10 Ayant appelé à lui ses douze disciples,k Jésus leur donna pouvoir sur les esprits impurs, de façon à les expulser et à guérir toute maladie et toute langueur.
k suppose connu le choix des Douze, que Mc et Lc mentionnent explicitement en le distinguant de la mission.
2 Les noms des douze apôtresl sont les suivants : le premier, Simon appelé Pierre, et André son frère ; puis Jacques, le fils de Zébédée, et Jean son frère ;
l Le catalogue des douze apôtres, cf. Mc 3.14 et Lc 6.13, nous est parvenu sous quatre formes, selon Mt, Mc Lc, et Ac. Il se divise en trois groupes de quatre noms, dont le premier est le même dans toutes les formes Pierre, Philippe et Jacques d’Alphée. Mais l’ordre peut changer à l’intérieur de chaque groupe. Dans le premier groupe, celui des disciples les plus proches de Jésus, et Lc rapprochent les frères Pierre et André, Jacques et Jean ; mais chez Mc Ac, André est reporté au quatrième rang pour céder la place aux deux fils de Zébédée, devenus avec Pierre les trois intimes du Seigneur, cf. Mc 5.37. Plus tard encore, dans Ac, Jacques de Zébédée passera après son frère plus jeune, Jean, devenu plus important, cf. Ac 1.13 ; 12.2, et déjà Lc 8.51 ; 9.28. Dans le deuxième groupe, qui semble avoir eu des affinités spéciales avec les non-Juifs, Matthieu passe au dernier rang dans les listes de et de Ac ; et dans seul il est appelé « le publicain ». Quant au troisième groupe, le plus judaïsant, si Thaddée (var. Lebbée) de Mc est le même que Judas (fils) de Jacques de Lc Ac, il descend chez ces derniers du deuxième au troisième rang. Simon le Zélote de Lc Ac n’est que la traduction grecque de l’araméen Simon Qan’ana de et Mc. Judas Iscariote, le traître, figure toujours en dernier lieu. Son nom est souvent interprété comme « homme de Qerioth », cf. Jos 15.25, mais il pourrait aussi venir de l’araméen sheqarya « le menteur, l’hypocrite ».
3 Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, le fils d’Alphée, et Thaddée ;
« Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ;
m Hébraïsme biblique le peuple d’Israël. — Comme héritiers de l’élection et des promesses, les Juifs doivent recevoir les premiers l’offre du salut messianique mais cf. Ac 8.5 ; 13.5.
11 « En quelque ville ou village que vous entriez, faites-vous indiquer quelqu’un d’honorable et demeurez-y jusqu’à ce que vous partiez.
n Le salut oriental consiste à souhaiter la paix. Ce souhait est conçu, v. 13, comme quelque chose de très concret, qui ne peut rester vain et revient, s’il ne peut s’accomplir, à celui qui l’a émis.
o Locution d’origine judaïque. Est regardée comme impure la poussière de tout pays qui n’est pas la Terre sainte, ici de tout pays qui n’accueille pas la Parole.
17 « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrinsq et vous flagelleront dans leurs synagogues ;
p Les enseignements des vv. 17-39 dépassent manifestement l’horizon de cette première mission des Douze et ont dû être prononcés plus tard (voir leur place en Mc et Lc). les a groupés ici pour composer un bréviaire complet du missionnaire.
q Les petits sanhédrins de province, et le Grand Sanhédrin de Jérusalem ; cf. 5.21-22.
21 « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mourir.
23 « Si l’on vous pourchasse dans telle ville, fuyez dans telle autre, et si l’on vous pourchasse dans celle-là, fuyez dans une troisième ;r en vérité je vous le dis, vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme.s
r Om. « et si... une troisième ».
s L’avènement ici annoncé concerne, non le monde en général mais Israël en particulier, avec la ruine de Jérusalem et de son Temple ; cf. au contraire 24.1.
24 « Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son patron.
26 « N’allez donc pas les craindre ! Rien, en effet, n’est voilé qui ne sera révélé, rien de caché qui ne sera connu.
t Jésus n’a pu délivrer son message que de façon voilée, parce que ses auditeurs ne pouvaient le comprendre, Mc 1.34, et que lui-même n’avait pas encore accompli son œuvre en mourant et ressuscitant. Plus tard ses disciples pourront et devront tout proclamer sans aucune crainte. Le sens des mêmes paroles dans Lc est tout différent que les disciples n’imitent pas l’hypocrisie des Pharisiens ; tout ce qu’ils prétendraient cacher finirait bien par être connu ; qu’ils parlent donc ouvertement.
28 « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps.
29 Ne vend-on pas deux passereaux pour un as ? Et pas un d’entre eux ne tombera au sol à l’insu de votre Père !
32 « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ;u
u Lors du Jugement dernier, quand le Fils remettra les élus à son Père, cf. 25.34.
34 « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
v Jésus est un « signe de contradiction », Lc 2.34, qui, sans vouloir les discordes, les provoque nécessairement par les exigences du choix qu’il requiert.
37 « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.
w Dans cette parole, de forme plus archaïque qu’en Mc et Lc, « trouver » est à entendre avec la nuance de « gagner, obtenir, se procurer », cf. Gn 26.12 ; Os 12.9 ; Pr 3.13 ; 21.21. Voir 16.25.
40 « Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
x Dans ces trois versets on trouve vraisemblablement la structure de l’Église matthéenne. Au sommet l’autorité apostolique (v. 40), utilisant une formule juridique juive pour la transmission de pouvoirs mais ici mise en rapport avec Dieu. Puis, v. 41, les enseignants (voir 13.52 ; 23.34 pour plus de précisions) et les témoins qui ont résisté héroïquement pendant les persécutions (cf. 13.17 ; 23.29) ; enfin (v. 42) les petits (voir 18.10, 14).
41 « Qui accueille un prophète au nom d’un prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste au nom d’un juste recevra une récompense de juste.
42 « Quiconque donnera à boire à l’un de ces petits rien qu’un verre d’eau fraîche, au nom d’un disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense. »
b Littéralement « les pauvres sont évangélisés », cf. 4.23 ; Lc 1.19. Par cette allusion aux oracles d’Isaïe, Jésus montre à Jean que ses œuvres inaugurent bien l’ère messianique, mais par mode de bienfaits et de salut, non de violence et de châtiment. Cf. Lc 4.17-21.
7 Tandis que ceux-là s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules au sujet de Jean : « Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ?
8 Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu de façon délicate ? Mais ceux qui portent des habits délicats se trouvent dans les demeures des rois.
Voici que moi j’envoie mon messager en avant de toi
pour préparer ta route devant toi.
11 « En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.c
c Par ce seul fait qu’il appartient au Royaume, tandis que Jean, en tant que Précurseur est resté à la porte. Cette parole oppose deux époques de l’œuvre divine, deux « économies », sans déprécier en rien la personne de Jean les temps du Royaume transcendent totalement ceux qui les ont précédés et préparés.
d Expression diversement interprétée. Il peut s’agir :1° de la sainte violence de ceux qui s’emparent du royaume au prix des plus durs renoncements ; 2° de la mauvaise violence de ceux qui veulent établir le Royaume par les armes (les Zélotes) ; 3° de la tyrannie des Puissances démoniaques, ou de leurs suppôts terrestres, qui prétendent garder l’empire de ce monde et entraver l’essor du Royaume de Dieu. Enfin certains traduisent « le Royaume des Cieux se fraie sa voie avec violence », c’est-à-dire s’établit avec puissance en dépit de tous les obstacles.
13 Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu’à Jean.
e Jean est venu achever, dans la perspective de Matthieu, l’économie de l’ancienne Alliance en prenant la succession du dernier des prophètes, Malachie, dont il accomplit la dernière prédiction, Ml 3.23.
16 « Mais à qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins qui, assis sur les places, en interpellent d’autres,
« Nous vous avons joué de la flûte,
et vous n’avez pas dansé !
Nous avons entonné un chant funèbre,
et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine ! »
18 Jean vient en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit : « Il est possédé ! »
19 Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! » Et justice a été rendue à la Sagesse par ses œuvres. »f
f Var. « par ses enfants », cf. Lc 7.35. — À la façon d’enfants boudeurs qui repoussent tous les jeux qu’on leur offre (ici jeux de mariage et d’enterrement), les Juifs rejettent toutes les avances de Dieu, aussi bien la pénitence de Jean que la condescendance de Jésus. L’une et l’autre se légitiment pourtant par les situations différentes de Jean-Baptiste et de Jésus par rapport à l’ère messianique cf. 9.14-15 ; 11.11-13. — En dépit de la mauvaise volonté des hommes, le sage dessein de Dieu se réalise et se justifie lui-même par la conduite qu’il inspire à Jean-Baptiste et à Jésus. Les « œuvres » de ce dernier, en particulier, c’est-à-dire ses miracles, v. 2, sont le témoignage qui convainc ou condamne, vv. 6 et 20-24. Jésus est encore rapproché de la Sagesse en 11.28-30 ; 12.42 ; 23.34 ; Jn 6.35 ; 1 Co 1.24. — Une autre exégèse ne voit ici qu’un proverbe dont l’application aux incrédules annonce que leur fausse sagesse, cf. v. 25, récoltera ses justes fruits, à savoir les châtiments divins, vv. 20-24.
20 Alors il se mit à invectiver contre les villes qui avaient vu ses plus nombreux miracles mais n’avaient pas fait pénitence.
21 « Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon,g il y a longtemps que, sous le sac et dans la cendre, elles se seraient repenties.
g Villes dont les menaces des prophètes avaient fait des types d’impiété : Am 1.9-10 ; Isa 23 ; Ez 26-28 ; Za 9.2-4.
25 En ce temps-là Jésus prit la parole et dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché celah aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.
h Ce passage, vv. 25-27, étant sans connexion étroite avec le contexte où l’a inséré (cf. sa place différente en Lc), « cela » ne se rapporte pas à ce qui précède, mais doit s’entendre absolument des « mystères du Royaume », 13.11, découverts aux « tout-petits », les disciples, cf. 10.42, mais cachés aux « sages », les Pharisiens et leurs docteurs.
i La profession de relations intimes avec Dieu, vv. 26-27, et l’appel à se faire disciple, vv. 28-30, évoquent maints passages des livres sapientiaux, Pr 8.22-36 ; Si 24.3-9 et 19-20 ; Sg 8.3-4 ; 9.9-18, etc. Jésus s’attribue ainsi le rôle de la Sagesse, cf. 11.19, mais d’une façon éminente, non plus comme une personnification mais comme une personne, « le Fils » par excellence du « Père », cf. 4.3. Ce passage de ton johannique, cf. Jn 1.18 ; 3.11, 35 ; 6.46 ; 10.15, etc., exprime, dans le fond le plus primitif de la tradition synoptique comme chez Jn, la conscience claire que Jésus avait de sa filiation divine. La structure de ce passage aurait pu être influencée par Si 51 sur ce thème des relations privilégiées avec Dieu, voir aussi Ex. 33.12-23.
28 « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,j et moi je vous soulagerai.
j Allusion à la Loi, dont le « fardeau » est parfois alourdi par certaines observances surajoutées (notamment par les pharisiens). Le « joug de la Loi » est une métaphore fréquente chez les rabbins, voir déjà So 3.9 (LXX) ; Lm 3.27 ; Jr 2.20 ; 5.5 ; cf. Isa 14.25. Si 6.24-30 ; 51.26-27 l’exploite déjà dans un contexte de sagesse, avec l’idée de labeur facile et reposant.
k Épithètes classiques des « Pauvres » de l’AT, cf. So 2.3 ; Dn 3.87. Jésus revendique leur attitude religieuse et s’en autorise pour se faire leur maître de sagesse, comme c’était annoncé du « Serviteur », Isa 61.1-2 et Lc 4.18 ; voir encore 12.18-21 ; 21.5. De fait c’est pour eux qu’il a prononcé les Béatitudes, 5.3, et mainte autre instruction de sa Bonne Nouvelle.
30 Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. »