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Bible de Jérusalem

Ésaïe 40.3-

3 Une voixe crie : « Dans le désert, frayez
le chemin de Yahvé ;
dans la steppe, aplanissez
une route pour notre Dieu.f

e Le prophète laisse délibérément anonyme et mystérieuse cette voix qui obéit à l’ordre du v. 2. Les évangélistes, cf. Mt 3.3 ; Jn 1.23, citant ce texte d’après les LXX (« voix de celui qui crie dans le désert »), l’ont appliqué à Jean-Baptiste annonçant la venue prochaine du Messie.

f Des textes babyloniens parlent en termes analogues de voies processionnelles ou triomphales préparées pour le dieu ou pour le roi victorieux. C’est ici la route sur laquelle Yahvé conduira son peuple à travers le désert en un nouvel Exode. Déjà 10.25-27 avait rappelé les prodiges de l’Exode comme gage de la protection divine. Les prophètes de l’Exil amplifient ce thème. Comme jadis, Dieu va venir sauver son peuple, Jr 16.14-15 ; 31.2 ; 46.3-4 ; 63.9 (qui reprennent Ex 19.4). Le premier Exode, avec ses prodiges, Mi 7.14-15, le passage de la mer Rouge, 11.15-16 ; 43.16-21 ; 51.10 ; 63.11-13, l’eau miraculeuse, 48.21, la nuée lumineuse, 52.12, cf. 4.5-6, la marche au désert, ici vv. 3s, cf. Ba 5.7-9, devient à la fois le type et le gage du nouvel Exode, de Babylone à Jérusalem. — Sur ce thème de l’Exode, voir encore Os 2.16.

4 Que toute vallée soit comblée,
toute montagne et toute colline abaissées,
que les lieux accidentés se changent en plaine
et les escarpements en large vallée ;
5 alors la gloire de Yahvé se révélera
et toute chair, d’un coup, la verra,
car la bouche de Yahvé a parlé. »
6 Une voix dit : « Crie », et je dis : « Que crierai-je ? » g
— « Toute chair est de l’herbe
et toute sa grâce est comme la fleur des champs.

g La voix céleste remplace les théophanies des vocations prophétiques ; 6.8-13 ; Jr 1.4-10 ; Ez 1-2, indice peut-être d’un sentiment plus vif de la transcendance divine. Ici, comme dans ces autres cas, le prophète demande et obtient des précisions sur la mission qui lui est confiée.

7 L’herbe se dessèche, la fleur se fane,
quand le souffle de Yahvé passe sur elles ;
(oui, le peuple, c’est de l’herbe)
8 l’herbe se dessèche, la fleur se fane,
mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais. »

9 Monte sur une haute montagne,
messagère de Sion ;
élève et force la voix,
messagère de Jérusalem ;
élève la voix, ne crains pas, dis aux villes de Juda :
« Voici votre Dieu ! »
10 Voici le Seigneur Yahvé qui vient avec puissance,
son bras assure son autorité ;
voici qu’il porte avec lui sa récompense,
et son salaire devant lui.
11 Tel un berger il fait paître son troupeau,h
de son bras il rassemble les agneaux,
il les porte sur son sein,
il conduit doucement les brebis mères.

h C’est le thème du bon pasteur, énoncé par Jr 23.1-6, développé par Ez 34, et repris par Jésus, Mt 18.12-14p ; Jn 10.11-18.

La grandeur divine.i

12 Qui a mesuré dans le creux de sa main l’eau de la mer,j
évalué à l’empan les dimensions du ciel,
jaugé au boisseau la poussière de la terre,
pesé les montagnes à la balance
et les collines sur des plateaux ?

i L’exaltation de la grandeur divine comparée à la faiblesse de l’homme est un thème fréquent des écrits de sagesse Jb 28 ; 38-39 ; Pr 8.22s ; 30.4. Mais les livres sapientiaux attribuent plus explicitement à la sagesse divine toute cette activité créatrice et ordonnatrice Jb 28.23-27 ; Pr 8.22-31 ; Si 1.2-3.

j « l’eau de la mer » 1QIsa ; « les eaux » TM.

13 Qui a dirigé l’esprit de Yahvé,
et, homme de conseil, a su l’instruire ?
14 Qui a-t-il consulté qui lui fasse comprendre,
qui l’instruise dans les sentiers du jugement,
qui lui enseigne la connaissance
et lui fasse connaître la voie de l’intelligence ?
15 Voici ! les nations sont comme une goutte d’eau au bord d’un seau,
on en tient compte comme d’une miette sur une balance.
Voici ! les îlesk pèsent comme un grain de poussière.

k Les « îles », dont il est souvent question dans le livre de la Consolation, sont les archipels et les côtes lointaines de la Méditerranée, et c’est en ce sens que le mot est ici mis en parallèle avec « les nations ».

16 Le Liban ne suffirait pas à entretenir le feu,
et sa faune ne suffirait pas pour l’holocauste.
17 Toutes les nations sont comme rien devant lui,
il les tient pour néantl et vide.

l « pour néant » 1QIsa ; « moins que néant » (?) TM.

18 À qui comparer Dieu,
et quelle image pourriez-vous en fournir ?m

m Ce v. exprime l’incomparabilité du vrai Dieu, cf. 25.1, qui fonde l’interdiction des images depuis le Décalogue. On a plus tard inséré les vv. 19-20, qui se continuent à 41.6-7 et concernent la fabrication des idoles (cf. la longue add. de 44.9-20). Par ailleurs, la polémique contre les dieux païens est un thème fréquent de la seconde partie d’Isaïe, cf. 41.21 ; 42.8, 17 ; 45.16, 20 ; 46.5-7 ; voir aussi Jr 10.1-6 ; 51.15-19 ; Ba 6 ; Ps 115.3-8 ; Sg 13.11-15.

19 Un artisan coule l’idole,
un orfèvre la recouvre d’or,
il fond des chaînes d’argent.
20 Celui qui fait une offrande de pauvren
choisit un bois qui ne pourrit pas,
se met en quête d’un habile artisan
pour ériger une idole qui ne vacille pas.

n Trad. incertaine. On comprend ce stique comme une opposition au v. précédent.

21 Ne le saviez-vous pas ? Ne l’entendiez-vous pas dire ?
Ne vous l’avait-on pas annoncé dès l’origine ?
N’avez-vous pas compris la fondation de la terre ?
22 Il trône au-dessus du cercle de la terre
dont les habitants sont comme des sauterelles,
il tend les cieux comme une toile,
les déploie comme une tente où l’on habite.
23 Il réduit à rien les princes,
il fait les juges de la terre semblables au néant.
24 À peine ont-ils été plantés, à peine semés,
à peine leur tige s’est-elle enracinée en terre,
qu’il souffle sur eux, et ils se dessèchent,
la tempête les emporte comme la bale.
25 À qui me comparerez-vous, dont je sois l’égal ? dit le Saint.o

o Le Second Isaïe reprend ce titre, cf. 41.14, etc., qu’Isaïe donnait de préférence au Dieu d’Israël, cf. 6.3.

26 Levez les yeux là-haut et voyez :
Qui a créé ces astres ?p
Il déploie leur armée en bon ordre,
il les appelle tous par leur nom.
Sa vigueur est si grande et telle est sa force
que pas un ne manque.

p Littéralement « ces choses », mais le sens est explicité par ce qui précède et suit immédiatement. Les astres forment « l’armée des cieux », cf. 34.4 ; Dt 17.3 ; 2 R 17.16 ; Jr 8.2, etc. Ils étaient divinisés à Babylone où cet oracle a été écrit.

27 Pourquoi dis-tu, Jacob, et répètes-tu, Israël :
« Ma voie est cachée à Yahvé,
et mon droit échappe à mon Dieu ? »q

q Jacob-Israël représente le peuple élu, ici les exilés de Babylone qui se demandent si Yahvé a oublié son peuple, cf. déjà Ez 37.11.

28 Ne le sais-tu pas ? Ne l’as-tu pas entendu dire ?
Yahvé est un Dieu éternel,
créateur des extrémités de la terre.
Il ne se fatigue ni ne se lasse,
insondable est son intelligence.
29 Il donne la force à celui qui est fatigué,
à celui qui est sans vigueur il prodigue le réconfort.
30 Les adolescents se fatiguent et s’épuisent,
les jeunes ne font que chanceler,
31 mais ceux qui espèrent en Yahvé renouvellent leur force,
ils déploient leurs ailes comme des aigles,
ils courent sans s’épuiser,
ils marchent sans se fatiguer.