23 Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples en disant :
h Le discours eschatologique de combine l’annonce de la ruine de Jérusalem avec celle de la fin de l’âge. Pour cela le discours de Mc, qui ne concernait que le premier événement, est complété d’une triple façon : 1° addition des vv. 26-28, 37-41, pris d’un discours sur le Jour du Fils de l’homme, que Luc utilise de son côté, Lc 17.22-37 ; 2° retouches qui introduisent les thèmes de la « Parousie », vv. 3, 27, 37, 39 (jamais ailleurs dans les Évangiles, cf. 24.3 ; 1 Co 15.23), de la « Fin de l’âge », v. 3 ; cf. 13.39, 40, 49, et du « signe du Fils de l’homme » qui touche toutes les races de la terre, v. 30 ; 3° addition, en fin du discours, de plusieurs paraboles sur la vigilance, 24.42—25.30, qui préparent le retour de Jésus et le grand Jugement eschatologique, 25.31-46. La ruine de Jérusalem marque la fin d’une ère et en inaugure une nouvelle de l’histoire ?
2 « Sur la chaire de Moïse se sont assis les scribes et les Pharisiens :
i En tant qu’ils transmettent la doctrine traditionnelle reçue de Moïse. Ceci n’engage pas leurs interprétations personnelles, dont Jésus a montré par ailleurs ce qu’il faut penser, cf. 15.1-20 ; 16.6 ; 19.3-9.
j Phylactères petites boîtes renfermant les paroles essentielles de la Loi, que les Juifs attachaient à leur bras ou à leur front, en obéissance aux injonctions de cette même Loi, voir Ex 13.9, 16 ; Dt 6.8 ; 11.18. Franges houppes attachées aux coins du manteau, cf. Nb 15.38 ; 9.20.
k Mot hébreu signifiant « mon grand », « mon Seigneur », modelé sur l’araméen « ribboni, rabbouni », titre respectueux comme « monseigneur », puis, après 70, titre habituel des docteurs juifs, comme ici. Pour l’usage ancien, voir Mc 9.5 p.
8 « Pour vous,l ne vous faites pas appeler « Rabbi » : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères.
l Les vv. 8-12, adressés aux seuls disciples, n’appartiennent sans doute pas primitivement au même discours.
m En araméen Abba, autre titre honorifique.
n Jésus fait peut-être allusion au chef religieux de la communauté de Qumrân, le « Directeur juste », appelé communément « Maître de justice ».
13 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrero ceux qui le voudraient. !
o Les exigences de la casuistique rabbinique rendaient difficile l’observation de la Loi.
p Add. v. 14 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui dévorez les biens des veuves, tout en affectant de faire de longues prières vous subirez de ce fait une condamnation plus sévère », interpolation empruntée à Mc 12.40 ; Lc 20.47, et porte à huit le chiffre intentionnel de sept malédictions, cf. 6.9.
15 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte,q et, quand vous l’avez gagné, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous !
q Païen converti au judaïsme. Le prosélytisme juif dans le monde gréco-romain était très actif. Cf. Ac 2.11.
16 « Malheur à vous, guides aveugles, qui dites :r « Si l’on jure par le sanctuaire, cela ne compte pas ; mais si l’on jure par l’or du sanctuaire, on est tenu. »
r Il s’agit ici des vœux. Pour en dégager ceux qui les avaient imprudemment contractés, les rabbins recouraient à de subtiles arguties.
23 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin,s après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela.
s Le précepte mosaïque de la dîme à prélever sur les produits de la terre était appliqué par les rabbins avec exagération aux plantes les plus insignifiantes.
25 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l’extérieur de la coupe et de l’écuelle, quand l’intérieur en est rempli par rapinet et intempérance !
t Var. « à l’intérieur vous êtes remplis ». — « intempérance »; var. « iniquité », « impureté », « cupidité ».
27 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture ;
29 « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez les tombeaux des justes,
u Allusion à la mort prochaine de Jésus lui-même, cf. 21.38s.
33 « Serpents, engeance de vipères ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation de la géhenne ?
v Termes d’origine biblique, mais appliqués ici aux missionnaires chrétiens, cf. 10.41 ; 13.52.
w Il s’agit vraisemblablement du Zacharie de 2 Ch 24.20-22. Son meurtre est le dernier raconté dans la Bible (2 Ch étant le dernier livre du Canon juif), tandis que celui d’Abel, Gn 4.8, est le premier. « Fils de Barachie » vient peut-être de la confusion avec un autre Zacharie, cf. Isa 8.2 (LXX) ; Za 1.1. Ou bien ces mots sont une glose de copiste.
37 « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètesx et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de foisy ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous n’avez pas voulu !
x Voir 1 R 19.10, 14 ; Jr 26.20-23 ; 2 Ch 24.20-22 ; 1 Th 2.15 ; Ac 7.52 ; He 11.37, et les légendes juives apocryphes.
y Allusion à des visites réitérées à Jérusalem, dont les Synoptiques ne disent rien, mais que rapporte Jn.
38 Voici que votre maison va vous être laissée déserte.z
z Om. « déserte ». — Le texte fait ici allusion à la destruction du Temple en 70.
a Ces paroles, que Lc 13.35 semble rapporter à l’entrée du jour des Rameaux, se réfèrent sans doute, dans le contexte actuel de Mt, à un retour ultérieur du Christ, celui de la fin des temps. Les Juifs salueront ce retour, parce qu’ils se seront convertis, cf. Rm 11.25s.
24 Comme Jésus sortait du Temple et s’en allait, ses disciples s’approchèrent pour lui faire voir les constructions du Temple.
b Le mot grec (Parousie), qui signifie « Présence », désignait dans le monde gréco-romain la visite officielle et solennelle d’un prince en quelque lieu. Les chrétiens l’ont adopté comme terme technique pour signifier la venue glorieuse du Christ, cf. 1 Co 15.23.
c Âge(s) du monde, en grec, aiôn, éon, époque, ère. L’idée sous-jacente est que, selon la pensée apocalyptique, l’histoire du salut était coupée par une série de périodes ou d’éons, par ex., de la création (Adam) à Abraham, d’Abraham à Moïse, de Moïse à David, de David à l’exil, de l’exil au Messie, cf. 1.1-14. La série des âges du monde n’était pas rigidement fixée. L’innovation des chrétiens était d’envisager deux venues du Messie, une en humilité, l’autre en gloire, avec le Royaume de Dieu dans sa plénitude. La première venue est déjà accomplie et inaugure la période de l’Église. La deuxième est réservée pour l’avenir, la parousie proprement dite. L’idée d’un deuxième retour du Christ est présente dans le NT, par ex., Jn 14.3, mais le langage explicite, ne se trouve pas avant saint Justin Martyr (deutera parousia).
d Avant 70, des aventuriers se firent passer pour le Messie.
4 Et Jésus leur répondit : « Prenez garde qu’on ne vous abuse.
e Add. « pestes », cf. Lc 21.11.
f Cf. Isa 8.21 ; 13.13 ; 19.2 ; Jr 21.9 ; 34.17 ; Ez 5.12 ; Am 4.6-11 ; 8.8 ; 2 Ch 15.6.
g Cf. Isa 13.8 ; 26.17 ; 66.7 ; Jr 6.24 ; 13.21 ; Os 13.13 ; Mi 4.9-10. L’image fut appliquée par le judaïsme à la période de grande angoisse qui devait précéder la venue du règne messianique.
9 « Alors on vous livrera aux tourments et on vous tuera ; vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom.
h Les vv. 9-13 reprennent les thèmes de 10.17-22 (qui offre un parallèle littéral de Mc 13.9-13, Lc 21.12-19) mais en introduisant quelques éléments particuliers qui semblent faire écho à la persécution des chrétiens à Rome sous Néron après l’incendie de 64 (« haïs de tous les peuples à cause de mon Nom ») et aux « trahisons et haines intestines » parmi les victimes elle-mêmes (« l’amour se refroidira chez le grand nombre ») ; cf. Tacite, Ann. XV 44.
14 « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier,i en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin.j
i Le « monde habité » (oikoumenè), c’est-à-dire le monde gréco-romain. Il faut que tous les Juifs de l’Empire aient entendu la Bonne Nouvelle, cf. Ac 1.8 ; Rm 10.18. L’Évangile atteignit effectivement toutes les parties vitales de l’Empire romain dès avant la chute du Temple, cf. 1 Th 1.8 ; Rm 1.5, 8 ; Col 1.6, 23.
j C’est-à-dire, la fin de l’âge présent et l’arrivée du royaume de Dieu dans sa plénitude, dont un avant-signe est la chute de Jérusalem.
15 « Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieuk (que le lecteur comprenne !),
k Daniel désignait par là, semble-t-il, un autel païen qu’Antiochus Épiphane dressa dans le Temple de Jérusalem (en 168 ; cf. 1 M 1.54). L’application évangélique se réalisa quand la Ville Sainte et son Temple furent investis, puis occupés, par les armées païennes de Rome, cf. Lc 21.20.
l Cf. Ex 10.14 ; 11.6 ; Jr 30.7 ; Ba 2.2 ; Jl 2.2 ; Dn 12.1 ; 1 M 9.27 ; Ap 16.18.
m Ceux qui, parmi les Juifs, sont appelés à entrer dans le Royaume de Dieu le « petit Reste », cf. Isa 4.2 ; Rm 11.5-7.
23 « Alors si quelqu’un vous dit : « Voici : le Christ est ici ! » ou bien : « Il est là ! », n’en croyez rien.
26 « Si donc on vous dit : « Le voici au désert », n’y allez pas ; « Le voici dans les retraites », n’en croyez rien.
n La venue du Messie sera évidente comme l’éclair. Pour une description, voir Ap 19.11-21. — L’éclair est un accompagnement classique des jugements divins, cf. Isa 29.6 ; 30.30 ; Za 9.14 ; Ps 97.4 ; etc.
o Peut-être un proverbe exprimant la même idée de manifestation patente un cadavre, même caché dans le désert, est aussitôt signalé par le tournoiement des vautours.
29 « Aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.p
p Cf. Jr 4.23-26 ; Ez 32.7s ; Am 8.9 ; Mi 1.3-4 ; Jl 2.10 ; 3.4 ; 4.15 et surtout Isa 13.9-10 ; 34.4, dont notre texte reprend les expressions. Les « puissances des cieux » sont les astres et les forces célestes en général.
q Les Pères ont vu dans ce signe la Croix du Christ. Il pourrait s’agir du Christ lui-même.
r Daniel annonçait ainsi l’établissement du règne messianique par un Fils d’homme venant sur les nuées. — La nuée est le décor ordinaire des théophanies, dans l’AT, Ex 13.22 ; 19.16 ; 34.5 ; Lv 16.2 ; 1 R 8.10-11 ; Ps 18.12 ; 97.2 ; 104.3 ; Isa 19.1 ; Jr 4.13 ; Ez 1.4 ; 10.3s ; 2 M 2.8, comme dans le NT, 17.5 ; Ac 1.9, 11 ; 1 Th 4.17 ; Ap 1.7 ; 14.14.
s Add. « et une voix ».
t Formule combinée à l’aide de Za 2.10 et Dt 30.4, textes où il s’agit de réunir les dispersés d’Israël, cf. Ez 37.9 et Ne 1.9. Voir aussi Isa 27.13. Les « élus » sont donc ici, comme aux vv. 22 et 24, ceux des Juifs que Yahvé sauvera du désastre de leur peuple pour les admettre dans son Royaume, avec les païens, v. 30.
32 « Du figuier apprenez cette parabole. Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous comprenez que l’été est proche.
u Le Fils de l’homme, venant instaurer son règne.
v Cette affirmation concerne la ruine de Jérusalem et la fin du monde.
w Om. (Vulg.) « ni le Fils », sans doute par scrupule théologique. En tant qu’homme, le Christ a reçu du Père la connaissance de tout ce qui intéressait sa mission, mais il a pu ignorer certains points du plan divin, ainsi qu’il l’affirme ici formellement.
37 « Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme.
42 « Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jourx va venir votre Maître.
x Vulg. « à quelle heure ». — Veiller, ce qui est proprement s’abstenir de sommeil, est l’attitude que Jésus recommande à ceux qui attendent sa venue, 25.13 ; Mc 13.33-37 ; Lc 12.35-40 ; 21.34-36. La vigilance, en cet état d’alerte, suppose une espérance ferme et exige une présence d’esprit sans relâche qui prend le nom de « sobriété », 1 Th 5.6-8 ; 1 P 5.8 ; cf. 1 P 1.13 ; 4.7.
43 Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur devait venir, il aurait veillé et n’aurait pas permis qu’on perçât le mur de sa demeure.
45 « Quel est donc le serviteur fidèle et avisé que le maître a établi sur les gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu ?
y Au discours qui annonce la ruine de Jérusalem et l’avènement ultime du Christ à la fin du monde, joint trois paraboles qui concernent les fins dernières des individus. — La première met en scène un serviteur du Christ chargé d’une fonction dans l’Église, comme furent les apôtres, et jugé sur la façon dont il a rempli sa mission.
51 il le retrancheraz et lui assignera sa part parmi les hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents.
z Mot obscur à prendre sans doute au sens métaphorique « il s’en séparera » par une sorte d’excommunication, cf. 18.17.
25 « Alors il en sera du Royaume des Cieux comme de dix vierges qui s’en allèrent, munies de leurs lampes, à la rencontre de l’époux.b
a Les vierges représentent les âmes chrétiennes dans l’attente de leur époux, le Christ. Même s’il tarde, la lampe de leur vigilance doit rester prête.
b Add. « et de l’épouse ».
14 « C’est comme un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur remit sa fortune.
c Les chrétiens sont les serviteurs auxquels leur maître, Jésus, laisse le soin de faire fructifier ses dons pour le développement de son règne, et qui devront lui rendre compte de leur gestion. — La parabole des mines, Lc 19.12-27, présente des analogies de forme, mais comporte une leçon assez différente.
d Cette joie est celle du banquet céleste, 8.11, — « sur beaucoup je t’établirai » désigne la participation active au règne du Christ.
31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire.
e Cette puissante scène dramatique inclut des éléments paraboliques (le berger, les brebis et les boucs), mais on ne peut pas minimiser l’importance de ce texte en faisant une simple parabole ; pas plus qu’on ne peut le prendre pour une description « cinématographique » du jugement. L’accent du texte porte sur l’amour du prochain, valeur morale suprême (cf. < r="MAT25.22,34-40">22, 34-40). L’expression « les plus petits des frères » v. 40 désigne tous ceux qui sont dans le besoin, car le mot « frère » ne semble pas avoir ici le sens restrictif selon lequel il ne désignerait que les missionnaires chrétiens cf. Hénok 61.8 ; 62.25 ; 69.27. Contrairement à l’habitude de l’auteur, c’est le Fils qui est présenté comme juge et non Dieu le Père.
f Tous les hommes de tous les temps. La résurrection des morts n’est pas mentionnée, mais doit être supposée, cf. 10.15 ; 11.22-24 ; 12.41s.
g Les hommes sont jugés sur les œuvres de miséricorde (décrites de façon biblique, cf. Isa 58.7 ; Jb 22.6s ; Si 7.32s, etc.), non sur leurs actions exceptionnelles, cf. 7.22s.