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Bible de Jérusalem

1 Maccabées 1-2

PREMIER LIVRE DES MACCABÉES

Introduction au premier livre des Maccabées

I. Préambule

Alexandre et les Diadoques.

1 Après qu’Alexandre, fils de Philippe, Macédonien sorti du pays de Chettiim,a eut battu Darius, roi des Perses et des Mèdes, et fut devenu roi à sa place en commençant par l’Hellade,b

a Les Chettiim, en hébr. Kittim, étaient les habitants de Kition et plus généralement de l’île de Chypre, Gn 10.4 ; 1 Ch 1.7 ; Isa 23.1. Puis le terme s’étendit aux îles, Jr 2.10 ; Ez 27.6, et aux régions situées plus à l’ouest, telle la Macédoine, 8.5, puis enfin au monde romain.

b Le terme n’est pas restreint à la Grèce proprement dite ; l’hébr. Iavân qui lui correspond, Isa 66.19 ; Ez 27.13, désigne avant tout l’Ionie, en Asie Mineure.

2 il entreprit de nombreuses guerres, s’empara de mainte place forte et mit à mort les rois de la contrée. 3 Il poussa jusqu’aux extrémités du monde en amassant les dépouilles d’une quantité de nations, et la terre se tut devant lui. Son cœur s’exalta et s’enfla d’orgueil ; 4 il rassembla une armée très puissante, soumit provinces, nations, dynastes et en fit ses tributaires. 5 Après cela, il dut s’aliter et connut qu’il allait mourir. 6 Il fit venir ses officiers, les nobles qui avaient été élevés avec lui depuis le jeune âge, et partagea entre eux son royaume pendant qu’il était encore en vie. 7 Alexandre avait régné douze ans quand il mourut.c

c En juin 323 av. J.-C. — Cette convocation fit naître l’idée d’un partage à la mort d’Alexandre ; en fait, les tentatives de partage ne triomphèrent de la notion d’empire unique qu’après la bataille d’Ipsus, en 301. Dn 8.12, 22 ; 10.4 fait également allusion à l’éclatement de l’empire.

8 Ses officiers prirent le pouvoir chacun dans son gouvernement. 9 Tous ceignirent le diadème après sa mort, et leurs fils après eux durant de longues années : sur la terre, ils firent foisonner le malheur.

Antiochus Épiphane et la pénétration de l’hellénisme en Israël.d

10 Il sortit d’eux un rejeton impie, Antiochus Épiphane, fils du roi Antiochus, qui, d’abord otage à Rome,e devint roi l’an cent trente-sept de la royauté des Grecs.f

d 175-164. Frère cadet de Séleucus IV et fils d’Antiochus III. — L’épithète royale d’épiphanès (« qui se manifeste avec éclat ») marque la prétention du roi à être la manifestation terrestre de Zeus.

e Antiochus IV avait fait partie des otages livrés par son père aux Romains après la défaite de Magnésie du Sipyle, en 189.

f C’est-à-dire de l’ère séleucide, qui en Syrie débute en automne 312 (date théorique de la fondation d’Antioche) et en Babylonie au printemps 311.

11 En ces jours-là surgit d’Israël une génération de vauriensg qui séduisirent beaucoup de personnes en disant : « Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent, car depuis que nous nous sommes séparés d’elles, bien des maux nous sont advenus. »

g Littéralement « transgresseurs de la Loi », expression qui, dans les LXX, traduit généralement l’hébr. « fils de Bélial », Dt 3.14, etc.

12 Ce discours leur parut bon. 13 Plusieurs parmi le peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, qui leur donna l’autorisation d’observer les coutumes païennes.h

h Littéralement « des nations » ; c’est l’équivalent du mot hébreu goyim qui désigne souvent les nations païennes, par opposition au « peuple (d’Israël) » `am (avec pourtant des exceptions, 3.59 ; 8.23s ; 9.29, cf. Gn 12.2 ; Ex 32.10, etc.).

14 Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon les usages des nations, 15 se refirent des prépuces et renièrent l’alliance sainte pour s’associer aux nations. Ils se vendirent pour faire le mal.i

i La religion, la Loi, les coutumes faisaient des Juifs un groupe séparé, un corps étranger dans le monde oriental, unifié et hellénisé depuis la conquête d’Alexandre. L’assimilation, qui donnait les avantages humains de la civilisation nouvelle, ne pouvait se faire qu’en brisant les cadres qui assuraient la fidélité de la foi. Les innovations ne s’identifiaient pas encore aux pratiques idolâtriques que le roi imposera sept ans plus tard, mais elles multipliaient les occasions d’y prendre part. C’est le drame sous-jacent aux deux livres des Maccabées. Ce mouvement des Juifs philhellènes ne pouvait que trouver un appui auprès d’Antiochus Épiphane, fervent de la culture grecque, cf. vv. 41-51.

Première campagne d’Égypte et pillage du temple.j

16 Quand il vit son règne affermi, Antiochus voulut devenir roi du pays d’Égypte, afin de régner sur les deux royaumes.

j C’est la première campagne contre Ptolémée Philométor, en 169. Elle est omise par l’auteur de 2 M qui ne mentionne que la « seconde attaque », 2 M 5.1, laquelle est omise ici. La suite des faits apparaît plus clairement dans le livre de Daniel, Dn 11.25-27 première campagne ; v. 28 pillage du Temple ; v. 29 deuxième campagne et intervention romaine ; v. 30 répression à Jérusalem ; 31-39 abolition du culte.

17 Entré en Égypte avec une armée imposante, des chars, des éléphantsk (et des cavaliers) et une grande flotte,

k Ils venaient des Indes, et le centre d’élevage de ces animaux de combat, cf. chap. 6, était Apamée.

18 il attaqua le roi d’Égypte, Ptolémée, qui recula devant lui et s’enfuit ; beaucoup d’hommes restèrent sur le terrain. 19 Les villes fortes égyptiennes furent prises et Antiochus s’empara des dépouilles du pays. 20 Ayant ainsi vaincu l’Égypte et pris le chemin du retour en l’année cent quarante-trois, il marcha contre Israël et sur Jérusalem avec une armée imposante.

21 Entré dans le sanctuaire avec arrogance, Antiochus enleva l’autel d’or, le candélabre de lumière avec tous ses accessoires, 22 la table d’oblation, les vases à libation, les coupes, les cassolettes d’or, le voile, les couronnes, la décoration d’or sur la façade du Temple, dont il détacha tout le placage. 23 Il prit l’argent et l’or ainsi que les ustensiles précieux et fit main basse sur les trésors cachés qu’il trouva. 24 Emportant le tout, il s’en alla dans son pays ; il versa beaucoup de sang et proféra des paroles d’une extrême insolence.l

l L’orgueil d’Épiphane, qui s’égalait à Zeus, avait étonné ses contemporains qui, jouant sur son nom, l’appelaient épimanès, « fou ». Cf. 2 M 5.17, 21 ; 9.4-11 ; Dn 7.8, 25 ; 11.36.

25 Israël fut l’objet d’un grand deuil dans tout le pays :

26 Chefs et anciens gémirent,
jeunes filles et jeunes gens dépérirent,
et la beauté des femmes s’altéra.
27 Le nouveau marié entonna un thrène ;
assise dans la chambre, l’épouse fut en deuil.
28 La terre trembla à cause de ses habitants
et la honte couvrit toute la maison de Jacob.m

m C’est la première des compositions poétiques du livre, cf. encore vv. 38-42 ; 2.8-13, 49-64 ; 3.3-9, 45 ; 14.4-14.

Intervention du Mysarque et construction de l’Akra.

29 Deux ans après, le roi envoya dans les villes de Juda le Mysarque,n qui vint à Jérusalem avec une armée imposante.

n « le Mysarque » conj. d’après 2 M 5.24 (qui donne son nom Apollonius) ; grec « préposé aux tributs » ; les deux mots sont très semblables en hébr. — Il commandait aux mercenaires de Mysie, d’où son titre. Il vint à Jérusalem en 167. On le retrouve à 3.10.

30 Il tint aux habitants des discours faussement pacifiques et gagna leur confiance, puis il tomba sur la ville à l’improviste, lui assénant un coup terrible, et fit périr beaucoup de gens d’Israël.

31 Il pilla la ville, y mit le feu, détruisit ses maisons et son mur d’enceinte. 32 Ses gens réduisirent en captivité les femmes et les enfants et s’approprièrent le bétail. 33 Alors ils rebâtirent la Cité de David, avec un grand mur très fort, muni de tours puissantes et ils s’en firent une citadelle.o

o Le nom de « Cité de David » s’était étendu à la grande colline occidentale. Devenu la Citadelle, en grec l’Akra, ce quartier abritera la garnison syro-macédonienne et les Juifs hellénisants. Il sera une menace pour le Temple situé à l’est, en contrebas, sur ce qu’on appelait alors le mont Sion. La toponymie de ce temps ne répond pas à celle de la période davidique, cf. 2 S 5.9.

34 Ils y installèrent une race de pécheurs, des vauriens, et ils s’y fortifièrent ; 35 ils y emmagasinèrent armes et provisions, y déposèrent les dépouilles de Jérusalem qu’ils avaient rassemblées, et cela devint un piège redoutable.

36 Ce fut une embuscade pour le lieu saint,
un adversaire maléfique en tout temps pour Israël.
37 Ils répandirent le sang innocent autour du sanctuaire
et souillèrent le lieu saint.
38 À cause d’eux s’enfuirent les habitants de Jérusalem
et celle-ci devint une colonie d’étrangers ;
elle fut étrangère à sa progéniture
et ses propres enfants l’abandonnèrent.
39 Son sanctuaire désolé devint comme un désert,
ses fêtes se changèrent en deuil,
ses sabbats en dérision
et son honneur en mépris.
40 À sa gloire se mesura son avilissement
et sa grandeur fit place au deuil.

Installation des cultes païens.

41 Le roi publia ensuite dans tout son royaume l’ordre de n’avoir à former tous qu’un seul peuple 42 et de renoncer chacun à ses coutumes : toutes les nations se conformèrent aux prescriptions royales. 43 Beaucoup d’Israélites firent bon accueil à son culte, sacrifiant aux idoles et profanant le sabbat. 44 Le roi envoya aussi, par messagers, à Jérusalem et aux villes de Juda, des éditsp leur enjoignant de suivre des coutumes étrangères à leur pays,

p Cherchant l’unité de son empire, Antiochus Épiphane enjoint aux Juifs des pratiques païennes, abolissant ainsi la charte qu’en 198 Antiochus III leur avait accordée, reconnaissant la Loi de Moïse comme leur statut légal (comme avaient fait les rois de Perse après l’Exil). La fidélité à la Loi devenait ainsi un acte de rébellion politique, d’où la persécution. La liberté religieuse sera rétablie par le rescrit d’Antiochus V, 6.57-61 ; 2 M 11.22-26.

45 de bannir du sanctuaire holocaustes, sacrifice et libation, de profaner sabbats et fêtes, 46 de souiller le sanctuaire et tout ce qui est saint, 47 d’élever autels, lieux de culte et temples d’idoles, d’immoler des porcs et des animaux impurs, 48 de laisser leurs fils incirconcis, de se rendre abominables par toute sorte d’impuretés et de profanations, 49 oubliant ainsi la Loi et altérant toutes les observances. 50 Quiconque n’agirait pas selon l’ordre du roi serait puni de mort. 51 Conformément à toutes ces prescriptions, le roi écrivit à tout son royaume, créa des inspecteurs pour tout le peuple et enjoignit aux villes de Juda de sacrifier dans chaque ville. 52 Beaucoup de gens du peuple se rallièrent à eux, quiconque en somme abandonnait la Loi. Ils firent du mal dans le pays.

53 Ils réduisirent Israël à se cacher dans tous ses lieux de refuge.

54 Le quinzième jour de Kisleu en l’an cent quarante-cinq,q le roi construisit l’Abomination de la désolation sur l’autel des holocaustesr et, dans les villes de Juda circonvoisines, on éleva des autels.

q De l’ère séleucide comptée à partir du printemps. On est en décembre 167.

r L’"Abomination de la désolation", Dn 9.27 ; 11.31, c’est l’autel de Baal Shamem ou Zeus Olympien, édifié sur le grand autel des holocaustes.

55 Aux portes des maisons et sur les places, on brûlait de l’encens. 56 Quant aux livres de la Loi,s ceux qu’on trouvait étaient jetés au feu après avoir été lacérés.

s Livre de « l’Alliance » ou livres de « la Loi » ici le Pentateuque.

57 Découvrait-on chez quelqu’un un exemplaire de l’Alliance, ou quelque autre se conformait-il à la Loi, la décision du roi le mettait à mort. 58 Ils sévissaient chaque mois dans les villes contre les Israélites pris en contravention ; 59 le vingt-cinq de chaque mois,t on sacrifiait sur l’autel dressé sur l’autel des holocaustes.

t Jour anniversaire du roi, cf. 2 M 6.7, qui fut aussi celui de l’inauguration de l’autel. C’est trois ans après, jour pour jour, que Judas célébrera la dédicace du nouvel autel, 4.52s.

60 Les femmes qui avaient fait circoncire leurs enfants, ils les mettaient à mort, suivant l’édit,

61 avec leurs nourrissons pendus à leur cou, exécutant aussi leurs proches et ceux qui avaient opéré la circoncision.

62 Cependant plusieurs en Israël se montrèrent fermes et furent assez forts pour ne pas manger de mets impurs. 63 Ils acceptèrent de mourir plutôt que de se contaminer par la nourriture et de profaner la sainte alliance et, en effet, ils moururent. 64 Une grande colère plana sur Israël.

II. Mattathias déchaîne la guerre sainteu

Mattathias et ses fils.

2 En ces jours-là, Mattathias, fils de Jean, fils de Syméon, prêtre de la lignée de Ioarib,v quitta Jérusalem pour s’établir à Modîn.

u La persécution provoque un sursaut de la conscience religieuse. L’opposition à l’hellénisme prend la forme d’interventions brutales, 2.15-28, ou de résistance passive, 2.29-38, finalement d’une guerre sainte, déjà sous Mattathias, 2.39-48, surtout sous Judas Maccabée, 3 — 5. Celui-ci avait compris que le maintien de la religion était lié à l’indépendance nationale, et c’est pourquoi la lutte continua après que la liberté religieuse eut été reconnue, 6.57-62. Mais ce transfert du conflit sur le terrain politique ouvrait la porte aux compromissions et aux luttes de partis, qui occupent toute la fin du livre. Elles évinceront finalement les préoccupations religieuses et déconsidéreront, aux yeux des hommes vraiment religieux, la dynastie des Asmonéens, issue des Maccabées.

v Chef de la première des vingt-quatre classes sacerdotales, celle de Yedaya, ancêtre des Oniades d’après Josèphe, étant seulement la seconde, cf. 1 Ch 24.7. Mais cette prééminence peut être due à un remaniement du texte après l’accession des Maccabées au souverain sacerdoce, 10.20.

2 Il avait cinq fils :
Jean surnommé Gaddi, 3 Simon appelé Thassi, 4 Judas appelé Maccabée,

5 Éléazar appelé Auârân, Jonathès appelé Apphous.w

w Les surnoms de Gaddi, Auârân, Apphous peuvent signifier « le Fortuné », « l’Éveillé », « le Favori » ; Maccabée peut signifier « qui a la tête en forme de marteau », ou être une forme abrégée de Maqqabyahu, « la désignation de Yahvé », sur la base de Isa 62.2. « Thassi » n’est pas assuré.

6 À la vue des impiétés qui se perpétraient en Juda et à Jérusalem, 7 il s’écria : « Malheur à moi ! Suis-je né pour voir la ruine de mon peuple et la ruine de la ville sainte, et pour rester là assis tandis que la ville est livrée aux mains des ennemis et le sanctuaire au pouvoir des étrangers ?

8 Son Temple est devenu comme un homme vil,x

x « vil » adoxos mss grecs et lat. ; « noble » endoxos grec. Le texte primitif devait porter « non noble » (hébraïsme) et la négation sera tombée par accident ou scrupule.

9 les objets qui faisaient sa gloire ont été emmenés captifs,
ses petits enfants périrent égorgés sur ses places
et ses adolescents par l’épée de l’ennemi.
10 Quelle nation n’a pas hérité de ses droits royaux
et ne s’est emparée de ses dépouilles ?
11 Toute sa parure lui a été ravie.
De libre qu’elle était, elle est devenue esclave.
12 Voici que le lieu saint, notre beauté et notre gloire, est réduit en désert,
voici que les nations l’ont profané.
13 À quoi bon vivre encore ? »
14 Mattathias et ses fils déchirèrent leurs vêtements, revêtirent des sacs et menèrent grand deuil.

L’épreuve du sacrifice à Modîn.

15 Les officiers du roi chargés d’imposer l’apostasie vinrent à la ville de Modîn pour les sacrifices. 16 Beaucoup d’Israélites vinrent à eux, mais Mattathias et ses fils se tinrent ensemble à part. 17 Prenant la parole, les officiers du roi s’adressèrent à Mattathias en ces termes : « Tu es chef célèbre et puissant dans cette ville, appuyé par des fils et des frères. 18 Avance donc le premier pour exécuter l’ordre du roi, comme l’ont fait toutes les nations, les chefs de Juda et ceux qu’on a laissés à Jérusalem. Tu seras, toi et tes fils, parmi les amis du roi ;y toi et tes fils serez honorés de dons en argent et en or ainsi que d’une quantité de cadeaux. »

y Distinction honorifique, héritée de la cour de Perse ; elle comportait plusieurs degrés. Les « amis du roi » avaient accès auprès du souverain, qui leur confiait à l’occasion certaines charges, cf. 3.38 ; 7.8 ; 10.16, 20, 60, 65 ; 11.27, 57 ; 14.39 ; 15.28 ; 2 M 8.9.

19 Mattathias répliqua d’une voix forte : « Quand toutes les nations établies dans l’empire du roi lui obéiraient, chacune désertant le culte de ses pères, et se conformeraient à ses ordonnances, 20 moi, mes fils et mes frères, nous suivrons l’alliance de nos pères. 21 Dieu nous gardez d’abandonner Loi et observances !

z Expression biblique, mais ici le mot « Dieu » est sous-entendu, cf. 3.18.

22 Nous n’écouterons pas les ordres du roi. Nous ne dévierons pas de notre religion ni à droite ni à gauche. » 23 Dès qu’il eut achevé ce discours, un Juif s’avança, à la vue de tous, pour sacrifier sur l’autel de Modîn, selon le décret du roi. 24 À cette vue, le zèle de Mattathias s’enflamma et ses reins frémirent. Pris d’une juste colère,a il courut et l’égorgea sur l’autel.

a Littéralement « (une colère) conforme à la Loi », cf. Dt 13.7-12. — Le zèle pour la Loi est caractéristique de la piété de l’époque. Au siècle suivant, il prendra une tournure plus politique avec le parti des Zélotes.

25 Quant à l’homme du roi qui obligeait à sacrifier, il le tua dans le même temps, puis il renversa l’autel. 26 Son zèle pour la Loi fut semblable à celui que Pinhas exerça contre Zimri, fils de Salu. 27 Mattathias se mit à crier d’une voix forte à travers la ville : « Quiconque a le zèle de la Loi et maintient l’alliance, qu’il me suive ! » 28 Lui-même et ses fils s’enfuirent dans les montagnes, laissant dans la ville tout ce qu’ils possédaient.

L’épreuve du sabbat au désert.

29 Nombre de gens soucieux de justice et de Loi descendirent au désert pour s’y fixer, 30 eux, leurs enfants, leurs femmes et leur bétail, parce que le malheur s’était appesanti sur eux. 31 On annonça aux officiers royaux et aux forces en résidence à Jérusalem, dans la Cité de David, que des gens qui avaient rejeté l’ordonnance du roi étaient descendus vers les retraites cachées du désert.

32 Une forte troupe se mit à leur poursuite et les atteignit. Ayant dressé son camp en face d’eux, elle se disposa à les attaquer le jour du sabbat 33 et leur dit : « En voilà assez ! Sortez, obéissez à l’ordre du roi et vous aurez la vie sauve. » — 34 « Nous ne sortirons pas, dirent les autres, et nous n’observerons pas l’ordre donné par le roi de violer le jour du sabbat. »b

b Ex 16.29 interdit de sortir de chez soi le jour du sabbat, cf. Ex 20.8 ; un des textes de Qumrân, le Document de Damas, fixe, d’après Nb 35.4s, à mille coudées le chemin de sabbat hors la ville, à deux mille s’il s’agit de faire paître un troupeau, et exclut pratiquement toute activité, cf. Ne 13.15s. En fait, les révoltés comprendront vite qu’il leur faut se défendre même le jour du sabbat, v. 40s, et Jésus dira que « le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat », Mc 2.27.

35 Assaillis sans retard, 36 ils s’abstinrent de riposter, de lancer des pierres, de barricader leurs cachettes. 37 « Mourons tous dans notre droiture, déclaraient-ils ; le ciel et la terre sont pour nous témoins que vous nous faites périr injustement. » 38 La troupe leur donna l’assaut en plein sabbat et ils succombèrent, eux, leurs femmes, leurs enfants et leur bétail, au nombre d’un millier de personnes.

Activité de Mattathias et de son parti.

39 Lorsqu’ils l’apprirent, Mattathias et ses amis les pleurèrent amèrement 40 et se dirent les uns aux autres : « Si nous faisons tous comme ont fait nos frères, si nous ne luttons pas contre les nations pour notre vie et nos observances, ils nous auront vite exterminés de la terre. » 41 Ce jour-là même, ils prirent cette décision : « Tout homme qui viendrait nous attaquer le jour du sabbat, combattons-le en face, et ainsi nous ne mourrons pas tous comme nos frères sont morts dans les cachettes. »

42 Alors s’adjoignit à eux la congrégation des Assidéens,c hommes valeureux d’entre Israël et tout ce qu’il y avait de dévoué à la Loi.

c Forme grécisée de l’hébr. hasîdîm, les « Pieux » communauté de Juifs attachés à la Loi ; ils résistèrent à l’influence païenne dès avant les Maccabées, et devinrent la troupe de choc de Judas, cf. 2 M 14.6, mais sans s’inféoder à la politique des Asmonéens, cf. 7.13. D’après Fl. Josèphe, sous le principat de Jonathan, vers 150, ils se différencieront en Pharisiens (Mt 3.7 ; Ac 4.1) et en Esséniens, mieux connus depuis les découvertes de Qumrân (cf. Ant. XIII, 17s).

43 Tous ceux qui fuyaient les mauvais traitements vinrent grossir leur nombre et leur fournir un appui. 44 Ils se composèrent une forte armée, frappèrent les pécheurs dans leur colère et les mécréants dans leur fureur ; le reste s’enfuit chez les nations pour y trouver sauvegarde. 45 Mattathias et ses amis firent une tournée pour détruire les autels 46 et circoncire de force tous les enfants incirconcis qu’ils trouvèrent sur le territoire d’Israël. 47 Ils chassèrent les insolents et l’entreprise prospéra entre leurs mains. 48 Ils arrachèrent la Loi de la main des nations et des rois et réduisirent le pécheur à l’impuissance.d

d Littéralement « ne donnèrent pas une corne au pécheur » ; sur ce symbole biblique de force, cf. Ps 18.3 ; cf. aussi Dn 7—8.

Testament et mort de Mattathias.e

49 Cependant les jours de Mattathias approchaient de leur fin. Il dit alors à ses fils : « Voici maintenant le règne de l’arrogance et de l’outrage, le temps du bouleversement et l’explosion de la colère.

e Ce testament rappelle l’éloge des Pères de Si 44—50.

50 À vous maintenant, mes enfants, d’avoir le zèle de la Loi, et de donner vos vies pour l’alliance de nos pères.

51 « Souvenez-vous des œuvres accomplies par nos pères en leur temps,
vous gagnerez une grande gloire et un nom immortel.
52 Abraham n’a-t-il pas été trouvé fidèle dans l’épreuve
et cela ne lui a-t-il pas été compté comme justice ?
53 Joseph, au temps de sa détresse, observa la Loi,
aussi est-il devenu Seigneur de l’Égypte.
54 Pinhas, notre père,f pour avoir brûlé d’un beau zèle,
a reçu l’alliance d’un sacerdoce éternel.

f L’auteur rattache le grand prêtre contemporain, Simon II, à Eléazar, fils d’Aaron et père de Pinhas, de qui étaient issus Sadoq et les Oniades la légitimité du sacerdoce asmonéen ne lui semble donc pas douteuse.

55 Josué, pour avoir rempli son mandat,
est devenu juge en Israël.
56 Caleb, pour avoir attesté le vrai dans l’assemblée,
a reçu un héritage dans le pays.
57 David, pour sa piété,
hérita d’un trône royal pour les siècles.
58 Élie, pour avoir brûlé du zèle de la Loi,
a été enlevé jusqu’au ciel.
59 Ananias, Azarias, Misaël, pour avoir eu confiance,
furent sauvés de la flamme.
60 Daniel, pour sa droiture,
a été sauvé de la gueule des lions.
61 Et comprenez ainsi que de génération en génération
ceux qui espèrent en Lui ne faibliront pas.
62 Ne redoutez point les menaces de l’homme pécheur,g
car sa gloire s’en va au fumier et aux vers ;

g Sans doute Antiochus Épiphane, cf. 1.10 (et 2.48 ?) ; 2 M 9.9.

63 aujourd’hui il est exalté et demain on ne le trouve plus,
car il retourne à la poussière d’où il est venu
et ses calculs sont anéantis.
64 Mes enfants, soyez forts et tenez fermement à la Loi,
parce que c’est elle qui vous comblera de gloire.

65 « Voici Syméon,h votre frère, je sais qu’il est homme de bon conseil : écoutez-le toujours, il vous tiendra lieu de père.

h Syméon est le nom sémitique du second fils de Mattathias, cf. 2.2, tandis que Simon est un nom grec, choisi pour son homophonie. — Malgré son âge et ses qualités, il ne sera que le troisième à prendre la tête du peuple, cf. chap. 13.

66 Quant à Judas Maccabée, vaillant dès son jeune âge, il sera lui-même le chef de votre armée, il conduira la guerre contre les peuples. 67 Vous autres, adjoignez-vous tous les observateurs de la Loi et assurez la vengeance de votre peuple. 68 Rendez aux nations le mal qu’elles vous ont fait et attachez-vous aux préceptes de la Loi. » 69 Après cela il les bénit et fut réuni à ses pères. 70 Il mourut en l’année cent quarante-six et fut enseveli dans le caveau de ses pères à Modîn, et tout Israël mena sur lui un grand deuil.