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Bible de Jérusalem – Matthieu 8

III. La prédication du Royaume des Cieux

1. SECTION NARRATIVE : DIX MIRACLES

Guérison d’un lépreux.

8 Quand il fut descendu de la montagne, des foules nombreuses se mirent à le suivre. 2 Or voici qu’un lépreux s’approcha et se prosterna devant lui en disant : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. » 3 Il étendit la main et le toucha, en disant : « Je le veux, sois purifié. » Et aussitôt sa lèpre fut purifiée.i

i Par ses miracles Jésus manifeste son pouvoir sur la nature, 8.23-27 ; 14.22-23, particulièrement sur la maladie, 8.1-4, 5-13, 14-15 ; 9.1-8, 20-22, 27-31 ; 14.34-36 ; 15.30 ; 20.29-34 et p ; Mc 7.32-37 ; 8.22-26 ; Lc 14.1-6 ; 17.11-19 ; Jn 5.1-16 ; 9.1-41 ; sur la mort, 9.23-26 ; Lc 7.11-17 ; Jn 11.1-44, et sur les démons, 8.29. Différents par leur simplicité des prodiges merveilleux de l’hellénisme et du judaïsme rabbinique, les miracles de Jésus s’en distinguent surtout par leur signification spirituelle et symbolique ils annoncent les châtiments, 21.18-22, et les dons de l’ère messianique, 11.5 ; 14.13-21 ; 15.32-39 ; Lc 5.4-11 ; Jn 2.1-11 ; 21.4-14, et inaugurent le triomphe de l’Esprit sur l’empire de Satan, 8.29, et les forces du Mal, péchés, 9.2, et maladies, 8.17. Accomplis parfois par pitié, 20.34 ; Mc 1.41 ; Lc 7.13, ils sont destinés surtout à confirmer la foi, 8.10 ; Jn 2.11. Aussi Jésus ne les opère-t-il qu’à bon escient, réclamant le secret pour ceux qu’il veut bien consentir, Mc 1.34, et se réservant de fournir plus tard le miracle décisif de sa propre Résurrection, 12.39-40. Ce pouvoir de guérison, Jésus l’a communiqué à ses apôtres en les envoyant prêcher le Royaume, 10.1, 8 ; c’est pourquoi a fait précéder les consignes de la mission, 10, par une série de dix miracles, 8-9, comme signes du missionnaire, Mc 16.17s ; Ac 2.22 ; cf. Ac 1.8.

4 Et Jésus lui dit : « Garde-toi d’en parler à personne, mais va te montrer au prêtre et offre le don qu’a prescrit Moïse : ce leur sera une attestation. »

Guérison de l’enfant d’un centurion.

5 Comme il était entré dans Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui en le suppliant : 6 « Seigneur, dit-il, mon enfant gît dans ma maison, atteint de paralysie et souffrant atrocement. » 7 Il lui dit : « Je vais aller le guérir. » — 8 « Seigneur, reprit le centurion, je ne mérite pas que tu entres sous mon toit ; mais dis seulement un mot et mon enfant sera guéri. 9 Car moi, qui ne suis qu’un subalterne, j’ai sous moi des soldats, et je dis à l’un : Va ! et il va, et à un autre : Viens ! et il vient, et à mon serviteur : Fais ceci ! et il le fait. » 10 Entendant cela, Jésus fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le dis, chez personne je n’ai trouvé une telle foij en Israël.

j Cette foi que Jésus requiert dès le début de son activité, Mc 1.15, et qu’il requerra sans cesse, est un mouvement de confiance et d’abandon par lequel l’homme renonce à compter sur ses pensées et sur ses forces, pour s’en remettre à la parole et à la puissance de Celui en qui il croit, Lc 1.20, 45 ; 21.25, 32. Jésus la demande en particulier à l’occasion de ses miracles, 8.13 ; 9.2, 22, 28-29 ; 15.28 ; Mc 5.36 ; 10.52 ; Lc 17.19, qui sont moins des actes de miséricorde que des signes de sa mission et du Royaume, 8.3, cf. Jn 2.11 ; aussi ne peut-il en accomplir s’il ne trouve pas cette foi qui doit leur donner leur vrai sens, 12.38-39 ; 13.58 ; 16.1-4. Exigeant un sacrifice de l’esprit et de tout l’être, la foi est un geste difficile d’humilité, 18.6, que beaucoup refusent de faire, particulièrement en Isräel, 8.10 ; 15.28 ; 27.42 ; Lc 18.8, ou ne font qu’à moitié, Mc 9.24 ; Lc 8.13. Les disciples eux-mêmes sont lents à croire, 8.26 ; 14.31 ; 16.8 ; 17.20, même après la Résurrection, 28.17 ; Mc 16.11-14 ; Lc 24.11, 25, 41. La foi la plus sincère de leur chef, le « Roc », 16.16-18, sera ébranlée par le scandale de la Passion, 26.69-75, mais elle en triomphera, Lc 22.32. Quand elle est forte, la foi opère des merveilles, 17.20 ; 21.21 ; Mc 16.17, obtient tout, 21.22 ; Mc 9.23, en particulier la rémission des péchés, 9.2 ; Lc 7.50, et le salut, dont elle est la condition indispensable, Lc 8.12 ; Mc 16.16, cf. Ac 3.16.

11 Eh bien ! je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festink avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux,

k À la suite de Isa 25.6 ; 55.1-2 ; Ps 22.27, etc., le judaïsme a souvent représenté les joies de l’ère messianique sous l’image d’un festin cf. 22.2-14 ; 26.29 ; Lc 14.15 ; Ap 3.20 ; 19.9.

12 tandis que les fils du Royaumel seront jetés dans les ténèbres extérieures : là seront les pleurs et les grincements de dents. »m

l C’est-à-dire les Juifs, héritiers naturels des promesses. Ceux d’entre eux qui n’auront pas cru au Christ verront des païens prendre leurs places.

m Image biblique de la colère et du dépit des impies à l’égard des justes : cf. Ps 35.16 ; 37.12 ; 112.10 ; Jb 16.9. Elle décrit chez la damnation.

13 Puis il dit au centurion : « Va ! Qu’il t’advienne selon ta foi ! » Et l’enfant fut guéri sur l’heure.

Guérison de la belle-mère de Pierre.

14 Étant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec la fièvre. 15 Il lui toucha la main, la fièvre la quitta, elle se leva et elle le servait.

Guérisons multiples.

16 Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot, et il guérit tous les malades, 17 afin que s’accomplît l’oracle d’Isaïe le prophète :

Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies.n

n Pour Isaïe, le Serviteur a « pris » sur lui-même nos douleurs par sa propre souffrance expiatrice. entend que Jésus les a « prises » en les enlevant par ses guérisons miraculeuses. Cette interprétation, apparemment forcée, est en réalité d’une profonde vérité théologique ; c’est parce que Jésus, le « Serviteur », est venu prendre sur lui l’expiation des péchés, qu’il a pu soulager les hommes des maux corporels, qui sont la suite et la peine du péché.

Exigences de la vocation apostolique.

18 Se voyant entouré de foules nombreuses, Jésus donna l’ordre de s’en aller sur l’autre rive.o

o La rive orientale du lac de Tibériade.

19 Et un scribe s’approchant lui dit : « Maître, je te suivrai où que tu ailles. » 20 Jésus lui dit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme,p lui, n’a pas où reposer la tête. »

p Fils de l’homme. Ce sémitisme énigmatique revêt deux sens un sens ordinaire « homme », « être humain » (Ez 2.1, Ps 8.4) ; souvent simple équivalent de « je », « moi », parfois par modestie comme c’est le cas ici ; un sens théologique par référence à Dn 7.13-14, où le titre de Fils de l’homme désigne un être céleste, transcendant, peut-être angélique, voire divin, auquel est donné le Royaume de Dieu. Cet être céleste est plus clairement dessiné dans les livres apocryphes, 1 Henok 46-9 etc, et 4 Esdras 13, où il est identifié avec le Messie. Il s’agit donc d’une expression qui se réfère paradoxalement à la fois à l’humilité et à l’exaltation divine, ce qui en fait, malgré de possibles confusions, une clé christologique. Dans le NT l’expression ne se trouve que sur les lèvres de Jésus (4 exceptions Jn 12.34, Ac 7.56, Ap 1.13 ; 14.14), le plus souvent comme une référence à sa propre personne. Dans les Synoptiques cette formule se réfère (a) à la vie présente, terrestre de Jésus (par ex. ici) ; (b) aux prédictions de sa souffrance, mort et résurrection (par ex., Mc 8.31, 9.31, 10.33-34) ; (c) à sa venue comme Fils de l’homme dans un avenir glorieux (par ex. Mc 8.38, 13.26, 14.62 et par.).

21 Un autre des disciples lui dit : « Seigneur, permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père. » 22 Mais Jésus lui dit : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts. »

La tempête apaisée.

23 Puis il monta dans la barque, suivi de ses disciples. 24 Et voici qu’une grande agitation se fit dans la mer, au point que la barque était couverte par les vagues. Lui cependant dormait. 25 S’étant approchés, ils le réveillèrent en disant : « Au secours, Seigneur, nous périssons ! » 26 Il leur dit : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? » Alors, s’étant levé, il menaça les vents et la mer, et il se fit un grand calme. 27 Saisis d’étonnement, les hommes se dirent alors : « Quel est celui-ci, que même les vents et la mer lui obéissent ? »

Les démoniaques gadaréniens.

28 Quand il fut arrivé sur l’autre rive, au pays des Gadaréniens,q deux démoniaques,r sortant des tombeaux, vinrent à sa rencontre, des êtres si sauvages que nul ne se sentait de force à passer par ce chemin.

q Ainsi nommés d’après la ville de Gadara, sise au sud-est du lac. La var. « Géraséniens » (Mc, Lc et Vulg. de Mt) dérive du nom d’une autre ville, Gérasa ou peut-être Chorsia ; la var. « Gergéséniens » provient d’une conjecture d’Origène.

r Deux démoniaques, au lieu d’un chez Mc et Lc ; de même deux aveugles à Jéricho, 20.30, et deux aveugles à Bethsaïde, 9.27, miracle qui est un démarquage du précédent. Ce dédoublement des personnages peut être un procédé de style de Mt.

29 Les voilà qui se mirent à crier : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? »s

s En attendant le jour du Jugement, les démons jouissent d’une certaine liberté d’exercer leurs sévices sur la terre. Ap 9.5, ce qu’ils font de préférence en possédant les hommes, 12.43-45. Cette possession s’accompagne souvent d’une maladie, celle-ci étant, à titre de suite du péché, 9.2, une autre manifestation de l’emprise de Satan, Lc 13.16. Aussi les exorcismes de l’Évangile, qui apparaissent parfois comme ici à l’état pur, cf. 15.21-28 ; Mc 1.23-28 ; Lc 8.2, se font-ils souvent par mode de guérison, 9.32-34 ; 12.22-24 ; 17.14-18 ; Lc 13.10-17. Par son pouvoir sur les démons, Jésus décrit l’empire de Satan, 12.28 ; Lc 10.17-19 ; cf. Lc 4.6 ; Jn 12.31, et inaugure le règne messianique dont l’Esprit Saint est la promesse caractéristique, Isa 11.2 ; Jl 3.1s. Si les hommes refusent de le comprendre, 12.24-32, les démons, eux, le savent bien, ici et Mc 1.24 ; 3.11 ; Lc 4.41 ; Ac 16.17 ; 19.15. Ce pouvoir d’exorcisme, Jésus le communique à ses disciples en même temps que le pouvoir des guérisons miraculeuses, 10.1, 8, qui lui est connexe, 8.3 ; 4.24 ; 8.16 ; Lc 13.32.

30 Or il y avait, à une certaine distance, un gros troupeau de porcs en train de paître. 31 Et les démons suppliaient Jésus : « Si tu nous expulses, envoie-nous dans ce troupeau de porcs. » — 32 « Allez », leur dit-il. Sortant alors, ils s’en allèrent dans les porcs, et voilà que tout le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer et périt dans les eaux.t

t Pour un auditoire judéochrétien, un tel récit avait un aspect humoristique et un aspect pragmatique utilitaire, comme l’élimination de rats ou de vermine.

33 Les gardiens prirent la fuite et s’en furent à la ville tout rapporter, avec l’affaire des démoniaques. 34 Et voilà que toute la ville sortit au-devant de Jésus ; et, dès qu’ils le virent, ils le prièrent de quitter leur territoire.

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