4 Quand Jésusg apprit que les Pharisiens avaient entendu dire qu’il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean —
f Pour nombre d’auteurs, un récit primitif aurait été surchargé d’éléments adventices (ce qui ne veut pas dire sans intérêt), spécialement l’intervention des disciples (vv. 8, 27, 31-38) et l’enseignement sur le culte en esprit (vv. 20-24 ou même 20-26). Certains donnent également comme secondaire le dialogue sur l’eau vive (vv. 10-15). La structure du récit primitif apparaît alors clairement. Le cadre en est constitué par les vv. 5-7 et 28-30b, 40, qui s’inspirent littérairement de Gn 24.13-14, cf. 24.43, et 24.28-32. Le centre, 4.16-18, fait allusion à 2 R 17.24s et Os 2.18-19 origine de la semi-idolâtrie des Samaritains et annonce de leur conversion. La rencontre près du puits prélude à la conclusion d’un mariage, cf. aussi Gn 29.1s ; Ex 2.15s ; en se convertissant, la Samarie renouera le lien matrimonial qui l’unissait à Dieu, Os 1.2.
g Var. « le Seigneur ».
h Soit l’ancienne Sichem (en araméen Sichara), soit l’actuel village d’Askar, au pied du mont Ébal, à quelque mille mètres du « puits de Jacob ». Ce puits n’est pas mentionné dans Gn.
i Midi.
7 Une femme de Samarie vient pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. »
j Om. de la parenthèse. — Les Juifs haïssaient les Samaritains, Si 50.25-26 ; 8.48 ; Lc 9.52-55, cf. Mt 10.5 ; Lc 10.33 ; 17.16, et expliquaient leur origine, 2 R 17.24-41, par l’immigration forcée de cinq peuplades païennes, restées en partie fidèles à leurs dieux, que symbolisent les « cinq maris » du v. 18.
« Si tu savais le don de Dieu
et qui est celui qui te dit :
Donne-moi à boire,
c’est toi qui l’aurais prié
et il t’aurait donné de l’eau vive. »
11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où l’as-tu donc, l’eau vive ?
« Quiconque boit de cette eau
aura soif à nouveau ;
14 mais qui boira de l’eau que je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ;
l’eau que je lui donnerai
deviendra en lui source
d’eau jaillissant en vie éternelle. »k
k Allusion à Pr 18.4 (Septante) « Une eau profonde est la parole dans le cœur de l’homme, un fleuve qui jaillit, une source de vie », cf. Isa 58.11. L’eau que donne le Christ est donc sa parole, son enseignement plein de sagesse divine, Si 15.3 ; 24.21 ; Isa 55.1-3. Celui qui garde cette parole ne verra jamais la mort, 8.51, il vivra pour toujours, 12.50 ; Dt 30.15-20 ; Pr 13.14. En 7.37-39, l’eau symbolise l’Esprit.
15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif et ne vienne plus ici pour puiser. »
l Les cinq maris symbolisent les dieux importés par cinq peuplades païennes selon 2 R 17.24. Le dieu des Cananéens s’appelait Ba`al, mais ce mot était devenu un nom commun pour désigner tous les faux dieux. Or, dans les langues sémitiques, le mot ba`al signifie aussi « mari »; nous aurions donc ici un jeu de mots, intraduisible en grec, qui serait repris de Os 2.18-19, texte qui annonce la conversion de la Samarie.
m Le mont Garizim, où les Samaritains avaient bâti un temple, rival de celui de Jérusalem. Jean Hyrcan l’avait détruit en 129.
21 Jésus lui dit :
« Crois-moi, femme, l’heure vient
où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem
que vous adorerez le Père.
22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ;
nous, nous adorons ce que nous connaissons,
car le salut vient des Juifs.
23 Mais l’heure vient — et c’est maintenant —
où les véritables adorateurs adoreront le Père
en esprit et en vérité,n
car tels sont les adorateurs
que cherche le Père.
n L’Esprit, 14.26, principe de la nouvelle naissance, 3.5, est aussi principe du culte nouveau, culte spirituel, cf. 2.20-21 et Rm 1.9. Ce culte est « dans la vérité », parce que seul il répond à la révélation que Dieu en fait par Jésus.
24 Dieu est esprit,
et ceux qui adorent,
c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. »
25 La femme lui dit : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, il nous dévoilerao tout. »
o Plutôt que « annoncera ». En langage apocalyptique, ce verbe signifie « dévoiler », « expliquer »; cf. Dn (Théodotion) 2.2, 7, 11 ; 5.12, 15 ; 9.23 ; 10 21 ; 11.2. Cf. aussi 16.13-15.
27 Là-dessus arrivèrent ses disciples, et ils s’étonnaient qu’il parlât à une femme. Pourtant pas un ne dit : « Que cherches-tu ? » ou : « De quoi lui parles-tu ? »
p Cf. Gn 24.28. Le récit prend tout son relief si l’on rattache les vv. 28-29 aux vv. 16-18 ; cf. 4.1. — Var. « s’en alla », verbe matthéen par ailleurs inconnu de Jn.
29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »
31 Entre-temps, les disciples le priaient, en disant : « Rabbi, mange. »
« Ma nourriture
est de faire la volonté de celui qui m’a envoyéq
et de mener son œuvre à bonne fin.
q Comme Moïse, 12.49, comme Jérémie, 10.36, Jésus a été envoyé par Dieu, qu’il nomme « Celui qui m’a envoyé », 4.34, 5.23, 24, 30, 37 et passim). Toute sa vie est donc vouée à faire la volonté de Celui qui l’a envoyé, 5.30 ; 6.38-40 ; cf. Ps 40.8-9 ; He 10.9, à mener à bonne fin (= achever) l’œuvre de Dieu qui est de sauver l’humanité en lui donnant la vie éternelle, 17.4. Cette obéissance le mènera jusqu’à la mort, 12.27 ; Lc 22.42 ; Rm 5.19, et la dernière parole du Christ mourant sur la croix sera de reconnaître que « tout est achevé », 19.28-30.
35 Ne dites-vous pas :
Encore quatre mois et vient la moisson ?
Eh bien ! je vous dis :
Levez les yeux et regardez les champs,
ils sont blancs pour la moisson.r
r La moisson spirituelle, dont les Samaritains qui approchent, v. 30, sont les prémices.
Déjà 36 le moissonneur reçoit son salaire
et récolte du fruit pour la vie éternelle,
en sorte que le semeur se réjouit avec le moissonneur.
37 Car ici se vérifie le dicton :
autre est le semeur, autre le moissonneur ;
38 je vous ai envoyés moissonner
là où vous ne vous êtes pas fatigués ;
d’autres se sont fatigués
et vous, vous héritez de leurs fatigues. »
39 De cette ville, nombre de Samaritains crurent en lui à cause de la parole de la femme, qui attestait : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
s Il n’est pas besoin de miracles pour s’attacher au Christ et croire en sa mission, 4.48, la parole qu’il nous transmet de la part de Dieu, 12.49, doit suffire à nous convaincre, 6.66-69 ; 15.22.
43 Après ces deux jours, il partit de là pour la Galilée.
t Cette glose, délimitée par une reprise rédactionnelle, anticipe sur les événements qui seront racontés en 6.60, 66.
46 Il retourna alors à Cana de Galilée, où il avait changé l’eau en vin. Et il y avait un fonctionnaire royal, dont le fils était malade à Capharnaüm.
u Nombre d’auteurs admettent que, primitivement, cet épisode suivait immédiatement celui des noces de Cana. C’était un miracle accompli « à distance » mais, comme dans le récit parallèle de Mt 8.5-13, Jésus se trouvait lui-même à Capharnaüm, 2.12. L’évangéliste aurait ajouté les vv. 46a et 54 et retouché quelque peu le texte pour l’adapter à la situation nouvelle qu’il créait.
v Le v. 48 est probablement une glose de l’évangéliste ; il ajouta aussi le v. 49 qui « reprend » la donnée du v. 47 pour renouer le fil du récit. Ce reproche convient mal au père de l’enfant malade dont la démarche auprès de Jésus prouve déjà la foi (v. 47) ; il s’adresse aux contemporains de l’évangéliste.
w On discute sur la finale du récit primitif. Il existe dans le récit actuel deux actes de foi du père de l’enfant, le premier avant la constatation du miracle (v. 50), le second après (v. 53). La solution la plus courante est de maintenir les vv. 51-53 au récit primitif et de faire du v. 50 un ajout de l’évangéliste. Mais l’inverse serait plus logique le v. 50 est en effet dans la ligne du v. 47 tandis que les vv. 51-53 pourraient avoir été ajoutés pour justifier le reproche fait par Jésus au v. 48.
54 Tel fut, à nouveau, le deuxième signe que fit Jésus à son retour de Judée en Galilée.