3 Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.n
Et nul tourment ne les atteindra.
n C’est-à-dire sous sa protection, cf. Dt 33.3 ; Isa 51.16 ; Jn 10.28-29, et sa dépendance, cf. Jb 12.10.
2 Aux yeux des insensés ils ont paru bien morts,
leur départ a été tenu pour un malheur
3 et leur voyage loin de nous pour un anéantissement,
mais eux sont en paix.o
o La « paix » ne signifie pas seulement l’absence de tout mal, Isa 57.2 ; Jb 3.17-18, mais un état de sécurité ou de bonheur sous la protection (v. 1) ou dans l’intimité (v. 9) de Dieu.
4 S’ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments,
leur espérance était pleine d’immortalité ;p
p L’espérance, Rm 5.2, se voit assigner un rôle capital dans la vie des justes et elle a pour objet l’immortalité, athanasia. Ce mot, inusité jusque-là dans l’AT, mais familier aux Grecs, désignait, soit l’immortalité du souvenir, cf. 8.13, soit celle de l’âme. L’auteur l’emploie ici dans le second sens, mais pour signifier l’immortalité bienheureuse dans la société de Dieu en récompense de la justice, 1.15 ; 2.23. Il précise de la sorte les espérances du Psalmiste qui ne se résignait pas à perdre par la mort l’intimité de Dieu, Ps 16.10.
5 pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits.
Dieu en effet les a mis à l’épreuveq
et il les a trouvés dignes de lui ;
q Sur l’épreuve, pierre de touche et moyen de purification du juste, cf. Gn 22.1 ; Tb 12.13 ; Jb 1.2 ; Ps 66.10 ; Si 2 ; 1 P 1.6-7.
6 comme l’or au creuset, il les a éprouvés,
comme un parfait holocauste, il les a agréés.
7 Au temps de leur visite,r ils resplendiront,
et comme des étincelles à travers le chaumes ils courront.
r Le mot, cf. Ex 3.16, désigne ici une intervention favorable de Dieu, susceptible de coïncider avec un jugement général ou partiel. L’expression elle-même, qui reproduit litt. Jr 6.15 ; 10.15 (LXX), cf. aussi Isa 44.22, indique une phase ultérieure dans la condition des âmes justes. Le verbe suivant doit signifier leur glorification définitive ; si la notion de « resplendissement » s’applique ailleurs aux élus ressuscités, Dn 12.3 ; Mt 13.43, cette doctrine d’une résurrection corporelle ne s’explicite nulle part dans le livre.
s Dans plusieurs textes bibliques, cf. Isa 1.31 ; 5.24 ; Na 1.10 ; Abd 18 ; Za 12.6 ; Ml 3.19, l’image symbolise les effets de la colère vengeresse de Dieu ou la revanche d’Israël sur ses ennemis. Elle est ici transposée et signifie peut-être la participation des justes glorifiés à l’extermination du mal, comme prélude à l’établissement du règne de Dieu, auquel ils sont associés (v. 8).
8 Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples,
et le Seigneur régnera sur eux à jamais.
9 Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la véritét
et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour,u
car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints
et sa visite est pour ses élus.
t Une « vérité » qui justifiera leur confiance et leur révélera tout le dessein de Dieu.
u Ou bien, en coupant la phrase autrement « et ceux qui sont fidèles dans l’amour demeureront auprès de lui ». Selon la traduction adoptée, le bonheur des élus est donc fait à la fois de connaissance et d’amour.
10 Mais les impies auront un châtiment conforme à leurs pensées,
eux qui ont négligé le justev et se sont écartés du Seigneur.
v Ou « ce qui est juste ».
11 Car malheur à qui méprise sagesse et discipline :w
vaine est leur espérance,
sans utilité leurs fatigues,
sans profit leurs œuvres ;
w Formule empruntée à Pr 1.7. Le mot « sagesse » désigne la sagesse pratique qui fait vivre selon la vertu ; le mot « discipline », traduit ailleurs par « éducation » 1.5 ; 2.12, ou « instruction » 6.17 ; 7.14, résume les moyens nécessaires pour l’acquérir.
12 leurs femmes sont insensées,
pervers leurs enfants,
maudite leur postérité !
13 Heureuse la femme stérilex qui est sans tache,
celle qui n’a pas connu d’union coupable ;y
car elle aura du fruit à la visite des âmes.z
x La stérilité était tenue pour un déshonneur ou un châtiment, la fécondité était le signe de la bénédiction divine. À la femme stérile mais fidèle est reconnue ici une fécondité spirituelle.
y Littéralement « qui n’a pas connu la couche dans l’infidélité ». L’auteur envisage avant tout le cas d’une Juive fidèle, mariée à un Juif fidèle, conformément aux prescriptions de la Loi. Il écarte donc non seulement l’adultère et la fornication, cf. He 13.4, mais aussi les relations conjugales à l’intérieur de mariages mixtes, Dt 7.3 ; Esd 9.1-2.
z Var. de nombreux mss lat. « de leurs âmes » ou « des âmes saintes ». — Cette « visite » doit être la même que celle mentionnée au v. 7.
14 Heureux encore l’eunuquea dont la main ne commet pas de forfait
et qui ne nourrit pas de pensées perverses contre le Seigneur :
il lui sera donné pour sa fidélité une grâce de choix,
un lot très délicieux dans le Temple du Seigneur.b
a L’eunuque était exclu de l’assemblée cultuelle d’Israël, Dt 23.2, mais Isa 56.3-5 avait annoncé sa réhabilitation au temps messianique, s’il observait fidèlement la Loi de Dieu. L’auteur prolonge et transpose ici ce dernier texte.
b C’est-à-dire dans le ciel, Ps 11.4 ; 18.7 ; Mi 1.2-3, etc. ; Ap 3.12 ; 7.15, où l’on partage la société de Dieu.
15 Car le fruit de labeurs honnêtes est plein de gloire,
impérissable est la racine de l’intelligence.c
c « L’intelligence » désigne le sage discernement des vrais biens qui fait vivre selon la vertu et assure la conformité aux exigences divines, cf. 4.9 ; 6.15 ; 7.7 ; 8.6, 18, 21. C’est une racine stable, Pr 12.3, et féconde, portant des fruits pour l’éternité, 1.15 ; 2.23.
16 Mais les enfants d’adultèresd n’atteindront pas leur maturité,
la postérité issue d’une union illégitime disparaîtra.
d Dans l’usage biblique, le mot « adultère » est appliqué à Israël ou aux Israélites infidèles à Dieu, cf. Isa 57.3 ; Jr 9.1 ; Ez 23.37 ; Os 3.1. On peut donc l’entendre de Juifs apostats ou de Juifs ayant contracté mariage avec une partie païenne, cf. 13, et non pas seulement des adultères au sens précis du terme. Cf. encore 4.3, 6.
17 Même si leur vie se prolonge, ils seront comptés pour rien
et, à la fin, leur vieillesse sera sans honneur,
18 s’ils meurent tôt, ils n’auront pas d’espérance
ni de consolation au jour de la décision,
19 car la fin d’une race injuste est cruelle !e
e Dans ce développement (cf. déjà v. 12) sur le sort misérable d’une descendance impie, l’auteur rejoint des motifs bibliques anciens les parents sont punis dans leurs enfants et ceux-ci, rendus solidaires dans le mal et le châtiment (cf. pourtant Ez 18.14-20), mourront soudainement ou ne connaîtront pas une vieillesse honorable (cf. pourtant Jb 21.7-33). La perspective d’un jugement sévère, v. 18, lorsque Dieu décidera en dernier ressort, rend le tableau plus sombre encore. Cf. 4.3-5.