. 15 Et toi, Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée jusqu’au ciel ? Jusqu’à l’Hadès tu descendras !

16 « Qui vous écoute m’écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m’a envoyé. »

Ce dont les apôtres doivent se réjouir.

17 Les soixante-douze revinrent tout joyeux, disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! » 18 Il leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! 19 Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l’Ennemi, et rien ne pourra vous nuire. 20 Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »

L’Évangile révélé aux simples. Le Père et le Fils.

21 À cette heure même, il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. 22 Touta m’a été remis par mon Père, et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. »

a Add. « Et se retournant vers les disciples, il dit ».

Le privilège des disciples.

23 Puis, se tournant vers ses disciples, il leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! 24 Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! »b

b Saint Paul a insisté fortement sur les longs silences dont a été entouré le « Mystère » Rm 16.25. Voir aussi 1 P 1.11-12.

Le grand commandement.

25 Et voici qu’un légiste se leva, et lui dit pour l’éprouver : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » 26 Il lui dit : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ? » 27 Celui-ci répondit : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même »28 « Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras. »

Parabole du bon Samaritain.

29 Mais lui, voulant se justifier,c dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »

c D’avoir posé sa question.

30 Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. 31 Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. 32 Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. 33 Mais un Samaritain,d qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié.

d D’un côté, ceux qui, en Israël, sont le plus tenus à observer la loi de charité, de l’autre l’étranger et l’hérétique, Jn 8.48 ; cf. 9.53, dont on n’attendrait normalement que de la haine.

34 Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant : « Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour. » 36 Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? » 37 Il dit : « Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Et Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

Marthe et Marie.e.

38 Comme ils faisaient route, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison.

e On retrouve les deux sœurs avec les mêmes traits de caractère dans le récit de la résurrection de Lazare, Jn 11.1-44.

39 Celle-ci avait une sœur appelée Marie, qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. 40 Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m’aider. » 41 Mais le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te soucies et t’agites pour beaucoup de choses ; 42 pourtant il en faut peu, une seule même.f C’est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée. »

f Var. « il n’en faut pourtant qu’une », « il n’en faut pourtant que peu », leçons qui mutilent le texte et altèrent le sens. ­ Jésus passe de la perspective du repas (« il en faut peu ») à celle de l’unique nécessaire.

Le Pater.

11 Et il advint, comme il était quelque part à prier, quand il eut cessé, qu’un de ses disciples lui dit : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. » 2 Il leur dit : « Lorsque vous priez, dites :g

Père, que ton Nom soit sanctifié ;
que ton règne vienne ;

g Le texte de Mt contient sept demandes, celui de cinq seulement. Cf. Mt 6.9.

3 donne-nous chaque jour notre pain quotidien ;h

h Var. (qui tire peut-être son origine de la liturgie baptismale) « que ton Esprit Saint vienne sur nous et nous purifie ».

4 et remets-nous nos péchés,i
car nous-mêmes remettons à quiconque nous doit ;
et ne nous laisse pas entrer en tentation. »j

i interprète justement les « dettes » de Mt, tout en conservant au stique suivant (« quiconque nous doit ») l’aspect juridique de Mt.

j Voir Mt 6.13.

L’ami importun.

5 Il leur dit encore : « Si l’un de vous, ayant un ami, s’en va le trouver au milieu de la nuit, pour lui dire : « Mon ami, prête-moi trois pains, 6 parce qu’un de mes amis m’est arrivé de voyage et je n’ai rien à lui servir », 7 et que de l’intérieur l’autre réponde : « Ne me cause pas de tracas ; maintenant la porte est fermée, et mes enfants et moi sommes au lit ; je ne puis me lever pour t’en donner »; 8 je vous le dis, même s’il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d’ami, il se lèvera du moins à cause de son impudence et lui donnera tout ce dont il a besoin.

Efficacité de la prière.

9 « Et moi, je vous dis : demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. 10 Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira. 11 Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ?k

k Add. « du pain, et qui lui remettra une pierre ? » Harmonisation avec Mt 7.9.

12 Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?

13 Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saintl à ceux qui l’en prient ! »

l Au lieu des « bonnes choses » de Mt 7.11. L’Esprit Saint est la « bonne chose » par excellence.

Jésus et Béelzéboul.

14 Il expulsait un démon, qui était muet. Or il advint que, le démon étant sorti, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. 15 Mais certains d’entre eux dirent : « C’est par Béelzéboul, le prince des démons, qu’il expulse les démons. » 16 D’autres, pour le mettre à l’épreuve, réclamaient de lui un signe venant du ciel. 17 Mais lui, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et maison sur maison s’écroule. 18 Si donc Satan s’est, lui aussi, divisé contre lui-même, comment son royaume se maintiendra-t-il ?... puisque vous dites que c’est par Béelzéboulm que j’expulse les démons.

m Var. « Béézéboul » et « Béelzéboub ».

19 Mais si, moi, c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons, vos fils, par qui les expulsent-ils ? Aussi seront-ils eux-mêmes vos juges. 20 Mais si c’est par le doigt de Dieun que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous.

n Sur l’expression, cf. Ex 8.15 et Ps 8.4. C’est la comparaison de ce passage avec le parallèle Mt 12.28, qui a fait donner à l’Esprit Saint l’appellation de « Digitus paternae dexterae ».

21 Lorsqu’un homme fort et bien armé garde son palais, ses biens sont en sûreté ; 22 mais qu’un plus fort que lui survienne et le batte, il lui enlève l’armure en laquelle il se confiait et il distribue ses dépouilles.

Intransigeance de Jésus.

23 « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe.

Retour offensif de l’esprit impur.

24 « Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il erre par des lieux arides en quête de repos. N’en trouvant pas, il dit : « Je vais retourner dans ma demeure, d’où je suis sorti. » 25 Étant venu, il la trouve balayée, bien en ordre. 26 Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus mauvais que lui ; ils reviennent et y habitent. Et l’état final de cet homme devient pire que le premier. »

La vraie béatitude.

27 Or il advint, comme il parlait ainsi, qu’une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés ! » 28 Mais il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! »

Le signe de Jonas.

29 Comme les foules se pressaient en masse, il se mit à dire : « Cette génération est une génération mauvaise ; elle demande un signe,o et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas.

o C’est-à-dire un miracle qui exprime et justifie l’autorité de Jésus, cf. Jn 2.11 ; 1.18. Voir Mt 8.3.

30 Car, tout comme Jonas devint un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération.p

p Sur le « signe de Jonas », voir Mt 12.39.

31 La reine du Midi se lèvera lors du Jugement avec les hommes de cette génération et elle les condamnera, car elle vint des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon ! 32 Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas !

Deux logia sur la lampe.

33 « Personne, après avoir allumé une lampe, ne la met en quelque endroit caché ou sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la clarté.

34 « La lampe du corps, c’est ton œil. Lorsque ton œil est sain, ton corps tout entier aussi est lumineux ; mais dès qu’il est malade, ton corps aussi est ténébreux. 35 Vois donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres ! 36 Si donc ton corps tout entier est lumineux, sans aucune partie ténébreuse, il sera lumineux tout entier, comme lorsque la lampe t’illumine de son éclat. »q

q Le texte des vv. 35-36, de transmission troublée, est sans doute corrompu. Le sens de l’ensemble du logion est pourtant clair le message, que Jésus adresse à tous, peut être compris de tous ; il suffit pour cela d’avoir l’intelligence saine, c’est-à-dire dégagée de tout préjugé égoïste, cf. Jn 3.19-21.

Contre les Pharisiens et les légistes.

37 Tandis qu’il parlait, un Pharisien l’invite à déjeuner chez lui. Il entra et se mit à table. 38 Ce que voyant, le Pharisien s’étonna de ce qu’il n’eût pas fait d’abord les ablutions avant le déjeuner. 39 Mais le Seigneur lui dit :r « Vous voilà bien, vous, les Pharisiens ! L’extérieur de la coupe et du plat, vous le purifiez, alors que votre intérieur à vous est plein de rapine et de méchanceté !

r Luc, qui dépend ici d’une source commune avec Mt, reviendra sur le même sujet, 20.45-47, en dépendance de Mc. Mt a combiné les deux sources en un seul discours (23). Cf. 10.1 ; 17.22.

40 Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? 41 Donnez plutôt en aumône ce que vous avez,s et alors tout sera pur pour vous.

s Texte d’interprétation difficile. On traduit aussi « ce qui est dedans ».

42 Mais malheur à vous, les Pharisiens, qui acquittez la dîme de la menthe, de la rue et de toute plante potagère, et qui délaissez la justice et l’amour de Dieu ! Il fallait pratiquer ceci, sans omettre cela. 43 Malheur à vous, les Pharisiens, qui aimez le premier siège dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ! 44 Malheur à vous, qui êtes comme les tombeaux que rien ne signale et sur lesquels on marche sans le savoir ! »t

t Contractant ainsi une impureté rituelle, Nb 19.16.

45 Prenant alors la parole, un des légistes lui dit : « Maître, en parlant ainsi, tu nous outrages, nous aussi ! » 46 Alors il dit : « À vous aussi, les légistes, malheur, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d’un seul de vos doigts !

47 « Malheur à vous, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes, et ce sont vos pères qui les ont tués ! 48 Vous êtes donc des témoins et vous approuvez les actes de vos pères ; eux ont tué, et vous, vous bâtissez !u

u Ironique. En bâtissant des tombeaux aux prophètes, les légistes croient réparer les fautes de leurs pères. Mais ils ont les mêmes dispositions qu’eux.

49 « Et voilà pourquoi la Sagesse de Dieuv a dit : Je leur enverrai des prophètes et des apôtres ; ils en tueront et pourchasseront,

v Il s’agit ici des décrets divins interprétés par Jésus.

50 afin qu’il soit demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis la fondation du monde, 51 depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, qui périt entre l’autel et le Temple. Oui, je vous le dis, il en sera demandé compte à cette génération.

52 « Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science ! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés ! »

53 Quand il fut sorti de là, les scribes et les Pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblementw et à le faire parler sur une foule de choses,

w L’opposition des ennemis de Jésus va grandissant Lc, mieux que Mc, en a marqué les étapes, 6.11 ; 11.53-54 ; 19.48 ; 20.19-20 ; 22.2.

54 lui tendant des pièges pour surprendre de sa bouche quelque parole.

Parler ouvertement et sans crainte.

12 Sur ces entrefaites, la foule s’étant rassemblée par milliers, au point qu’on s’écrasait les uns les autres, il se mit à dire, et d’abord à ses disciples :x « Méfiez-vous du levain ­ c’est-à-dire de l’hypocrisie ­ des Pharisiens.

x Ou bien « se mit à dire à ses disciples En premier lieu, méfiez-vous... ».

2 Rien, en effet, n’est voilé qui ne sera révélé, rien de caché qui ne sera connu. 3 C’est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu au grand jour, et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les pièces les plus retirées sera proclamé sur les toits.

4 « Je vous le dis à vous, mes amis : Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus. 5 Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez Celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ; oui, je vous le dis, Celui-là, craignez-le. 6 Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux as ? Et pas un d’entre eux n’est en oubli devant Dieu ! 7 Bien plus, vos cheveux même sont tous comptés. Soyez sans crainte ; vous valez mieux qu’une multitude de passereaux.

8 « Je vous le dis, quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu ; 9 mais celui qui m’aura renié à la face des hommes sera renié à la face des anges de Dieu.

10 « Et quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis, mais à qui aura blasphémé contre le Saint Esprit, cela ne sera pas remis.

11 « Lorsqu’on vous conduira devant les synagogues, les magistrats et les autorités, ne cherchez pas avec inquiétude comment vous défendre ou que dire,

12 car le Saint Esprit vous enseignera à cette heure même ce qu’il faut dire. »

Ne pas thésauriser.

13 Quelqu’un de la foule lui dit : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » 14 Il lui dit : « Homme, qui m’a établi pour être votre juge ou régler vos partages ? » 15 Puis il leur dit : « Attention ! gardez-vous de toute cupidité, car, au sein même de l’abondance, la vie d’un homme n’est pas assurée par ses biens. »

16 Il leur dit alors une parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. 17 Et il se demandait en lui-même : « Que vais-je faire ? Car je n’ai pas où recueillir ma récolte. » 18 Puis il se dit : « Voici ce que je vais faire : j’abattrai mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y recueillerai tout mon blé et mes biens, 19 et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. » 20 Mais Dieu lui dit : « Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? » 21 Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu. »

S’abandonner à la Providence.

22 Puis il dit à ses disciples : « Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. 23 Car la viey est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement.

y Littéralement « l’âme » au sens biblique, comme au v. 19.

24 Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit. Combien plus valez-vous que les oiseaux ! 25 Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? 26 Si donc la plus petite chose même passe votre pouvoir, pourquoi vous inquiéter des autres ? 27 Considérez les lis, comme ils ne filent ni ne tissent.z Or, je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.

z Var. « ils ne peinent ni ne filent », cf. Mt 6.28.

28 Que si, dans les champs, Dieu habille de la sorte l’herbe qui est aujourd’hui, et demain sera jetée au four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi ! 29 Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez ; ne vous tourmentez pas. 30 Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête ; mais votre Père sait que vous en avez besoin. 31 Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît.

32 « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume.

Vendre ses biens et faire l’aumône.a

33 « Vendez vos biens, et donnez-les en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où ni voleur n’approche ni mite ne détruit.

a Le danger des richesses, avec le conseil de s’en défaire et de pratiquer l’aumône, est un trait caractéristique de la religion de Luc : cf. 3.11 ; 5.11, 28 ; 6.30 ; 7.5 ; 11.41 ; 12.33-34 ; 14.13, 33 ; 16.9 ; 18.22 ; 19.8 ; Ac 9.36 ; 10.2, 4, 31.)

34 Car où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

Se tenir prêt pour le retour du Maître.

35 « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. 36 Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera. 37 Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller ! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira. 38 Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils ! 39 Comprenez bien ceci : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur devait venir, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. 40 Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. »

41 Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tout le monde ? » 42 Et le Seigneur dit : « Quel est donc l’intendantb fidèle, avisé, que le maître établira sur ses gens pour leur donner en temps voulu leur ration de blé ?

b Il s’agit donc d’un serviteur constitué en autorité sur les autres serviteurs, ce qui répond bien à la question de Pierre, où « nous » se rapporte aux apôtres.

43 Heureux ce serviteur, que son maître en arrivant trouvera occupé de la sorte ! 44 Vraiment, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. 45 Mais si ce serviteur dit en son cœur : « Mon maître tarde à venir », et qu’il se mette à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, boire et s’enivrer, 46 le maître de ce serviteur arrivera au jour qu’il n’attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas ; il le retranchera et lui assignera sa part parmi les infidèles.

47 « Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’aura rien préparé ou fait selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups. 48 Quant à celui qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre. À qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage.

Jésus devant sa Passion.

49 « Je suis venu jeter un feuc sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé !

c Ce feu, évidemment symbolique, peut revêtir des significations différentes suivant les contextes l’Esprit Saint, ou encore le feu qui purifiera et embrasera les cœurs et qui doit s’allumer sur la croix. Le v. 50 favoriserait cette dernière interprétation, mais les vv. 51-53 suggéreraient plutôt l’état de guerre spirituelle que suscite l’apparition de Jésus.

50 Je dois être baptisé d’un baptême, et quelle n’est pas mon angoisse jusqu’à ce qu’il soit consommé !

Jésus cause de dissension.

51 « Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien la division. 52 Désormais en effet, dans une maison de cinq personnes, on sera divisé, trois contre deux et deux contre trois : 53 on sera divisé, père contre fils et fils contre père, mère contre sa fille et fille contre sa mère, belle-mère contre sa bru et bru contre sa belle-mère. »

Savoir interpréter les signes des temps.d

54 Il disait encore aux foules : « Lorsque vous voyez un nuage se lever au couchant, aussitôt vous dites que la pluie vient, et ainsi arrive-t-il.

d Les temps messianiques sont là, et il est grand temps de le comprendre, car le jugement est proche, vv. 57-59.

55 Et lorsque c’est le vent du midi qui souffle, vous dites qu’il va faire chaud, et c’est ce qui arrive. 56 Hypocrites, vous savez discerner le visage de la terre et du ciel ; et ce temps-ci alors, comment ne le discernez-vous pas ?

57 « Mais pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ?

58 Ainsi, quand tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, tâche, en chemin, d’en finir avec lui, de peur qu’il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre à l’exécuteur, et que l’exécuteur ne te jette en prison. 59 Je te le dis, tu ne sortiras pas de là que tu n’aies rendu même jusqu’au dernier sou. »e

e Littéralement « lepte », monnaie grecque de valeur infime. ­ En Mt 5.25-26 le logion recevait du contexte une application sociale comment les frères de la communauté doivent se réconcilier et régler leurs différends. En il revêt une portée eschatologique le jugement de Dieu est proche, il faut se hâter de se mettre en règle.

Invitations providentielles à la pénitence.

13 En ce même temps survinrent des gens qui lui rapportèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs victimes.f

f Épisode inconnu par ailleurs, de même que l’accident mentionné au v. 4. Flavius Josèphe rapporte plusieurs interventions sanglantes de Pilate à Jérusalem.

2 Prenant la parole, il leur dit : « Pensez-vous que, pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens ? 3 Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. 4 Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tuées dans sa chute, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem ? 5 Non, je vous le dis ; mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même. »

Parabole du figuier stérile.g

6 Il disait encore la parabole que voici : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n’en trouva pas.

g L’épisode du figuier desséché, Mt 21.18-22, est un acte de sévérité ; Luc lui a préféré cette parabole de la patience.

7 Il dit alors au vigneron : « Voilà trois ansh que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le ; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien ? »

h Peut-être allusion à la durée du ministère de Jésus, telle qu’elle ressort du quatrième évangile.

8 L’autre lui répondit : « Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier. 9 Peut-être donnera-t-il des fruits à l’avenir... Sinon tu le couperas ». »

Guérison de la femme courbée, un jour de sabbat.

10 Or il enseignait dans une synagogue le jour du sabbat. 11 Et voici qu’il y avait là une femme ayant depuis dix-huit ans un esprit qui la rendait infirme ; elle était toute courbée et ne pouvait absolument pas se redresser.i

i Ou « ne pouvait pas lever la tête complètement ».

12 La voyant, Jésus l’interpella et lui dit : « Femme, te voilà délivrée de ton infirmité »; 13 puis il lui imposa les mains. Et, à l’instant même, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu.

14 Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus eût fait une guérison le sabbat,j prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler ; venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du sabbat ! »

j Il voit dans cette guérison un « travail » interdit par la Loi.

15 Mais le Seigneur lui répondit : « Hypocrites ! chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? 16 Et cette fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, il n’eût pas fallu la délier de ce lien le jour du sabbat ! » 17 Comme il disait cela, tous ses adversaires étaient remplis de confusion, tandis que toute la foule était dans la joie de toutes les choses magnifiques qui arrivaient par lui.

Parabole du grain de sénevé.

18 Il disait donc : « À quoi le Royaume de Dieu est-il semblable et à quoi vais-je le comparer ? 19 Il est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin ; il croît et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s’abritent dans ses branches. »

Parabole du levain.

20 Il dit encore : « À quoi vais-je comparer le Royaume de Dieu ? 21 Il est semblable à du levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait levé. »

La porte étroite.k

22 Et il cheminait par villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem.

k La source utilisée par et Mt a groupé ici des logia que Mt a répartis ailleurs dans son évangile, cf. 9.51. L’idée maîtresse de ce groupement, respecté par Lc, paraît avoir été l’appel des païens au salut. Les liens de race avec Jésus ne suffiront pas aux juifs restés incrédules pour éviter l’exclusion méritée par leur conduite, vv. 25-27 ; cf. 3.7-9 ; Jn 8.33s. Aussi beaucoup ne pourront-ils trouver l’entrée du salut, vv. 23-24, de premiers deviendront derniers, v. 30 ; cf. Mt 20.16, et verront les païens prendre leur place au festin messianique, vv. 28-29.

23 Quelqu’un lui dit : « Seigneur, est-ce le petit nombre qui sera sauvé ? » Il leur dit : 24 « Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas.

25 « Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : « Seigneur, ouvre-nous », il vous répondra : « Je ne sais d’où vous êtes. » 26 Alors vous vous mettrez à dire : « Nous avons mangé et bu devant toi, tu as enseigné sur nos places. » 27 Mais il vous répondra : « Je ne sais d’où vous êtes ; éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. »

28 « Là seront les pleurs et les grincements de dents, lorsque vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, et vous, jetés dehors. 29 Et l’on viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.

30 « Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et il y a des premiers qui seront derniers. »

Le renard Hérode.

31 À cette heure même s’approchèrent quelques Pharisiens, qui lui dirent : « Pars et va-t’en d’ici ; car Hérodel veut te tuer. »

l Hérode Antipas, cf. 3.1. Peut-être a-t-il voulu par cette menace se débarrasser de Jésus ; c’est à cette manœuvre que ferait allusion l’épithète de « renard ».

32 Il leur dit : « Allez dire à ce renard : Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jourm je suis consommé !n

m L’expression indique un laps de temps assez court.

n Mot riche de sens, qui inclut tout ensemble la fin et l’achèvement de Jésus, rendu « parfait » par ses souffrances et sa mort He 2.10 ; 5.9. Cf. Jn 19.30.

33 Mais aujourd’hui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route, car il ne convient pas qu’un prophète périsse hors de Jérusalem.o

o C’est-à-dire, semble-t-il Ma tâche sera bientôt terminée, mais elle ne l’est pas. J’ai encore à chasser des démons et à guérir, et cela sur le chemin de Jérusalem, où doit s’accomplir mon destin, cf. 2.38. De même en Jn 7.30 ; 8.20, les ennemis de Jésus ne peuvent attenter à sa vie tant que « son heure n’est pas venue ».

Apostrophe à Jérusalem.

34 « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes... et vous n’avez pas voulu ! 35 Voici que votre maison va vous être laissée. Oui, je vous le dis, vous ne me verrez plus, jusqu’à ce qu’arrive le jour où vous direz :
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Guérison d’un hydropique un jour de sabbat.

14 Et il advint, comme il était venu un sabbat chez l’un des chefs des Pharisiens pour prendre un repas, qu’eux étaient à l’observer. 2 Et voici qu’un hydropique se trouvait devant lui. 3 Prenant la parole, Jésus dit aux légistes et aux Pharisiens : « Est-il permis, le sabbat, de guérir, ou non ? » 4 Et eux se tinrent cois. Prenant alors le malade, il le guérit et le renvoya. 5 Puis il leur dit : « Lequel d’entre vous, si son filsp ou son bœuf vient à tomber dans un puits, ne l’en tirera aussitôt, le jour du sabbat ? »

p « son fils »; var. « son âne ».

6 Et ils ne purent rien répondre à cela.

Sur le choix des places.

7 Il disait ensuite une parabole à l’adresse des invités, remarquant comment ils choisissaient les premiers divans ; il leur disait : 8 « Lorsque quelqu’un t’invite à un repas de noces, ne va pas t’étendre sur le premier divan, de peur qu’un plus digne que toi n’ait été invité par ton hôte, 9 et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire : « Cède-lui la place. » Et alors tu devrais, plein de confusion, aller occuper la dernière place. 10 Au contraire, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place, de façon qu’à son arrivée celui qui t’a invité te dise : « Mon ami, monte plus haut. » Alors il y aura pour toi de l’honneur devant tous les autres convives. 11 Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé. »

Sur le choix des invités.

12 Puis il disait à celui qui l’avait invité : « Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie ni tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins, de peur qu’eux aussi ne t’invitent à leur tour et qu’on ne te rende la pareille.q

q Ou « et que ce soit là ta récompense ».

13 Mais lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; 14 heureux seras-tu alors de ce qu’ils n’ont pas de quoi te le rendre ! Car cela te sera rendu lors de la résurrection des justes. »

Sur les invités qui se dérobent.

15 À ces mots, l’un des convives lui dit : « Heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu ! » 16 Il lui dit : « Un homme faisait un grand dîner, auquel il invita beaucoup de monde. 17 À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : « Venez ; maintenant tout est prêt. » 18 Et tous, comme de concert, se mirent à s’excuser. Le premier lui dit : « J’ai acheté un champ et il me faut aller le voir ; je t’en prie, tiens-moi pour excusé. » 19 Un autre dit : « J’ai acheté cinq paires de bœufs et je pars les essayer ; je t’en prie, tiens-moi pour excusé. » 20 Un autre dit : « Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne puis venir. »

21 « À son retour, le serviteur rapporta cela à son maître. Alors, pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : « Va-t’en vite par les places et les rues de la ville, et introduis ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. »r ­

r Dans les écrits de Qumrân ces infirmes étaient exclus du combat eschatologique et du banquet qui le suivrait.

22 « Maître, dit le serviteur, tes ordres sont exécutés, et il y a encore de la place. » 23 Et le maître dit au serviteur : « Va-t’en par les chemins et le long des clôturess et fais entrer les gens de force, afin que ma maison se remplisse.

s Après « les places et les rues de la ville » du v. 21, « les chemins et le long des clôtures » du v. 23 semblent être hors de la ville on pressent là deux catégories différentes, d’une part les pauvres et les « impurs » en Israël, d’autre part les païens. La « force » employée à introduire ces miséreux veut seulement exprimer le triomphe de la grâce sur leur impréparation, non une violation de leur conscience. On sait l’abus qui a été fait au cours de l’histoire de ce compelle intrare.

24 Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner. » »

Renoncer à tout ce qu’on a de cher.

25 Des foules nombreuses faisaient route avec lui, et se retournant il leur dit :

26 « Si quelqu’un vient à moi sans haïrt son père, sa mère, sa femme,u ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.

t Hébraïsme, Jésus ne demande pas la haine, mais le détachement complet et immédiat, cf. 9.57-62.

u « sa femme » propre à Luc, qui exprime ainsi sa tendance ascétique, cf. 1 Co 7. De même 18.29.

27 Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple.

Renoncer en particulier à tous ses biens.

28 « Qui de vous en effet, s’il veut bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? 29 De peur que, s’il pose les fondations et ne peut achever, tous ceux qui le verront ne se mettent à se moquer de lui, en disant : 30 « Voilà un homme qui a commencé de bâtir et il n’a pu achever ! » 31 Ou encore quel est le roi qui, partant faire la guerre à un autre roi, ne commencera par s’asseoir pour examiner s’il est capable, avec dix mille hommes, de se porter à la rencontre de celui qui marche contre lui avec vingt mille ? 32 Sinon, alors que l’autre est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander la paix. 33 Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.v

v Luc ne semble pas établir de distinction entre les disciples. L’avertissement vaut pour tous. Cf. Mc 1.17.

Ne pas s’affadir.

34 « C’est donc une bonne chose que le sel. Mais si même le sel vient à s’affadir, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? 35 Il n’est bon ni pour la terre ni pour le fumier : on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Les trois paraboles de la miséricorde.

15 Cependant tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de lui pour l’entendre. 2 Et les Pharisiens et les scribes de murmurer : « Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » 3 Il leur dit alors cette parabole :

La brebis perdue.

4 « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? 5 Et, quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules 6 et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! » 7 C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir.

La drachme perdue.

8 « Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée ? 9 Et, quand elle l’a retrouvée, elle assemble amies et voisines et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, la drachme que j’avais perdue ! » 10 C’est ainsi, je vous le dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. »w

w a plusieurs paraboles assez développées qui sont spécifiques au troisième évangile. Les paraboles de Mc visent surtout la nature et l’avènement du royaume. Celles qui sont propres à Mt concernent en grande partie soit le jugement final soit les relations fraternelles dans la communauté. Les paraboles de s’occupent des individus et de la morale personnelle ; au premier plan se trouve souvent un antihéros dont les réflexions deviennent le tournant du récit, voir 12.17 ; 15.17 ; 16.3, 24 ; 18.4, 11.

Le fils perdu et le fils fidèle : « l’enfant prodigue ».

11 Il dit encore : « Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient. » Et le père leur partagea son bien. 13 Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l’inconduite.

14 « Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation. 15 Il alla se mettre au service d’un des habitants de cette contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons.

16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentrant alors en lui-même, il se dit : « Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim ! 18 Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi ; 19 je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires. » 20 Il partit donc et s’en alla vers son père.
« Tandis qu’il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement. 21 Le fils alors lui dit : « Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils. »x

x Add. « traite-moi comme l’un de tes journaliers », cf. v. 19.

22 Mais le père dit à ses serviteurs : « Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » Et ils se mirent à festoyer.

25 « Son fils aînéy était aux champs. Quand, à son retour, il fut près de la maison, il entendit de la musique et des danses.

y À l’attitude miséricordieuse du père, qui symbolise la miséricorde divine, s’oppose dans le fils aîné l’attitude des Pharisiens et des scribes qui se flattent d’être « justes » parce que ne transgressant aucun commandement de la Loi, v. 29 ; cf. 18.9s.

26 Appelant un des serviteurs, il s’enquérait de ce que cela pouvait bien être. 27 Celui-ci lui dit : « C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré en bonne santé. » 28 Il se mit alors en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit l’en prier. 29 Mais il répondit à son père : « Voilà tant d’années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis ; 30 et puis ton fils que voici revient-il, après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! »

31 « Mais le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » »

L’intendant avisé.

16 Il disaitz encore à ses disciples : « Il était un homme riche qui avait un intendant, et celui-ci lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.

z Ce ch. rassemble deux paraboles et plusieurs logia de Jésus, concernant le bon et le mauvais emploi de l’argent. Les vv. 16-18, qui se rapportent à trois sujets différents, en troublent la composition.

2 Il le fit appeler et lui dit : « Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ta gestion, car tu ne peux plus gérer mes biens désormais. » 3 L’intendant se dit en lui-même : « Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Piocher ? Je n’en ai pas la force ; mendier ? J’aurai honte... 4 Ah ! je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois relevé de ma gérance, il y en ait qui m’accueillent chez eux. »

5 « Et, faisant venir un à un les débiteurs de son maître, il dit au premier : « Combien dois-tu à mon maître ? » ­ 6 « Cent barils d’huile », lui dit-il. Il lui dit : « Prends ton billet, assieds-toi et écris vite cinquante. » 7 Puis il dit à un autre : « Et toi, combien dois-tu ? » ­ « Cent mesures de blé », dit-il. Il lui dit : « Prends ton billet, et écris quatre-vingts. »

8 « Et le maître loua cet intendant malhonnête d’avoir agi de façon avisée.a Car les fils de ce monde-ci sont plus avisés envers leurs propres congénères que les fils de la lumière.

a Selon la coutume alors tolérée en Palestine, l’intendant avait le droit de consentir des prêts sur les biens de son maître et, comme il n’était pas rémunéré, de se payer en forçant sur la quittance le montant du prêt, afin que, lors du remboursement, il profitât de la différence comme d’un surplus qui représentait son intérêt. Dans le cas présent, il n’avait sans doute prêté en réalité que cinquante barils d’huile et quatre-vingts mesures de blé en ramenant la quittance à ce montant réel, il ne fait que se priver du bénéfice, à vrai dire usuraire, qu’il avait escompté. Sa « malhonnêteté », v. 8, ne réside donc pas dans la réduction de quittances, qui n’est qu’un sacrifice de ses intérêts immédiats, manœuvre habile que son maître peut louer, mais plutôt dans les malversations antérieures qui ont motivé son renvoi, v. 1.

Le bon emploi de l’argent.

9 « Eh bien ! moi je vous dis : faites-vous des amis avec le malhonnête Argent,b afin qu’au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous accueillent dans les tentes éternelles.

b L’argent n’est pas mauvais en soi, mais il faut en faire bon usage. S’il est dit « malhonnête », c’est parce qu’il risque toujours de détourner l’être humain des vraies valeurs, amour de Dieu et du prochain. Plus haut (6.24), Luc a stigmatisé la conduite de ceux qui se sont fait un dieu de l’argent (1 Tm 6.10).

10 Qui est fidèle en très peu de chose est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup. 11 Si donc vous ne vous êtes pas montrés fidèles pour le malhonnête Argent, qui vous confiera le vrai bien ? 12 Et si vous ne vous êtes pas montrés fidèles pour le bien étranger,c qui vous donnera le vôtre ?d

c C’est-à-dire un bien extérieur à l’homme la richesse.

d « le vôtre »; var. « le nôtre ». ­ Il s’agit des biens spirituels qui, ceux-là, peuvent appartenir à l’homme.

13 « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. »

Contre les Pharisiens, amis de l’argent.

14 Les Pharisiens, qui sont amis de l’argent, entendaient tout cela et ils se moquaient de lui. 15 Il leur dit : « Vous êtes, vous, ceux qui se donnent pour justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé pour les hommes est objet de dégoût devant Dieu.

À l’assaut du Royaume.

16 « Jusqu’à Jean ce furent la Loi et les Prophètes ; depuis lors le Royaume de Dieu est annoncé, et tous s’efforcent d’y entrer par violence.

Pérennité de la Loi.

17 « Il est plus facile que le ciel et la terre passent que ne tombe un seul menu trait de la Loi.

Indissolubilité du mariage.

18 « Tout homme qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère.

Le mauvais riche et le pauvre Lazare.e

19 « Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin et faisait chaque jour brillante chère.

e Histoire-parabole, sans aucune attache historique.

20 Et un pauvre, nommé Lazare, gisait près de son portail, tout couvert d’ulcères. 21 Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche...f Bien plus, les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères.

f Add. « mais personne ne lui en donnait », cf. 15.16.

22 Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham.g Le riche aussi mourut, et on l’ensevelit.h

g Expression judaïque qui répond à l’ancienne locution biblique « être réuni à ses pères », c’est-à-dire aux Patriarches, Jg 2.10 ; cf. Gn 15.15 ; 47.30 ; Dt 31.16. L’image exprime l’intimité, Jn 1.18, et la proximité avec Abraham dans le banquet messianique, cf. Jn 13.23 ; Mt 8.11.

h Vulg. « on l’enterra dans l’enfer ».

23 « Dans l’Hadès, en proie à des tortures, il lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein. 24 Alors il s’écria : « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme. » 25 Mais Abraham dit : « Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux ; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté. 26 Ce n’est pas tout : entre nous et vous un grand abîmei a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent, et qu’on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous. »

i L’abîme symbolise l’impossibilité pour les élus comme pour les damnés de changer leur destin.

27 « Il dit alors : « Je te prie donc, père, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père, 28 car j’ai cinq frères ; qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de la torture. » 29 Et Abraham de dire : « Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent. » ­ 30 « Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront. » 31 Mais il lui dit : « Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus. » »

Le scandale.

17 Puis il dit à ses disciples : « Il est impossible que les scandales n’arrivent pas, mais malheur à celui par qui ils arrivent ! 2 Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être jeté à la mer que de scandaliser un seul de ces petits. 3 Prenez garde à vous !

Correction fraternelle.j

« Si ton frère vient à pécher, réprimande-le et, s’il se repent, remets-lui.

j Il semble que Luc ait en vue une offense entre deux frères, alors que dans Mt il s’agit d’une faute plus générale. Luc omet le recours à la communauté.

4 Et si sept fois le jour il pèche contre toi et que sept fois il revienne à toi, en disant : « Je me repens », tu lui remettras. »

La foi du serviteur.k

5 Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi. »

k Cet ensemble suit un raisonnement a fortiori . Si, avec le peu de foi dont vous vous plaignez, vous pouvez obtenir l’impensable, à combien plus forte raison pouvez-vous accomplir votre tâche de simples serviteurs, y trouvant toute satisfaction sans exiger de garanties spéciales du Maître.

6 Le Seigneur dit : « Avec la foi que vous avez, gros comme un grain de sénevé, si vous disiez à ce mûrier : « Déracine-toi et va te planter dans la mer », il vous obéirait !l

l Littéralement « Si vous aviez la foi comme grain de sénevé, vous diriez au mûrier que voilà « Déracine-toi et va te planter dans la mer », et il vous obéirait ! » ­ vise non la foi idéale qu’on devrait avoir (comme chez Mt et Mc), mais celle qu’ont réellement les apôtres.

Servir avec humilité.

7 « Qui d’entre vous, s’il a un serviteur qui laboure ou garde les bêtes, lui dira à son retour des champs : « Vite, viens te mettre à table » ? 8 Ne lui dira-t-il pas au contraire : « Prépare-moi de quoi dîner, ceins-toi pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après quoi, tu mangeras et boiras à ton tour » ?m

m Comparer à cette règle humaine le paradoxe évangélique, 12.37 ; 22.27 ; Jn 13.1-16.

9 Sait-il gré à ce serviteur d’avoir fait ce qui lui a été prescrit ?n

n La question de Jésus reste ouverte, créant une ambiguïté qui fait deviner bien plus qu’un droit à la reconnaissance du Maître sa bienveillance ne serait-elle acquise qu’à l’achèvement de la tâche ? ou l’accompagne-t-elle depuis le commencement ?

10 Ainsi de vous ; lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été prescrit, dites : Nous sommes de simpleso serviteurs ; nous avons fait ce que nous devions faire. »

o Plutôt que « serviteurs inutiles », l’adjectif qualifie le statut des serviteurs, et non leurs dispositions morales ; cf. 2 S 6.22 LXX.

Les dix lépreux.

11 Et il advint, comme il faisait route vers Jérusalem, qu’il passa aux confins de la Samarie et de la Galilée.p

p Pour gagner la vallée du Jourdain et descendre jusqu’à Jéricho, 18.35, d’où il montera à Jérusalem.

12 À son entrée dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre et s’arrêtèrent à distance ; 13 ils élevèrent la voix et dirent : « Jésus, Maître, aie pitié de nous. » 14 À cette vue, il leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » Et il advint, comme ils y allaient, qu’ils furent purifiés. 15 L’un d’entre eux, voyant qu’il avait été purifié, revint sur ses pas en glorifiant Dieu à haute voix 16 et se prosterna aux pieds de Jésus, en le remerciant. Et c’était un Samaritain. 17 Prenant la parole, Jésus dit : « Est-ce que les dix n’ont pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? 18 Il ne s’est trouvé, pour revenir rendre gloire à Dieu, que cet étranger ! » 19 Et il lui dit : « Relève-toi, va ; ta foi t’a sauvé. »

La venue du Royaume de Dieu.

20 Les Pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, 21 et l’on ne dira pas : « Voici : il est ici ! ou bien : il est là ! » Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. »q

q Comme une réalité déjà agissante. On traduit aussi « au-dedans de vous », ce qui ne semble pas directement indiqué par le contexte.

Le Jour du Fils de l’homme.r

22 Il dit encore aux disciples : « Viendront des jours où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme,s et vous ne le verrez pas.

r Ce discours est propre à Lc, qui a nettement distingué dans les prédictions de Jésus ce qui concerne la ruine de Jérusalem, 21.6-24, et ce qui se rapporte au retour glorieux de Jésus à la fin des temps, 17.22-37. ­ Certains passages de ce discours se rencontrent dans le grand discours eschatologique de Mt 24.5-41, qui a combiné ici comme ailleurs, cf. 10.1 ; 11.39, deux sources laissées distinctes par Lc ; cf. Mt 24.1. ­ « Jour » est plus biblique (« Jour de Yahvé » cf. Am 5.18) que le terme de Mt 24.3, « Parousie » (Avènement), lequel est emprunté au vocabulaire hellénistique. Cf. 1 Co 1.8.

s Les disciples souhaiteront non pas de revoir un des jours de son existence terrestre ou de contempler le premier jour de sa manifestation glorieuse, mais de jouir d’un seul des jours qui la suivront.

23 On vous dira : « Le voilà ! » « Le voici ! » N’y allez pas, n’y courez pas. 24 Comme l’éclair en effet, jaillissant d’un point du ciel, resplendit jusqu’à l’autre, ainsi en sera-t-il du Fils de l’homme lors de son Jour. 25 Mais il faut d’abord qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération.

26 « Et comme il advint aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il encore aux jours du Fils de l’homme.t

t À l’époque de sa manifestation glorieuse.

27 On mangeait, on buvait, on prenait femme ou mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et vint le déluge, qui les fit tous périr.

28 De même, comme il advint aux jours de Lot : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; 29 mais le jour où Lot sortit de Sodome, Dieu fit pleuvoir du ciel du feu et du soufre, et il les fit tous périr. 30 De même en sera-t-il, le Jour où le Fils de l’homme doit se révéler.

31 « En ce Jour-là, que celui qui sera sur la terrasse et aura ses affaires dans la maison, ne descende pas les prendre et, pareillement, que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière. 32 Rappelez-vous la femme de Lot. 33 Qui cherchera à épargner sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvegardera.

34 Je vous le dis : en cette nuit-là, deux seront sur un même lit l’un sera pris et l’autre laissé ; 35 deux femmes seront à moudre ensemble : l’une sera prise et l’autre laissée. 36 ...u

u Add. v. 36 « Deux seront dans un champ l’un sera pris, l’autre laissé », cf. Mt 24.40.

37 Prenant alors la parole, ils lui disent : « Où, Seigneur ? » Il leur dit : « Où sera le corps, là aussi les vautours se rassembleront. »

Le juge inique et la veuve importune.

18 Et il leur disait une parabole sur ce qu’il leur fallait prier sans cesse et ne pas se décourager.v

v Pensée et vocabulaire pauliniens cf. Rm 1.10 ; 12.12 ; 1 Th 5.17.

2 « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et n’avait de considération pour personne. 3 Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait le trouver, en disant : « Rends-moi justice contre mon adversaire ! » 4 Il s’y refusa longtemps. Après quoi il se dit : « J’ai beau ne pas craindre Dieu et n’avoir de considération pour personne, 5 néanmoins, comme cette veuve m’importune, je vais lui rendre justice, pour qu’elle ne vienne pas sans fin me rompre la tête ». »

6 Et le Seigneur dit : « Écoutez ce que dit ce juge inique. 7 Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, tandis qu’il patiente à leur sujet !w

w En Si 35.18-19, dont ce verset semble s’inspirer, il est dit que Dieu ne patientera pas ni ne tardera à rendre justice aux pauvres opprimés ; ici il est dit qu’il prend patience. Peut-être cette adaptation reflète-t-elle le souci d’expliquer le retard de la Parousie. Comparer une attitude analogue en 2 P 3.9 ; Ap 6.9-11.

8 Je vous dis qu’il leur fera prompte justice. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

Le Pharisien et le publicain.

9 Il dit encore, à l’adresse de certains qui se flattaient d’être des justes et n’avaient que mépris pour les autres, la parabole que voici : 10 « Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l’un était Pharisien et l’autre publicain.

11 Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain ; 12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j’acquiers. » 13 Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » 14 Je vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l’autre non. Car tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. »