chapitre précédent retour chapitre suivant

Bible de Jérusalem – 1 Corinthiens 15

III. La résurrection des mortsr

Le fait de la résurrection.

15 Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes,

r Certains chrétiens de Corinthe rejetaient la résurrection des morts, 15.12. Les Grecs la considéraient comme une conception grossière, Ac 17.32, tandis que les Juifs l’avaient peu à peu pressentie, Ps 16.10 ; Jb 19.25 ; Ez 37.10, puis explicitement enseignée, Dn 12.2, 3 ; 2 M 7.9. Pour combattre l’erreur des Corinthiens, Paul part de l’affirmation fondamentale de la proclamation évangélique, le mystère pascal du Christ mort et ressuscité, vv. 3-5 (cf. Rm 1.4 ; Ga 1.2-4 ; 1 Th 1.10, etc.), qu’il développe en énumérant les apparitions du Ressuscité vv. 6-11, cf. Ac 1.8. À partir de là, il montre l’absurdité de l’opinion qu’il combat vv. 12-34, cf. 15.13. Le Christ est les prémices et la cause efficace de la résurrection des morts, vv. 20-28, cf. Rm 8.11. Enfin Paul répond aux objections sur le « comment » de la résurrection des morts, vv. 35-53, et termine par un hymne d’action de grâces, vv. 54-57.

2 par lequel aussi vous vous sauvez, si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; sinon, vous auriez cru en vain.

3 Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu,s à savoir que le Christ est mort pour nos péchést selon les Écritures,

s La parole vivante de l’Évangile est transmise, reçue et gardée, mots empruntés au vocabulaire technique de la tradition rabbinique, cf. 11.23. Mais surtout cet Évangile est annoncé, vv. 1, 2, proclamé (v. 11, le « kérygme »), cf. Mt 4.23, etc., objet de foi, vv. 2, 11, cf. Mc 1.15, et porteur de salut, v. 2, cf. Ac 11.14 ; 16.17.

t Le caractère salutaire de la mort du Christ fait donc partie de la proclamation évangélique antérieure à Paul, cf. Rm 6.3.

4 qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures,u

u Ces expression, vv. 3-4, déjà fixées dans leur formulation, sont le germe des futures professions de foi (Credo).

5 qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. 6 Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois — la plupart d’entre eux demeurent jusqu’à présentv et quelques-uns se sont endormisw

v Paul sous-entend ils peuvent encore témoigner aujourd’hui de ce qu’ils ont vu, votre foi en la résurrection du Christ repose sur un témoignage sûr.

w C’est-à-dire « sont morts ». Même expression aux vv. 18, 20, 51, cf. 1 Th 4.13.

7 ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.x

x Les apôtres apparaissent comme formant un groupe plus large que celui des Douze du v. 5.

8 Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton.y

y Allusion au caractère anormal, violent, « chirurgical » de sa vocation. — Paul ne fait aucune différence entre l’apparition du chemin de Damas et les apparitions de Jésus de la Résurrection à l’Ascension.

9 Car je suis le moindre des apôtres ; je ne mérite pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. 10 C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile. Loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous : oh ! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.

11 Bref, eux ou moi, voilà ce que nous proclamons. Et voilà ce que vous avez cru.

12 Or, si l’on proclame que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ?

13 S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité.z

z Si l’on nie la résurrection des morts, on nie aussi le cas particulier qu’est la résurrection du Christ. Autre interprétation la résurrection du Christ n’a de sens que comme prémices de la nôtre. Si celle-ci est niée, celle du Christ n’a plus de sens. Mais cette considération n’intervient qu’au v. 20.

14 Mais si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi.a

a Tous les aspects du message chrétien et de la foi qui lui correspond n’ont de sens que par rapport à la réalité centrale le Christ ressuscité. Sans elle, tout s’effondre.

15 Il se trouve même que nous sommes des faux témoins de Dieu, puisque nous avons attesté contre Dieu qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité, s’il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. 16 Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. 17 Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi ; vous êtes encore dans vos péchés.b

b Car ce qui fait disparaître le péché, c’est la vie nouvelle, participation à la vie du Christ ressuscité cf. Rm 6.8-10 ; 8.2.

18 Alors aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri. 19 Si nous qui sommes dans le Christ n’avons d’espoir que cette vie, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.c

c Renoncer aux jouissances du temps présent est une duperie, si la mort est une fin définitive. L’immortalité de l’âme n’est pas envisagée hors de la perspective de la résurrection de la chair.

20 Mais non ; le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. 21 Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. 22 De même en effet que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront dans le Christ.d

d La perspective n’est pas seulement physique et biologique, mais englobe tout l’homme mort spirituelle du péché, vie ressuscitée dans la justice et l’amour. On remarquera que la perspective de Paul n’inclut pas la résurrection des pécheurs, affirmée en Jn 5.29 ; Ac 24.15 ; cf. Dn 12.2.

23 Mais chacun à son rang : comme prémices, le Christ, ensuite ceux qui seront au Christ, lors de son Avènement.e

e Terme d’origine hellénistique et reçu dans le christianisme primitif pour désigner le glorieux avènement du Christ en son « Jour », 1.8, à la fin des temps, Mt 24.3 ; cf. encore 1 Th 2.19 ; 3.13 ; 4.15 ; 5.23 ; 2 Th 2.1 ; Jc 5.7, 8 ; 2 P 1.16 ; 3.4, 12 ; 1 Jn 2.28. En 2 Th 2.8, 9, ce mot est appliqué à la venue de l’Impie. Comparer les termes analogues de « Révélation », 1.7, et d’« Apparition », 1 Tm 6.14.

24 Puis ce sera la fin, lorsqu’il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance.f

f Toutes les puissances hostiles au règne de Dieu, cf. 2.6 ; Ep 1.21 ; Col 1.16 ; 2.15 ; 1 P 3.22.

25 Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. 26 Le dernier ennemi détruit, c’est la Mort ; 27 car il a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dira :g « Tout est soumis désormais », c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses.

g Une fois « tout mis sous ses pieds », Jésus se présentera devant son Père pour lui rendre compte de sa mission accomplie. On traduit aussi, à tort « Mais lorsque l’Écriture dit que tout lui a été soumis... »

28 Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous.

29 Autrement, que feront « ceux qui se seront épuisés pour des morts » ?h Si ceux qui sont réellement morts ne ressuscitent pas, pourquoi s’épuiser pour eux ?i

h La traduction courante (« Autrement, que gagneraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? ») évoque une pratique sans autre attestation et qui contredit la théologie baptismale de Paul ; en effet, les morts ne peuvent pas faire l’acte de foi que réclame Rm 10.9. Il semble donc préférable de donner à baptizein un sens plus proche de son sens premier, cf. Mc 10.38. Comme Jésus, Paul et ses compagnons sont « plongés » dans un abîme de souffrances qui ne se justifie que si ceux pour qui les apôtres se sont donné tant de mal (se sont « épuisés ») sont destinés à la vie.

i Certains Corinthiens reprochaient à Paul de travailler si dur qu’il se tuait à la tâche pour ceux qui étaient « morts » spirituellement ou existentiellement, 2 Co 2.16. Paul transforme l’objection en argument en faveur de la résurrection. Continuerait-il à souffrir, 2 Co 11.23, s’il n’était absolument convaincu que ceux qui sont physiquement morts se relèveront ?

30 Et nous-mêmes, pourquoi à toute heure nous exposer au péril ? 31 Chaque jour je suis à la mort, aussi vrai, frères, que vous êtes pour moi un titre de gloire dans le Christ Jésus, notre Seigneur. 32 Si c’est dans des vues humaines que j’ai livré combat contre les bêtesj à Éphèse, que m’en revient-il ? Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons.k

j Il s’agit d’une métaphore, Ps 22.1 ; 1 M 2.60 ; 2 Tm 4.17. Cette épreuve ne nous est pas connue autrement, mais cf. 2 Co 1.8-9.

k Cf. Qo 9.7-10. Il y a là une certaine exagération oratoire. On peut renoncer aux jouissances matérielles pour des motifs purement humains. Paul vient lui-même de le dire, 9.25.

33 Ne vous y trompez pas : « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs. »l

l Vers du poète Ménandre, peut-être devenu dicton populaire.

34 Dégrisez-vous, comme il sied, et ne péchez pas ; car il en est parmi vous qui ignorent tout de Dieu. Je le dis à votre honte.

Le mode de la résurrection.

35 Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? 36 Insensé ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s’il ne meurt.

37 Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un simple grain, soit de blé, soit de quelque autre plante ; 38 et Dieu lui donne un corps à son gré, à chaque semence un corps particulier.m

m Dans la mentalité populaire, la germination était un processus dépendant du bon vouloir de la divinité, non un phénomène naturel, cf. 2 M 7.22-23. Dans le rapport entre le corps actuel et le corps de gloire, Paul insiste sur l’altérité beaucoup plus que sur la continuité. Il veut sans doute répondre à l’objection (v. 35) qui refuserait à juste titre de prendre à la lettre une imagerie telle que celle de Ez 37.1-10.

39 Toutes les chairs ne sont pas les mêmes, mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre la chair des oiseaux, autre celle des poissons. 40 Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres. 41 Autre l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles. Une étoile même diffère en éclat d’une étoile. 42 Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; 43 on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; 44 on est semé corps psychique,n on ressuscite corps spirituel.
S’il y a un corps psychique, il y a aussi un corps spirituel.

n Pour Paul comme pour la tradition biblique, la psychè (hébr. nephesh ; cf. Gn 2.7) est le principe vital qui anime le corps humain, 15.45. Elle est sa « vie », Rm 16.4 ; Ph 2.30 ; 1 Th 2.8 ; cf. Mt 2.20 ; Mc 3.4 ; Lc 12.20 ; Jn 10.11 ; Ac 20.10 ; etc., son âme vivante, 2 Co 1.23, et peut servir à désigner tout l’homme, Rm 2.9 ; 13.1 ; 2 Co 12.15 ; Ac 2.41, 43, etc. Mais elle reste un principe naturel, 2.14 ; cf. Jude 19, qui doit s’effacer devant le pneuma pour que l’homme retrouve la vie divine. Cette substitution qui s’ébauche déjà durant la vie mortelle par le don de l’Esprit, Rm 5.5 ; cf. 1.9, obtient son plein effet après la mort. Alors que la philosophie grecque attendait une survie immortelle de l’âme supérieure (noûs) seule, enfin affranchie du corps, le christianisme ne conçoit l’immortalité que dans la restauration intégrale de l’homme, c’est-à-dire dans la résurrection du corps par l’Esprit, principe divin que Dieu avait retiré de l’homme à la suite du péché, Gn 6.3, et qu’il lui rend par l’union au Christ ressuscité, Rm 1.4 ; 8.11, homme céleste et Esprit vivifiant, 15.45-49. De « psychique » le corps devient alors « pneumatique », incorruptible, immortel, 15.53, glorieux, 15.43 ; cf. Rm 8.18 ; 2 Co 4.17 ; Ph 3.21 ; Col 3.4, affranchi des lois de la matière terrestre, Jn 20.19, 26, et de ses apparences, Lc 24.16. — En un sens plus large, la psychè peut désigner l’âme, par opposition au corps, Mt 10.28, le siège de la vie morale et des sentiments, Ph 1.27 ; Ep 6.6 ; Col 3.23 ; cf. Mt 22.37 ; 26.38 ; Lc 1.46 ; Jn 12.27 ; Ac 4.32 ; 14.2 ; 1 P 2 11 ; etc., et même l’être spirituel et immortel, Ac 2.27 ; Jc 1.21 ; 5.20 ; 1 P 1.9 ; Ap 6.9 ; etc.

45 C’est ainsi qu’il est écrit : Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ;o le dernier Adam, esprit vivifiant.

o C’est-à-dire un être doué de vie par sa psychè, mais d’une vie purement naturelle, et soumis aux lois du dépérissement et de la corruption.

46 Mais ce n’est pas le spirituel qui paraît d’abord ; c’est le psychique, puis le spirituel. 47 Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui, vient du ciel. 48 Tel a été le terrestre, tels seront aussi les terrestres ; tel le céleste, tels seront aussi les célestes. 49 Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porteronsp aussi l’image du céleste.

p Var. « puissions-nous porter ».

50 Je l’affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité. 51 Oui, je vais vous dire un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés.q

q Paul s’attendait à ce que la Parousie ait lieu avant sa mort.

52 En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale,r car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés.

r Depuis le Sinaï, Ex 19.16, 19, la trompette fait partie du symbolisme des manifestations divines, Mt 24.31 ; 1 Th 4.16. Elle rythme les étapes du dessein final de Dieu, cf. les sept trompettes de Ap 8.6 — 11.19.

53 Il faut, en effet, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité.

Hymne triomphal et conclusion.

54 Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilités et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite :t La mort a été engloutie dans la victoire.

s Om « Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité. »

t Citée librement.

55 Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? 56 L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché, c’est la Loi.u

u Formule ramassée annonçant déjà le développement de Rm 5-7.

57 Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ !

58 Ainsi donc, mes frères bien-aimés, montrez-vous fermes, inébranlables, toujours en progrès dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre labeur n’est pas vain dans le Seigneur.v

v Ce v. relie le développement précédent au v. 15.14, début de l’instruction. La certitude de la victoire donne au croyant la force de progresser. Pour Paul, il ne peut y avoir de foi sans vie en progrès.

chapitre précédent retour chapitre suivant