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Bible de Jérusalem

Matthieu 26.17-

Préparatifs du repas pascal.

17 Le premier jour des Azymes,k les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Où veux-tu que nous te préparions de quoi manger la Pâque ? »

k Le « premier jour » de la semaine, où l’on mangeait des pains sans levain (azymes), cf. Ex 12.1 ; 23.14, était normalement celui qui suivait le repas pascal ; en nommant ainsi le jour précédent, les Synoptiques font preuve d’un usage plus large. Par ailleurs, il semble bien, d’après Jn 18.28 et d’autres détails de la Passion, que le repas pascal fut célébré cette année-là au soir du vendredi (ou « Parascève », 27.62 ; cf. Jn 19.14, 31, 42). La Cène de Jésus que les Synoptiques placent un jour plus tôt, au soir du jeudi, doit dès lors s’expliquer, soit par l’anticipation du rite dans une partie du peuple juif, soit plutôt par une anticipation voulue par Jésus lui-même ne pouvant célébrer la Pâque le lendemain, sinon en sa propre personne sur la Croix, Jn 19.36 ; 1 Co 5.7, Jésus aura institué son rite nouveau au cours d’un repas qui aura reçu par contrecoup les traits de la Pâque ancienne. L’opinion récente qui place la Cène au soir du mardi, selon le calendrier essénien, ne semble pas devoir être retenue. — Le 14 Nisan (jour du repas pascal) étant tombé un vendredi en 30 et en 33 ap. J.-C., les exégètes choisissent l’une ou l’autre de ces deux années pour celle de la mort du Christ, selon qu’ils placent son baptême en 28 ou en 29 et qu’ils assignent à son ministère une durée plus ou moins longue.

18 Il dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : « Le Maître te fait dire : Mon temps est proche, c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples ». » 19 Les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné et préparèrent la Pâque.

Annonce de la trahison de Judas.

20 Le soir venu, il était à table avec les Douze. 21 Et tandis qu’ils mangeaient,l il dit : « En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera. »

l Il s’agit du premier service, qui précédait le repas pascal proprement dit.

22 Fort attristés, ils se mirent chacun à lui dire : « Serait-ce moi, Seigneur ? » 23 Il répondit : « Quelqu’un qui a plongé avec moi la main dans le plat, voilà celui qui va me livrer ! 24 Le Fils de l’homme s’en va selon qu’il est écrit de lui ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître ! » 25 À son tour, Judas, celui qui allait le livrer, lui demanda : « Serait-ce moi, Rabbi ? » — « Tu l’as dit », répond Jésus.

Institution de l’Eucharistie.

26 Or, tandis qu’ils mangeaient,m Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »

m On est arrivé au centre du repas pascal. C’est sur des gestes précis et solennels du rituel juif (bénédictions à Yahvé prononcées sur le pain et le vin) que Jésus greffe les rites sacramentels du culte nouveau qu’il instaure.

27 Puis, prenant une coupe, il rendit grâcesn et la leur donna en disant : « Buvez-en tous ;

n « Rendre grâces » traduit ici le verbe grec eucharistô, dont le substantif eucharistia, « action de grâces », a été adopté par le langage chrétien pour désigner la Sainte Cène.

28 car ceci est mon sang, le sang de l’alliance,o qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés.p

o Add. (Vulg.) « nouvelle », cf. Lc 22.20 ; 1 Co 11.25 ; Jr 31.31-34.

p Comme jadis, au Sinaï, le sang des victimes scella l’alliance de Yahvé avec son peuple, Ex 24.4-8 ; cf. Gn 15.1, de même sur la Croix le sang de la victime parfaite, Jésus, va sceller entre Dieu et les hommes l’alliance « nouvelle », cf. Lc 22.20, qu’ont annoncée les prophètes, Jr 31.31. Jésus s’attribue la mission de rédemption universelle assignée par Isaïe au « Serviteur de Yahvé », Isa 42.6 ; 49.6 ; 53.12, cf. Isa 42.1. Cf. He 8.8 ; 9.15 ; 12.24. L’idée de nouvelle alliance intervient aussi chez Paul, outre 1 Co 11.25, en divers contextes qui en révèlent la grande importance, 2 Co 3.4-6 ; Ga 3.15-20 ; 4.24.

29 Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père. »q

q Allusion au banquet eschatologique, cf. 8.11 ; 22.1s. C’en est fini des repas terrestres de Jésus avec ses disciples.

Prédiction du reniement de Pierre.

30 Après le chant des psaumes,r ils partirent pour le mont des Oliviers.

r Les psaumes du Hallel, Ps 113-118, dont la récitation clôturait le repas pascal.

31 Alors Jésus leur dit : « Vous tous, vous allez succombers à cause de moi, cette nuit même. Il est écrit en effet : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées.

s Scandale religieux de voir succomber sans résistance celui qu’ils tiennent pour le Messie, 16.16, et dont ils attendent le triomphe prochain, 20.21s. Les disciples y perdront pour un moment leur courage et même leur foi, cf. Lc 22.31-32 ; Jn 16.1.

32 Mais après ma résurrection je vous précéderai en Galilée. » 33 Prenant la parole, Pierre lui dit : « Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais. » 34 Jésus lui répliqua : « En vérité je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » 35 Pierre lui dit : « Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.

À Gethsémani.

36 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani,t et il dit aux disciples : « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. »

t Le nom signifie « pressoir à huile ». Lieu situé dans la vallée du Cédron, au pied du mont des Oliviers.

37 Et prenant avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse. 38 Alors il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir,u demeurez ici et veillez avec moi. »

u Expression dont la forme littéraire évoque Ps 42.6 ; Ps 42.6-12, 43.5 et Jon 4.9.

39 Étant allé un peu plus loin, il tomba face contre terre en faisant cette prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »v

v Jésus ressent dans toute sa force l’effroi que la mort inspire à l’homme ; il éprouve et exprime le désir naturel d’y échapper, tout en le réprimant par l’acceptation de la volonté du Père. Cf. 4.1.

40 Il vient vers les disciples et les trouve en train de dormir ; et il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ! 41 Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » 42 À nouveau, pour la deuxième fois, il s’en alla prier : « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » 43 Puis il vint et les trouva à nouveau en train de dormir ; car leurs yeux étaient appesantis.

44 Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles. 45 Alors il vient vers les disciples et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer :w voici toute proche l’heure où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs.

w Blâme revêtu d’une douce ironie L’heure est passée, où vous auriez dû veiller avec moi. Le moment de l’épreuve est arrivé et Jésus y entrera seul les disciples peuvent dormir, s’ils le veulent...

46 Levez-vous ! Allons ! Voici tout proche celui qui me livre. »

L’arrestation de Jésus.

47 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. 48 Or le traître leur avait donné ce signe : « Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui ; arrêtez-le. » 49 Et aussitôt il s’approcha de Jésus en disant : « Salut, Rabbi ! », et il lui donna un baiser. 50 Mais Jésus lui dit : « Ami, fais ta besogne. »x Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.

x Littéralement « Ami, ce pour quoi tu es ici ». Plutôt qu’une question (« Pourquoi es-tu ici ? ») ou un reproche (« Que fais-tu là ! »), on peut reconnaître ici une expression stéréotypée, qui veut dire « (fais) ce pour quoi tu es ici », « sois à ton affaire ». Jésus coupe court à des compliments hypocrites c’est l’heure de passer aux actes, cf. Jn 13.27.

51 Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille. 52 Alors Jésus lui dit : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. 53 Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? 54 Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi ? » 55 À ce moment-là Jésus dit aux foules : « Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir ? Chaque jour j’étais assis dans le Temple, à enseigner,y et vous ne m’avez pas arrêté. »

y Var. (Vulg.) « j’étais assis parmi vous dans le Temple », cf. Mc 14.49.

56 Or tout ceci advint pour que s’accomplissent les Écritures des prophètes. Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.

Jésus devant le Sanhédrin.

57 Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le Grand Prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens. 58 Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du Grand Prêtre ; il pénétra à l’intérieur et s’assit avec les valets, pour voir le dénouement.

59 Or, les grands prêtres et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir ; 60 et ils n’en trouvèrent pas, bien que des faux témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s’en présenta deux, 61 qui déclarèrent : « Cet homme a dit : Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours. »z

z En fait Matthieu a annoncé la destruction du Temple et du culte juif qu’il symbolise, 24, et la substitution d’un Temple nouveau d’abord son propre corps, ressuscité après trois jours, 16.21 ; 17.23 ; 20.19 ; Jn 2.19-22, et ultérieurement l’Église, 16.18.

62 Se levant alors, le Grand Prêtre lui dit : « Tu ne réponds rien ? Qu’est-ce que ces gens attestent contre toi ? »a

a Vulg. ne voit ici qu’une seule question « Tu ne réponds rien à ce que ces gens attestent contre toi ? »

63 Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit : « Je t’adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. » —

64 « Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs je vous le déclare dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »b

b « La Puissance » est un équivalent de « Yahvé ». Jésus, renonçant en cet instant suprême à sa consigne du « secret messianique », cf. Mc 1.34, reconnaît catégoriquement qu’il est le Messie, ainsi qu’il l’avait déjà fait confesser à ses intimes, 16.16 ; mais il se dévoile davantage en se donnant, non comme le Messie humain traditionnel, mais comme le « Seigneur » du Ps 110, cf. 22.41s, et le personnage mystérieux, d’origine céleste, entrevu par Daniel, cf. 8.20. On ne le verra plus désormais que dans sa gloire, d’abord par le triomphe de la Résurrection, ensuite par celui du Royaume. Cf. 23.39 ; 24.30.

65 Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant : « Il a blasphémé !c qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Là, vous venez d’entendre le blasphème !

c Le « blasphème » de Jésus consistait, non à se donner comme le Messie, mais à revendiquer la dignité du rang divin.

66 Qu’en pensez-vous ? » Ils répondirent : « Il est passible de mort. »

67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres lui donnèrent des coups 68 en disant : « Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t’a frappé. »d

d La rédaction de est maladroite car, n’étant pas voilé comme en Lc 22.63, Jésus peut désigner sans difficulté qui l’a frappé. L’important est qu’il est moqué comme « prophète », à cause de sa parole sur le Temple, et peut-être plus précisément comme « Messie-Prophète » (cette interpellation de Jésus par le vocatif « Christ » est unique dans les évangiles), c’est-à-dire comme prétendu Grand Prêtre eschatologique qui veut établir un nouveau Temple.

Reniements de Pierre.

69 Cependant Pierre était assis dehors, dans la cour. Une servante s’approcha de lui en disant : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. » 70 Mais lui nia devant tout le monde en disant : « Je ne sais pas ce que tu dis. » 71 Comme il s’était retiré vers le porche, une autre le vit et dit à ceux qui étaient là : « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. »e

e Var. (Vulg.) « Nazarénien ».

72 Et de nouveau il nia avec serment : « Je ne connais pas cet homme. » 73 Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu en es : et d’ailleurs ton langagef te trahit. »

f Le dialecte galiléen.

74 Alors il se mit à jurer avec force imprécations : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. 75 Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement.