16 Voilà pourquoi ils ont été châtiés justement par des êtres semblables,
et torturés par une multitude de bestioles.
v Après les deux digressions, la fin du livre, 16-19, reprend le parallèle entre Égyptiens et Israélites ; cf. 11.4. La deuxième et la troisième antithèse ont été préparées de loin par la mention générale des plaies causées par des animaux, 11.15-16 ; 12.23-27. L’auteur continue à ajouter maints détails aux récits bibliques anciens (ainsi v. 3), en les interprétant librement à la façon d’un midrash.
2 Au lieu de ce châtiment, tu as accordé un bienfait à ton peuple
pour satisfaire son ardent appétit,
c’est une nourriture d’une saveur extraordinaire que tu leur ménageas, des cailles !
3 si bien que, malgré leur désir de manger,
ceux-là, devant l’aspect repoussant des bêtes envoyées contre eux,
perdirent jusqu’à leur appétit naturel,
tandis que ceux-ci, après avoir été pour peu de temps dans la disette,
eurent en partage une saveur extraordinaire.
4 Car il fallait que sur ceux-là, les oppresseurs, s’abattît une irrémédiable disette ;
il suffisait à ceux-ci qu’on leur montrât comment leurs ennemis étaient torturés.
5 Et même lorsque s’abattit sur eux la fureur terrible de bêtes féroces,
et qu’ils périssaient sous les morsures de serpents tortueux,
ta colère ne dura pas jusqu’au bout ;
6 mais c’est par manière d’avertissement et pour peu de temps qu’ils furent inquiétés,
et ils avaient un signe de salutw pour leur rappeler le commandement de ta Loi,
w Au lieu de « signe » plusieurs mss importants ont « conseiller ».
7 car celui qui se tournait vers lui était sauvé, non par ce qu’il avait sous les yeux,
mais par toi, le Sauveur de tous.x
x L’auteur interprète Nb 21.4-9 dans le sens de la miséricorde. Il affirme aussi que le serpent d’airain n’avait aucun pouvoir par lui-même. Il y voit le rappel de la Loi et le signe d’un salut offert à tous par Dieu, ce qui ne ressort pas du texte ancien. — Serpent d’airain et dessein salvifique universel de Dieu figurent dans un même contexte en Jn 3.14-17.
8 Et par là tu prouvas à nos ennemis
que c’est toi qui délivres de tout mal ;y
y Les ennemis sont supposés informés de ces événements, cf. 11.13, à moins que l’auteur ne songe à un enseignement toujours valable dans le présent.
9 eux, en effet, les morsures de sauterelles et de mouches les tuèrent,
sans qu’on trouvât de remède pour leur sauver la vie,
car ils méritaient d’être châtiés par de telles bêtes,z
z À la plaie des sauterelles, Ex 10.4-15, l’auteur semble vouloir associer par un terme assez vague les taons, Ex 8.16-20, et les moustiques, Ex 8.12-15. L’idée de leur prêter une action meurtrière peut résulter d’une amplification d’Ex 10.17 (« fléau meurtrier ») et de Ps 78.45 (« des taons qui dévoraient ») ; on rapproche aussi, pour une transposition apocalyptique de ces plaies, Ap 9.3-12.
10 tandis que tes fils, même les dents de serpents venimeux n’en eurent pas raison ;
car ta miséricorde leur vint en aide et les guérit.
11 Ainsi tes oracles leur étaient rappelés par des coups d’aiguillon, bien vite guéris,
de peur que, tombés dans un profond oubli,
ils ne fussent exclus de ta bienfaisance.a
a Ou « ils ne devinssent insensibles à tes bienfaits ».
12 Et de fait, ce n’est ni herbe ni émollient qui leur rendit la santé,
mais ta parole, Seigneur, elle qui guérit tout !
13 Oui, c’est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort,
qui fais descendre aux portes de l’Hadès et en fais remonter.b
b L’auteur enseigne ici le pouvoir absolu de Dieu sur la vie et la mort, non seulement en ce sens qu’il peut tirer qui il lui plaît du péril de mort, cf. Ps 9.14 ; 107.17-19 ; Isa 38.10-17, mais encore, semble-t-il, en ce sens plus profond qu’il peut rendre à la vie corporelle l’âme descendue au shéol, cf. 1 R 17.17-23 ; 2 R 4.33-35 ; 13.21.
14 L’homme, dans sa malice, peut bien tuer,
mais il ne ramène pas le souffle une fois parti,
et ne libère pas l’âme que l’Hadès a reçue.c
c « Hadès » n’est pas exprimé (litt. « l’âme qui a été reçue ») mais le sens ne fait pas de doute.
15 Il est impossible d’échapper à ta main.
16 Les impies qui refusaient de te connaître
furent fustigés par la force de ton bras ;
pluies insolites, grêle, averses inexorables les assaillirent,
et le feu les consuma.d
d Tous les traits de cette énumération renvoient à la plaie de la grêle, Ex 9.13-35, mais l’auteur exploite à la manière du midrash toutes les indications bibliques :pour les « pluies » cf. Ex 9.29 (LXX), 33, 34 ; pour « le feu » cf. Ex 9.23-24 ; Ps 78.47-49 ; 105.32 (où l’on trouve aussi la « pluie »).
17 Car voici le plus étrange : dans l’eau, qui éteint tout,
le feu n’avait que plus d’ardeur ;
l’univers en effet combat pour les justes.
18 Tantôt en effet la flamme s’apaisait,
de peur de brûler complètement les animaux envoyés contre les impies,e
et pour leur faire comprendre, à cette vue, qu’ils étaient poursuivis par un jugement de Dieu ;
e L’auteur semble penser que les premières plaies durent encore quand la septième, celle de la grêle (Ex 9.13-35) s’abat sur l’Égypte.
19 tantôt, au sein même de l’eau, elle brûlait avec plus de force que le feu,
pour détruire les produits d’une terre inique.
20 Au contraire, c’est une nourriture d’anges que tu as donnée à ton peuple,
et c’est un pain tout préparé que du ciel tu leur as fournif sans fatigue,
un pain capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts ;g
f Var. attestée par de bons mss « tu leur as envoyé ».
g La manne, « pain des anges », Ps 78.25, ou « pain du ciel », Ps 105.40, qui avait le « goût d’un gâteau de miel », Ex 16.31, devient une nourriture susceptible de se plier à tous les goûts et de prendre toutes les saveurs désirables — symbole même de la douceur de Dieu (v. 21). Ce trait trouve des parallèles très concrets dans les textes rabbiniques et atteste déjà l’existence d’une légende juive sur la manne. La liturgie chrétienne a appliqué ce passage à l’Eucharistie.
21 Et la substance que tu donnais manifestait ta douceur envers tes enfants,
et, s’accommodant au goût de celui qui la prenait,
elle se changeait en ce que chacun voulait.
22 Neige et glaceh supportaient le feu sans fondre :
on saurait ainsi que c’était pour détruire les récoltes des ennemis
que le feu brûlait au milieu de la grêle et flamboyait sous la pluie,
h C’est encore la manne, qu’Ex 16.14 compare à la rosée, et Nb 11.7 (LXX) à la glace, cf. 19.21.
23 tandis qu’au contraire, pour respecter la nourriture des justes,
il oubliait jusqu’à sa propre vertu.
24 Car la création qui est à ton service, à toi, son Créateur,
se tend à fond pour le châtiment des injustes
et se détend pour faire du bien à ceux qui se confient en toi.i
i « se tend... se détend », image empruntée aux instruments à cordes cf. 19.18.
25 C’est pourquoi, alors aussi, en se changeant en tout,j
elle se mettait au service de ta libéralité, nourricière universelle,
selon le désir de ceux qui étaient dans le besoin ;k
j L’auteur tente d’expliquer cette particularité de la manne, cf. vv. 20c, 21c, à l’aide de la physique de l’époque, par une mutation des éléments ou un échange de leurs propriétés. Mais il insiste moins sur ce fait extraordinaire que sur l’enseignement qui s’en dégage.
k Ou « de ceux qui demandaient », ou « priaient ».
26 ainsi tes fils que tu as aimés, Seigneur, l’apprendraient :
ce ne sont pas les diverses espèces de fruits qui nourrissent l’homme,
mais c’est ta parole qui conserve ceux qui croient en toi.
27 Car ce qui n’était pas détruit par le feu
fondait à la simple chaleur d’un bref rayon de soleil,
28 afin que l’on sache qu’il faut devancer le soleil pour te rendre grâce,
et te rencontrer dès le lever du jour ;l
l Cette leçon, appuyée sur une interprétation très libre d’Ex 16.21, enregistre l’usage de faire coïncider la prière du matin avec l’aurore ou les premiers rayons du soleil.
29 l’espoir de l’ingrat fond, en effet, comme le givre hivernal,
comme une eau inutile, il s’écoule.