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Bible de Jérusalem – Genèse 2

2 Ainsi furent achevés le ciel et la terre, avec toute leur armée.

2 Au septième jour Dieu avait terminé tout l’ouvrage qu’il avait fait et, le septième jour, il chôma, après tout l’ouvrage qu’il avait fait. 3 Dieu bénit le septième jour et le sanctifia,p car il avait chômé après tout son ouvrage de création.

p Le sabbat (shabbat) est une institution divine Dieu lui-même s’est reposé (shabat) ce jour-là. Cependant le mot shabbat est évité ici, car, selon l’auteur sacerdotal, le sabbat ne sera imposé qu’au Sinaï, où il deviendra le signe de l’alliance, Ex 31.12-17. Mais, dès la création, Dieu a donné un exemple que l’homme devra imiter, Ex 20.11 ; 31.17.

Telle fut l’histoireq du ciel et de la terre, quand ils furent créés.

La formation de l’homme et de la femme.r

4 Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel,

q En hébreu tôledôt, proprement « descendance », puis histoire d’un ancêtre et de sa lignée, cf. 6.9 ; 25.19 ; 37.2. Par l’emploi de ce mot ici, la création est démythisée, elle est le commencement de l’histoire, elle n’est plus, comme à Sumer et en Égypte, une suite d’engendrements divins.

r La section 2.4-3.24 fait partie des traditions yahvistes. Elle utilise systématiquement le nom divin composé « Yahvé Dieu » (Yahveh Élohim) qui est très rare. Ce double titre pourrait être le fait d’une révision tardive (cf. grec). Plutôt qu’un « deuxième récit de la création » (car le parallélisme avec 1.1-2 4 n’est que partiel), ce que nous avons ici est la narration de la formation de l’homme et de la femme (les animaux ne sont formés que comme une tentative pour trouver à l’homme une « aide assortie ») unie à une autre sur le paradis et la chute. Il y a donc au moins deux grandes traditions, celle de la création de l’homme et de la femme, l’« anthropogonie », vv. 4-8 et 18-24, et celle du paradis et de la chute, 2.9, 15-16 ; 3. Probablement, ce qui a aidé l’auteur à les réunir est le fait que les deux parlent d’un jardin, même si les connotations semblent un peu différentes sol que l’homme doit cultiver (relation entre 2.8 et la description de l’« avant », v. 6), jardin de délices que l’homme n’a pas à cultiver (travailler le sol avec peine fait partie de la punition infligée, 3.17). Mais il y a une partie du texte actuel qui sert à unifier les éléments des deux récits (et même des motifs isolés, tel celui des quatre fleuves, 2.10-14). L’auteur qui a unifié tout cela a même connu des variantes ; elles apparaissent par endroits, ainsi lorsque nous apprenons que Dieu veut garder l’entrée du jardin pour que l’homme ne puisse y accéder, 3.22, 24, court passage sans doute préparé par la mention conjointe des deux arbres en 2.9. Ici apparemment il ne s’agit pas d’un châtiment pour l’homme à cause d’une faute déjà commise, mais d’une mesure préventive. L’ensemble forme un récit coloré et populaire. Si l’homme et la femme (et même sans doute le reste de la création, au moins par implication, et non pas seulement les animaux dont parle 2.18-20) ont leur origine en Dieu, l’ensemble du récit veut surtout expliquer les limitations de l’homme et de la femme, 3.16-19. Si limitation il y a, et si elle ne s’identifie pas au fait d’être une créature, elle ne peut pas venir de Dieu, à moins que ce ne soit un châtiment infligé à cause d’une faute grave de la part de l’homme et de la femme. Or, la faute étant cœxtensive à l’ensemble de l’humanité, elle doit se situer à l’origine, chez le couple qui n’est pas seulement le premier du point de vue chronologique, mais encore le principe de toute l’humanité. Si ce texte garde une relation avec le dogme du péché originel, son expression est symbolique. Cette dimension symbolique même est à la source des affirmations ultérieures de l’Écriture en rapport avec le dogme du péché des origines il ne faut pas chercher ici tout ce qu’on y a lu par la suite, qu’il s’agisse des « relectures bibliques », par exemple celle de Paul (Rm 5.12s ; 1 Co 15.21-22), ou des formulations dogmatiques de l’Église.

5 il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car Yahvé Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol. 6 Toutefois, un flots montait de terre et arrosait toute la surface du sol.

s Mot hébreu (`ed) dont la signification reste incertaine et que l’on traduit d’après le contexte, en tenant compte de Job 36.27, du fait que « monter » se dit en Nb 21.17 d’une source d’eau et de parallèles sémitiques.

7 Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol,t il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant.u

t L’homme, ’adam, vient du sol, ’adamah, cf. 3.19. Ce nom collectif deviendra le nom propre du premier humain, Adam, cf. 4.25 ; 5.1, 3.

u C’est le mot nephesh, qui désigne l’être animé par un souffle vital (manifesté aussi par l’« esprit », ruah, 6.17, Isa 11.2), cf. Ps 6.5.

8 Yahvé Dieu planta un jardin en Éden,v à l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait modelé.

v « Jardin » est traduit « paradis » dans la version grecque, puis dans toute la tradition. « Éden » est un nom géographique qui se dérobe à toute localisation, et a pu d’abord signifier « steppe » il pourrait être comparé au bit adini assyro-babylonien, région au bord de l’Euphrate dont parlent aussi quelques textes bibliques, Am 1.5 ; 2 R 19.12 ; Isa 37.12 ; Ez 27.23. Mais les Israélites ont interprété le mot d’après l’hébreu « délices », racine `dn. La distinction entre Éden et le jardin, exprimée ici et au v. 10, s’estompe ensuite on parle du « jardin d’Éden », v. 15 ; 3.23, 24. Dans Ez 28.13 ; 31.9, Éden est le « jardin de Dieu », et dans Isa 51.3, Éden, le « jardin de Yahvé », est opposé au désert et à la steppe.

9 Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de view au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

w Symbole de l’immortalité, cf. 3.22. Sur l’arbre de la connaissance du bien et du mal, cf. v. 17.

10 Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras.x

x Les vv. 10-14 sont une parenthèse dans le récit de base, probablement insérée déjà par son auteur. Il utilisait de vieilles traditions à caractère géographique. Son propos n’est pas de localiser le jardin d’Éden, mais de montrer que les grands fleuves qui sont les « artères vitales » des quatre régions du monde ont leur source au paradis. Il n’est pas étonnant que cette géographie soit incertaine. Le Tigre et l’Euphrate sont bien connus et ont leur source dans les monts d’Arménie, mais le Pishôn et le Gihôn sont inconnus et indiqueraient des caractéristiques de toute source qui jaillit de terre (le « Jaillissant » et le « Sourdant »). Havila est, d’après 10.29, une région d’Arabie, et Kush désigne ailleurs l’Éthiopie, mais il n’est pas sûr que ces deux noms soient à prendre ici dans leur sens habituel.

11 Le premier s’appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l’or ; 12 l’or de ce pays est pur et là se trouvent le bdelliumy et la pierre de cornaline.

y Gomme aromatique.

13 Le deuxième fleuve s’appelle le Gihôn : il contourne tout le pays de Kush.

14 Le troisième fleuve s’appelle le Tigre : il coule à l’orient d’Assur. Le quatrième fleuve est l’Euphrate. 15 Yahvé Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. 16 Et Yahvé Dieu fit à l’homme ce commandement : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. 17 Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du malz tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. »a

z Cette connaissance est un privilège que Dieu se réserve et que l’homme usurpera par le péché, 3.5, 22. Ce n’est donc ni l’omniscience, que l’homme déchu ne possède pas, ni le discernement moral, qu’avait déjà l’homme innocent et que Dieu ne peut pas refuser à sa créature raisonnable. C’est la faculté de décider soi-même ce qui est bien et mal et d’agir en conséquence, une revendication d’autonomie morale par laquelle l’homme renie son état de créature, cf. Isa 5.20. Le premier péché a été un attentat à la souveraineté de Dieu, une faute d’orgueil. Cette révolte s’est exprimée concrètement par la transgression d’un précepte posé par Dieu et représenté sous l’image du fruit défendu.

a Ou « tu devras mourir ».

18 Yahvé Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie. »b

b Le récit de la création de la femme, vv. 18-24 (25 n’est qu’une transition à 3), n’est pas la suite logique de 15-17, car là « homme » (v. 16 ; cf. 3.22) est pris collectivement et inclut l’homme et la femme. Il a pourtant sa fonction dans un récit de création de l’homme. Du point de vue de la tradition, 18-24 sont la suite logique du v. 7 (et 8), même si le passage est maintenant un peu loin à cause de l’arrangement de l’auteur, qui a choisi de raconter la formation de la femme seulement avant le moment où elle aura un rôle actif dans la transgression.

19 Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et il les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devait porter le nom que l’homme lui aurait donné. 20 L’homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages, mais, pour un homme, il ne trouva pas l’aide qui lui fût assortie. 21 Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place.c

c La chair (basar), c’est d’abord, chez l’animal ou l’homme, la « viande », les muscles, 41.2-4 ; Ex 4.7 ; Jb 2.5. C’est aussi le corps entier, Nb 8.7 ; 1 R 21.27 ; 2 R 6.30, et donc le lien familial, 2.23 ; 29.14 ; 37.27, voire l’humanité ou l’ensemble des êtres vivants (« toute chair », 6.17, 19 ; Ps 136.25 ; Isa 40.5-6). L’âme, 2.7 ; Ps 6.5, ou l’esprit, 6.17, animent la chair sans s’additionner à elle, en la rendant vivante. Souvent néanmoins la « chair » souligne ce qu’il y a de fragile et de périssable en l’homme, 6.3 ; Ps 56.5 ; Isa 40.6 ; Jr 17.5 ; et peu à peu l’on percevra une certaine opposition entre les deux aspects de l’homme vivant, Ps 78.39 ; Qo 12.7 ; Isa 31.3 ; cf. aussi Sg 8.19 ; 9.15. L’hébreu n’a pas de mot pour dire « corps » le NT suppléera à cette lacune en développant sôma à côté de sarx, cf. Rm 7.5 ; 7.24.

22 Puis, de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femmed et l’amena à l’homme.

d Expression imagée du rapport qui relie l’homme et la femme, v. 23, et qui les unit dans le mariage, v. 24.

23 Alors celui-ci s’écria : « Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ! Celle-ci sera appelée « femme »,e car elle fut tirée de l’homme, celle-ci ! »

e L’hébreu joue sur les mots ’îshsha « femme » et ’îsh « homme ».

24 C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.

25 Or tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte l’un devant l’autre.

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