18 Cependant pour tes saints il y avait une très grande lumière.
Les autres, qui entendaient leur voix sans voir leur figure,t
les proclamaient heureux de n’avoir pas eux-mêmes souffert,u
t Les Hébreux sont supposés ici mêlés aux Égyptiens, cf. Ex 11.4-7 ; 12.12-13, 29-36.
u « de n’avoir pas » mss, lat. « quoiqu’ils aient (eux-mêmes souffert) » texte reçu.
2 ils leur rendaient grâce de ne pas sévir, après avoir été maltraités,
et leur demandaient pardon pour leur attitude hostile.v
v On pourrait aussi traduire « leur demandaient en grâce de partir », cf. Ex 10.24 ; 11.8 ; 12.33 ; 19.2.
3 Au lieu de ces ténèbres, tu donnas aux tiens une colonne flamboyante,
pour leur servir de guide en un voyage inconnu,
de soleil inoffensif en leur glorieuse migration.
4 Mais ceux-là méritaient bien d’être privés de lumière et d’être prisonniers des ténèbres,
qui avaient gardé enfermés tes fils,
par qui devait être donnée au monde l’incorruptible lumière de la Loi.
5 Comme ils avaient résolu de tuer les petits enfants des saints,
et qu’un seul enfant exposé avait été sauvé,
tu leur enlevas, pour les châtier, une multitude d’enfantsx
et tu les fis périr tous ensemble dans l’eau impétueuse.y
w En alléguant un autre exemple de la correspondance entre faute et châtiment, cf. 11.16, l’auteur annonce à la fois l’extermination des premiers-nés et le désastre de la mer Rouge (v. 5). Mais son attention se fixe ensuite sur le premier épisode ; celui-ci est placé dans son cadre de la nuit pascale, 18.6-19, avant d’être comparé à l’intercession d’Aaron qui arrêta le fléau mortel sévissant contre le peuple hébreu en révolte au désert, 18.20-25.
x Cette correspondance s’appuie peut-être sur Ex 4.22-23. Précédemment, 11.6-7, le décret infanticide était invoqué pour justifier la plaie du Nil changé en sang.
y Cet autre épisode, développé en 19.1-9, est mis également en relation avec le décret infanticide par le livre des Jubilés (48.14) et un commentaire rabbinique.
6 Cette nuit-là fut à l’avance connue de nos pères,z
pour que, sachant d’une manière sûre à quels serments ils avaient cru, ils se réjouissent.
z Soit les Israélites du temps de l’Exode, Ex 11.4-7, soit plutôt les patriarches, à qui Dieu avait promis de délivrer leurs descendants de la servitude d’Égypte, Gn 15.13-14 ; 46.3-4. Cf. 18.23-24.
7 Ton peuple l’attendit,
salut des justes et perte des ennemis ;
8 car, par la vengeance même que tu tiras de nos adversaires,
tu nous glorifias en nous appelant à toi.a
a L’extermination des premiers-nés d’Égypte, la célébration de la Pâque et l’Exode désignaient définitivement Israël comme le peuple de Dieu, cf. Dt 7.6.
9 Aussi les saints enfants des bonsb sacrifiaient-ils en secret,
et ils établirent d’un commun accord cette loi divine,
que les saints partageraient également biens et périls ;
et ils entonnaient déjà les cantiques des Pères.c
b C’est-à-dire les descendants de bonne souche, d’une lignée sainte ; on peut aussi traduire « les saints enfants des biens », c’est-à-dire les héritiers des biens promis aux Pères. — La Pâque est appelée sacrifice, Ex 12.27 ; Dt 16.2, 5. Ce sacrifice est dit « secret » parce que célébré à l’intérieur des maisons, Ex 12.46.
c L’auteur interprète le repas pascal comme on le faisait de son temps. Pâque et alliance sont liées, cf. Jr 31.32 ; 2 Ch 30.1-27 ; 34.31—35.1 ; Lc 22.20. La solidarité entre les participants, les « saints », se fonde probablement sur la circoncision exigée par Ex 12.43-49 ; cf. Jn 13.34. Le repas pascal s’achève par le chant du Hallel, Ps 113-118 ; cf. Mt 26.30.
10 La clameur discordante de leurs ennemis faisait écho,
et les accents plaintifs de ceux qui se lamentaient sur leurs enfants se répandaient au loin.
11 Un même châtiment frappait esclave et maître,
l’homme du peuple endurait les mêmes souffrances que le roi.
12 Tous donc pareillement, frappés d’un même trépas,
eurent des morts innombrables.
Les vivants ne suffisaient plus aux funérailles,
car, en un instant, leur plus précieuse descendance avait été détruite.
13 Ainsi, ceux que des sortilèges avaient rendus absolument incrédules
confessèrent, devant la perte de leurs premiers-nés, que ce peuple était fils de Dieu.d
d Dans leur foi aux sortilèges, les Égyptiens avaient espéré jusque-là que leurs magiciens finiraient par l’emporter sur Moïse, cf. Ex 7.11-13 ; 8.3, 14 ; 9.11, qui semblait mettre en œuvre une magie rivale. Cette fois, Dieu frappe directement.
14 Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses
et que la nuit parvenait au milieu de sa course,
15 du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal,
guerrier inexorable, au milieu d’une terre vouée à l’extermination.e
Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret,
e La mort des premiers-nés, attribuée directement à Dieu par Ex 11.4s ; 12.12, 23, 27, 29, accompagné de l’Exterminateur, Ex 12.23, devient l’œuvre de la Parole divine. Celle-ci était représentée déjà comme exécutant les jugements par Isa 11.4 ; 55.11 ; Jr 23.29 ; Os 6.5. Dans cette évocation dramatique, l’auteur s’inspire, au v. 16 de 1 Ch 21.15-27, et peut-être aussi d’Homère (Iliade IV, 443). L’ensemble prend une signification apocalyptique et la Parole de jugement préfigure, non l’Incarnation du Verbe (contrairement à l’usage que la liturgie a fait de ce texte), mais l’aspect redoutable de son second avènement. On rapproche 1 Th 5.2-4 ; Ap 19.11-21.
16 elle s’arrêta et remplit de mort l’univers ;
elle touchait au ciel et se tenait sur la terre.
17 Alorsf brusquement des apparitions en des songes terribles les épouvantèrent,
des peurs inattendues les assaillirent.
f Ce qui suit n’a aucune attache avec le récit de l’Exode.
18 Jetés à demi morts, l’un d’un côté, l’autre de l’autre,
ils faisaient savoir pour quelle raison ils mouraient,
19 car les songes qui les avaient troublés les en avaient avertis d’avance,
afin qu’ils ne périssent pas sans savoir pourquoi ils subissaient le mal.
20 Cependant l’expérience de la mort atteignit aussi les justesg
et une multitude fut massacrée au désert.
Mais la Colère ne dura pas longtemps,
g En punition de la révolte qui suivit le châtiment de Coré, Datân et Abiram, Nb 17.6-15.
21 car un homme irréprochableh se hâta de les défendre.
Prenant les armes de son ministère,
prière et encens expiatoire,i
il affronta le Courroux et mit un terme au fléau,
montrant qu’il était ton serviteur.
h Aaron, « irréprochable » parce que, choisi par Yahvé, il lui est demeuré fidèle.
i Littéralement « le sacrifice expiatoire de l’encens ». En ajoutant la « prière » non mentionnée par le récit biblique, le texte transforme le grand prêtre en intercesseur, cf. 2 M 3.31 ; 15.12 ; Ps 99.6 ; He 7.25.
22 Il vainquit l’Animosité,j non par la vigueur du corps,
non par la puissance des armes ;
c’est par la parolek qu’il eut raison de celui qui châtiait,
en rappelant les serments faits aux Pères et les alliances.
j « l’Animosité » ton cholon conj. ; « la foule » ton ochlon texte reçu.
k Parole liturgique d’intercession, dont la suite de la phrase indique les motifs. Cette parole qui sauve de l’Exterminateur contraste avec la Parole qui frappait, 18.15.
23 Alors que déjà par monceaux les morts étaient tombés les uns sur les autres,
il s’interposa, arrêta la Colère,
et lui barra le chemin des vivants.
24 Car sur sa robe talaire était le monde entier,
les noms glorieux des Pères étaient gravés sur les quatre rangées de pierres,
et sur le diadème de sa tête il y avait ta Majesté.l
l L’auteur se représente Aaron revêtu d’une robe descendant jusqu’aux talons, avec l’ephod et le pectoral aux douze pierres gravées du nom des « Pères » (les douze fils de Jacob), cf. Ex 28.6s ; 39.2s, avec sur la tête la fleur d’or du « diadème » portant l’inscription « consacré à Yahvé », Ex 28.36s ; 39 : 30s. Ces insignes de la dignité de grand prêtre reçoivent ici un symbolisme cosmique qui devait être habituel dans les milieux juifs hellénisés.
25 Devant cela l’Exterminateurm recula, il en eut peur ;
la seule expérience de la Colère suffisait.
m Peut-être un ange, comme celui de 1 Ch 21.15-16. Cf. Ex 12.23 et 1 Co 10.10. — « il eut peur » mss, versions ; « ils eurent peur » texte reçu.