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Bible de Jérusalem

Proverbes 30-31

VI. Paroles d’Agur

30 Paroles d’Agur, fils de Yaqé, de Massa.q Oracle de cet homme pour Itéel, pour Itéel et pour Ukal.r

q « de Massa » hammassa’î conj ; « l’oracle » hammassa’ hébr. Sur Massa, cf. 31.1. — La Vulgate n’a pas vu ici des noms propres, et interprète ainsi ce titre « Paroles de celui qui rassemble, fils de celui qui vomit ». — Dans le texte grec, 30.1-14 se trouve inséré entre 24.22 et 24.23, et 30.15—31.9 suit 24.34.

r Interprétation incertaine d’un texte sans doute mal transmis. D’autres corrigent la vocalisation et comprennent « Je me suis fatigué, ô Dieu, je me suis fatigué et je suis épuisé » Les versions anciennes témoignent du même embarras Vulg. « Vision dite par l’homme avec qui est Dieu, et qui, Dieu étant avec lui, a été réconforté » Grec « Voici ce que dit l’homme à ceux qui croient en Dieu, et je m’arrête »

2 Oui, je suis le plus stupide des hommes,
sans aucune intelligence humaine,
3 je n’ai pas appris la sagesse
et j’ignore la science des saints.s

s C’est-à-dire des sages, ou « du Saint » (avec pluriel de majesté), c’est-à-dire de Dieu, cf. 9.10.

4 Qui est monté au ciel et puis en est descendu ?
Qui a recueilli le vent à pleines mains ?
Qui dans son manteau a serré les eaux ?
Qui a affermi toutes les extrémités de la terre ?
Quel est son nom ?
Quel est le nom de son fils, si tu le sais ?

5 Toute parole de Dieu est éprouvée,
il est un bouclier pour qui s’abrite en lui.
6 À ses discours, n’ajoute rien,
de crainte qu’il ne te reprenne
et ne te tienne pour un menteur.

7 J’implore de toi deux choses,
ne les refuse pas avant que je meure :
8 éloigne de moi fausseté et paroles mensongères,
ne me donne ni pauvreté ni richesse,
laisse-moi goûter ma part de pain,
9 de crainte que, comblé, je ne me détourne
et ne dise : « Qui est Yahvé ? »
Ou encore, qu’indigent, je ne vole
et ne profane le nom de mon Dieu.
10 Ne dénigre pas un esclave près de son maître,
de crainte qu’il ne te maudisse et que tu n’en portes la peine.

11 Engeance qui maudit son père
et ne bénit pas sa mère,
12 engeance pure à ses propres yeux,
mais dont la souillure n’est pas effacée,
13 engeance aux regards altiers
et aux paupières hautaines,
14 engeance dont les dents sont des épées,
les mâchoires, des couteaux,
pour dévorer les pauvres et les retrancher du pays,
et les malheureux, d’entre les hommes.t

t On ne sait s’il faut appliquer cette description à une catégorie définie, nation ou classe sociale. On propose de corriger me’adam, « d’entre les hommes » en me’adamah, « de la campagne ».

VII. Proverbes numériquesu

15 La sangsue a deux filles : « Apporte ! Apporte ! »

Il y a trois choses insatiables
et quatre qui jamais ne disent : « Assez ! » :

u Le « proverbe numérique » tient à la fois de la maxime, de l’énigme et de la comparaison. Ce procédé littéraire est attesté dans la littérature hébraïque, sous une forme encore imparfaite, dès l’époque prophétique, Am 1.3, 6, 9, 11, 13 ; Isa 17.6 ; Mi 5.4, cf. Ps 62.12s, et reparaît à travers toute la littérature sapientielle, 6.16s et ici 30.15-33 ; Jb 5.19 ; 40.5 ; Qo 11.2 ; 4.12 (?) ; Si 23.16s ; 25.7 ; 26.5-7, 28 ; 50.25 ; cf. 25.1-2. — Le bref recueil 30.15-33 marque un intérêt particulier pour les merveilles de la nature et les mœurs des animaux.

16 le shéol, le sein stérile,
la terre que l’eau ne peut rassasier,
le feu qui jamais ne dit : « Assez ! »

17 L’œil qui nargue un père
et méprise l’obéissance due à une mère,
les corbeaux du torrent le crèveront,
les aigles le dévoreront.

18 Il est trois choses qui me dépassent
et quatre que je ne connais pas :
19 le chemin de l’aigle dans les cieux,
le chemin du serpent sur le rocher,
le chemin du vaisseau en haute mer,
le chemin de l’homme chez la jeune femme.v

v Non pas les manœuvres pour la séduire, mais le mystère de l’union conjugale et de la procréation.

20 Telle est la conduite de la femme adultère :
elle mange, puis s’essuie la bouche en disant :
« Je n’ai rien fait de mal ! »w

w Ce v. semble être une glose maladroite des deux vv. précédents.

21 Sous trois choses tremble la terre
et il en est quatre qu’elle ne peut porter :
22 un esclave qui devient roi,
une brute gorgée de nourriture,
23 une fille odieuse qui vient à se marier,
une servante qui hérite de sa maîtresse.

24 Il est quatre êtres minuscules sur la terre,
mais sages entre les sages :x

x « entre les sages » versions ; « formés à la sagesse » hébr.

25 les fourmis, peuple chétif,
mais qui, en été, assure sa provende ;
26 les damans,y peuple sans vigueur,
mais qui gîtent dans les rochers ;

y Petit mammifère ressemblant à la marmotte, qui vit dans les rochers et se laisse très difficilement approcher. Cf. Ps 104.18 ; Lv 11.5.

27 chez les sauterelles, point de roi !
mais elles marchent toutes en bon ordre ;
28 le lézard que l’on capture à la main,
mais qui hante les palais du roi.

29 Trois choses ont une belle allure
et quatre une belle démarche :
30 le lion, le plus brave des animaux,
qui ne recule devant rien ;

31 le coq bien râblé, ou le bouc,
et le roi, quand il harangue le peuple.z

z D’après le grec. Hébr. « et un roi (ayant) son armée (?) avec lui ». — Le début du v. est également incertain ; au lieu de « coq » (grec, et aussi d’après l’arabe) on a proposé « cigale » (d’après l’akkadien), ou encore « cheval », « zèbre », « lévrier », etc.

32 Si tu fus assez sot pour t’emporter
et si tu as réfléchi, mets la main sur ta bouche !
33 Car en pressant le lait, on obtient le beurre,
en pressant le nez, on obtient le sang,
en pressant la colère, on obtient la querelle.

VIII. Paroles de Lemuel

31 Paroles de Lemuel, roi de Massa,a que sa mère lui apprit.

a « roi de Massa » en liant les deux mots ; « roi ; oracle » (massa’) hébr., cf. 30.1. — Massa est le nom d’une tribu ismaélite du nord de l’Arabie, Gn 25.14. La sagesse des « fils de l’Orient », Nb 24.21, était réputée, cf. 1 R 5.10 ; Jr 49.7 ; Jb 2.11.

2 Quoi, mon fils ! quoi, fils de mes entrailles !
quoi, fils de mes vœux !
3 Ne livre pas ta vigueur aux femmes,
ni tes voies à celles qui perdent les rois.b

b « à celles qui perdent » le moh-ot conj. ; « pour perdre » lamh-ot hébr. — Au lieu de « tes voies » ûderakêka on propose « tes flancs » wirékêka. Grec « et n’expose pas ton esprit et ta vie à des regrets tardifs ».

4 Il ne convient pas aux rois, Lemuel,
il ne convient pas aux rois de boire du vin,c
ni aux princes d’aimerd la boisson,

c L’insistance sur les dangers du vin est un des traits de la morale du désert (cf. les Rékabites, Jr 35, et les Arabes modernes).

d « d’aimer » ’awweh conj. ; hébr. incertain (ketib « ou » ’ô ; qeré « où » ’ê).

5 de crainte qu’en buvant ils n’oublient ce qui est décrété
et qu’ils ne faussent la cause de tous les pauvres.

6 Procure des boissons fortes à qui va mourir,
du vin à qui est rempli d’amertume
7 qu’il boive, qu’il oublie sa misère,
qu’il ne se souvienne plus de son malheur !

8 Ouvre la bouche en faveur du muet,
pour la cause de tous les délaissés ;e

e Sens incertain ; litt. « fils de disparition ».

9 ouvre la bouche, juge avec justice,
défends la cause du pauvre et du malheureux.

IX. La parfaite maîtresse de maisonf

Aleph.

10 Une maîtresse femme,g qui la trouvera ?
Elle a bien plus de prix que les perles !

f Poème alphabétique (cf. Ps 9:-10 ; 25 ; 34 ; 37 ; 111 ; 112 ; 119 ; 145 ; Lm 1-4 ; Na 1.2-8 ; Si 51.13-29 hébr.) en prenant la première lettre de chaque vers (ailleurs de chaque strophe), on retrouve l’alphabet hébreu. — Sur l’interprétation de ce poème, cf. v. 30 et 5.15. Comparer 11.16 ; 12.4 ; 18.22 ; 19.14 et Si 7.19.

g L’expression hébraïque, que le grec et la Vulgate traduisent littéralement par « femme forte », évoque à la fois l’efficacité et la vertu. C’est la parfaite maîtresse de maison.

Bèt.
11 En elle se confie le cœur de son mari,
il ne manque pas d’en tirer profit.
Gimel.
12 Elle fait son bonheur et non son malheur,
tous les jours de sa vie.
Dalèt.
13 Elle cherche laine et lin
et travaille d’une main allègre.
Hé.
14 Elle est pareille à des vaisseaux marchands :
de loin, elle amène ses vivres.
Vav.
15 Il fait encore nuit qu’elle se lève,
distribuant à sa maisonnée la pitance,
et des ordres à ses servantes.h

h Glose probable qui rompt le rythme.

Zaïn.
16 A-t-elle en vue un champ, elle l’acquiert ;
du produit de ses mains, elle plante une vigne.
Hèt.
17 Elle ceint vigoureusement ses reins
et déploie la force de ses bras.
Tèt.
18 Elle sait que ses affaires vont bien,
de la nuit, sa lampe ne s’éteint.
Yod.
19 Elle met la main à la quenouille,
ses doigts prennent le fuseau.
Kaph.
20 Elle étend les mains vers le pauvre,
elle tend les bras aux malheureux.
Lamed.
21 Elle ne redoute pas la neige pour sa maison,
car toute sa maisonnée porte double vêtement.
Mem.
22 Elle se fait des couvertures,
de lin et de pourpre est son vêtement.
Nun.
23 Aux portes de la ville, son mari est connu,
il siège parmi les anciens du pays.
Samek.
24 Elle tisse des étoffes et les vend,
au marchand elle livre une ceinture.
Aïn.
25 Force et dignité forment son vêtement,
elle rit au jour à venir.i

i C’est-à-dire qu’elle envisage l’avenir avec confiance, qu’il s’agisse de la destinée de sa famille, ou de la récompense que Dieu accordera un jour à son zèle.

Phé.
26 Avec sagesse elle ouvre la bouche,
sur sa langue : une doctrine de piété.
Çadé.
27 De sa maisonnée, elle surveille le va-et-vient,
elle ne mange pas le pain de l’oisiveté.
Qoph.
28 Ses fils se lèvent pour la proclamer bienheureuse,
son mari, pour faire son éloge :
Resh.
29 « Nombre de femmes ont accompli des exploits,
mais toi, tu les surpasses toutes ! »
Shin.
30 Tromperie que la grâce ! Vanité, la beauté !
La femme qui craint Yahvé,j voilà celle qu’il faut féliciter !

j Cet éloge de la femme parfaite a peut-être été compris allégoriquement, comme une description de la Sagesse personnifiée, cf. 8.22. C’est ce que semble suggérer une amplification du grec (« Une femme sage sera louée, — la crainte de Yahvé, voilà ce qu’il faut vanter. »), et cela expliquerait que ce morceau, d’ailleurs très beau, ait été placé en conclusion du livre.

Tav.
31 Accordez-lui une part du produit de ses mains,
et qu’aux portes ses œuvres fassent son éloge !