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Bible de Jérusalem – Matthieu 12

Les épis arrachés.

12 En ce temps-là Jésus vint à passer, un jour de sabbat, à travers les moissons. Ses disciples eurent faim et se mirent à arracher des épis et à les manger. 2 Ce que voyant, les Pharisiens lui dirent : « Voilà tes disciples qui font ce qu’il n’est pas permis de faire pendant le sabbat ! »l

l On ne reproche pas aux disciples de cueillir en passant des épis dans le champ d’autrui (Dt 23.26 le permettait), mais de le faire le jour du sabbat. Les casuistes voyaient là un « travail », interdit par la Loi, Ex 34.21.

3 Mais il leur dit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David lorsqu’il eut faim, lui et ses compagnons ? 4 Comment il entra dans la demeure de Dieu et comment ils mangèrent les pains d’oblation, qu’il ne lui était pas permis de manger, ni à ses compagnons, mais aux prêtres seuls ? 5 Ou n’avez-vous pas lu dans la Loi que, le jour du sabbat, les prêtres dans le Temple violent le sabbat sans être en faute ?m

m Le sabbat ne supprimait pas, mais aggravait plutôt les activités des ministres du culte.

6 Or, je vous le dis, il y a ici plus grand que le Temple. 7 Et si vous aviez compris ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute. 8 Car le Fils de l’homme est maître du sabbat. »n

n En cette occasion et lors de guérisons qu’il opère le jour du sabbat, 12.9 14 ; Lc 13.10 17 ; 14.1-6 ; Jn 5.1-18 et 7.19 24 ; 9, Jésus affirme que même une institution divine comme celle du repos sabbatique n’a pas une valeur absolue, qu’elle doit céder à la nécessité ou à la charité, et que lui-même a le pouvoir d’interpréter avec autorité la Loi mosaïque, cf. 5.17 ; 15.1-7 ; 19.1-9. Il l’a en tant que « Fils de l’homme », chef du Royaume messianique, 8.20, et chargé dès ici-bas, 9.6, d’en établir l’économie nouvelle, 9.17, supérieure à l’ancienne car « il y a ici plus grand que le Temple ». — Les rabbins admettaient des dispenses de la loi du sabbat, mais leurs scrupules les restreignaient le plus possible.

Guérison d’un homme à la main sèche.

9 Parti de là, il vint dans leur synagogue. 10 Et voici un homme qui avait une main sèche, et ils lui posèrent cette question : « Est-il permis de guérir, le jour du sabbat ? » afin de l’accuser. 11 Mais il leur dit : « Quel sera d’entre vous l’homme qui aura une seule brebis, et si elle tombe dans un trou, le jour du sabbat, n’ira la prendre et la relever ? 12 Or, combien un homme vaut plus qu’une brebis ! Par conséquent il est permis de faire une bonne action le jour du sabbat. » 13 Alors il dit à l’homme : « Étends ta main. » Il l’étendit et elle fut remise en état, saine comme l’autre. 14 Étant sortis, les Pharisiens tinrent conseil contre lui, en vue de le perdre.

Jésus est le « Serviteur de Yahvé ».

15 L’ayant su, Jésus se retira de là. Beaucoup le suivirent et il les guérit tous

16 et il leur enjoignit de ne pas le faire connaître, 17 pour que s’accomplît l’oracle d’Isaïe le prophète :

18 Voici mon Serviteur que j’ai choisi,
mon Bien-Aimé qui a toute ma faveur.
Je placerai sur lui mon Esprit
et il annoncera le Droito aux nations.

o Le « Droit » divin, qui règle les rapport de Dieu avec les hommes et s’exprime essentiellement par la Révélation et la vraie Religion qui en découle.

19 Il ne fera point de querelles ni de cris
et nul n’entendra sa voix sur les grands chemins.
20 Le roseau froissé, il ne le brisera pas,
et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas,
jusqu’à ce qu’il ait mené le Droit au triomphe :
21 en son nom les nations mettront leur espérance.

Jésus et Béelzéboul.

22 Alors on lui présenta un démoniaque aveugle et muet ; et il le guérit, si bien que le muet pouvait parler et voir. 23 Frappées de stupeur, toutes les foules disaient : « Celui-là n’est-il pas le Fils de David ? » 24 Mais les Pharisiens, entendant cela, dirent : « Celui-là n’expulse les démons que par Béelzéboul,p le prince des démons. »

p Divinité cananéenne dont le nom signifie « Baal le Prince » (et non « Baal du fumier » comme on l’a souvent dit), ce qui explique que l’orthodoxie monothéiste en ait fait le « Prince des démons ». La forme « Béelzéboub » (syr. et Vulg.) est un jeu de mots méprisant (cf. déjà 2 R 1.2s) qui transforme ce titre en « Baal des mouches ».

25 Connaissant leurs sentiments, il leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; et nulle ville, nulle maison, divisée contre elle-même, ne saurait se maintenir. 26 Or, si Satan expulse Satan, il s’est divisé contre lui-même : dès lors, comment son royaume se maintiendra-t-il ? 27 Et si moi, c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons, par qui vos adeptesq les expulsent-ils ? Aussi seront-ils eux-mêmes vos juges.

q Littéralement « vos fils », tournure sémitique.

28 Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous.

29 « Ou encore, comment quelqu’un peut-il pénétrer dans la maison d’un homme fort et s’emparer de ses affaires, s’il n’a d’abord ligoté cet homme fort ? Et alors il pillera sa maison.

30 « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe. 31 Aussi je vous le dis, tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. 32 Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en cet âge ni en l’autre.r

r L’homme est excusable de se méprendre sur la dignité divine de Jésus, voilée par ses humbles apparences de « Fils de l’homme », 8.20 ; il ne l’est pas de fermer ses yeux et son cœur aux œuvres éclatantes de l’Esprit. En les niant, il rejette l’avance suprême que lui fait Dieu, et se met hors du salut, cf. He 6.4-6 ; 10.26-31.

Les paroles font juger du cœur.

33 « Prenez un arbre bon : son fruit sera bon ; prenez un arbre gâté : son fruit sera gâté. Car c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre. 34 Engeance de vipères, comment pourriez-vous tenir un bon langage, alors que vous êtes mauvais ? Car c’est du trop-plein du cœur que la bouche parle. 35 L’homme bon, de son bon trésor tire de bonnes choses ; et l’homme mauvais, de son mauvais trésor en tire de mauvaises. 36 Or je vous le dis : de toute parole sans fondements que les hommes auront proférée, ils rendront compte au Jour du Jugement.

s Il ne s’agit pas simplement de parole « oiseuse », mais de parole mauvaise, en somme de calomnie.

37 Car c’est d’après tes paroles que tu seras justifié et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné. »

Le signe de Jonas.

38 Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et lui dirent : « Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. »t

t Un prodige qui exprime et justifie l’autorité que revendique Jésus, cf. Isa 2.11s ; Lc 1.18 ; Jn 2.11. Aucun autre signe ne sera donné que celui de sa résurrection, qui sera le signe décisif et dont ici l’annonce est voilée.

39 Il leur répondit : « Génération mauvaise et adultère !u elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas.v

u Image tirée de la Bible, cf. Os 1.2.

v En 16.4 Matthieu ne précise pas, comme ici au v. 40, le sens du « signe de Jonas », et Lc 11.29s l’entend de la prédication de Jésus, qui est un signe pour ses contemporains comme Jonas le fut pour les Ninivites. Cette deuxième interprétation est d’alleurs sous-jacente ici au v. 41. Or elle est moins vraisemblable. Non seulement la prédication déjà actuelle de Jésus ne peut être annoncée comme future, mais encore, et surtout, dans la tradition juive Jonas était célèbre pour sa délivrance miraculeuse, bien plus que pour sa prédication aux païens, qui déplaisait plutôt. Même si son explicitation du v. 40 est tardive, l’interprétation de doit donc mieux refléter que celle de Lc la pensée de Jésus il annonce de façon voilée son triomphe final. Marc n’a pas d’allusion à Jonas, cf. Mc 8.12.

40 De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits.w

w Cette expression toute faite, tirée telle quelle de Jon 2.1 ne s’applique que de façon approximative à l’intervalle entre la mort et la résurrection du Christ.

41 Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas ! 42 La reine du Midi se lèvera lors du Jugement avec cette génération et elle la condamnera, car elle vint des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon !

Retour offensif de l’esprit impur.

43 Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il erre par des lieux arides en quête de repos,x et il n’en trouve pas.

x Les anciens considéraient les lieux déserts comme peuplés de démons, cf. Lv 16.8 ; 17.7 ; Isa 13.21 ; 34.14 ; Ba 4.35 ; Ap 18.2 ; 8.28. Toutefois ceux-ci préfèrent encore habiter au milieu des hommes, 8.29.

44 Alors il dit : « Je vais retourner dans ma demeure, d’où je suis sorti. » Étant venu, il la trouve libre, balayée, bien en ordre. 45 Alors il s’en va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui ; ils reviennent et y habitent. Et l’état final de cet homme devient pire que le premier. Ainsi en sera-t-il également de cette génération mauvaise. »

La vraie parenté de Jésus.

46 Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frèresy se tenaient dehors, cherchant à lui parler.

y Il y a plusieurs mentions des « frères » (et des « sœurs ») de Jésus : voir 13.55 ; Jn 7.3 ; Ac 1.14 ; 1 Co 9.5 ; Ga 1.19. Tout en ayant le sens premier de « frère de sang » le mot grec utilisé (adelphos), comme le mot correspondant en hébreu et en araméen, peut désigner des relations de parenté plus larges (cf. Gn 13.8 ; 29.15 ; Lv 10.4), et notamment un cousin germain (1 Ch 23.22). Le grec possède un autre terme pour « cousin » (anèpsios, voir Col 4.10, seul emploi de ce terme dans le NT). Mais le livre de Tobie témoigne de ce que les deux mots peuvent être utilisés indifféremment pour parler de la même personne voir Tb 7.4 « notre frère Tobit » (adelphos ou anèpsios selon les manuscrits). Depuis les Pères de l’Église, l’interprétation prédominante a vu dans ces « frères » de Jésus des « cousins », en accord avec la croyance en la virginité perpétuelle de Marie. En outre, cela est cohérent avec Jn 19.26-27 qui laisse supposer qu’à la mort de Jésus, Marie était seule.

47 Quelqu’un lui dit : « Voici ta mère et tes frères qui se tiennent dehors et cherchent à te parler. »z

z Le v. 47 est omis par de bons témoins, le scribe ayant probablement sauté de la fin du v. 46 à la fin, presque identique, du v. 47. (= « homeotéleuton »).

48 À celui qui l’en informait Jésus répondit : « Qui est ma mère et qui sont mes frères ? » 49 Et tendant sa main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. 50 Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère. »a

a Les liens de la parenté charnelle passent après ceux de la parenté spirituelle, cf. 8.21s ; 10.37 ; 19.29.

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