5 Alors le justep se tiendra debout, plein d’assurance,
en présence de ceux qui l’opprimèrent,
et qui, pour ses labeurs, n’avaient que mépris.
p Le terme doit avoir la même portée qu’en 2.12s, cf. 2.20. Il semble même généraliser davantage. Cependant certains critiques relèvent ensuite des correspondances avec le Serviteur, Isa 53, voire même avec le Maître de justice des textes de Qumrân. Le développement fait penser à une figure exemplaire, représentant tous ceux qui subissent des épreuves semblables et connaîtront la même revanche dans l’au-delà.
2 À sa vue, ils seront troublés par une peur terrible,
stupéfaits de le voir sauvé contre toute attente.
3 Ils se diront entre eux, saisis de regrets
et gémissant,q le souffle oppressé :
q « gémissant » lat., copte ; « ils gémiront » grec.
4 « Le voilà, celui que nous avons jadis tourné en dérision
et dont nous avons fait un objet d’outrage, nous, insensés !
Nous avons tenu sa vie pour folie,
et sa fin pour infâme.
5 Comment donc a-t-il été compté parmi les fils de Dieu ?
Comment a-t-il son lot parmi les saints ?r
r « fils de Dieu » et « saints » peuvent désigner les anges :cf. d’une part Jb 1.6 ; Ps 29.1 ; 82.1 ; 89.7 ; d’autre part Jb 5.1 ; 15.15 ; Ps 89.6, 8 ; Si 42.17 ; Dn 4.14 ; Za 14.5. Mais à cause de 2.18, plusieurs identifient les « fils de Dieu » avec les élus qui partagent dans le ciel l’intimité de Dieu et qui sont susceptibles également d’être appelés « saints » cf. Ps 16.3 ; 34.10 ; Isa 4.3 ; Dn 7.18, 21, 22 ; 8.24.
6 Oui, nous avons erré hors du chemin de la vérité ;
la lumière de la justice n’a pas brillé sur nous,
le soleil ne s’est pas levé pour nous.
7 Nous nous sommes rassasiés dans les sentiers de l’iniquité et de la perdition,
nous avons traversé des déserts sans chemins,
et la voie du Seigneur, nous ne l’avons pas connue !
8 À quoi nous a servi l’orgueil ?
Que nous ont valu richesse et jactance ?
9 Tout cela a passé comme une ombre,
comme une nouvelle fugitive.
10 Tel un navire qui parcourt l’onde agitée,
sans qu’on puisse découvrir la trace de son passage
ni le sillage de sa carène dans les flots ;
11 tel encore un oiseau qui vole à travers les airs,
sans que de son trajet on découvre un vestige ;
il frappe l’air léger, le fouette de ses plumes,
il le fend en un violent sifflement,
s’y fraie une route en remuant les ailes,
et puis, de son passage on ne trouve aucun signe ;
12 telle encore une flèche lancée vers le but ;
l’air déchiré revient aussitôt sur lui-même,
si bien qu’on ignore le chemin qu’elle a pris.
13 Ainsi de nous : à peine nés, nous avons disparu,s
et nous n’avons à montrer aucune trace de vertu ;
dans notre malice nous nous sommes consumés ! »t
s Entre ces deux extrêmes aucune valeur durable n’a rempli leur existence.
t La plupart des mss latins ajoutent « Voilà ce que disent dans l’enfer ceux qui ont péché ». Cette glose ancienne, passée dans le texte, est comptée par la Vulgate comme v. 14.
14 Oui,u l’espoir de l’impie est comme la bale emportée par le vent,
comme l’écumev légère chassée par la tempête ;
il se dissipe comme fumée au vent,
il passe comme le souvenir de l’hôte d’un jour.
u L’auteur conclut maintenant cette confession des damnés avec d’autres images :l’impie voit son espoir de bonheur (cf. 3.11, 18) frustré à jamais, car il s’est attaché à des biens inconsistants.
v « écume » lat., syr. ; « givre » grec (sauf quelques mss qui lisent « toile d’araignée »).
15 Mais les justes vivent à jamais,x
leur récompense est auprès du Seigneur,y
et le Très-Haut a souci d’eux.
w L’auteur évoque, par contraste, la vie des justes, assurés d’une récompense éternelle, vv. 15-16-b, protégés par Dieu, v. 16c-d, contre les fléaux déchaînés pour le châtiment final des impies, vv. 17-23. Ce châtiment est décrit en termes d’apocalypse, avec la reprise des images d’un grand combat, Ez 38-39 ; Isa 24-26, et de bouleversements cosmiques, Am 8.8-9. Cette section fait peut-être allusion à un événement eschatologique distinct.
x De la vraie vie dans l’intimité avec Dieu. Commencée sur terre, cette vie ne finit jamais.
y Ou « leur récompense est dans le Seigneur », qui est leur « part », Ps 16.5-6 ; 73.26.
16 Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique
et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ;
car de sa droite il les protégera,
et de son bras, comme d’un bouclier, il les couvrira.
17 Pour armure,z il prendra son ardeur jalouse,
il armera la création pour repousser ses ennemis ;
z Cette « armure », inspirée d’Isa 59.16-17, symbolise les attributs du Dieu justicier qui s’enferme dans sa volonté de châtier et la met à exécution en déchaînant les éléments.
18 pour cuirasse il revêtira la justice,
il mettra pour casque un jugement irrévocable,
19 il prendra pour bouclier la sainteté invincible ;
20 de sa colère inexorable il fera une épée tranchante,a
et l’univers ira au combat avec lui contre les insensés.b
a Sur cette « épée » divine, cf. Dt 32.41 ; Isa 66.16 ; Ez 21.
b Dans la Bible, Dieu utilise souvent la nature pour exercer ses jugements. L’auteur accentue ici cette idée et il le fera davantage encore en revenant sur les événements de l’Exode (cf. en particulier 16 et 19). La description suivante reprend divers motifs anciens, transposés déjà en contexte eschatologique.
21 Traits bien dirigés, les éclairs jailliront,c
et des nuages, comme d’un arc bien bandé, voleront vers le but ;
c L’orage est la représentation traditionnelle de l’intervention divine, cf. Ex 19.16. Sur les « traits », cf. Ps 18.15 ; Ha 3.11 ; Za 9.14.
22 une baliste lancera des grêlonsd chargés de courroux,
les flots de la mer contre eux feront rage,
les fleuves les submergeront sans merci,e
d Comme au temps de l’Exode, Ex 9.23-25, et de Josué, Jos 10.11, et comme dans les jugements de Dieu annoncés par les prophètes, Isa 28.17 ; Ez 13.13 ; 38.22 ; cf. Ap 8.7 ; 11.19 ; 16.21.
e Comme la mer des Roseaux engloutit les Égyptiens, Ex 14.26s, et comme le Qishôn roula les cadavres des soldats de Sisera, Jg 5.21. Le déchaînement des eaux est le symbole des grandes calamités, Ps 18.5.
23 un souffle puissant se lèvera contre eux
et les vannera comme un ouragan.
Ainsi l’iniquité dévastera la terre entière
et la malfaisance renversera des trônes de puissants.