19 Et il advint, quand Jésus eut achevé ces discours, qu’il quitta la Galilée et vint dans le territoire de la Judée au-delà du Jourdain.
x Affirmation catégorique de l’indissolubilité du lien conjugal.
y Étant donné la forme absolue des parallèles Mc 10.11s ; Lc 16.18 et 1 Co 7.10s, il est peu vraisemblable que tous trois aient supprimé une clause restrictive de Jésus, et plus problable qu’un des derniers rédacteurs du premier évangile l’ait ajoutée pour répondre à une certaine problématique rabbinique (discussion entre Hillel et Shammaï sur les motifs légitimant le divorce), évoquée d’ailleurs par son contexte, v. 3, qui pouvait préoccuper le milieu judéo-chrétien pour lequel il écrivait. On aurait donc ici une décision ecclésiastique de portée locale et temporaire, comme fut celle du Décret de Jérusalem concernant la région d’Antioche, Ac 15.23-29. Le sens de porneia oriente la recherche dans la même direction. Certains veulent y voir la fornication dans le mariage, c’est-à-dire l’adultère, et trouvent ici la permission de divorcer en pareil cas ; ainsi les Églises orthodoxes et protestantes. Mais en ce sens on aurait attendu un autre terme, moicheia. Au contraire porneia, dans le contexte, paraît avoir le sens technique de la zenût ou « prostitution » des écrits rabbiniques, dite de toute union rendue incestueuse par un degré de parenté interdit selon la Loi, Lv 18. Dc telles unions, contractées légalement entre païens ou tolérées par les Juifs eux-mêmes chez les prosélytes, ont dû faire difficulté quand ces gens se convertissaient, dans des milieux judéo-chrétiens légalistes comme celui de d’où la consigne de rompre de telles unions irrégulières qui n’étaient en somme que de faux mariages. — Une autre solution envisage que la licence accordée par la clause restrictive ne soit pas celle du divorce, mais de la « séparation » sans remariage. Une telle institution était inconnue du judaïsme, mais les exigences de Jésus ont entraîné plus d’une solution nouvelle, et celle-ci est déjà clairement supposée par Paul en 1 Co 7.11.
10 Les disciples lui disent : « Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier. »
z Jésus invite à la continence perpétuelle ceux qui veulent se consacrer exclusivement au Royaume des Cieux.
13 Alors des petits enfants lui furent présentés, pour qu’il leur imposât les mains en priant ; mais les disciples les rabrouèrent.
16 Et voici qu’un homme s’approcha et lui dit : « Maître,a que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? »
a Var. « Bon Maître », cf. Mc et Lc.
b C’est-à-dire Dieu, comme le précisent Mc et Lc, et ici Vulg. — Autre leçon, empruntée à Mc et Lc « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul ».
c Add. « dès ma jeunesse », cf. Mc et Lc.
d Jésus n’institue pas ici une catégorie de « parfaits », supérieurs aux chrétiens ordinaires. La « perfection » envisagée est celle de l’économie nouvelle, qui surpasse l’ancienne en l’accomplissant, cf. 5.17. Tous y sont également appelés, cf. 5.48. Mais, pour établir le Royaume, Jésus a besoin de collaborateurs spécialement disponibles ; c’est à eux qu’il demande de renoncer radicalement aux soucis de la famille, 8.21-22, et des richesses, 8.19-20.
23 Jésus dit alors à ses disciples : « En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux.
27 Alors, prenant la parole, Pierre lui dit : « Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ? »
e Il s’agit du renouveau messianique qui se manifestera à la fin du monde, mais qui sera déjà commencé, sur un mode spirituel, par la Résurrection du Christ et son règne dans l’Église. Cf. Ac 3.21.
f Au sens biblique pour « gouverner ». Les « douze tribus » désignent l’Israël nouveau, l’Église.
g Add. « femme ».
20 « Car il en va du Royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
h En embauchant jusqu’au soir des ouvriers sans travail et en leur donnant à tous plein salaire, le maître de la vigne fait preuve d’une bonté qui va plus loin que la justice, sans d’ailleurs léser celle-ci. Tel est Dieu, qui introduit dans son Royaume des tard-venus comme les pécheurs et les païens. Les appelés de la première heure (les Juifs bénéficaires de l’Alliance depuis Abraham) ne doivent pas s’en scandaliser.
i Add. « Car beaucoup sont appelés, mais peu élus », sans doute par emprunt à 22.14.
17 Devant monter à Jérusalem, Jésus prit avec lui les Douze en particulier et leur dit pendant la route :
20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de lui, avec ses fils, et se prosterna pour lui demander quelque chose.
j Les apôtres attendent pour le Royaume du Christ une manifestation immédiate et glorieuse qui sera en fait reportée à son second avènement, cf. 4.17 ; Ac 1.6.
k Métaphore biblique, cf. Isa 51.17, qui désigne ici la Passion prochaine.
l Jacques, fils de Zébédée, fut mis à mort par Hérode Agrippa, vers 44, Ac 12.2. S’il n’a pas lui-même subi le martyre, Jean son frère n’en fut pas moins étroitement associé aux souffrances du Maître.
m La mission du Christ sur terre n’est pas de distribuer aux hommes des récompenses, mais de souffrir pour les sauver, cf. Jn 3.17 ; 12.47.
24 Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères.
25 Les ayant appelés près de lui, Jésus dit : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir.
n Les péchés des hommes entraînent une dette à l’égard de la Justice divine, la peine de mort exigée par la Loi, 1 Co 15.56 ; 2 Co 3.7, 9 ; Ga 3.13 ; Rm 8.3-4 (et les notes). Pour les affranchir de cet esclavage du péché et de la mort, Rm 3.24, Jésus paiera la rançon et acquittera la dette en versant le prix de son sang, 1 Co 6.20 ; 7.23 ; Ga 3.13 ; 4.5 (et les notes), c’est-à-dire en mourant à la place des coupables, ainsi qu’il était annoncé du « Serviteur de Yahvé », Isa 53. Le terme sémitique que traduit « une multitude », Isa 53.11s, oppose le grand nombre des rachetés à l’unique Rédempteur, sans impliquer que ce nombre soit limité, Rm 5.6-21. Cf. 26.28.
o Des témoins ajoutent ici un passage qui provient sans doute de quelque évangile apocryphe « Mais vous, vous cherchez de petits à devenir grands, et de grands vous vous rendez petits. Lorsque vous venez à un banquet auquel on vous a invités, ne prenez pas les places d’honneur, de peur que survienne un plus digne que toi et que le maître du banquet vienne te dire « Recule vers le bas », et tu seras couvert de confusion. Mais si tu prends la place inférieure, et que survienne un moins digne que toi, le maître du banquet te dira « Avance vers le haut », et cela te sera avantageux ». Cf. Lc 14.8-10.
29 Comme ils sortaient de Jéricho, une foule nombreuse le suivit.
21 Quand ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent en vue de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples
5 Dites à la fille de Sion :
Voici que ton Roi vient à toi ;
modeste, il monte une ânesse,
et un ânon, petit d’une bête de somme.p
p Dans la pensée du prophète, cet attirail modeste du Roi messianique devait manifester le caractère humble et pacifique de son règne. Matthieu applique cette prophétie à Jésus, Messie humble.
6 Les disciples allèrent donc et, faisant comme leur avait ordonné Jésus,
« Hosannaq au fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna au plus haut des cieux ! »
q Terme hébraïque (au sens premier « Sauve donc ») devenu une acclamation, cf. Ps 118.26.
10 Quand il entra dans Jérusalem, toute la ville fut agitée. « Qui est-ce ? » disait-on,
12 Puis Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs qui s’y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs, ainsi que les sièges des marchands de colombes.r
r Ils fournissaient aux pèlerins la monnaie et les victimes requises pour les offrandes. Mais cet usage légitime donnait lieu à des abus.
De la bouche des tout-petits et des nourrissons,
tu t’es ménagé une louange ? »
17 Et les laissant, il sortit de la ville pour aller à Béthanie, où il passa la nuit.
18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim.
s « Ce n’était pas la saison des figues », dit Mc. comme ont fait les prophètes, cf. Jr 18.1, pour mettre Israël désobéissant en garde ; cf. Jr 8.13. Jésus a voulu faire un geste symbolique.
23 Il était entré dans le Temple et il enseignait, quand les grands prêtres et les anciens du peuple s’approchèrent et lui dirent : « Par quelle autorité fais-tu cela ?t Et qui t’a donné cette autorité ? »
t Les actes insolites que Jésus vient de permettre dans le Temple même triomphe messianique, expulsion des trafiquants, guérisons miraculeuses.
26 Et si nous disons : « Des hommes », nous avons à craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. »
28 « Mais dites-moi votre avis. Un homme avait deux enfants. S’adressant au premier, il dit : « Mon enfant, va-t’en aujourd’hui travailler à la vigne. » —
u Expression biblique Jean pratiquait et prêchait cette conformité à la volonté de Dieu qui rend l’homme « juste ».
33 « Écoutez une autre parabole. Un homme était propriétaire, et il planta une vigne ; il l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons et partit en voyage.
v On dirait mieux une « allégorie », car chaque trait du récit a sa signification le propriétaire est Dieu ; la vigne, le peuple élu, Israël, cf. Isa 5.1 ; les serviteurs, les prophètes ; le fils, Jésus, tué hors des murs de Jérusalem ; les vignerons homicides, les Juifs infidèles ; l’autre peuple à qui sera confiée la vigne, les païens et les juifs croyants.
La pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs
c’est elle qui est devenue pierre de faîte ;
c’est là l’œuvre du Seigneur
et elle est admirable à nos yeux ?w
w Ce verset est bien dans la perspective de Mt, pour qui c’est l’Église, génération nouvelle de croyants, qui prend la relève d’Israël (cf. Jr 7.27-28).
43 Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits. »
x Ce verset est absent des mss occidentaux, peut-être parce que leurs scribes y voyaient une reprise de Lc 20.18. Le verset est à retenir parce qu’il rend plus explicite l’allusion à Dn 2.34s, 44s.
45 Les grands prêtres et les Pharisiens, en entendant ses paraboles, comprirent bien qu’il les visait.
46 Mais, tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète.
22 Et Jésus se remit à leur parler en paraboles :
y Parabole parsemée de traits allégoriques comme la précédente, et qui comporte la même leçon le roi est Dieu, le festin de noces est la félicité messianique, le fils du roi étant le Messie ; les envoyés sont les prophètes et les apôtres ; les invités qui les négligent ou les outragent sont les Juifs ; ceux qu’on appelle de la rue sont les pécheurs et les païens ; l’incendie de la ville, c’est la ruine de Jérusalem. — À partir du v. 11, la scène change et il s’agit alors du Jugement dernier. Il semble que a combiné deux paraboles, l’une analogue à celle de Lc 14.16-24, l’autre dont on trouve vv. 11s la conclusion l’homme qui répond à l’invitation doit porter la tenue de noces ; les œuvres de justice doivent accompagner la foi, cf. 3.8 ; 5.20 ; 7.21s ; 13.47s ; 21.28s.
11 « Le roi entra alors pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noces.
z Cette sentence semble se rapporter à la première partie de la parabole plutôt qu’à la seconde. Ce n’est pas des élus en général qu’il s’agit, mais des Juifs, les premiers invités. La parabole ne dit pas, mais n’exclut pas non plus, que quelque « peu » d’entre eux ont répondu et sont élus, cf. 24.22.
15 Alors les Pharisiens allèrent se concerter en vue de le surprendre en parole ;
16 et ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des Hérodiens,a pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu en vérité sans te préoccuper de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au rang des personnes.
a Partisans de la dynastie des Hérodes, Mc 3.6, tout désignés pour aller déférer à l’autorité romaine le mot hostile à César qu’on espérait faire dire à Jésus.
b Puisqu’ils acceptent pratiquement l’autorité et les bienfaits du pouvoir romain, dont cette monnaie est le symbole, ils peuvent et même doivent lui rendre l’hommage de leur obéissance et de leurs biens, sans préjudice de ce qu’ils doivent par ailleurs à l’autorité supérieure de Dieu.
23 Ce jour-là, des Sadducéens, gens qui disent qu’il n’y a pas de résurrection,c s’approchèrent de lui et l’interrogèrent en disant :
c Cette secte, 3.7, s’en tenait strictement à la tradition écrite, surtout du Pentateuque, et assurait n’y pas trouver la doctrine de la résurrection de la chair, cf. 2 M 7.9. Les Pharisiens s’opposaient à eux sur ce point. Cf. Ac 4.1 ; 23.8.
32 Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Ce n’est pas de morts mais de vivants qu’il est le Dieu ! »d
d Quand Dieu accorde sa protection à un individu ou à un peuple au point de devenir « son Dieu », ce ne peut être d’une manière imparfaite et éphémère qui le laisse retourner au néant. Cette exigence d’éternité de la part de l’amour divin ne fut pas clairement perçue aux débuts de la révélation biblique, d’où cette croyance à un « shéol » sans résurrection (Isa 38.10-20 ; Ps 6.6 ; 88.11-13), à laquelle le traditionalisme conservateur des Sadducéens, Ac 28.8, prétendait rester fidèle. Mais le progrès de la Révélation a peu a peu compris et satisfait cette exigence, Ps 16.10-11 ; 49.16 ; 73.24, en annonçant le retour à la vie. Sg 3.1-9, de tout homme, sauvé jusque dans son corps. Dn 12.2-3 ; 2 M 7.9s ; 12.43-46 ; 14.46. C’est cette révélation ultime que Jésus sanctionne par son interprétation de Ex 3.6.
34 Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent en groupe,
e Add. « un légiste », sans doute emprunté à Lc 10.25.
f Ces deux préceptes de l’amour, de Dieu et du prochain, se trouvent également associés dans la Didachè 1.2, qui pourrait reprendre ici un traité juif des Deux Voies, cf. 7.13.
41 Comme les Pharisiens se trouvaient réunis, Jésus leur posa cette question :
42 « Quelle est votre opinion au sujet du Christ ? De qui est-il fils ? » Ils lui disent : « De David. » —
44 Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
Siège à ma droite,
jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis
dessous tes pieds ?
45 Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils ? »
g La juste réponse eût été que, tout en descendant de David par ses origines humaines, cf. 1.1-17, le Messie avait aussi un caractère divin qui le rendait supérieur à David et que celui-ci avait prophétisé.