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Bible de Jérusalem

Matthieu 19-22

VI. L’avènement du Royaume des Cieux

1. SECTION NARRATIVE

Question sur le divorce.

19 Et il advint, quand Jésus eut achevé ces discours, qu’il quitta la Galilée et vint dans le territoire de la Judée au-delà du Jourdain. 2 Des foules nombreuses le suivirent, et là il les guérit. 3 Des Pharisiens s’approchèrent de lui et lui dirent, pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » 4 Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, 5 et qu’il a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair ? 6 Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. »x

x Affirmation catégorique de l’indissolubilité du lien conjugal.

7 « Pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie ? » — 8 « C’est, leur dit-il, en raison de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais dès l’origine il n’en fut pas ainsi. 9 Or je vous le dis : quiconque répudie sa femme — pas pour « prostitution »y — et en épouse une autre, commet un adultère. »

y Étant donné la forme absolue des parallèles Mc 10.11s ; Lc 16.18 et 1 Co 7.10s, il est peu vraisemblable que tous trois aient supprimé une clause restrictive de Jésus, et plus problable qu’un des derniers rédacteurs du premier évangile l’ait ajoutée pour répondre à une certaine problématique rabbinique (discussion entre Hillel et Shammaï sur les motifs légitimant le divorce), évoquée d’ailleurs par son contexte, v. 3, qui pouvait préoccuper le milieu judéo-chrétien pour lequel il écrivait. On aurait donc ici une décision ecclésiastique de portée locale et temporaire, comme fut celle du Décret de Jérusalem concernant la région d’Antioche, Ac 15.23-29. Le sens de porneia oriente la recherche dans la même direction. Certains veulent y voir la fornication dans le mariage, c’est-à-dire l’adultère, et trouvent ici la permission de divorcer en pareil cas ; ainsi les Églises orthodoxes et protestantes. Mais en ce sens on aurait attendu un autre terme, moicheia. Au contraire porneia, dans le contexte, paraît avoir le sens technique de la zenût ou « prostitution » des écrits rabbiniques, dite de toute union rendue incestueuse par un degré de parenté interdit selon la Loi, Lv 18. Dc telles unions, contractées légalement entre païens ou tolérées par les Juifs eux-mêmes chez les prosélytes, ont dû faire difficulté quand ces gens se convertissaient, dans des milieux judéo-chrétiens légalistes comme celui de d’où la consigne de rompre de telles unions irrégulières qui n’étaient en somme que de faux mariages. — Une autre solution envisage que la licence accordée par la clause restrictive ne soit pas celle du divorce, mais de la « séparation » sans remariage. Une telle institution était inconnue du judaïsme, mais les exigences de Jésus ont entraîné plus d’une solution nouvelle, et celle-ci est déjà clairement supposée par Paul en 1 Co 7.11.

La continence volontaire.

10 Les disciples lui disent : « Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier. » 11 Il leur dit : « Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c’est donné. 12 Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne ! »z

z Jésus invite à la continence perpétuelle ceux qui veulent se consacrer exclusivement au Royaume des Cieux.

Jésus et les petits enfants.

13 Alors des petits enfants lui furent présentés, pour qu’il leur imposât les mains en priant ; mais les disciples les rabrouèrent. 14 Jésus dit alors : « Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux. » 15 Puis il leur imposa les mains et poursuivit sa route.

Le jeune homme riche.

16 Et voici qu’un homme s’approcha et lui dit : « Maître,a que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? »

a Var. « Bon Maître », cf. Mc et Lc.

17 Il lui dit : « Qu’as-tu à m’interroger sur ce qui est bon ? Un seul est le Bon.b Que si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » —

b C’est-à-dire Dieu, comme le précisent Mc et Lc, et ici Vulg. — Autre leçon, empruntée à Mc et Lc « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul ».

18 « Lesquels ? » lui dit-il. Jésus reprit : « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, 19 honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » — 20 « Tout cela, lui dit le jeune homme, je l’ai observé ;c que me manque-t-il encore ? » —

c Add. « dès ma jeunesse », cf. Mc et Lc.

21 Jésus lui déclara : « Si tu veux être parfait,d va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi. »

d Jésus n’institue pas ici une catégorie de « parfaits », supérieurs aux chrétiens ordinaires. La « perfection » envisagée est celle de l’économie nouvelle, qui surpasse l’ancienne en l’accomplissant, cf. 5.17. Tous y sont également appelés, cf. 5.48. Mais, pour établir le Royaume, Jésus a besoin de collaborateurs spécialement disponibles ; c’est à eux qu’il demande de renoncer radicalement aux soucis de la famille, 8.21-22, et des richesses, 8.19-20.

22 Entendant cette parole, le jeune homme s’en alla contristé, car il avait de grands biens.

Le danger des richesses.

23 Jésus dit alors à ses disciples : « En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux. 24 Oui, je vous le répète, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux. » 25 Entendant cela, les disciples restèrent tout interdits : « Qui donc peut être sauvé ? » disaient-ils. 26 Fixant son regard, Jésus leur dit : « Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »

Récompense promise au détachement.

27 Alors, prenant la parole, Pierre lui dit : « Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ? » 28 Jésus leur dit : « En vérité je vous le dis, à vous qui m’avez suivi : dans la régénération,e quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour jugerf les douze tribus d’Israël.

e Il s’agit du renouveau messianique qui se manifestera à la fin du monde, mais qui sera déjà commencé, sur un mode spirituel, par la Résurrection du Christ et son règne dans l’Église. Cf. Ac 3.21.

f Au sens biblique pour « gouverner ». Les « douze tribus » désignent l’Israël nouveau, l’Église.

29 Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfantsg ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle.

g Add. « femme ».

30 « Beaucoup de premiers seront derniers, et de derniers seront premiers. »

Parabole des ouvriers envoyés à la vigne.h

20 « Car il en va du Royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.

h En embauchant jusqu’au soir des ouvriers sans travail et en leur donnant à tous plein salaire, le maître de la vigne fait preuve d’une bonté qui va plus loin que la justice, sans d’ailleurs léser celle-ci. Tel est Dieu, qui introduit dans son Royaume des tard-venus comme les pécheurs et les païens. Les appelés de la première heure (les Juifs bénéficaires de l’Alliance depuis Abraham) ne doivent pas s’en scandaliser.

2 Il convint avec les ouvriers d’un denier pour la journée et les envoya à sa vigne. 3 Sorti vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient, désœuvrés, sur la place, 4 et à ceux-là il dit : « Allez, vous aussi, à la vigne, et je vous donnerai un salaire équitable. » 5 Et ils y allèrent. Sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième heure, il fit de même. 6 Vers la onzième heure, il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi restez-vous ici tout le jour sans travailler ? » — 7 « C’est que, lui disent-ils, personne ne nous a embauchés. » Il leur dit : « Allez, vous aussi, à la vigne. » 8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers et remets à chacun son salaire, en remontant des derniers aux premiers. » 9 Ceux de la onzième heure vinrent donc et touchèrent un denier chacun. 10 Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu’ils allaient toucher davantage ; mais c’est un denier chacun qu’ils touchèrent, eux aussi. 11 Tout en le recevant, ils murmuraient contre le propriétaire : 12 « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur. » 13 Alors il répliqua en disant à l’un d’eux : « Mon ami, je ne te lèse en rien : n’est-ce pas d’un denier que nous sommes convenus ? 14 Prends ce qui te revient et va-t’en. Il me plaît de donner à ce dernier venu autant qu’à toi : 15 n’ai-je pas le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? Ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ? » 16 Voilà comment les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »i

i Add. « Car beaucoup sont appelés, mais peu élus », sans doute par emprunt à 22.14.

Troisième annonce de la Passion.

17 Devant monter à Jérusalem, Jésus prit avec lui les Douze en particulier et leur dit pendant la route : 18 « Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort 19 et le livreront aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix ; et le troisième jour, il ressuscitera. »

Demande de la mère des fils de Zébédée.

20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de lui, avec ses fils, et se prosterna pour lui demander quelque chose. 21 « Que veux-tu ? » lui dit-il. Elle lui dit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. »j

j Les apôtres attendent pour le Royaume du Christ une manifestation immédiate et glorieuse qui sera en fait reportée à son second avènement, cf. 4.17 ; Ac 1.6.

22 Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupek que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. » —

k Métaphore biblique, cf. Isa 51.17, qui désigne ici la Passion prochaine.

23 « Soit, leur dit-il, vous boirez ma coupe ;l quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas d’accorder cela, mais c’est pour ceux à qui mon Père l’a destiné. »m

l Jacques, fils de Zébédée, fut mis à mort par Hérode Agrippa, vers 44, Ac 12.2. S’il n’a pas lui-même subi le martyre, Jean son frère n’en fut pas moins étroitement associé aux souffrances du Maître.

m La mission du Christ sur terre n’est pas de distribuer aux hommes des récompenses, mais de souffrir pour les sauver, cf. Jn 3.17 ; 12.47.

Les chefs doivent servir.

24 Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères.

25 Les ayant appelés près de lui, Jésus dit : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. 26 Il n’en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, 27 et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave. 28 C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançonn pour une multitude. »o

n Les péchés des hommes entraînent une dette à l’égard de la Justice divine, la peine de mort exigée par la Loi, 1 Co 15.56 ; 2 Co 3.7, 9 ; Ga 3.13 ; Rm 8.3-4 (et les notes). Pour les affranchir de cet esclavage du péché et de la mort, Rm 3.24, Jésus paiera la rançon et acquittera la dette en versant le prix de son sang, 1 Co 6.20 ; 7.23 ; Ga 3.13 ; 4.5 (et les notes), c’est-à-dire en mourant à la place des coupables, ainsi qu’il était annoncé du « Serviteur de Yahvé », Isa 53. Le terme sémitique que traduit « une multitude », Isa 53.11s, oppose le grand nombre des rachetés à l’unique Rédempteur, sans impliquer que ce nombre soit limité, Rm 5.6-21. Cf. 26.28.

o Des témoins ajoutent ici un passage qui provient sans doute de quelque évangile apocryphe « Mais vous, vous cherchez de petits à devenir grands, et de grands vous vous rendez petits. Lorsque vous venez à un banquet auquel on vous a invités, ne prenez pas les places d’honneur, de peur que survienne un plus digne que toi et que le maître du banquet vienne te dire « Recule vers le bas », et tu seras couvert de confusion. Mais si tu prends la place inférieure, et que survienne un moins digne que toi, le maître du banquet te dira « Avance vers le haut », et cela te sera avantageux ». Cf. Lc 14.8-10.

Les deux aveugles de Jéricho.

29 Comme ils sortaient de Jéricho, une foule nombreuse le suivit. 30 Et voici que deux aveugles étaient assis au bord du chemin ; quand ils apprirent que Jésus passait, ils s’écrièrent : « Seigneur ! aie pitié de nous, fils de David ! » 31 La foule les rabroua pour leur imposer silence ; mais ils redoublèrent leurs cris : « Seigneur ! aie pitié de nous, fils de David ! » 32 Jésus, s’arrêtant, les appela et dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Ils lui disent : 33 « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent ! » 34 Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux et aussitôt ils recouvrèrent la vue. Et ils se mirent à sa suite.

Entrée messianique à Jérusalem.

21 Quand ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent en vue de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples 2 en leur disant : « Rendez-vous au village qui est en face de vous ; et aussitôt vous trouverez, à l’attache, une ânesse avec son ânon près d’elle ; détachez-la et amenez-les-moi. 3 Et si quelqu’un vous dit quelque chose, vous direz : « Le Seigneur en a besoin, mais aussitôt il les renverra ». » 4 Ceci advint pour que s’accomplît l’oracle du prophète :

5 Dites à la fille de Sion :
Voici que ton Roi vient à toi ;
modeste, il monte une ânesse,
et un ânon, petit d’une bête de somme.
p

p Dans la pensée du prophète, cet attirail modeste du Roi messianique devait manifester le caractère humble et pacifique de son règne. Matthieu applique cette prophétie à Jésus, Messie humble.

6 Les disciples allèrent donc et, faisant comme leur avait ordonné Jésus, 7 ils amenèrent l’ânesse et l’ânon. Puis ils disposèrent sur eux leurs manteaux et Jésus s’assit dessus. 8 Alors les gens, en très nombreuse foule, étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient le chemin. 9 Les foules qui marchaient devant lui et celles qui suivaient criaient :

« Hosannaq au fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna au plus haut des cieux ! »

q Terme hébraïque (au sens premier « Sauve donc ») devenu une acclamation, cf. Ps 118.26.

10 Quand il entra dans Jérusalem, toute la ville fut agitée. « Qui est-ce ? » disait-on, 11 et les foules disaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Les vendeurs chassés du Temple.

12 Puis Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs qui s’y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs, ainsi que les sièges des marchands de colombes.r

r Ils fournissaient aux pèlerins la monnaie et les victimes requises pour les offrandes. Mais cet usage légitime donnait lieu à des abus.

13 Et il leur dit : « Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites un repaire de brigands ! » 14 Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui s’approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit. 15 Voyant les prodiges qu’il venait d’accomplir et ces enfants qui criaient dans le Temple : « Hosanna au fils de David ! », les grands prêtres et les scribes furent indignés 16 et ils lui dirent : « Tu entends ce qu’ils disent, ceux-là ? » — « Parfaitement, leur dit Jésus ; n’avez-vous jamais lu ce texte :

De la bouche des tout-petits et des nourrissons,
tu t’es ménagé une louange ?
 »

17 Et les laissant, il sortit de la ville pour aller à Béthanie, où il passa la nuit.

Le figuier stérile et desséché. Foi et prière.

18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim. 19 Voyant un figuier près du chemin, il s’en approcha, mais n’y trouva rien que des feuilles. Il lui dit alors : « Jamais plus tu ne porteras de fruit ! » Et à l’instant même le figuier devint sec.s

s « Ce n’était pas la saison des figues », dit Mc. comme ont fait les prophètes, cf. Jr 18.1, pour mettre Israël désobéissant en garde ; cf. Jr 8.13. Jésus a voulu faire un geste symbolique.

20 À cette vue, les disciples dirent tout étonnés : « Comment, en un instant, le figuier est-il devenu sec ? » 21 Jésus leur répondit : « En vérité je vous le dis, si vous avez une foi qui n’hésite point, non seulement vous ferez ce que je viens de faire au figuier, mais même si vous dites à cette montagne : « Soulève-toi et jette-toi dans la mer », cela se fera. 22 Et tout ce que vous demanderez dans une prière pleine de foi, vous l’obtiendrez. »

Question des Juifs sur l’autorité de Jésus.

23 Il était entré dans le Temple et il enseignait, quand les grands prêtres et les anciens du peuple s’approchèrent et lui dirent : « Par quelle autorité fais-tu cela ?t Et qui t’a donné cette autorité ? »

t Les actes insolites que Jésus vient de permettre dans le Temple même triomphe messianique, expulsion des trafiquants, guérisons miraculeuses.

24 Jésus leur répondit : « De mon côté, je vais vous poser une question, une seule ; si vous m’y répondez, moi aussi je vous dirai par quelle autorité je fais cela. 25 Le baptême de Jean, d’où était-il ? Du Ciel ou des hommes ? » Mais ils se faisaient en eux-mêmes ce raisonnement : « Si nous disons : « Du Ciel », il nous dira : « Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui ? »

26 Et si nous disons : « Des hommes », nous avons à craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. » 27 Et ils firent à Jésus cette réponse : « Nous ne savons pas. » De son côté il répliqua : « Moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. »

Parabole des deux enfants.

28 « Mais dites-moi votre avis. Un homme avait deux enfants. S’adressant au premier, il dit : « Mon enfant, va-t’en aujourd’hui travailler à la vigne. » — 29 « Je ne veux pas », répondit-il ; ensuite pris de remords, il y alla. 30 S’adressant au second, il dit la même chose ; l’autre répondit : « Entendu, Seigneur », et il n’y alla point. 31 Lequel des deux a fait la volonté du père ? » — « Le premier », disent-ils. Jésus leur dit : « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu. 32 En effet, Jean est venu à vous dans la voie de la justice,u et vous n’avez pas cru en lui ; les publicains, eux, et les prostituées ont cru en lui ; et vous, devant cet exemple, vous n’avez même pas eu un remords tardif qui vous fît croire en lui. »

u Expression biblique Jean pratiquait et prêchait cette conformité à la volonté de Dieu qui rend l’homme « juste ».

Parabole des vignerons homicides.v

33 « Écoutez une autre parabole. Un homme était propriétaire, et il planta une vigne ; il l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons et partit en voyage.

v On dirait mieux une « allégorie », car chaque trait du récit a sa signification le propriétaire est Dieu ; la vigne, le peuple élu, Israël, cf. Isa 5.1 ; les serviteurs, les prophètes ; le fils, Jésus, tué hors des murs de Jérusalem ; les vignerons homicides, les Juifs infidèles ; l’autre peuple à qui sera confiée la vigne, les païens et les juifs croyants.

34 Quand approcha le moment des fruits, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour en recevoir les fruits. 35 Mais les vignerons se saisirent de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, en lapidèrent un troisième. 36 De nouveau il envoya d’autres serviteurs, plus nombreux que les premiers, et ils les traitèrent de même. 37 Finalement il leur envoya son fils, en se disant : « Ils respecteront mon fils. » 38 Mais les vignerons, en voyant le fils, se dirent par-devers eux : « Celui-ci est l’héritier : venez ! tuons-le, que nous ayons son héritage. » 39 Et, le saisissant, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. 40 Lors donc que viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons-là ? » 41 Ils lui disent : « Il fera misérablement périr ces misérables, et il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en livreront les fruits en leur temps. » 42 Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures :

La pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs
c’est elle qui est devenue pierre de faîte ;
c’est là l’œuvre du Seigneur
et elle est admirable à nos yeux ?
w

w Ce verset est bien dans la perspective de Mt, pour qui c’est l’Église, génération nouvelle de croyants, qui prend la relève d’Israël (cf. Jr 7.27-28).

43 Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits. » 44 Celui qui tombera sur cette pierre s’y fracassera et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera.x

x Ce verset est absent des mss occidentaux, peut-être parce que leurs scribes y voyaient une reprise de Lc 20.18. Le verset est à retenir parce qu’il rend plus explicite l’allusion à Dn 2.34s, 44s.

45 Les grands prêtres et les Pharisiens, en entendant ses paraboles, comprirent bien qu’il les visait.

46 Mais, tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète.

Parabole du festin nuptial.y

22 Et Jésus se remit à leur parler en paraboles :

y Parabole parsemée de traits allégoriques comme la précédente, et qui comporte la même leçon le roi est Dieu, le festin de noces est la félicité messianique, le fils du roi étant le Messie ; les envoyés sont les prophètes et les apôtres ; les invités qui les négligent ou les outragent sont les Juifs ; ceux qu’on appelle de la rue sont les pécheurs et les païens ; l’incendie de la ville, c’est la ruine de Jérusalem. — À partir du v. 11, la scène change et il s’agit alors du Jugement dernier. Il semble que a combiné deux paraboles, l’une analogue à celle de Lc 14.16-24, l’autre dont on trouve vv. 11s la conclusion l’homme qui répond à l’invitation doit porter la tenue de noces ; les œuvres de justice doivent accompagner la foi, cf. 3.8 ; 5.20 ; 7.21s ; 13.47s ; 21.28s.

2 « Il en va du Royaume des Cieux comme d’un roi qui fit un festin de noces pour son fils. 3 Il envoya ses serviteurs convier les invités aux noces, mais eux ne voulaient pas venir. 4 De nouveau il envoya d’autres serviteurs avec ces mots : « Dites aux invités : « Voici, j’ai apprêté mon banquet, mes taureaux et mes bêtes grasses ont été égorgés, tout est prêt, venez aux noces. » 5 Mais eux, n’en ayant cure, s’en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce ; 6 et les autres, s’emparant des serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. 7 Le roi fut pris de colère et envoya ses troupes qui firent périr ces meurtriers et incendièrent leur ville. 8 Alors il dit à ses serviteurs : « La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes. 9 Allez donc aux départs des chemins, et conviez aux noces tous ceux que vous pourrez trouver. » 10 Ces serviteurs s’en allèrent par les chemins, ramassèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noces fut remplie de convives.

11 « Le roi entra alors pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noces. 12 « Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noces ? » L’autre resta muet. 13 Alors le roi dit aux valets : « Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents. » 14 Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.z

z Cette sentence semble se rapporter à la première partie de la parabole plutôt qu’à la seconde. Ce n’est pas des élus en général qu’il s’agit, mais des Juifs, les premiers invités. La parabole ne dit pas, mais n’exclut pas non plus, que quelque « peu » d’entre eux ont répondu et sont élus, cf. 24.22.

L’impôt dû à César.

15 Alors les Pharisiens allèrent se concerter en vue de le surprendre en parole ;

16 et ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des Hérodiens,a pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu en vérité sans te préoccuper de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au rang des personnes.

a Partisans de la dynastie des Hérodes, Mc 3.6, tout désignés pour aller déférer à l’autorité romaine le mot hostile à César qu’on espérait faire dire à Jésus.

17 Dis-nous donc ton avis : Est-il permis ou non de payer l’impôt à César ? » 18 Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi me tendez-vous un piège ? 19 Faites-moi voir l’argent de l’impôt. » Ils lui présentèrent un denier 20 et il leur dit : « De qui est l’effigie que voici ? Et l’inscription ? » Ils disent : 21 « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »b

b Puisqu’ils acceptent pratiquement l’autorité et les bienfaits du pouvoir romain, dont cette monnaie est le symbole, ils peuvent et même doivent lui rendre l’hommage de leur obéissance et de leurs biens, sans préjudice de ce qu’ils doivent par ailleurs à l’autorité supérieure de Dieu.

22 À ces mots ils furent tout surpris et, le laissant, ils s’en allèrent.

La résurrection des morts.

23 Ce jour-là, des Sadducéens, gens qui disent qu’il n’y a pas de résurrection,c s’approchèrent de lui et l’interrogèrent en disant :

c Cette secte, 3.7, s’en tenait strictement à la tradition écrite, surtout du Pentateuque, et assurait n’y pas trouver la doctrine de la résurrection de la chair, cf. 2 M 7.9. Les Pharisiens s’opposaient à eux sur ce point. Cf. Ac 4.1 ; 23.8.

24 « Maître, Moïse a dit : Si quelqu’un meurt sans avoir d’enfants, son frère épousera la femme, sa belle-sœur, et suscitera une postérité à son frère. 25 Or il y avait chez nous sept frères. Le premier se maria, puis mourut sans postérité, laissant sa femme à son frère. 26 Pareillement le deuxième, puis le troisième, jusqu’au septième. 27 Finalement, après eux tous, la femme mourut. 28 À la résurrection, duquel des sept sera-t-elle donc la femme ? Car tous l’auront eue. » 29 Jésus leur répondit : « Vous êtes dans l’erreur, en ne connaissant ni les Écritures ni la puissance de Dieu. 30 À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel. 31 Quant à ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu l’oracle dans lequel Dieu vous dit :

32 Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Ce n’est pas de morts mais de vivants qu’il est le Dieu ! »d

d Quand Dieu accorde sa protection à un individu ou à un peuple au point de devenir « son Dieu », ce ne peut être d’une manière imparfaite et éphémère qui le laisse retourner au néant. Cette exigence d’éternité de la part de l’amour divin ne fut pas clairement perçue aux débuts de la révélation biblique, d’où cette croyance à un « shéol » sans résurrection (Isa 38.10-20 ; Ps 6.6 ; 88.11-13), à laquelle le traditionalisme conservateur des Sadducéens, Ac 28.8, prétendait rester fidèle. Mais le progrès de la Révélation a peu a peu compris et satisfait cette exigence, Ps 16.10-11 ; 49.16 ; 73.24, en annonçant le retour à la vie. Sg 3.1-9, de tout homme, sauvé jusque dans son corps. Dn 12.2-3 ; 2 M 7.9s ; 12.43-46 ; 14.46. C’est cette révélation ultime que Jésus sanctionne par son interprétation de Ex 3.6.

33 Et les foules, qui avaient entendu, étaient frappées de son enseignement.

Le plus grand commandement.

34 Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent en groupe, 35 et l’un d’euxe lui demanda pour l’embarrasser :

e Add. « un légiste », sans doute emprunté à Lc 10.25.

36 « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? » 37 Jésus lui dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : 38 voilà le plus grand et le premier commandement. 39 Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.f

f Ces deux préceptes de l’amour, de Dieu et du prochain, se trouvent également associés dans la Didachè 1.2, qui pourrait reprendre ici un traité juif des Deux Voies, cf. 7.13.

40 À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »

Le Christ, fils et Seigneur de David.

41 Comme les Pharisiens se trouvaient réunis, Jésus leur posa cette question :

42 « Quelle est votre opinion au sujet du Christ ? De qui est-il fils ? » Ils lui disent : « De David. » — 43 « Comment donc, dit-il, David parlant sous l’inspiration l’appelle-t-il Seigneur quand il dit :

44 Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
Siège à ma droite,
jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis
dessous tes pieds ?

45 Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils ? » 46 Nul ne fut capable de lui répondre un mot.g Et à partir de ce jour personne n’osa plus l’interroger.

g La juste réponse eût été que, tout en descendant de David par ses origines humaines, cf. 1.1-17, le Messie avait aussi un caractère divin qui le rendait supérieur à David et que celui-ci avait prophétisé.