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Bible de Jérusalem – Matthieu 14

Hérode et Jésus.

14 En ce temps-là, la renommée de Jésus parvint aux oreilles d’Hérode le tétrarque, 2 qui dit à ses serviteurs : « Celui-là est Jean le Baptiste ! Le voilà ressuscité des morts : d’où les pouvoirs miraculeux qui se déploient en sa personne ! »

Exécution de Jean le Baptiste.

3 C’est qu’en effet Hérode avait fait arrêter, enchaîner et emprisonner Jean, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe son frère.p

p Om. (Vulg.) « Philippe »; ce nom faisait difficulté. Ce personnage n’est pas le tétrarque d’Iturée et de Trachonitide, Lc 3.1 ; cf. 16.13, mais un autre fils d’Hérode le Grand par Marianne II, donc demi-frère d’Antipas, et que Josèphe appelle lui-même Hérode. Sa situation de simple particulier n’avait pu satisfaire l’ambition de sa femme Hérodiade, elle-même petite-fille d’Hérode le Grand par son père Aristobule et donc nièce d’Antipas, qui préféra à cet oncle trop modeste l’oncle tétrarque de Galilée. — Le crime d’Antipas consistait moins à avoir épousé sa nièce qu’à l’avoir prise à son frère encore vivant, non d’ailleurs sans répudier lui-même sa première femme.

4 Car Jean lui disait : « Il ne t’est pas permis de l’avoir. » 5 Il avait même voulu le tuer, mais avait craint la foule, parce qu’on le tenait pour un prophète. 6 Or, comme Hérode célébrait son anniversaire de naissance, la fille d’Hérodiadeq dansa en public et plut à Hérode

q Elle s’appelait Salomé, d’après Josèphe.

7 au point qu’il s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait. 8 Endoctrinée par sa mère, elle lui dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. » 9 Le roi fut contristé, mais, à cause de ses serments et des convives, il commanda de la lui donner 10 et envoya décapiter Jean dans la prison. 11 Sa tête fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui la porta à sa mère. 12 Les disciples de Jean vinrent prendre le cadavre et l’enterrèrent ; puis ils allèrent informer Jésus.

Première multiplication des pains.r

13 L’ayant appris, Jésus se retira en barque dans un lieu désert, à l’écart ;s ce qu’apprenant, les foules partirent à sa suite, venant à piedt des villes.

r Alors que Lc 9.10-17 et Jn 6.1-13 ne racontent qu’une seule multiplication des pains, 14.13-21 ; 15.32-39 et Mc 6.30-44 ; 8.1-10 en rapportent deux. Sans doute s’agit-il d’un doublet, assurément très ancien, cf. 16.9s, qui présente le même événement selon deux traditions différentes. La première, plus archaïque, d’origine palestinienne, semble placer l’événement sur la rive occidentale du lac (voir la note suivante) et parle de douze couffins, chiffre des tribus d’Israël et des apôtres, Mc 3.14. La deuxième, qui viendrai de milieux chrétiens d’origine païenne, situe l’événement sur la rive orientale, païenne, du lac, cf. Mc 7.31, et parle de sept corbeilles, chiffre des nations de Canaan, Ac 13.19, et des diacres hellénistes, Ac 6.5 ; 21.8. Les deux traditions dépeignent l’événement à la lumière de précédents vétéro-testamentaires, en particulier la multiplication d’huile et de pain par Élisée, 2 R 4.1-7, 42-44, et l’épisode de la manne et des cailles, Ex 16 ; Nb 11. Reprenant avec une puissance encore supérieure ces gratifications de nourritures célestes, le geste de Jésus a été compris dès la plus ancienne tradition comme une préparation de la nourriture eschatologique par excellence, l’Eucharistie. C’est ce que soulignent la présentation littéraire des Synoptiques, comp. 14.19 ; 15.36 ; 26.26, et le discours sur le pain de vie de Jn 6.

s Rien n’oblige à penser à la rive orientale de lac. Jésus a pu traverser du nord au sud et du sud au nord en longeant la côte occidentale, et atteindre ainsi « l’autre rive », v. 22, de l’anse que trace cette côte.

t En suivant sur le rivage la barque qui navigue au large.

14 En débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié ; et il guérit leurs infirmes.

15 Le soir venu, les disciples s’approchèrent et lui dirent : « L’endroit est désert et l’heure est déjà passée ; renvoie donc les foules afin qu’elles aillent dans les villages s’acheter de la nourriture. » 16 Mais Jésus leur dit : « Il n’est pas besoin qu’elles y aillent ; donnez-leur vous-mêmes à manger » — 17 « Mais, lui disent-ils, nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons. » Il dit : 18 « Apportez-les moi ici. » 19 Et, ayant donné l’ordre de faire étendre les foules sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, bénit, puis, rompant les pains, il les donna aux disciples, qui les donnèrent aux foules. 20 Tous mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta le reste des morceaux : douze pleins couffins ! 21 Or ceux qui mangèrent étaient environ cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants.

Jésus marche sur les eaux, et Pierre avec lui.u

22 Et aussitôt il obligea les disciples à monter dans la barque et à le devancer sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.

u Le récit, où l’on peut noter les réminiscences du Ps 107 (voir v. 23-32), nous présente Jésus exerçant un contrôle divin sur les eaux symboles du chaos et des puissances du mal. Jésus a le pouvoir de sauver des disciples. La forme narrative a pu être influencée par les Testaments des 12 Patriarches, Naphtali 6.

23 Et quand il eut renvoyé les foules, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier.v Le soir venu, il était là, seul.

v Les évangélistes, surtout Luc, notent souvent que Jésus prie, dans la solitude ou la nuit, 14.23 ; Mc 1.35 ; Lc 5.16, au moment des repas, 14.19 ; 15.36 ; 26.26-27, et lors d’événements importants au Baptême, Lc 3.21, avant le choix des Douze, Lc 6.12, l’enseignement du Pater, Lc 11.1 ; cf. 6.5, et la confession de Césarée, Lc 9.18, a la Transfiguration, Lc 9.28-29, à Gethsémani, 26.36-44, sur la croix, 27.46 ; Lc 23.46. Il prie pour ses bourreaux, Lc 23.34, pour Pierre, Lc 22.32, pour ses disciples et ceux qui les suivront, Jn 17.9-24. Il prie aussi pour lui-même, 26.39 ; cf. Jn 17.1-5 ; He 5.7. Ces prières manifestent un commerce permanent avec le Père, 11.25-27, qui ne le laisse jamais seul, Jn 8.29 et l’exauce toujours, Jn 11.22, 42 ; cf. 26.53. Par cet exemple comme par son enseignement, Jésus a inculqué à ses disciples la nécessité et la façon de prier, 6.5. À présent dans la gloire, il continue d’intercéder pour les siens, Rm 8.34 ; He 7.25 ; 1 Jn 2.1, comme il l’a promis, Jn 14.16.

24 La barque, elle, se trouvait déjà éloignée de la terre de plusieurs stades,w harcelée par les vagues, car le vent était contraire.

w Cf. Jn 6.19 ; var. « au milieu de la mer », cf. Mc 6.47.

25 À la quatrième veille de la nuit,x il vint vers eux en marchant sur la mer.

x De trois à six heures du matin.

26 Les disciples, le voyant marcher sur la mer, furent troublés : « C’est un fantôme », disaient-ils, et pris de peur ils se mirent à crier. 27 Mais aussitôt Jésus leur parla en disant : « Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte. » 28 Sur quoi, Pierrey lui répondit : « Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux. » —

y Trois épisodes concernant Pierre, celui-ci, 16.16-20 ; 17.24-27, jalonnent intentionnellement la partie historique de Mt, l’évangile de l’Église.

29 « Viens », dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus. 30 Mais, voyant le vent, il prit peur et, commençant à couler, il s’écria : « Seigneur, sauve-moi ! » 31 Aussitôt Jésus tendit la main et le saisit, en lui disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » 32 Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. 33 Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, en disant : « Vraiment, tu es Fils de Dieu ! »

Guérisons au pays de Gennésaret.

34 Ayant achevé la traversée, ils touchèrent terre à Gennésaret. 35 Les gens de l’endroit, l’ayant reconnu, mandèrent la nouvelle à tout le voisinage, et on lui présenta tous les malades : 36 on le priait de les laisser simplement toucher la frange de son manteau, et tous ceux qui touchèrent furent sauvés.

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