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Bible de Jérusalem

1 Samuel 8-12

II. Samuel et Saül

1. INSTITUTION DE LA ROYAUTÉn

Le peuple demande un roi.o

8 Lorsque Samuel fut devenu vieux, il établit ses fils comme juges pour Israël.

n C’est un tournant important dans l’histoire politique et religieuse d’Israël. Le sanctuaire de l’arche à Silo a été détruit et l’unité est menacée, en face du péril philistin qui grandit. Renouvelant l’offre faite à Gédéon, Jg 8.22s, et la tentative d’Abimélek, Jg 9.1s, une partie du peuple demande un roi, « comme les autres nations », mais un autre courant d’opinion s’y oppose, laissant à Yahvé, seul maître d’Israël, le soin de susciter les chefs que les circonstances exigent, comme il faisait au temps des Juges. Ces deux courants trouvent leur expression dans les récits juxtaposés de l’institution monarchique. Mais il est abusif de parler d’une « version antimonarchiste », 8 ; 10.17-24 ; 12, et d’une « version monarchiste », 9.1—10.16 ; 11. Ces traditions diverses, provenant de différents sanctuaires, s’accordent sur le rôle historique et religieux de Samuel. Son importance est d’avoir fait prévaloir une royauté qui respectait les droits de Dieu sur le peuple. Après l’échec du règne de Saül, cela se réalisera sous David. Sa grande personnalité conciliera l’aspect religieux et l’aspect profane de la monarchie en Israël et, en lui, le chef politique ne manquera pas aux devoirs de l’Oint de Yahvé. Mais cet idéal ne sera plus atteint par ses successeurs, et David restera la figure du Roi de l’avenir, par qui Dieu opérera le salut de son peuple, l’Oint du Seigneur, le Messie.

o Ce récit est originaire du sanctuaire de Rama. Samuel s’oppose au mouvement du peuple qui veut un roi « comme les autres nations », cf. v. 5, mais il n’est pas contre une monarchie qui reconnaîtrait les prérogatives de Yahvé.

2 Son fils aîné s’appelait Yoël et son cadet Abiyya ; ils étaient juges à Bersabée. 3 Mais ses fils ne marchèrent pas sur ses traces : ils furent attirés par le gain, acceptèrent des cadeaux et firent dévier le droit. 4 Tous les anciens d’Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. 5 Ils lui dirent : « Tu es devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis-nous un roi pour qu’il nous juge, comme toutes les nations. »p

p Israël oublie qu’il n’est pas un peuple comme les autres, il se profane en suivant leur exemple, et en rejetant son véritable roi, Yahvé, cf. v. 7 et 12.12.

6 Cela déplut à Samuel qu’ils aient dit : « Donne-nous un roi, pour qu’il nous juge », et il pria Yahvé. 7 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront, car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, mais c’est moi qu’ils rejettent, ne voulant plus que je règne sur eux. 8 Conformément à tout ce qu’ils ont fait depuis le jour où je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à maintenant — ils m’ont abandonné et ont servi d’autres dieux, ainsi ils agissent également envers toi. 9 Et maintenant, écoute leur voix, mais tu les avertiras solennellement et tu leur apprendras le droit du roi qui va régner sur eux. »

Les inconvénients de la royauté.

10 Samuel répéta toutes les paroles de Yahvé au peuple qui lui demandait un roi. 11 Il dit : « Tel sera le droit du roi qui va régner sur vous.q Il prendra vos fils et les affectera à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char.

q Ce « droit du roi » a longtemps été considéré comme reflétant les abus du pouvoir royal sous Salomon et ses successeurs. Mais les textes récemment découverts indiquent qu’il représente la pratique des royaumes cananéens antérieurs à Israël.

12 Il les établira chefs de mille et chefs de cinquante ; il leur fera labourer son labour, moissonner sa moisson, fabriquer ses armes de guerre et les harnais de ses chars. 13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. 14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs et les donnera à ses serviteurs.r

r En hébreu le mot « serviteur » désigne quelqu’un qui est soumis à un autre. Ici le terme désigne, comme au v. 15, les fonctionnaires royaux, mais suggère un autre statut au v. 16 à cause du parallélisme avec le mot « servantes » ; au v. 17 il désigne les sujets d’un roi.

15 Sur vos semences et vos vignes, il prélèvera la dîme et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. 16 Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. 17 Il prélèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes deviendrez ses serviteurs. 18 Ce jour-là, vous crierez à cause du roi que vous vous serez choisi, mais Yahvé ne vous répondra pas, ce jour-là ! »

19 Le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel et dit : « Non ! Nous aurons un roi 20 et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations : notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats. » 21 Samuel entendit toutes les paroles du peuple et les redit à l’oreille de Yahvé. 22 Mais Yahvé dit à Samuel : « Écoute leur voix et fais régner sur eux un roi. » Alors Samuel dit aux hommes d’Israël : « Partez chacun dans sa ville. »s

s La fin du v., rédactionnelle, permet d’insérer 9.1—10.16, le récit de l’onction de Saül.

Saül et les ânesses de son père.t

9 Il y avait un homme de Benjamin qui s’appelait Qish, fils d’Abiel, fils de Çeror, fils de Bekorat, fils d’Aphiah, fils d’un Benjaminite, un homme vaillant.

t Le récit 9.1—10.16 est sans lien avec ce qui précède. Il provient de Rama, et suppose que Saül a été oint encore jeune et que cette onction est restée secrète, comme pour David, 16. Mais l’onction est associée à la prise de pouvoir. Il est sûr que Saül a été oint, 24.7, 11 ; 26.9, 11, 16, 23 ; 2 S 1.14-15, il est vraisemblable qu’il l’a été par Samuel, mais nous ne savons pas dans quelles circonstances. L’histoire est centrée sur Saül, et Samuel est présenté non comme un juge mais comme un prophète que Saül rencontre par hasard. La royauté est voulue par Yahvé, le premier roi est son élu.

2 Il avait un fils nommé Saül,u homme jeune et beau. Nul parmi les Israélites n’était plus beau que lui : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple.

u Nom qui signifie « demandé » (à Dieu). La précision sur la haute taille de Saül en fin de v. vient de 10.23.

3 Les ânesses appartenant à Qish, père de Saül, s’étant égarées, Qish dit à son fils Saül : « Prends avec toi l’un des jeunes gens. Lève-toi, pars à la recherche des ânesses. » 4 Il traversa la montagne d’Éphraïm, il traversa le pays de Shalisha sans rien trouver ; il traversa le pays de Shaalim et elles n’y étaient pas ; il traversa le pays de Benjamin sans rien trouver. 5 Lorsqu’ils furent arrivés au pays de Çuph, Saül dit au jeune homme qui était avec lui : « Allons ! Retournons, de peur que mon père cesse de penser aux ânesses et qu’il ne s’inquiète pour nous. » 6 Mais celui-ci lui répondit : « Voici qu’un homme de Dieu se trouve dans cette ville.v C’est un homme réputé : tout ce qu’il dit arrive sûrement. Allons-y donc, peut-être nous renseignera-t-il sur le voyage que nous avons entrepris. »

v Sans doute Rama, la ville de Samuel, 7.17.

7 Saül dit au jeune homme : « Si nous y allons, qu’apporterons-nous à l’homme de Dieu ? Le pain a disparu de nos sacs et nous n’avons pas de présent à apporter à l’homme de Dieu. Qu’avons-nous ? »w

w On ne consultait pas un prophète sans lui faire un présent, Nb 22.7 ; 1 R 14.3 ; 2 R 4.42 ; 5.15 ; 8.8. Cf. Am 7.12 ; Mi 3.11 ; Ez 13.19.

8 Le jeune homme répondit à Saül et lui dit : « Voici j’ai en ma possession un quart de sicle d’argent, je le donnerai à l’homme de Dieux et il nous renseignera sur notre voyage. »

x Terme rare pour désigner un prophète. Le v. 9, glose mal insérée dans le texte, explique l’équivalence entre « voyant » et « prophète » afin de préparer le v. 11.

9 Autrefois en Israël, on parlait ainsi lorsqu’on allait consulter Dieu : « Allons donc chez le voyant », car le prophète d’aujourd’hui on l’appelait autrefois « le voyant ». 10 Saül dit au jeune homme : « Tu as bien parlé, allons donc ! » Et ils allèrent à la ville où se trouvait l’homme de Dieu.

Saül rencontre Samuel.

11 Comme ils gravissaient la montée de la ville, ils rencontrèrent des jeunes filles qui sortaient pour puiser l’eau et ils leur demandèrent : « Le voyant est-il ici ? » 12 Elles leur répondirent en disant : « Il y est ; le voici devant toi. Hâte-toi maintenant : il est venu aujourd’hui en ville, car il y a aujourd’hui un sacrifice pour le peuple sur le haut lieu.y

y Les hauts lieux étaient des sanctuaires établis sur une hauteur au voisinage des villes. Ils existaient dans la tradition cananéenne, Yahvé y remplaça Baal, Jg 6.25s, et le culte légitime les toléra longtemps, 1 R 3.4s, jusqu’à ce qu’ils soient interdits par la loi sur l’unité du sanctuaire, Dt 12.2.

13 Dès que vous entrerez en ville, vous le trouverez avant qu’il ne monte au haut lieu pour le repas. Le peuple ne mangera pas avant son arrivée, car c’est lui qui doit bénir le sacrifice ; après quoi, les invités mangeront.z

Maintenant, montez, car lui, vous le trouverez sur-le-champ. »

z Le repas est un élément essentiel du sacrifice de communion, cf. Lv 3.1.

14 Ils montèrent donc à la ville. Comme ils entraient dans la ville, Samuel sortait à leur rencontre pour monter au haut lieu. 15 Or, un jour avant que Saül ne vînt, Yahvé avait avertia Samuel :

a Littéralement « avait découvert l’oreille ». Image assez fréquente qui traduit l’idée d’un message ou avertissement d’une personne à une autre, cf. 20.2 12-13 ; 22.8 17.

16 « Demain à pareille heure, avait-il dit, je t’enverrai un homme du pays de Benjamin, tu lui donneras l’onction comme chef de mon peuple Israël, et il sauvera mon peuple de la main des Philistins, car j’ai vu mon peupleb et son cri est venu jusqu’à moi. »

b La fin du v. s’inspire d’Ex 3.7, 9, ce que le grec a bien vu en parlant de « la misère de mon peuple ».

17 Et quand Samuel aperçut Saül, Yahvé lui confirma : « Voilà l’homme dont je t’ai dit : C’est lui qui tiendra mon peuple en main. » 18 Saül aborda Samuel au milieu de la porte et dit : « Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant. » 19 Samuel répondit à Saül : « C’est moi le voyant. Monte devant moi au haut lieu. Vous mangerez aujourd’hui avec moi. Je te laisserai partir au matin et je t’indiquerai tout ce qui te préoccupe. 20 Quant à tes ânesses égarées il y a aujourd’hui trois jours, ne t’en inquiète pas, car elles sont retrouvées. Et à qui appartient tout ce qui est précieux en Israël ? N’est-ce pas à toi et à toute la maison de ton père ? »c

c Première annonce de l’élévation de Saül.

21 Saül répondit et dit : « Ne suis-je pas un Benjaminite, une des plus petites tribus d’Israël, et ma famille n’est-elle pas la moindre de toutes celles de la tribu de Benjamin ? Pourquoi me dire une telle parole ? »

22 Samuel prit Saül et le jeune homme. Il les introduisit dans la salle et leur donna une place en tête des invités, qui étaient une trentaine. 23 Puis Samuel dit au cuisinier : « Donne la part que je t’ai donnée, celle dont je t’ai dit : Mets-la de côté. » 24 Le cuisinier préleva le gigot et ce qui est au-dessus, il les plaça devant Saül et lui dit : « Voici le reste placé devant toi. Mange, car c’est pour cette réunion que cela a été gardé pour toi en disant : « J’ai invité le peuple. » » Ce jour-là, Saül mangea avec Samuel.d

d Texte difficile. Il semble qu’une part de choix a été prélevée pour faire de Saül le président du repas, lui attribuant ainsi le droit de se dire le convocateur des invités. L’action et la parole mettent en relief le futur rôle de Saül et anticipent sur ce que fera et dira Samuel le lendemain.

25 Ils descendirent du haut lieu à la ville. Il parla avec Saül sur la terrasse.e

e La terrasse est à la fois le lieu de l’entretien entre Samuel et Saül et celui où Saül a dormi et où il est interpellé par Samuel. La narration est ici très habile.

26 Ils se levèrent tôt.

Le sacre de Saül.f

Or, dès que monta l’aurore, Samuel appela Saül sur la terrasse en lui disant : « Lève-toi, je vais te laisser partir. » Saül se leva, et tous les deux, lui et Samuel sortirent au-dehors.

f Les rois d’Israël étaient oints par un homme de Dieu (prêtre ou prophète), cf. 16.13 ; 1 R 1.39 ; 2 R 9.6 ; 11.12. Ce rite donnait au roi un caractère sacré et faisait de lui le vassal de Yahvé : il était « l’oint de Yahvé », cf. 2.35 ; 24.7, 11 ; 26.9, 16, et voir Ex 30.22.

27 Ils étaient descendus à la limite de la ville quand Samuel dit à Saül : « Ordonne au jeune homme de passer devant nous. » Celui-ci passa devant. « Quant à toi tiens-toi là maintenant, que je te fasse entendre la parole de Dieu. »

10 Samuel prit la fiole d’huile, la versa sur la tête de Saül, puis il l’embrassa et dit : « N’est-ce pas Yahvé qui t’a oint comme chef sur son héritage ? C’est toi qui jugeras le peuple de Yahvé et le délivreras de la main de ses ennemis d’alentour. Et voici pour toi le signe que Yahvé t’a oint comme chef sur son héritage. 2 Quand tu m’auras quitté aujourd’hui, tu rencontreras deux hommes près du tombeau de Rachel, sur la frontière de Benjamin, à Çelçahg et ils te diront : « Les ânesses que tu étais parti chercher sont retrouvées. Voici que ton père a oublié l’affaire des ânesses et s’inquiète de vous, se disant : Que puis-je faire pour mon fils ? »

g Nom de lieu de localisation incertaine.

3 De là, passant outre, tu arriveras au Chêne de Tabor et tu y rencontreras trois hommes montant vers Dieu à Béthel, l’un portant trois chevreaux, l’autre portant trois miches de pain, le dernier portant une outre de vin. 4 Ils te salueront et te donneront deux offrandesh de pains, que tu prendras de leur main.

h « deux pains » hébr. ; le grec précise « deux offrandes de pain ». Le mot « offrandes » a été supprimé parce qu’à une époque tardive il désignait ce qui était destiné aux prêtres alors que Saül était laïc, cf. Lv 23.17 20.

5 Après cela, tu arriveras à Gibéa de Dieui où se trouvent des préfetsj des Philistins et, à l’entrée de la ville, tu te heurteras à une troupe de prophètes descendant du haut lieu, précédés de la harpe, du tambourin, de la flûte et de la cithare, et ils seront en état de transe prophétique.k

i Autre nom de Gibéa, la patrie de Saül, vv. 10s ; 11.4 ; 15.34.

j Ce pluriel est curieux et les versions ont lu le sing. Cette précision prépare 13.3.

k Ces « prophètes », vivant en groupes, demandaient à la musique et à la gesticulation une extase qui devenait contagieuse, 19.20-24 ; 1 R 22.10s. On leur a comparé les confréries de derviches modernes. Les voisins d’Israël connaissaient (ainsi les prophètes de Baal, 1 R 18.25-29) cette forme inférieure de vie religieuse que le culte de Yahvé toléra longtemps, 1 R 18.4. On les retrouve, assagis, dans l’entourage d’Élisée, 2 R 2.3. Les grands prophètes d’Israël seront d’une autre classe, voir l’Introduction aux Prophètes.

6 Alors l’esprit de Yahvé fondra sur toi, tu entreras en transe avec eux et tu seras changé en un autre homme. 7 Lorsque ces signes se produiront pour toi, agis comme l’occasion se présentera, car Dieu est avec toi. 8 Tu descendras avant moi à Gilgall et je t’y rejoindrai pour offrir des holocaustes et des sacrifices de communion. Tu attendras sept jours jusqu’à ce que je vienne vers toi et je te ferai savoir ce que tu dois faire. »

l Près de Jéricho, cf. Jos 4.19. Le v. 8 est une insertion préparant 13.8-15, qui vient d’une source différente.

Retour de Saül.

9 Dès qu’il eut tourné le dos pour quitter Samuel, Dieu lui changea le cœur et tous ces signes s’accomplirent le jour même. 10 Quandm ils arrivèrent là, à Gibéa, voici qu’une troupe de prophètes venait à sa rencontre ; l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra en transe avec eux.

m Le récit ne s’attarde pas sur l’accomplissement des deux premiers signes. Le troisième est d’ailleurs de nature différente et s’appuie sur un proverbe que l’on retrouve en 19.18-24.

11 Tous ceux qui le connaissaient de longue date le virent : il faisait le prophète avec des prophètes. Les gens se dirent l’un à l’autre : « Qu’est-il arrivé au fils de Qish ? Saül est-il aussi parmi les prophètes ? » 12 Un homme originaire de l’endroit reprit : « Qui donc est leur père ? »n C’est pourquoi il est passé en proverbe de dire : « Saül est-il aussi parmi les prophètes ? »

n La question laisse entendre que ce groupe ne peut se réclamer d’un fondateur ou d’un ancêtre prestigieux. Ce jugement négatif rejaillit sur Saül dont la présence étonne.

13 Lorsqu’il fut sorti de transe, Saül arriva en haut lieu. 14 L’oncle de Saül leur dit, à lui et au jeune homme : « Où êtes-vous allés ? » « À la recherche des ânesses, répondit-il. Nous n’avons rien vu et nous sommes allés chez Samuel. »

15 L’oncle de Saül lui dit : « Raconte-moi donc ce que Samuel vous a dit. »

16 Saül dit à son oncle : « Il nous a bien raconté que les ânesses étaient retrouvées », mais il ne lui raconta pas l’affaire de la royauté, que Samuel avait dite.

Saül est désigné comme roi par le sort.o

17 Samuel convoqua le peuple auprès de Yahvé à Miçpa

o Tradition du sanctuaire de Miçpa, cf. 7.5, parallèle à celle de l’onction, 9.26—10.16. Pour ce tirage au sort, cf. Jos 7.14-18.

18 et il dit aux Israélites : « Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël : Moi, j’ai fait monter Israël d’Égypte et vous ai délivrés de la main de l’Égypte et de tous les royaumes qui vous opprimaient. 19 Mais vous, aujourd’hui, vous avez rejeté votre Dieu, celui qui vous sauvait de tous vos maux et de toutes vos angoisses, et vous lui avez dit : « Tu établiras un roi sur nous. » Maintenant, présentez-vous devant Yahvé par tribus et par clans. »

20 Samuel fit approcher toutes les tribus d’Israël et la tribu de Benjamin fut désignée par le sort. 21 Il fit approcher la tribu de Benjamin par clans, et le clan de Matri fut désigné.p Puis Saül, fils de Qish, fut désigné ; on le chercha, mais on ne le trouva pas.

p Le processus de tirage au sort est ici très simplifié.

22 On consulta encore Yahvé : « Est-il venu ici quelqu’un d’autre ? » Et Yahvé dit : « Le voici caché parmi les bagages. » 23 On courut l’y prendre et il se présenta au milieu du peuple : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le peuple. 24 Samuel dit à tout le peuple : « Avez-vous vu celui qu’a choisi Yahvé ? Il n’a pas son pareil dans tout le peuple. » Tout le peuple s’écria : « Vive le roi ! »

25 Samuel exposa au peuple le droit de la royautéq et il l’écrivit dans le livre qu’il déposa devant Yahvé. Samuel renvoya tout le peuple, chacun chez soi.

q Ce « droit de la royauté », cf. 8.11-13, est ici un texte écrit, une « constitution », un traité qui lie le roi et le peuple, cf. 2 R 11.17.

26 Saül aussi s’en alla chez lui à Gibéa, et partirent avec lui les vaillants dont Dieu avait touché le cœur. 27 Mais des vauriens dirent : « Comment celui-là nous sauverait-il ? » Ils le méprisèrent et ne lui offrirent pas de présent, mais lui il garda le silence.r

r Littéralement « il fut comme silencieux ».

Victoire contre les Ammonites.s

11 Nahash l’Ammonite monta assiéger Yabesh de Galaad. Tous les gens de Yabesh dirent à Nahash : « Conclus avec nous un traité et nous te servirons. »

s Tradition de Gilgal indépendante des précédentes rien n’indique que Saül ait déjà été oint, ni acclamé roi par le peuple. Le récit rappelle ceux des « grands » Juges. Mais la différence est qu’après la victoire, Saül n’est pas reconnu comme juge, il est proclamé roi ; et la différence est considérable.

2 Mais Nahash l’Ammonite leur dit : « Je le conclurai avec vous de cette manière : en vous crevant à chacun l’œil droit, et j’infligerai cette honte sur tout Israël. » 3 Les anciens de Yabesh lui dirent : « Laisse-nous un répit de sept jours. Nous enverrons des messagers dans tout le territoire d’Israël et, si personne ne vient nous sauver, nous nous rendrons à toi. » 4 Les messagers arrivèrent à Gibéa de Saül et exposèrent les choses aux oreilles du peuple. Tout le peuple éleva la voix et pleura.

5 Or, voici que Saül revenait des champs derrière ses bœufs. Saül dit : « Qu’a donc le peuple à pleurer ainsi ? » On lui raconta les propos des hommes de Yabesh, 6 et quand Saül entendit ces paroles, l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra dans une grande colère. 7 Il prit une paire de bœufs et la dépeça en morceaux qu’il envoya par messagers dans tout le territoire d’Israël en disant : « Celui qui ne sortira pas pour le combat derrière Saül et Samuel,t ainsi sera-t-il fait de ses bœufs. » Une terreur de Yahvé s’abattit sur le peuple et ils marchèrent comme un seul homme.

t L’action de Saül est ici placée sous l’autorité de Samuel le juge, cf. 7.2.

8 Il les passa en revue à Bézeq : les Israélites étaient trois cent mille et les hommes de Juda trente mille.u

u L’énormité des chiffres et la distinction entre Israël et Juda trahissent une main tardive.

9 On dit aux messagers qui étaient venus : « Vous parlerez ainsi aux hommes de Yabesh de Galaad : Demain, quand le soleil sera ardent, un salut vous arrivera. » Les messagers vinrent en informer les hommes de Yabesh, et ceux-ci se réjouirent. 10 Les hommes de Yabesh dirent :v « Demain, nous sortirons vers vousw et vous nous traiterez comme il vous semblera bon. »

v On ne sait à quoi s’adresse la réponse. À Nahash ? C’est ce que l’on peut comprendre à la suite du v. 3. Elle peut aussi s’adresser aux envoyés de Saül.

w Les gens de Yabesh jouent sur le mot qui peut signifier « attaquer » ou « se rendre » (comme au v. 3).

11 Le lendemain, Saül disposa le peuple en trois corps. Ils pénétrèrent au milieu du camp à la veille du matin, et ils battirent les Ammonites jusqu’au plus chaud du jour. Les survivants se dispersèrent, il n’en resta pas deux ensemble.

Saül est proclamé roi.x

12 Le peuple dit à Samuel : « Qui donc disait : « Saül régnera-t-il sur nous ? » Livrez ces gens, que nous les mettions à mort. »

x La suite originelle du v. 11 est au v. 15 ; au lendemain de la victoire, le peuple acclame Saül comme roi. Mais, d’après le récit parallèle, Saül a déjà été proclamé roi à Miçpa, 10.24. Les vv. 12-14 accordent les deux récits Saül n’a pas été reconnu par tous, cf. 10.27, il faut « renouveler » son intronisation.

13 Mais Saül dit : « Personne ne sera mis à mort en ce jour, car aujourd’hui Yahvé a opéré un salut en Israël. »

14 Puis Samuel dit au peuple : « Venez et allons à Gilgal et nous y renouvellerons la royauté. »

15 Tout le peuple alla à Gilgal et là on fit Saül roi devant Yahvé. Là on offrit des sacrifices de communion devant Yahvé. Là Saül et tous les hommes d’Israël se livrèrent à de grandes réjouissances.

Samuel se retire devant Saül.y

12 Samuel dit à tout Israël : « Voici que je vous ai écouté en tout ce que vous m’avez dit et j’ai fait régner un roi sur vous.

y À ce « discours d’adieux » de Samuel, comparer ceux de Moïse, Dt 29.30, et de Josué, Jos 23. Au début de chaque nouvelle étape de l’histoire — la conquête, les juges, la monarchie, — le grand personnage de l’époque qui s’achève rappelle les grandes actions de Dieu dans le passé et promet son assistance pour l’avenir, à condition que le peuple reste fidèle. Pour Moïse et pour Josué, ces « adieux » sont liés à un renouvellement de l’alliance, Dt 31 ; Jos 24, qui est implicite ici, vv. 7-15. Le lieu est probablement Gilgal, comme en 11.15.

2 Et maintenant, voici le roi qui marche devant vous. Pour moi, je suis devenu vieux, j’ai blanchi et mes fils sont là avec vous. J’ai marché devant vous depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour. 3 Me voici ! Déposez contre moi devant Yahvé et devant son oint : de qui ai-je pris le bœuf et de qui ai-je pris l’âne ? Qui ai-je exploité ? Qui ai-je écrasé ? De la main de qui ai-je reçu une compensation pour que je ferme les yeux sur son cas ? Je vous restituerai. » 4 Ils répondirent : « Tu ne nous as ni exploités ni écrasés, tu n’as rien reçu de personne. » 5 Il leur dit : « Yahvé est témoin contre vous, et son oint est témoin aujourd’hui, que vous n’avez rien trouvé entre mes mains. » Et ils répondirent : « Il est témoin. » 6 Samuel dit au peuple :z « C’est Yahvé qui a agi avec Moïse et Aaron et qui a fait monter vos pères du pays d’Égypte.

z Le début de ce discours, v. 6-15, est dans le style deutéronomique.

7 Et maintenant, présentez-vous, je vais discuter avec vous devant Yahvé tous les bienfaits que Yahvé a faits pour vous et vos pères : 8 quand Jacob fut arrivé en Égypte, vos pères ont crié vers Yahvé et Yahvé envoya Moïse et Aaron qui firent sortir vos pères d’Égypte, et qui les installèrent en ce lieu.a

a Ce rappel historique ne reprend pas toutes les étapes de l’histoire d’Israël avec Dieu, mais en offre un raccourci.

9 Mais ils oublièrent Yahvé leur Dieu et celui-ci les a vendus aux mains de Sisera, chef de l’armée de Haçor, aux mains des Philistins et du roi de Moab qui leur firent la guerre. 10 Ils crièrent vers Yahvé : « Nous avons péché, dirent-ils, car nous avons abandonné Yahvé et servi les Baals et les Astartés. Maintenant, délivre-nous de la main de nos ennemis et nous te servirons ! » 11 Alors Yahvé envoya Yerubbaal, Bedân,b Jephté, Samuel, il vous a délivrés de vos ennemis d’alentour et vous avez habité en sécurité.

b Nom d’un juge inconnu par ailleurs.

12 « Cependant, lorsque vous avez vu Nahash, le roi des Ammonites, marcher contre vous, vous m’avez dit : « Non ! Il faut qu’un roi règne sur nous. » Pourtant, Yahvé votre Dieu, c’est lui votre roi ! 13 Maintenant donc, voici le roi que vous avez choisi, que vous avez demandé ; voici que Yahvé vous a donné un roi.

14 Si vous craignez Yahvé et le servez, si vous écoutez sa voix et ne vous révoltez pas contre les ordres de Yahvé, vous ainsi que le roi qui règne sur vous, vous suivrez Yahvé, votre Dieu, c’est bien ! 15 Mais si vous n’écoutez pas la voix de Yahvé, si vous vous révoltez contre les ordres de Yahvé, la main de Yahvé sera sur vous et sur vos pères.c

c Le châtiment à l’égard des pères, à première vue étonnant, peut s’exercer selon la mentalité ancienne par la violation de leur sépulture.

16 « Maintenant encore, présentez-vous et voyez cette grande chose que Yahvé opère sous vos yeux. 17 N’est-ce pas maintenant la moisson des blés ?d Je vais invoquer Yahvé et il fera tonner et pleuvoir. Comprenez et voyez la gravité du mal que vous avez fait envers Yahvé en demandant pour vous un roi. »

d Une époque où il ne pleut jamais en Palestine.

18 Samuel invoqua Yahvé et celui-ci fit tonner et pleuvoir le jour même, et tout le peuple eut une grande crainte de Yahvé et de Samuel. 19 Tout le peuple dit à Samuel : « Prie Yahvé ton Dieu en faveur de tes serviteurs, afin que nous ne mourions pas, car à tous nos péchés nous avons ajouté le malheur de demander pour nous un roi. »

20 Samuel dit au peuple : « Ne craignez pas. Vous avez commis tout ce mal. Seulement, ne vous écartez pas de Yahvé et servez-le de tout votre cœur. 21 Ne vous en écartez pas, car ce serait suivre le vide, ce qui ne sert de rien et ne peut délivrer, car les idoles sont du vide.e

e Le mot « idoles » n’est pas prononcé, mais le pronom pluriel (hemmah en hébr.) suffit à les évoquer pour les condamner.

22 En effet, Yahvé n’abandonne pas son peuple à cause de son grand nom, car Yahvé a voulu que vous deveniez son peuple. 23 Pour ma part, malheur à moi si je pèche contre Yahvé en cessant de prier pour vous. Je vous enseignerai le bon et droit chemin. 24 Craignez seulement Yahvé et servez-le sincèrement de tout votre cœur, car voyez ce qu’il a fait de grand avec vous. 25 Mais si vous commettez le mal, vous périrez, vous et votre roi. »