14 Pierre alors, debout avec les Onze,f éleva la voix et leur adressa ces mots : « Hommes de Judée et vous tous qui résidez à Jérusalem, apprenez ceci, prêtez l’oreille à mes paroles.
f Pierre agit en chef du groupe apostolique et apparaît au premier plan, cf. 1.15 ; 2.37 ; 3.4, 6, 12 ; 4.8, 13 ; 5.3, 8, 9, 15, 29 ; 10—11. Voir Mt 16.19 ; Lc 22.32. Jean lui est souvent associé, mais un peu comme une doublure, 3.1, 3, 4, 11 ; 4.13, 19 ; 8.14 ; cf. Lc 22.8.
g Environ neuf heures du matin.
h Add. « Joël ». — Pour la citation des vv. 17-21, texte occ. ; le texte alexandrin tend à revenir aux LXX.
17 Il se fera dans les derniers jours,i dit Dieu,
que je répandrai de mon Esprit sur toute chair.
Alors vos fils et vos filles prophétiseront,
vos jeunes gens auront des visions
et vos vieillards des songes.
i Les temps messianiques.
18 Et moi, sur mes serviteurs et sur mes servantes
je répandrai de mon Esprit.
19 Et je ferai paraître des prodiges là-haut dans le ciel
et des signes ici-bas sur la terre.
20 Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang,
avant que vienne le Jour du Seigneur, ce grand Jour.j
j Le jour de l’avènement glorieux du Seigneur, le « Jour de Yahvé », Am 5.18. Dans la prédication évangélique, ce jour est celui du retour de Jésus, Mt 24.1 ; 1 Co 1.8.
21 Et quiconque alors invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.k
k Les chrétiens se désignent eux-mêmes comme « ceux qui invoquent le nom du Seigneur », 9.14, 21 ; 22.16 ; 1 Co 1.2 ; 2 Tm 2.22 ; le nom de « Seigneur » s’applique non plus à Yahvé, mais à Jésus, cf. Ph 2.11 ; 3.16. Celui qui invoque ce nom — c’est-à-dire qui reconnaît Jésus comme Seigneur — sera sauvé voir 4.12 et Rm 10.9.
22 « Hommes d’Israël, écoutez ces paroles.l Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous, ainsi que vous le savez vous-mêmes,
l Le contenu de la prédication apostolique primitive (kérygme), dont on a ici un premier exposé, nous a été schématiquement transmis dans cinq discours de Pierre, 2.14-39 ; 3.12-26 ; 4.9-12 ; 5.29-32 ; 10.34-43, et un de Paul, 13.16-41. Au centre, un témoignage, 1.8, portant sur la mort, la résurrection du Christ, 2.24, et son exaltation, 2.33 ; 2.36. Puis des détails sur sa mission, annoncée par Jean-Baptiste, 10.37 ; 13.24, préparée par son enseignement et ses miracles, 2.22 ; 10.38, achevée par les apparitions du Ressuscité, 10.40, 41 ; 13.31, et l’effusion de l’Esprit, 2.33 ; 5.32. Enfin, des perspectives plus larges, plongeant dans le passé par les prophéties de l’AT, 2.23 ; 2.25, et regardant l’avenir avènement des temps messianiques et appel des Juifs et des païens à la pénitence, 2.38, pour hâter le Retour glorieux du Christ, 3.20-21. C’est le schéma que suivent les évangiles, développements de la prédication primitive.
m Les prophéties de l’AT prouvent ce dessein de Dieu ; 3.18 ; 4.28 ; 13.29, cf. 8.32-35 ; 9.22 ; 10.43 ; 17.2-3 ; 18.5, 28 ; 26.22-23, 27 ; 28.23 ; Lc 18.31 ; 22.22 ; 24.25-27, 44.
n Ici les Romains. La prédication primitive, v. 22, contient des accusations analogues contre les Juifs, auxquels on oppose l’intervention de Dieu ressuscitant Jésus, 2.32, 36 ; 3.13-17 ; 4.10 ; 5.30-31 ; 7.52 ; 10.39-40 ; 13.27-30 ; 17.31 ; cf. Rm 1.4 ; 1 Th 2.14.
24 mais Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de l’Hadès.o Aussi bien n’était-il pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir ;
o « de l’Hadès » texte occ. ; « de la mort » texte reçu. Cf. vv. 27 et 31. — L’« Hadès » dans les LXX correspond au shéol, Nb 16.33 ; Sg 2.1 ; Mt 16.18.
Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi,
car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas.
p Cité d’après les LXX. Le texte hébreu n’exprimait que le souhait d’échapper à une mort menaçante « Tu ne laisseras pas ton fidèle voir la fosse. » L’argument suppose l’emploi de la version grecque, qui introduit une autre idée en traduisant « fosse » (= tombeau) par « corruption ».
26 Aussi mon cœur s’est-il réjoui
et ma langue a-t-elle jubilé ;
ma chair elle-même reposera dans l’espérance
27 que tu n’abandonneras pas mon âme à l’Hadès
et ne laisseras pas ton Saint voir la corruption.
28 Tu m’as fait connaître des chemins de vie,
tu me rempliras de joie en ta présence.
29 « Frères, il est permis de vous le dire en toute assurance : le patriarche David est mort et a été enseveli, et son tombeau est encore aujourd’hui parmi nous.q
q Sur l’ancienne colline de Sion, en contrebas du Temple, 1 R 2.10. Une interprétation abusive de ce verset a donné naissance à la légende du tombeau de David que l’on vénère aujourd’hui à l’emplacement traditionnel du Cénacle, sur la colline occidentale qui, dès les premiers siècles chrétiens, a reçu le nom de Sion.
30 Mais comme il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône un descendant de son sang,
r Mots inspirés du Ps 118 (v. 16 LXX « La droite du Seigneur m’a exalté »), que la prédication apostolique utilise, le considérant comme messianique : 4.11 ; 1 P 2.7 ; Mt 21.9, 42 ; 23.39 ; Lc 13.35 ; Jn 12.13 ; He 13.6. — Mais on pourrait aussi traduire « Ayant été exalté à la droite de Dieu », et voir là l’introduction de la citation (v. 34) du Ps 110.1, autre thème de la prédication apostolique Mt 22.44 ; 26.64 ; Mc 16.19 ; 7.55, 56 ; Rm 8.34 ; 1 Co 15.25 ; Ep 1.20 ; Col 3.1 ; He 1.3, 13 ; 8.1 ; 10.12 ; 12.2 ; 1 P 3.22.
s Le don de l’Esprit était annoncé par les prophètes pour les temps messianiques, Ez 36.27. C’est par cet Esprit, « répandu », selon l’annonce de Jl 3.1-2, par le Christ ressuscité, que Pierre explique le miracle dont ses auditeurs sont témoins.
Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
Siège à ma droite,
t Le raisonnement paraît être celui-ci David, déposé au tombeau, n’est pas monté au ciel ; ce n’est donc pas à lui que s’adresse l’invitation divine, mais à celui qui est sorti du tombeau. Une var. « lui-même dit en effet », au lieu de « or il dit lui-même », ramène le raisonnement à celui de Mt 22.43-45.
35 jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis un escabeau pour tes pieds.
36 « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ,u ce Jésus que vous, vous avez crucifié. »
u Conclusion de l’argumentation scripturaire c’est par sa résurrection que Jésus a été fait le « Seigneur » dont parle le Ps 110 et le « Messie » (Christ) à qui se rapporte le Ps 16. Argumentation analogue à partir du Ps 2.7 (Fils de Dieu) en 13.33 ; He 1.5 ; 5.5 ; Rm 1.4. Cf. aussi 5.31 (Chef et Sauveur) ; 10.42 et Rm 14.9 (Juge et Seigneur des vivants et des morts) ; Ph 2.9-11 (Seigneur en gloire).
37 D’entendre cela, ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à Pierre et aux apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? »
v Chaque grand discours apostolique se termine par un appel au repentir (cf. Mt 3.2), pour obtenir le pardon des péchés : 3.19, 26 ; 5.31 ; 10.43 ; 13.38 ; cf. 17.30 ; 26.20 ; Lc 1.77 ; 3.8 ; 5.32 ; 13.3.
w Le baptême est donné « au nom de Jésus Christ » (cf. 1.5), on le reçoit « en invoquant le nom du Seigneur Jésus » (cf. 2.21 ; 3.16) 8.16 ; 10.48 ; 19.5 ; 22.16 ; 1 Co 1.13, 15 ; 6.11 ; 10.2 ; Ga 3.27 ; Rm 6.3, cf. Jc 2.7. Cette manière de parler ne vise peut-être pas tant la formule rituelle du baptême, cf. Mt 28.19, que la signification du rite lui-même profession de foi au Christ, prise de possession par le Christ de ceux qui désormais lui seront consacrés.
x La promesse concerne d’abord les Juifs, 3.25-26 ; 13.46 ; Rm 1.16 ; 9.4.
y C’est-à-dire les païens, par allusion à Isa 57.19, cité et expliqué, Ep 2.13-17 ; cf. aussi 22.21.
o En Jésus, les chrétiens reconnaissent le mystérieux « Serviteur » d’Isa 52.13—53.12 (cité partiellement 8.32-33), cf. Isa 42.1. Voir infra v.26 ; 4.27, 30. La glorification que Dieu lui a accordée, c’est sa résurrection, v. 15. Cf. Jn 17.5.
p Cf. Isa 53.12. Même allusion au Chant du Serviteur Rm 4.25 ; 8.32 ; Ga 2.20 ; Ep 5.2, 25 ; 7.52.
q Comme Moïse, 7.35, lui aussi figure du Christ rejeté par ses compatriotes.
r Var. « vous avez renié ».
s Comparer à 4.27, 30 Jésus est « le saint serviteur » de Dieu. Il est également « le Saint de Dieu » et « le Saint » par excellence 2.27 ; Lc 1.35 ; 4.34 ; Mc 1.24 ; Jn 6.69 ; Ap 3.7.
t Cf. Isa 53.11 ; 7.52 ; 22.14 ; voir également Mt 27.19 ; Lc 23.47 ; 1 P 3.18 ; 1 Jn 2.1.
u Le chef qui conduit les siens à la vie, qui leur communique la vie qui lui appartient. La Séquence de la messe de Pâques reprend l’expression Dux vitae mortuus regnat vivus. Le même titre de « chef » est donné, 7.27, 35, à Moïse, figure du Christ. Cf. 5.31 ; He 2.10.
v Dans la conception antique, le nom est inséparable de la personne et participe à ses prérogatives, voir Ex 3.14. Ainsi l’invocation du nom de Jésus, 2.21, 38, évoque la puissance de Jésus 3.6 ; 4.7, 10, 30 ; 10.43 ; 16.18 ; 19.13 ; Lc 9.49 ; 10.17 ; voir aussi Jn 14.13, 14 ; 15.16 ; 16.24, 26 ; 20.31. Mais pour être efficace, cette invocation requiert la foi chez celui qui y recourt, cf. 19.13-17 ; Mt 8.10.
17 « Cependant, frères, je sais que c’est par ignorance que vous avez agi,w ainsi d’ailleurs que vos chefs.
w Semble faire allusion à Lc 23, 34, cf. 7.60.
x Par la « conversion », l’homme « se retourne » spirituellement, cf. Mt 3.2. Les païens doivent revenir à Dieu, en abandonnant les idoles voir 1 Th 1.9 ; Ga 4.9 ; 1 Co 10.7, 14 ; 14.15 ; 15.19 ; 26.18, 20 ; les Juifs doivent se convertir au Seigneur, en reconnaissant Jésus pour Seigneur cf. 2 Co 3.16 ; 9.35. Les termes sont intervertis dans Lc 1.16 ; 11.21 ; cf. 1 P 2.25. Voir également Isa 6.10 cité dans 28.27 ; Mt 13.15 ; Mc 4.12 ; cf. Jn 12.40.
20 et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps du répit.y Il enverra alors le Christ qui vous a été destiné,z Jésus,
y Ce temps coïncide avec celui de la venue du Christ et de la restauration universelle, cf. 1.7 ; Rm 2.6 ; c’était aussi dans la pensée des apôtres le temps de la restauration de la royauté en Israël, 1.6-7. La repentance et la conversion hâtent sa venue, cf. 2 P 3.12.
z Ou « Jésus, qui a été constitué Christ pour vous », cf. 2.36.
a Le retour des Israélites captifs et dispersés a été annoncé par les prophètes comme un prélude à l’ère messianique, Jr 16.15 ; 23.8 ; Os 11.10-11, etc., où régneront paix et bonheur sans fin, Isa 11.1-9 ; 65.17-25 ; Os 2.20 ; Mi 5.6-8. De même, quand le temps sera venu, Dieu enverra Jésus, institué roi messianique depuis sa résurrection, 2.36, qui inaugurera son règne définitif et le renouvellement de toute la création, cf. Rm 8.19 ; 1 Co 15.24-25.
b Add. « depuis les temps anciens ».
c La prédication primitive aime à montrer comment Jésus réalisa les prophéties de l’AT par sa descendance davidique, 2.30 ; 13.34, sa mission de « prophète », successeur de Moïse, 3.22s, cf. Mt 16.14 ; Jn 1.21, ses souffrances, 2.23, son rôle de pierre rejetée par les bâtisseurs et devenue la pierre angulaire, 4.11 ; sa résurrection, 2.25-31 ; 13.33-37, son exaltation céleste à la droite de Dieu, 2.34s.
25 « Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre.
d Réalisant ainsi la promesse rappelée au v. 22, le même verbe grec signifiant à la foi « susciter » et « ressusciter ». Par la résurrection du Christ, Dieu a accompli les promesses faites aux pères, 13.32-34 ; 24.14-15 ; 26.6-8.
e Cf. 26.23 ; 2 Tm 1.10 ; Ga 3.14. Par sa résurrection, le Christ a apporté au monde la bénédiction promise à Abraham, v. 25.
f Autre traduction « pourvu que chacun de vous se détourne de ses perversités ».
k Le nom de Jésus signifie « Dieu sauve », Mt 1.21.
29 Pierre répondit alors, avec les apôtres : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.
f Expression reprise en 10.39 (cf. 13.29). Elle rappelle Dt 21.23, cité en Ga 3.13, cf. 1 P 2.24.
g L’expression correspond à « Prince de la vie », 3.15 ; elle correspond également à « Chef et Rédempteur », dit de Moïse comme figure du Christ, 7.35 (cf. 7.25). Voir également He 2.10 ; 12.2. Il y a un parallélisme latent entre Jésus et Moïse.
h Cf. Mt 10.20 ; Lc 12.12 ; Jn 15.26-27 ; 1.8.
34 Alors Pierre prit la parole et dit : « Je constate en vérité que Dieu ne fait pas acception des personnes,
l Terminologie cultuelle (cf. v. 4). Est agréable à Dieu un sacrifice irréprochable ou celui qui l’offre, Lv 1.3 ; 19.5 ; 22.19-27. Isaïe (Isa 56.7) avait annoncé qu’à la fin des temps les sacrifices des païens seraient agréables à Yahvé ; voir Ml 1.10-11. Cf. Rm 15.16 ; Ph 4.18 ; 1 P 2.5.
37 Vous savez ce qui s’est passé dans toute la Judée :m Jésus de Nazareth, ses débutsn en Galilée, après le baptême proclamé par Jean ;
m Les vv. 37-42 forment un résumé de l’histoire évangélique, cf. 1.21-22 ; 2.22, soulignant les points que Luc lui-même met en relief dans son évangile.
n Var. « le début ».
o « Ressuscité le troisième jour » la formule classique de la prédication et de la foi chrétiennes. Elle apparaît déjà dans le Credo embryonnaire de 1 Co 15.4, avec la précision « selon les Écritures ». La formule fait écho à Jon 2.1 (cf. Mt 12.40) ; voir aussi Os 6.2. On la retrouve dans Mt 16.21 ; 17.23 ; 20.19 ; 27.64 ; Lc 9.22 ; 18.33 ; 24.7, 46.
41 non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec luip après sa résurrection d’entre les morts ;
p Add. occ. « et avons vécu familièrement en sa compagnie pendant quarante jours après sa résurrection d’entre les morts ».
42 et il nous a enjoint de proclamer au Peupleq et d’attester qu’il est, lui, le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts.r
q Le « Peuple » par excellence, c’est le peuple d’Israël, 10.2 ; 21.28.
r Les vivants ceux qui seront en vie au moment de la parousie ; les morts ceux qui, déjà morts, ressusciteront alors pour le jugement. Voir 1 Th 4.13—5.10. — En ressuscitant Jésus, Dieu l’a établi dans sa dignité de souverain Juge, 17.31 ; Jn 5.22, 27 ; 2 Tm 4.1 ; 1 P 4.5 ; l’annonce de la Résurrection est donc en même temps pour les hommes une invitation au repentir, cf. 17.30-31.